Oh girls, they wanna have fun + Ezekielle

Sara avait les bras chargés de vêtements tous plus colorés et mignons les uns que les autres, alors qu'elle continuait de remonter les rayons de la petite boutique pour enfants. Elle ne savait pas si cette enseigne avait ouvert en son absence ou simplement si elle n'y avait jamais mis les pieds avant, parce qu'elle n'avait pas d'enfant, mais elle avait clairement envie de tout acheter à ce moment précis ! Alice était, comme sa mère, une petite portion, elle était, par exemple, parmi les plus petits de sa classe, mais ça n'empêchait que Sara avait l'impression qu'elle devait constamment lui acheter de nouveaux vêtements tellement elle grandissait. Ce qui n'était pas une si mauvaise chose, la brune s'éclatait à habiller sa fille, elle craquait volontiers, bien plus que pour elle-même. Cela faisait quelques mois qu'elle était revenue à Bowen et elle retrouvait doucement ses marques. Aujourd'hui elle ne travaillait pas, mais Alice était à l'école alors elle avait tout le temps qu'elle voulait, juste pour elle, ce qui était agréable, finalement. Elle songeait à aller prendre un café juste à côté, tout en cherchant la taille d'une robe quand elle remarqua une blonde de dos. Excusez-moi, vous avez cette robe en trois ans ? Elle n'avait pas tellement fait attention à qui elle s'adressait, pensant être la seule cliente dans le magasin, ce ne fut que quand la blonde se retourna qu'elle la reconnue. Ezekielle ? Oh pardon ! Qu'est que tu fais là ?! Elle s'attendait à tout sauf retrouver sa vieille amie ce jour-là. Mais la surprise était bonne, Sara n'ayant pas encore eu le temps de renouer avec tout le monde depuis l'été dernier.

@Ezekielle Wakefield

Ca arrivait régulièrement, que Sara se retrouve nez à nez avec des personnes de son passé. C'était un des risques d'être revenue à Bowen sans avoir prévenu de son retour. Il était évident qu'elle avait spontanément repris contact avec plusieurs personnes, elle n'avait pas attendu de tomber par hasard sur ses amis pour leur faire la surprise. Mais elle n'avait pas pour autant eu envie de faire la liste des personnes à contacter, elle était d'avis que ça se ferait naturellement. Quitte à en froisser certains au passage, même si ce n'était pas son but, de toute façon, elle n'était plus à une entorse près, pour beaucoup, la brune était une énigme, un courant d'air. Mais Ezekielle, c'était une réelle grosse surprise. Sara savait que la blonde avait quitté l'Australie pour retourner en Argentine depuis quelques années déjà, à cette époque, elles étaient toujours en contact. Puis il fallait avouer que les échanges s'étaient amoindris, jusqu'à ne plus être du tout. Sara avait un peu fait l'autruche depuis la naissance d'Alice. Ca n'avait pas été qu'avec Eze, c'était juste plus simple de ne plus donner de nouvelles que de mentir sur l'identité du père de sa fille. Pourtant, elle aimait énormément cette femme, elles avaient été de très bonnes amies et la revoir aujourd'hui emplissait l'australienne de joie. Oh je vois. Qu'elle répondit distraitement en essayant tout de même de se remémorer qui était Billie. Puis ses yeux s'écarquillèrent en comprenant pourquoi elle ne se souvenait pas de ce prénom. Billie, ta fille ? C'est pas vrai ! Les deux amies avaient l'air comme hystériques toutes les deux dans le magasin. Et pour cause, elles réalisaient en même temps qu'elles étaient mamans. Va acheter ton billet alors. Et prends-en un pour moi ! Tu es maman, oh Eze, je suis tellement contente pour toi ! Elle souriait avec émotion, il ne lui en fallait pas beaucoup, à la jeune femme, pour que les larmes montent. Ma fille s'appelle Alice, elle aura quatre ans en avril.

En quittant l'Australie, Ezekielle avait une vie complètement différente. Nomade, indépendante et libre comme l'air. Être la maman de Billie ne l'avait pas tant changée, elle restait la même au fond, mais certaines choses évoluaient. Pour le bien-être de sa fille, elle avait du faire quelques changements dans ses habitudes. Du haut de ses quelques années de vie, Billie Lou avait besoin d'une certaine stabilité, ce qu'Ezekielle lui procurait par des routines bien à elles. Elles avaient légèrement voyager, certes, mais beaucoup moins que lorsqu'elle n'était qu'une jeune voyageuse. Elle se réconfortait en se disant qu'elle vivait une aventure tout à fait différente, mais oh combien enrichissante ces trois dernières années. Puis, sa fille grandirait et elle comprendrait davantage ce que représente toute la beauté du monde. Pour l'instant, Ezekielle se retrouvait dans son Australie adorée, avec elle. Le meilleur de tous les mondes. Dans la boutique, les deux amies se réjouissaient. Non seulement elles se retrouvaient, mais Sara était elle aussi devenue maman. Elle rigola face à la réaction de son amie. « Si on gagne le gros lot, on partage ! » L'argent n'avait jamais été une grande nécessité pour elle, qui se débrouillait toujours où qu'elle soit. « Sara, et moi donc. Je suis très heureuse pour toi aussi », poursuit la blonde. Son amie lui présenta indirectement sa fille, Alice, qui était un tout petit peu plus vieille que la sienne. « Je suis certaine qu'Alice et Billie s'entendront aussi bien que leurs mamans, on pourra se faire des play dates ! » poursuit-elle, emballée par l'idée de voir leurs filles grandir ensemble. Car bien que l'appel du voyage se ferait sentir à nouveau, Ezekielle ne comptait pas quitter l'Australie de sitôt. L'émotion monta en Sara et ses larmes de joie contaminèrent la voyageuse. « Tu vas me faire pleurer ! », lança-t-elle, essuyant une larme au coin de son oeil.

Revenir ici avait semblé la chose la plus naturelle au monde pour Sara. Après tout, elle avait quitté Bowen pour se rapprocher de ce père qu'elle connaissait si peu et en six ans elle avait tissé un lien si fort avec lui. Elle avait toujours ses parents ici, son beau-père qu'elle avait toujours appelé papa et le fait de se rapprocher de son père biologique n'avait rien changé à ça. Mais elle avait offert au chinois de connaître sa fille, ainsi que sa petite fille, en trois ans Alice était, elle aussi, devenue très proche de son papi. Malheureusement, il avait fallu que la maladie l'emporte, fulgurante, sans appel. La brune avait été dévastée par cette vérité, qui la mettait également face à une autre vérité qu'elle refusait, celle de voir un jour Woody dans ce genre d'état. Pourtant, l'histoire n'en était pas encore là et une fois que son père eut tiré son ultime révérence, elle avait admis qu'il était temps de retourner chez elle. Alice ne connaissait pas l'Australie, elle n'avait quasiment vu sa famille qu'à travers un écran, il fallait qu'elle les rencontre, qu'elle ressente ce lien familial si cher à sa maman. Sara ne regrettait pas cette décision, c'était un bonheur sans nom que de voir sa fille s'épanouir auprès de sa tante et de ses autres grands-parents. Quant à elle, elle était heureuse de retrouver la maison. Et ses amis. Comme Ezekielle aujourd'hui. Si on gagne le gros lot, on fait un gros voyage ensemble avec nos filles, oui ! Qu'elle ajouta en riant. Mais en vérité, Sara non plus, l'argent ce n'était pas sa priorité, elle se contentait d'une vie simple fait de petits bonheurs. Les deux amies s'imaginaient déjà se présenter leurs filles, c'était si naturel, évidemment que les enfants s'entendraient bien ! On fera ça, c'est obligatoire, j'ai tellement hâte ! Sara était sur son petit nuage d'avoir retrouvé Eze, c'était définitivement une bonne journée. Ne me fait pas ces yeux-là, si tu pleures, je pleure. Et voilà qu'elles s'essuyaient toutes les deux les yeux au milieu du magasin. Bon, si on allait prendre un verre au café d'en face au lieu de rester planter là ? Je crois qu'on a plein de choses à se raconter. Sara laissait déjà ses achats de côté, elle reviendrait plus tard.

Alice avait pris beaucoup de traits de caractère de sa mère, ou peut-être était-ce parce que Sara était seule pour l'élever jusqu'à aujourd'hui. Elle était douce et discrète, plutôt réservée et rêveuse. Elle pouvait passer des heures à faire des dessins ou à cueillir des fleurs dans l'herbe. Elle avait peur de l'eau et les vagues sur la plage l'impressionnaient énormément pour l'instant. Quelque part, Sara était soulagée que sa fille ressemble physiquement à son père, mais n'ait pas hérité de son caractère très affirmé, elle se souvenait du Woody enfant et il n'était pas évident à gérer pour ses parents ! La petite n'avait que trois ans, il était possible qu'elle change en grandissant, auquel cas, la jeune maman s'adapterait, de toute façon, elle resterait toujours son petit miracle, sa merveille. Elle était sincèrement heureuse à l'idée qu'Alice puisse rencontrer une petite copine son âge. Peut-être qu'elles allaient être dans la même école avec Billie et même si ce n'était pas le cas, elles se verraient à l'extérieur, ce pourrait devenir une belle amitié. Les deux mamans avaient tout le temps pour se présenter leurs filles et si chacune avait hâte, elles avaient aussi beaucoup de choses à rattraper ensemble, c'était bien de passer un peu de temps sans les enfants. Elles se dirigèrent vers le café, commandèrent leur boisson, un thé pour Sara et de quoi grignoter, puis trouvèrent une table dans un coin tranquille. Hmm, par où commencer ? J'ai passé six années tellement différentes de ma vie à Bowen. C'était bouleversant, dépaysant la Chine. C'était parfois difficile, mais j'ai découvert un pays extraordinaire. J'ai appris à connaître mon père et sa culture, quel choc, quelle expérience ! J'ai été accompagnée d'un homme merveilleux qui m'a rendue heureuse même si je n'étais pas amoureuse de lui, je suis reconnaissante de pouvoir dire qu'il est devenu et restera l'un de mes meilleurs amis maintenant. Sara avait hâte qu'Ian puisse venir lui rendre visite à Bowen, si leur histoire n'avait pas vraiment tourné comme il l'aurait voulu, il y avait toujours énormément d'affection entre eux et elle aimerait lui faire découvrir son pays. Le britannique lui avait promis de venir quand elle serait bien installée. Et puis Alice, mon bébé surprise, elle était la pièce manquante qui me rend infiniment comblée. C'était plutôt une bonne façon de résumer ces quelques années, elle était également curieuse de connaître l'histoire d'Ezekielle. Et toi, raconte-moi !

La Chine, oui. Pour Sara, qui n'était pas une grande voyageuse, ç'avait un sacrée grand pas, que de tout quitter de ses habitudes pour s'installer dans ce pays si particulier. Tout était différent là-bas, tellement bouleversant. Probablement que si son père n’ y avait pas vécu, si une partie de son histoire n'y était pas écrite, elle n'aurait jamais eu le courage de se lancer. Mais Sara était fière d'avoir osé. Elle avait découvert une culture extraordinaire, des personnes formidables, elle avait appris à aimer cet homme qui ne l'avait pas élevé mais qui avait malgré tout l'amour d'un véritable papa. Et puis elle avait visité, Pékin, évidemment, les montagnes, la campagne ou encore Hong Kong et tant d'autres beaux endroits. Elle avait emmené Woody dans ses valises, une fois sans savoir qu'elle ramènerait, grace à lui, un souvenir indélébile de cette pérégrination. Alors oui, la Chine, quelle merveilleuse expérience de vie. Je suis tellement reconnaissante qu'il m'ait laissé entrer dans sa vie, c'était un homme extraordinaire. Je comprends que ma mère soit tombée amoureuse de lui. Ajouta-t-elle dans un sourire empreint de tendresse. Ezekielle écoutait, sans juger, ce récit hors du commun. Elle posait des questions sans jamais être intrusive. Ian, il est britannique, professeur d'anglais, on était collègues, tout simplement. Je te le présenterai quand il se décidera à venir me rendre visite. Elle savait qu'il avait peur de l'avion, ils partageaient cette même phobie, alors il lui faudrait du courage pour faire le déplacement. Un bébé surprise, oui. Je ne voulais pas d'enfant, du moins pas à ce moment-là. Mais elle s'est nichée au creux de moi et je l'ai aimé tout de suite si fort. C'était particulier, Sara était encore avec Ian quand elle était partie en vadrouille avec Woody. Et inévitablement, à force de passer du temps ensemble, de dormir ensemble toutes les nuits, ils ont fini par se retrouver physiquement. Elle avait trompé son compagnon et elle n'en était pas fière, mais Woody, cette attracion, ce besoin de lui, c'était plus fort que tout. Jamais elle n'aurait cru qu'un enfant allait naître de ces écarts. À présent, c'était à son tour d'écouter l'histoire de son amie. Tu as bien fait de profiter de ta grand-mère. Cette fameuse pandémie qui avait fait s'arrêter le monde. La Chine, particulièrement d'ailleurs. Sara avait mis au monde sa fille à cette période critique et ç'avait été une grosse période de stress pour elle. Le récit d'Ezekielle fit frissonner la jeune femme, ce bébé orphelin, cette rencontre. C'est comme si c'était écrit que vous vous trouviez toutes les deux. C'est si beau Eze ! Elle avait également les larmes aux yeux. Parfois, la vie mettait des petits êtres sur notre chemin, enfant biologique ou non, qu'importe, c'était une histoire de destin, de rencontre. Je te comprends, l'Australie, Bowen, c'est la maison. Et regarde, on se retrouve toutes les deux ! Je suis tellement contente ! Et j'ai si hâte de rencontrer ta Billie. Comment est-elle ? Est ce qu'elle est blonde, ou pas du tout ?! L'enthousiasme de Sara était palpable, elle était sincèrement heureuse.

Sara n’avait aucune envie que Ian devienne un étranger pour elle, il avait compté et comptait toujours dans sa vie. Elle continuait à communiquer avec lui, ils se faisaient des visios pour que le britannique puisse voir grandir Alice, c’était réellement important pour elle. Et elle avait vraiment envie qu’il vienne découvrir son quotidien ici à Bowen, rencontrer ses amis, pourquoi pas. Elle était certaine qu’Ezekielle lui plairait d’ailleurs. Elle sourit chaleureusement à la blonde. Cette femme était exceptionnelle, elle ne jugeait jamais, elle avait toujours un regard bienveillant sur les autres. Et une philosophie de vie bien à elle. Là où Sara était bien plus terre à terre, bien plus cartésienne, Ezekielle était un ovni pour elle. Elle avait cette façon de pensé si libre, si simple, ce regard sur la vie et le monde qui l’entourait tellement doux. Ainsi, pour elle, Alice l’avait choisie pour une bonne raison. Au fond, c'était aussi ce que Sara pensait, mais elle n’osait pas forcément l’exprimer haut et fort, c’était pourtant ce qu’elle avait ressenti dès qu’elle avait appris qu’elle était enceinte. Elle l’écouta à son tour lui raconter son histoire et les larmes ne tardèrent pas à monter, c’était une si belle rencontre, une évidence entre la journaliste et cette petite fille, elles devaient être réunies. C’était le genre de récit qui rendait la maîtresse d’école toute chose, d’autant plus quand il s’agissait d’une de ses amies. Elle se montra curieuse de savoir comment Billie était physiquement, en soi ça ne faisait aucune différence, mais elle avait envie de s’en faire une idée, un portrait, avant de la rencontrer en vrai. Ainsi, elle aurait pu être sa fille biologique, même blondeur, même douceur, même si, sur ce point-là, Sara avait un doute. Je pense surtout que c’est la façon dont tu l’éduques qui fait d’elle une si belle personne. Tu es la bienveillance incarnée, elle ne peut que te ressembler. Elle rit à l’évocation de l’appareil photo. C’est une mini toi ! Ce fut au tour de Sara de décrire sa fille. Alice, c'est le portrait de son père. Elle a des yeux clairs, un regard espiègle. Elle est charmeuse, comme lui. C’était le plus difficile pour Sara, de constater que sa fille lui rappellerait toujours son Woody, même s’ils ne formeraient probablement jamais une famille. Sara réalisait en lui parlant qu’elle n’avait pas dit à Ezekielle qui était le père d’ailleurs. C’est Woody, son père. Mais heureusement, elle a hérité de ma douceur ! Qu’elle s’empressa de conclure avec un petit sourire.