c' qui compte c'est pas l'arrivée, c'est la quête - vega

Je sais que je n’ai pas eu la pire enfance du monde, même si je déteste mon père, mes parents n’ont jamais été horribles avec moi, je n’ai pas subi beaucoup de maltraitances que d’autres peuvent subir. Pour m’être renseignée sur le sujet, ouais je m’en sors pas mal. Mais pour autant, je n’ai pas envie que les gens s’imaginent que ma vie a été toute rose, que c’était génial, que j’étais à ma place entre les riches qui venaient au lycée en voiture avec chauffeur. Mais bon, là dessus j’ai fait partie des privilégiés et faut aussi que je reste à ma place pour pas devenir là-dessus ce que je reproche aux mecs qui viennent pleurer à la moindre petite injustice de leur vie comme si ça équivalait à celle des femmes. « Oui, c’était pas le pire truc non plus. » Et j’en suis bien consciente. Ramsay me parle pas de son enfance à lui mais j’imagine que ça a pu être plus dur et que ma petite jeunesse dorée c’est un peu le rêve de beaucoup de monde aussi. Moi ça me fait juste plus rêver depuis longtemps, une des raisons aussi pour lesquelles j’ai suivi ma mère après le divorce, parce qu’elle voulait une vie plus tranquille, plus simple et qu’à ce moment-là, même si les grandes villes me manquaient, je voulais aussi quitter le strass et les paillettes de la vie en penthouse avec vêtements de luxe. On change de sujet pour passer sur un truc plus terre à terre à savoir la confection d’une salade vegan, franchement pas compliquée mais j’ai envie de savoir ce qu’elle vaut avant de la rajouter à la carte. Ramsay entreprend de couper les carottes tout en me posant des questions sur ce qu’il doit faire. J’en profite pour plaisanter, à moitié, sur le manque d’autonomie des hommes. Je ne peux m’empêcher de lever un peu les yeux au ciel quand il me reproche de le mettre dans le même panier que tous les hommes. « Tu vas pas me sortir le not all men ! » Je trouve que ce truc ça illustre vraiment l’ego fragile des hommes qui veulent toujours dire : ah mais moi je suis pas comme ça attention. Mais oui Jean-Michel toi t’es un mec bien, ok, mais c’est pas ça la question. Comme je sais que Ramsay est pas un gros con, je me lance pas dans un explicatif détaillé sur la question mais plutôt sur le fait que vivre en couple avec un homme, ça me semble impossible actuellement. Après je vis avec Elmo donc est-ce que c’est vraiment mieux ? Jules va bientôt partir mais il a été plutôt correct comme coloc, faudrait pas qu’on recrute un deuxième Elmo. « Je sais que tu veux bien faire t’inquiète pas. » Je lui dis, parce que les hommes ont besoin d’être un peu rassuré des fois (tout le temps). « C’est clair ! Ça fait plusieurs années que je vis avec mon meilleur ami et clairement c’est vraiment le mec de base qui fout rien donc bah ça a pété plusieurs fois mais là j’crois qu’il comprend enfin des trucs. Clairement j’pourrais jamais être en couple avec en plus de vivre avec lui et j’pourrais jamais être en couple avec tout court. » Je lui dis en riant.

C'était jamais évident d'avoir tous les aspects des choses qu'on connaissait pas. C'était souvent basé sur des on-dits, des impressions, des clichés aussi, alors j'étais jamais en reste d'en apprendre plus sur les choses que j'connaissais pas. Si Vega m'affirmait que les écoles internationales n'étaient pas aussi merveilleuses que ça, j'pouvais que la croire sur parole. De toute façon, généralement, on était jamais vraiment satisfait de ce qu'on avait. Moi le premier. J'étais éternellement en quête d'autre chose, de mieux, de perfection. Ca se traduisait surtout dans mon travail et dans mon art. J'étais jamais 100% content de ce que je produisais, de ce que j'enseignais. J'avais constamment l'impression que j'pouvais donner mieux. Que j'étais capable d'autre chose. J'étais assez dur avec moi même, mais j'étais assez certain que cette quête d'excellence, c'est ce qui me permettait d'avancer. J'me trompais peut-être, beaucoup pensait que j'étais beaucoup trop psycho-rigide. Mais ça venait pour beaucoup de mes traumas d'enfance, que j'pouvais difficilement apaiser. J'devrais probablement en parler, extérioriser tout ça, mais c'était pas si évident. Alors qu'on s'était mis en cuisine, j'avais demander des consignes très précises à Vega et elle levait les yeux au ciel à ma réflexion. J'souriais en coin. "Naan, j'te ferais pas cet affront." que j'réponds simplement. En vrai, j'pouvais comprendre le point de vue de Vega, et j'avais pas spécialement envie d'entrer dans ce débat avec elle. C'était comme l'histoire de l'école internationale, j'avais pas suffisamment de cartes pour tenir sur la longueur. Mais ce qui était sûr, c'est que j'avais voulu bien faire pour couper ces carottes correctement. J'm'exécutais alors et on se mit à parler du fait de vivre avec quelqu'un. Apparemment, elle avait un coloc qui en foutait pas une ramée. Moi j'avais pas tellement eu ce soucis. Enfin, j'avais longtemps vécu avec Lewis et Skye, ils étaient bien plus jeune que moi, alors j'avais tenté, du haut d'mes vingt trois ans, à l'époque, de mener le truc comme j'avais pu. C'était pas parfait, certainement, mais on s'en était bien sorti. J'crois. Et puis, on avait tous grandi, Lewis était parti et maintenant il ne restait plus que Skye. Elle allait pas tarder à quitter la maison aussi, j'le savais, mais j'préférais pas trop y penser. Parce que la solitude, mine de rien, même si c'était quelque chose que j'disais aimer, j'étais pas certain de vraiment l'apprécier, une fois ma soeur partie. Je riais en même temps qu'elle lorsqu'elle me parlait de ce fameux meilleur ami avec qui elle ne se verrait pas en couple. "En même temps, pour trouver quelqu'un avec qui ça feat vraiment bien, c'est pas évident. Et pis, vivre ensemble, c'est encore différent." Je réfléchissais un peu à tout ce qu'on disait, j'relevais les yeux vers Vega. "Tu penses que l'Humain, il est fait pour vivre seul ou pas?" C'était une question très premier degré, que j'm'étais posé souvent. Alors que j'affirmais aimer la solitude, j'me rendais compte bien souvent, que j'repoussais au maximum le moment où Skye quitterait la maison. Comme si, au fond, j'avais un peu peur de finir seul. Définitivement seul.

Ramsay veut pas poursuivre plus longtemps cette discussion sur le not all men, en même temps je pense que ça tournerait pas à son avantage s’il n’était pas d’accord. J’essaie toujours de donner une chance aux gens et d’essayer de voir les choses à travers leurs yeux, en évitant de les juger, mais par contre il y a certaines réflexions qui peuvent me faire avoir un avis définitif. Si je parle avec quelqu’un et que ça commence à faire des sous-entendus sexistes, racistes, lgbtophobe ou tout truc du même style, ça va être compliqué pour moi de changer d’avis dessus et de vouloir passer au delà de cette impression. Je pense qu’à la première réflexion j’essaye d’entamer un débat, de comprendre un peu, mais si la personne campe sur ses positions ou s’enfonce, c’est mort. Je n’ai pas de temps à perdre à fréquenter des gens avec lesquels je serais toujours en conflits parce qu’on ne partage pas les mêmes idéaux. Quand je dis ça, des fois on me dit que je suis radicale et qu’en fait c’est moi l’intolérante, l’extrémiste dans l’histoire. Ce à quoi je réponds généralement en roulant des yeux et en me barrant parce que sinon la discussion sera beaucoup trop longue et je n’ai pas l’énergie pour ça, j’ai déjà plein de choses dans ma vie qui prennent de l’énergie. L’ouverture du café en fait partie, je ne compte pas mes heures, la preuve je suis encore là le soir à bosser, enfin à faire à manger. Ramsay me pose pas d’autres questions sur la découpe des carottes, je lui parle plutôt du fait que vivre avec quelqu’un, plus précisément un homme, c’est pas un truc facile et que je le vois bien avec ma propre expérience de la colocation, ne m’encourageant pas vraiment à vivre en couple avec un homme. « Ça c’est clair ! Y’a un temps où ça me désespérait un peu de pas trouver quelqu’un mais maintenant ça va mieux. » Je lui dis en haussant les épaules. J’avais l’impression de ne tomber que sur des plans foireux et jamais une belle histoire, même qui dure pas très longtemps mais maintenant j’ai l’impression d’avoir trouvé plein de choses qui m’épanouissent dans ma vie pour ne pas chercher plus que ça une relation amoureuse. Je fais quelques dates, même si j’ai moins le temps en ce moment, mais je ne cherche pas à ce que ça aille plus loin, si c’est le cas tant mieux, sinon ce n’est pas grave. « Oulah….euh...j’pense que c’est une question complexe, genre dissert’ de philo mais j’dirais que ça dépend des gens. Il y a des gens plutôt solitaires ou introvertis qui vont mieux se sentir à pas voir trop de monde et à avoir leur petit chez eux où ils peuvent être seuls et ceux plutôt extravertis et sociables, qui vont déprimer s’ils se retrouvent tout seul. A mon avis tout le monde est un mélange des deux mais avec plus ou moins de part de l’un et de l’autre. » Le philo, psycho, socio, j’en ai fait en cours avant de lâcher mes études, un peu mais je n’ai pas retenu grand-chose et même si ça m’intéresse, notamment sur les sujets qui me tiennent à cœur mais je ne creuse pas non plus trop sur les questions existentielles parce que c’est un coup à phaser pendant deux heures sur le sens de la vie.

Les relations amoureuses, ça avait jamais été au centre de mes principales intentions. C'était un truc qui m'avait toujours passé un peu au dessus. Déjà, à l'époque du lycée, j'avais d'autres trucs à gérer, j'extériorisais beaucoup grâce à la danse, mais les petites amourettes ça avait jamais été mon truc. Et puis le temps avait passé, je m'étais occupé principalement de Lewis et Skye, durant ma vingtaine et là, je venais de choper 35 ans sans vraiment m'en rendre compte. J'sais pas si j'étais fait pour vivre avec quelqu'un, j'avais pas mal de tares, c'était pas des obsessions mais presque. J'étais à la limite du maniaque, chaque chose avait une place et j'tenais toujours à que tout soit en ordre. Bien à sa place. Pour que dans ma tête, ce soit clair. Alors déjà que c'était pas évident avec Skye, parce qu'elle jouait un peu avec ça, j'imaginais pas ce que ça pourrait donner avec une femme. Ca m'était jamais arrivé. Vega elle aussi semblait pas forcément attiré par ce truc là, elle semblait avoir accepté que l'amour c'est pas si facile. Elle me disait que ça la désespérait même, à une époque. J'souris à ses mots. "J'crois qu'en plus, trop attendre de tout ça, ça amène des déceptions aussi." que j'dis doucement. J'avais ressenti ce genre de déception, notamment avec Sara à une époque, quand j'avais ressenti des trucs pour elle et qu'elle ne m'envisageait pas autrement qu'en meilleur ami. A cette époque, j'avais tout gardé pour moi, par pudeur et par envie de garder mon amie près de moi, de pas tout gâcher avec des sentiments amoureux de toutes évidences non réciproques. Ouais, les relations amoureuses, c'était pas mon fort. Alors qu'on avait repris notre petites activités, j'en venais à poser une question bien compliqué à Vega. C'était une question que j'm'étais souvent posé, à me demander si certains être humains étaient fait pour vivre ensemble et si d'autres étaient amené à vivre d'une manière plus solitaire. Alors que j'découpais les carottes, j'écoutais attentivement la réponse de Vega. Sa réponse, j'étais pas mal d'accord sur l'ensemble. J'crois qu'on était tous un mix entre les deux, fallait juste trouver l'équilibre. "et toi alors, tu penses que tu te situes où dans ce mélange?" J'étais toujours curieux d'avoir l'avis de Vega, elle me semblait raisonnée. A force, j'avais terminé la découpe des carottes et j'prenais le soin de nettoyer mon couteau, débarrasser les pelures, faire place net. J'aimais pas tellement le bazar à vrai dire. Une fois que tout était clean, j'reposais mes yeux sur Vega. "Et c'est quoi la suite?" que j'dis avec un p'tit sourire.

Je suis contente d’avoir réussi à dépasser cette envie d’avoir quelqu’un dans ma vie, d’être en couple et d’avoir trouvé d’autres choses pour m’animer, d’autres envies. C’est un truc que j’ai dû déconstruire, parce que dès qu’on est enfant on nous apprend que l’amour, le couple, c’est le goal ultime, on voit des comédies romantiques, on nous parle de la vie amoureuse des gens en permanence comme si c’était la seule chose qui comptait. Et puis on nous apprend que l’amour ça fait souffrir, que ça doit être une passion dévorante un peu violente, que si un garçon à ‘école nous fait vivre l’enfer en étant méchant avec nous c’est parce qu’au fond il nous aime. Comme tout le monde j’ai gobé tout ça pendant des années, jusqu’à me retrouver moi-même dans une relation franchement pas épanouissante qui s’est mal terminée et qui a remis pas mal de choses en question dans ma vie, comme mon avenir à Bowen. Mais même après ça j’ai persévéré un moment, j’ai connu des déceptions, comme si la poisse me suivait à chaque fois. Et à un moment j’ai dit stop, j’ai arrêté de vouloir une relation sérieuse, de vouloir être amoureuse, j’ai renforcé mon cercle d’amis et surtout, ma relation amoureuse je la vis un peu avec le café que je suis en train de construire, c’est beaucoup de travail, de temps, d’énergie et de passion aussi. Je dis pas que je ne serai plus amoureuse, plus en couple ou quoi, mais je ne cherche plus ça pour me sentir full dans ma vie, je suis bien sans, je fais quand même des belles rencontres, qui ne durent pas mais ça ne me dérange plus comme avant. « Clairement ouais, ça fait tomber d’encore plus haut. » Je lui confirme, chaque fois, chaque début de nouvelle relation, j’avais plein d’espoirs pour la suite, je me projetais un peu trop loin sans le vouloir et j’étais ensuite déçue. Un peu comme ça m’a fait de vivre avec quelqu’un, plein d’espoirs et de déceptions, même si en vrai j’ai mis hyper longtemps à être déçue d’Elmo alors que franchement il aurait dû m’agacer depuis bien longtemps ! Donc à la question de Ramsay sur le fait de vivre avec quelqu’un, je lui réponds que comme tout, ça dépend des gens, certains se sentent mieux entourés et d’autres non. Il me demande alors où je me situe. « Je sais pas trop, un peu au milieu en vrai. J’aime bien vivre avec des gens et voir du monde mais des fois j’ai aussi envie d’être tranquille et que personne vienne me déranger. Je pense que ça me dérangerait pas tant de vivre seule du moment que je vois du monde en dehors et je pense qu’avec le café ça sera le cas ! » Je lui réponds en souriant. Et puis vivre avec des gens ça a un avantage non négligeable : ça coûte moins cher et je ne roule clairement pas sur l’or. « Et toi ? » Je lui demande en retour, me demandant comment il se situe par rapport à ça. J’ai avancé sur la découpe des légumes et lui aussi, sa partie du plan de travail est nettement mieux rangée que la mienne mais je m’occuperai de nettoyer plus tard. Je mets l’ensemble des légumes et les pâtes qui viennent de finir de cuire dans un saladier et j’annonce. « Maintenant il faut faire la sauce. Alors il faut tout ces ingrédients là. » Je lui dis en montrant ma feuille de notes, à savoir : du beurre de cacahuète, de la sauce piquante, de la sauce soja, du vinaigre de riz, du sirop d’érable et un peu de gingembre et d’ail que j’ai pris en poudre. « Et après ça sera terminé. » Je sors un bol et deux cuillères pour qu’on puisse faire le mélange.

L'image que j'ai du couple, de l'amour, de ce que c'est des parents, tout ça, tout mon prisme familiale est complètement déformé. J'sais que tout ce que j'ai connu, le modèle dans lequel j'ai grandi, c'est pas la majorité, j'sais au fond que ça peut être différent, j'imagine que ça peut apporter des trucs positifs, mais j'arrive pas à le transposer à moi même. J'aurais trop peur de reproduire les mêmes erreurs, j'aurais trop peur de pas être à la hauteur, de m'faire rattraper par les traumas de l'enfance et de pas réussir à faire quelque chose de bien. Alors les relations, j'les garde à distance. J'me suis pas trop investi. J'ai toujours contourner le truc. Avec Noa, c'est un peu différent en ce moment, mais c'est vraiment que le début de quelque chose. J'sais pas trop différencier les sentiments qu'il y a entre nous. Alors j'me pose pas trop de question. Et Noa non plus elle a pas l'air de se soucier trop de tout ça. Ca fait un p'tit moment de toute façon qu'on ne s'est pas vu. J'crois que Vega, elle avait pas tout à fait le même process que moi mais on en arrivait quand même à la même conclusion. "Exact." que j'dis sans trouver autre chose à rajouter. C'était pas le sujet le plus fun de l'univers, que de parler de déception amoureuse mais j'crois que c'était un peu universel. La conversation avec Vega elle restait assez sérieuse, je l'avais questionné pour savoir si elle pensait que l'être humain était fait pour être seul ou pas. On s'accordait à dire qu'on était tous un p'tit mélange entre la solitude et l'envie de partager, et qu'on était pas tous situé pareil sur cette ligne. "Ouais, c'est un super moyen le café pour être avec du monde, partager, et garder quand même le contrôle. C'est un peu pareil pour moi, à l'école de danse. Si j'veux voir du monde, si j'ai envie de partager, j'ai juste qu'à pousser la porte d'un studio de danse. Et au contraire, si j'ai besoin d'être seul, j'ai mon bureau." C'était p'tete ça la liberté après tout, pouvoir choisir. J'réfléchissais un peu à la question de Vega. "En fait tu vois, autant au travail j'ai ce pouvoir là, de choisir si j'veux être seul ou pas, mais pour le perso, depuis plus de dix ans, j'suis toujours avec Skye et avant avec Lewis. Alors la solitude à la maison, ça existe pas trop. Même si j'le suis, quelqu'un de solitaire dans le fond." Un bon gros paradoxe en fait. J'étais pas un gars très fun, j'étais pas ultra sociale, j'étais plutôt un peu sauvage sur les bords. Mais avec la danse, ça me permettait de m'ouvrir. Ca me coutait pas d'effort sur le moment, mais j'avais toujours un besoin, après, de me retrouver seul. Tandis qu'on discute, on avance toujours sur la salade et on s'attaque à la sauce. J'me penche un peu vers Vega, pour regarder la feuille avec elle, on s'y met. On suit le truc à la lettre, et j'crois que c'est en train de donner un truc vraiment sympa. "Et après on goûte!" que j'rajoute tandis que Vega annonce que c'est la dernière étape. "En vrai, si elle est bonne cette salade, ça t'fait vraiment un plat facile à faire et original. J'vais venir traîner par ici bien souvent." que je rajoute avec un p'tit sourire sincère. Bah ouais, on se sentait bien dans l'espace qu'elle avait crée, Vega.

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étrangement seul dans une

foule très dense. J’contemple ma feuille, j’vois plus d’étoiles mais des astérisques, j’ai du mal à classer mon seum dans une case précise @alaska.  

Je ne pense pas être une personne particulièrement solitaire ou introvertie, j’aime voir du monde, partager et m’enrichir des autres, apprendre d’eux, leur apprendre des choses aussi, échanger. Mais parfois, comme tout le monde, j’ai besoin de me retrouver un peu seule, sans personne à qui parler, juste regarder une série tranquillement dans mon lit. Même si en vrai, dans ces moments-là, je peux aussi être avec Elmo, si on se fait pas la gueule. A regarder une série tous les deux sans rien dire jusqu’à ce qu’un de nous ne lance une conversation et qu’on n’écoute plus du tout la série, ça nous arrive souvent, mais on regarde pas des trucs trop difficiles à suivre en même temps. Donc globalement ça ne me dérange pas tant d’avoir du monde tout le temps autour de moi, temps que c’est des gens que j’aime bien et que parfois je me retrouve seule ou juste avec mes colocataires, ça fait moins de monde. Et en ce moment j’avoue que je me sens un peu seule. J’ai beaucoup de monde qui vient m’aider pour le café, comme Ramsay ce soir, mais la plupart du temps, je suis toute seule, je passe un bon bout de mes journées seule à travailler, à réfléchir, ou avec Nora quand on se retrouve pour travailler sur nos projets respectifs. Du coup j’ai hâte que le café ouvre enfin pour voir du monde défiler quotidiennement, j’espère voir plein de monde parce que ça voudrait dire que le café fonctionne bien. Ramsay lui, avec son boulot aussi il peut voir du monde, mais il a aussi la possibilité de se retrouver tout seul s’il veut, moi ça pourra moins être le cas. Et chez lui, il est entouré un peu malgré lui en vivant avec son frère et sa sœur et seulement sa sœur maintenant. Je ne sais pas si cette situation le dérange vraiment ou pas mais je sais que sa famille, enfin ses frères et sœurs, parce que ses parents il en parle jamais, c’est quelque chose de très important pour lui. Moi je suis fille unique, j’ai des demi-frères et sœurs mais on n’est pas très proches, on se voit rarement alors c’est pas du tout pareil. « Ouais je vois mais genre chez toi, si t’as envie d’être tout seul tu peux aller dans ta chambre tranquille non ? Genre tu vis avec Skye par obligation ou parce que t’aimes bien quand même vivre avec ta sœur ? » Je lui demande, parce que sa sœur c’est une adulte, elle pourrait aller vivre ailleurs s’ils en avaient tous les deux envie donc je me demande si en vrai il a vraiment envie de vivre tout seul. Tandis que notre discussion avance, la recette aussi. On passe à la sauce, qui a l’air hyper simple puisqu’il suffit de mélanger les ingrédients dans les bonnes proportions. « Oui on va goûter. » je lui dis en souriant tandis que je mélange le tout avant de le verser sur les légumes coupés et les nouilles. « C’est ce que je me dis donc j’espère que ça sera bon ! Et j’espère bien que tu vas venir ici souvent. » Je lui dis avec un sourire avant de mélanger le tout et de sortir deux fourchettes pour qu’on goûte. « Maintenant dégustation. » Je dis avant de mettre ma fourchette dans le mélange pour attraper un maximum d’ingrédients différents, histoire de bien goûter le mélange. Je goûte, j’essaie de bien faire attention à toutes les saveurs même si je n’ai pas une grande expertise en cuisine. « C’est vraiment la sauce qui fait tout en vrai. »

Généralement, on m'voit plutôt comme quelqu'un d'assez fermé. J'suis pas hyper engageant comme type, en fait. J'm'en rends compte de plus en plus avec le temps, quand j'me compare avec les gars de mon âge. J'ai pas vécu spécialement d'histoire d'amour, des potes, j'en ai pas des masses non plus, j'ai juste en fait, l'impression d'avoir traversé les années, en m'oubliant un peu. J'repense aux mots de Noa, qui m'avait suggéré un jour d'aller peut-être voir quelqu'un, un psychiatre, ou whatever, juste pour extérioriser mes démons. J'avais juste balayé l'idée d'un revers de la manche mais plus le temps avançait et plus ça devenait une possibilité que j'excluais plus. Mon besoin constant de tout contrôler, et ma fâcheuse tendance à pas me projeter dans le futur et à en être effrayé aussi parfois, c'était assez symptomatique que j'avais besoin d'aide. Mais j'arrivais pas à parler de mon passé à mes amis ou même à mes soeurs et mon frère, alors j'savais pas si j'allais être capable d'en parler avec quelqu'un de totalement inconnu. Alors la solitude, ça faisait partie de moi, entièrement. La question de Vega, j'y songeais un p'tit moment. Je m'étais jamais vraiment posé la question en fait. Ca m'semblait ni l'un ni l'autre. "En fait, ni l'un ni l'autre, j'crois. Quand on est arrivé ici, elle avait genre 10 ans, donc c'était évident qu'elle vive avec moi. Et pis là, elle est encore là. Elle va pas tarder à partir, j'pense. Mais ça m'fait un peu flipper. J'me suis jamais demandé si j'aimais ça, c'était juste comme ça. C'était mon choix de les faire venir ici. Tu vois." J'pouvais pas me plaindre de vivre avec Skye, surtout que j'appréhendais beaucoup le moment où elle partirait. Mais à côté de ça, on se prenait la tête à chaque fois qu'on se croisait. J'devais apprendre à lâcher, à m'dire qu'elle était une adulte et qu'à présent, je n'étais plus responsable d'elle. Pas évident. A force de discuter, la salade avait pris forme devant nos yeux et c'était le moment de goûter. Vega termine de mélanger les légumes avec la sauce et me tend une fourchette. En vrai, c'était plein de couleur, c'était pas mal appétissant. "Quand j'aurais envie d'un peu de compagnie, j'hésiterais pas. Tu crois que ça s'ra assez calme pour venir bosser? C'est un truc que t'imagine?" J'plonge ma fourchette juste après Vega et je prends une belle quantité, pour bien mixer toutes les saveurs. Je goûte, juste après Vega et tout en mangeant, je hoche la tête. J'finis ma bouchée et j'approuve. "Ouaip, cette sauce, c'est une tuerie. Tu la mets avec n'importe quoi et ça devient giga bon. Tu peux décliner à l'infini, avec les légumes de saisons. Franchement, vraiment bien!" J'trouve ça bon. Premier degré. Elle avait trouvé la bonne recette, Vega. Pour sûr.

J’essaie un peu de creuser la relation de Ramsay avec la solitude mais je me dis que c’est peut-être aussi personnel et je ne lui en voudrais pas s’il n’a pas envie d’en parler. Au final le rapport de quelqu’un aux autres et à la solitude peut en dire beaucoup sur ce qu’il est, sur son passé, sa personnalité. Mais je me demande si pour lui vivre avec sa sœur est vraiment un fardeau, quelque chose qui le dérange ou si au final, il a du mal à s’imaginer vivre réellement seul, sans elle. De mon côté je sais que même si la colocation m’embête parfois, qu’il y a eu des prises de tête, que c’est aussi parce que ça coûte moins cher ce qui n’est pas négligeable, j’aime vivre avec des gens, retrouver du monde quand je rentre. Quand je passe une journée pas top, je me dis que le soir en rentrant je pourrais me vider la tête en rigolant avec mes colocs, même si avec Elmo ça a été bien compliqué et que je rentrais plutôt à reculons, quand je rentrais. Ramsay me répond que vivre avec Skye c’est plus une habitude, que ça a été une obligation à une époque mais que maintenant il s’y est fait au final et que ce n’est pas simple de sortir de cette habitude. « Ouais je vois. Ça t’fait flipper parce que tu te dis que t’auras moins un œil sur elle ? » Parce que ça m’a l’air d’être ça quand même, il doit jouer les grands frères protecteurs avec elle mais si elle ne vit plus avec lui, ça sera moins simple. J’ai un peu du mal à imaginer ça, mes parents m’ont laissé libre, un peu trop même et je ne suis pas très proche d’eux, surtout mon père. Ma mère a refait sa vie donc je n’ai pas l’impression que quelqu’un ait vraiment vu le moment où j’ai quitté le nid comme on dit. J’ai même commencé à vivre seule très tôt, enfin dès la fin du lycée, dès que j’ai pu prendre un appartement à mon nom et commencer à travailler pour le payer. On finit par terminer la salade et à pouvoir la goûter mais avant ça Ramsay me demande si le café serait le genre d’endroit où venir travailler. « Ça sera calme ouais, j’imagine pas un truc ultra bruyant avec de la musique et tout. Par contre j’ai pas envie que ça devienne un repère de mecs en stan smith avec des macs, c’est pas trop l’ambiance que j’ai envie pour le lieu. J’ai pas envie que les gens en voyant une ribambelle de gens bosser sur leurs ordis se disent que c’est ce genre d’endroit pas très accessible un peu à la Starbucks où ça fait genre c’est décontracté et ouvert alors qu’en fait le café coûte un bras. » Je ne sais pas si mon explication est très claire mais j’ai vu beaucoup de dérives sur des gens qui viennent dans les cafés bosser et qui en fait en profitent un peu trop sans se rendre compte qu’ils sont pas chez eux. On finit par goûter la salade et en vrai sans la sauce ça serait assez fade et random, mais avec ça rend hyper bien, Ramsay est d’accord avec moi. « Oui, ça sera un peu la salade de saison je pense. » Je confirme.

tw : évocation de maltraitance.

J'avais toujours ce côté très protecteur avec ma fratrie. J'crois que dans le fond, ils m'en voulaient pas, tous, d'avoir ce rôle. Skye, c'était probablement celle qui se rendait le moins compte de la vie qu'on avait mené en Ecosse. A la naissance de Lewis, les choses s'étaient un peu calmé, les coups de mon père s'étaient espacés, mais le violence psychologique à mon encontre et à l'encontre d'Haley avaient continué, longtemps, sans vraiment de pause. Alors forcément, Skye, arrivée la dernière, n'avait jamais réellement conscientisée ce qui se passait dans notre famille. Elle avait essentiellement pris ce déménagement comme un déracinement, elle m'en voulait parfois. J'avais jamais réussi à lui expliquer avec des vrais mots ce qui s'était déroulé en Ecosse pour moi et Haley. J'y arrivais pas. C'était trop vif, trop douloureux, mais je savais que je devrais passer par cette case un jour, pour tenter d'apaiser nos conflits. En attendant, la communication était rompue et l'idée d'un jour la laisser partir vivre toute seule, ça me terrifiait. Je hochais la tête à ce que disais Vega. "Ouais, dans l'idée c'est ça, j'la vois toujours comme cette petite fille que 7 ans que j'ai amené contre son gré ici." Mine de rien, ça me faisait du bien de parler de ça, un peu avec Vega. Elle était toujours de bons conseils et surtout, j'la sentais pas jugeante. On avait clairement pas eu la même enfance, mais elle semblait suffisamment éclairée pour comprendre que le background de chacun était différent et que malheureusement, on devait faire avec, au quotidien, nous poussant parfois à ne pas agir de la meilleure des manières. Laisser de l'espace à ma petite soeur, ça me paraissait difficile et je repoussais le moment au maximum. La conversation avec Vega, elle est simple et j'la questionne un peu sur ce qu'elle voudrait comme ambiance à son lieu. Après, c'est jamais évident de donner une direction généralement c'est les clients qui font le lieu mais j'comprends ce qu'elle veut dire. J'souris, hochant la tête. "Ouais, éviter le truc genre corporate. J'porterais pas de stan smith, j'te promets!" que j'dis en rigolant. De toute façon, c'était pas du tout mon style, j'étais plutôt le genre tenu confortable, jogging en coton et sneakers noires. Mais j'voyais bien évidemment ce qu'elle voulait dire. "J'pense qu'avec la direction que tu veux donner à cet endroit, les clients seront naturellement dans ton mood." De toute façon, la meilleure manière de le savoir, c'était de l'ouvrir, cet endroit. Avec toute cette discussion, on avait fini cette fameuse salade et on la validait, d'un commun accord. J'regardais ma montre et mine de rien, ça faisait un p'tit moment que j'étais là, et la soirée était déjà pas mal avancée. "On range tout ça et j'vais p'tete te laisser Vega. J'passais juste voir comment ça allait et finalement, j'ai pris pas mal de ton temps!" que j'dis alors que je commençais à ramasser un peu tout ce qu'on avait sorti. J'étais pas maniaque, mais j'aimais que tout soit en ordre.

@Vega Clark

Je ne sais pas ce qui a poussé Ramsay à quitter son pays natal ni ce qui le pousse à se montrer si protecteur, mais je me doute que ça doit venir de son passé familial vu comment il a l’air d’avoir pris sous son aile tous ses frères et sœurs. Je comprends que du coup ça ne soit pas facile pour lui de laisser partir sa plus jeune sœur, la dernière à quitter le nid et avec qui les relations semblent être assez conflictuelles. Pourtant il ne pourra pas éternellement la garder avec lui, il va bien être obligé de la laisser quitter le nid et vivre sa vie sans qu’il ait en permanence un œil dessus. J’ai l’impression qu’il se comporte avec elle un peu comme un parent, bien plus que comme un frère et c’est bien confirmé par le fait qu’il ait du mal à la voir autrement que comme la petite fille de sept ans qu’elle était lorsqu’ils sont arrivés à Bowen. « Et pourtant elle a grandi...tu ne peux pas y faire grand-chose à part la laisser prendre son envol. » Même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Avec mes parents je n’ai pas eu ce genre de problèmes, lors de leur divorce je suis partie avec ma mère et je n’ai plus revu mon père depuis et ensuite à dix-huit ans je me suis installée à Bowen, pour quitter la ferme où ma mère s’est installée avec mon beau-père, je ne m’y sentais pas du tout à ma place. Ma mère était trop occupée avec les enfants de mon beau-père et leur petite famille en mode petite maison dans la prairie pour se préoccuper de moi. Je pense que je lui rappelais trop mon père et que le fait de me voir moins souvent lui allait bien. Aujourd’hui ça va mieux, on se voit plus régulièrement et je me sens mieux dans cette famille qui n’est pas vraiment la mienne, mais il a fallu du temps. « J’ferai une exception pour toi, t’as le droit de venir en stan smith si tu veux. » Je lui dis en riant, je ne compte pas interdire l’entrée aux gens avec des stan smith aux pieds, j’en ai moi aussi d’ailleurs dans mes paires de chaussures mais j’ai juste envie de garder une ambiance sympa et pas que ça devienne un espèce d’espace de co-working pour start-upper de cryptomonnaies ou ofm, aka only-fan manager. Oui ce métier existe, enfin si être un mac est un métier, parce que bon ça essaie de faire genre c’est des managers et tout mais je vois pas la différence avec un mac qui vient prendre 50 % des revenues de la femme qui fait tout le boulot. Mais bon c’est pas le sujet là. « Oui j’espère qu’avec la déco et la com’, le mood des gens suivra et au pire je recadrerais un peu le truc, tant pis si ça me fait perdre des clients. » Je préfère avoir un peu moins de monde et garder l’âme du lieu plutôt que de tout lisser pour que ça plaise à tout le monde mais qu’au final ça ressemble à n’importe quel café classique. On finit notre salade, qui est plutôt une réussite et Ramsay me dit qu’il doit filer. « T’inquiète pas ! Au moins j’ai pu avoir un avis pour un de mes plats et puis c’est cool de discuter avec toi. » Je lui dis en rangeant un peu ce qui traîne encore.

fin ?