Ain't we all just runaways? + Milo

Léo se débattait avec la poussette dans ce minuscule ascenseur, il savait pourtant que la cabine était étroite et qu'il aurait dû prendre le porte-bébé. Mais si Kai venait à s'endormir, elle serait mieux dans un landau et puis, honnêtement, il était nul avec le porte-bébé. Il ne comprenait pas comment ça fonctionnait, il avait toujours peur qu'elle tombe, aucune confiance en ce bout de tissu. C'était étrange, pour Emerson de sortir avec le kit complet du parfait papa, poussette, sac à langer, biberons, la vraie panoplie. Il n'avait pas encore fait beaucoup de sorties depuis que la petite était arrivée chez lui, il avait besoin de prendre ses marques. Mais ce soir, il avait rendez-vous chez Milo, les deux cousins ne s'étaient pas vu depuis un petit moment. Néanmoins, le photographe avait appris par Freja que son cadet n'était pas très en forme en ce moment, pas très à l'aise dans son rôle de jeune papa. Quand elle lui avait parlé de ça, en Italie, Léo n'avait pas encore récupéré Kai, il était loin de penser qu'il se retrouverait, lui aussi, dans cette exacte situation. Cependant, lui avait déjà connu ça, cette sensation de ne pas être assez bon, de tout faire de travers, d'être incapable de s'occuper d'un petit humain. Et il s'en était quand même sorti, la preuve, Jonah se portait comme un charme. Alors il comptait bien prouver à Milo qu'il en était tout à fait capable lui aussi. Il arriva devant la porte de l'appartement et sonna. Il avait hâte de voir la tête de son cousin quand il le verrait débarquer avec un bébé lui aussi. Dans la précipitation, il n'avait pas vraiment pris le temps de prévenir tout le monde ce petit bouleversement dans sa vie. Quand la porte s'ouvrit, Léo afficha un large sourire. Salut ! J'ai des bières et aussi du vomi plein mon t-shirt, t'en aurais un à me prêter ? quelle magnifique entrée en matière !

@Milo Putskowski

Il était encore difficile pour toi de te faire à l’idée d’être père. C’était quelque chose qui avait du mal à passer dans ta tête. Tu étais encore un enfant, encore à gérer ton abstinence et tes démons. Et avec un enfant dans l’équation, c’était encore plus difficile. Ta relation avec Effy n’arrangeait pas les choses, tu étais vraiment perdu, tu te sentais vraiment seul. Un moment avec ton cousin, c’était un moment dont tu avais besoin. Alors tu avais répondu présent quand Léo t’avait envoyé un message pour que vous vous voyez. William était encore avec Freja, comme d’habitude, hein. Et tes colocs n’étaient pas là, t’avais besoin d’un peu de compagnie. Alors tu avais préparé une cafetière pleine de café. C’était ton petit plaisir maintenant que tu pouvais plus boire une bière comme tout le monde. Et tu entendais quelqu’un arriver, alors tu t’empressais d’aller ouvrir la porte. Mais quelle fut ta surprise quand tu voyais ton cousin mais avec… UN ENFANT ? Qu’est-ce que tu avais encore manqué ? « Je… ouais bien sûr, entres ! » dis-tu tout stupéfait. Tu laissais ton cousin entrer dans l’appartement et tu partais dans ta chambre chercher un t-shirt pour le prêter au français. « Y’a une femme dans le monde que t’as mis en cloque et elle te l’a dit trop tard ou c’est comment ? J’crois que j’ai besoin d’explication là ! » dis-tu avec un léger rire en lui lançant le t-shirt dessus.

Léo avait eu son fils à vingt-neuf ans, sans jamais avoir songé devenir père un jour. Ou plutôt, en s’étant toujours dit qu’il n’aurait jamais d’enfant. À l’époque, il détestait son propre père, ce qui n’avait pas tellement changé depuis et il avait trop peur de lui ressembler un jour, ça non plus ça n’avait pas changé. Il avait donc peur de transmettre ce patrimoine génétique de merde à un enfant, plutôt crever, qu’il se disait, avant. Et puis Jonah avait bouleversé toutes ses certitudes, ce petit garçon lui avait fait comprendre que certes, il y avait la génétique, mais qu’il y avait surtout l’éducation, l’ouverture sur le monde, le dialogue, l’amour aussi, l’amour bordel ! Parce qu’il l’aimait son fils, il aimait passer du temps avec lui, il lui avait appris à être papa et Léo aimait énormément être son père. Ça ne lui avait pas forcément envie de faire d’autres enfants, mais au moins, il l’avait lui et il le rendait heureux. Peut-être que Milo ne voyait pas encore les choses ainsi, peut-être aussi que Freja en lui laissait pas suffisamment son fils pour qu’ils puissent tisser un lien, ça, Léo n’en savait rien. Mais il espérait que son cousin finirait par se rendre compte que c’était une aventure formidable, que d’être parent. Ce soir il partait donc en croisade pour prêcher sa bonne parole, avec un argument de choc, la plus adorable des petites filles. C’était fou, il le savait, il ne devait pas s’attacher, elle allait repartir, mais Léo était déjà totalement sous le charme de cette gamine. Il grimaça devant la tête médusée de Milo qui ouvrait la porte, visiblement c’était un choc, il pouvait le comprendre. Merci. Qu’il dit en entrant dans l’appartement silencieux. Kai s’était endormie, donc il laissa la poussette dans un coin tranquille de la pièce et attrapa le t-shirt en vol quand Milo lui lança. Emerson ne prit pas la peine de se cacher pour se changer, l’odeur de vomi ce n’était pas tellement son truc, il avait juste hâte de sentir meilleur. C’est déjà arrivé une fois, ça, j’évite de me retrouver dans ce genre de situation depuis. Quoique, sait-on jamais avec Léo, ça pourrait bien arriver un jour. Je te présente Kai, elle est laotienne. Je suis sa famille d'accueil depuis le mois de décembre. Ses parents sont morts assez soudainement cette année. Ce n’était pas la rencontre, ni l’histoire, les plus joyeuses, mais à présent elle avait un foyer, elle était en sécurité avec Léo. Bien que ce soit une situation particulière, le genre de situation dans laquelle il n’avait jamais pensé se retrouver avant Kai. Ne vas pas imaginer que je l’ai empruntée juste pour te convaincre qu’avoir un bébé c’est formidable ! Comment tu vas Milo ?

Tu te sentais toujours autant illégitime d’être père. C’était si compliqué pour toi que de te dire qu’être parent c’est formidable, même si tu as une figure paternelle parfaite et que tu rêverai d’être le même père que celui que tu as eu. Mais toi, tu devais gérer tes addictions, tu devais te gérer toi-même avant de pouvoir t’occuper d’un être aussi fragile. C’était aussi compliqué parce que ça avait ruiné ton couple, ça t’avait rapprochée de ton amie de toujours qui était la maman de l’enfant. Même si William passait son temps avec elle. Mais c’était un peu par choix. William c’est l’enfant biologique inespéré de Freja, forcément qu’elle voulait passer le plus de temps possible avec. Et surtout, elle avait plus d’expérience en tant que maman avec Zoé, que toi qui avait 0 compétences dans le domaine. D’habitude, t’es le tonton cool qui joue de la musique et qui prend des photos en faisant des grimaces. T’allais surement devoir redevenir le tonton cool puisque Léo débarquait avec un bébé dans une poussette. T’étais un peu surpris parce que pour le coup, tu te serais attendu à voir Jonah mais pas une petite fille. Tu allais chercher un t-shirt propre dans ta chambre pour ton cousin et tu lui balançais dessus. Et puis, c’est là que tu le questionnais sur la petite fille dans la poussette. Tu ne pouvais t’empêcher de rire un peu nerveusement quand il te disait que c’était déjà arrivé une fois. « Oh whoa, d’accord » dis-tu en reprenant ton sérieux. « Mais comment tu t’es retrouvé à être sa famille d’accueil ? T’avais envie d’adopter un bébé ? » demandas-tu ensuite curieusement au français. Elle avait bien de la chance de se retrouver avec Léo, puisqu’il était un papa exceptionnel, tu le voyais bien avec Jonah. « Ça va, ça m’a pas traverser l’esprit » dis-tu avec un sourire. Tu t’affalais sur le canapé et tu répondais ensuite à sa question. « J’suis épuisé, j’dors pas beaucoup, j’suis une catastrophe en tant que père mais sinon… ça va » dis-tu en haussant les épaules, fuyant un peu le regard de ton cousin.

Léo n'avait pas encore réfléchi comment présenter Kai à ses proches, ou moins proches d'ailleurs. Les choses s'étaient faites très naturellement avec les fêtes de Noël, sa famille était là, sa mère a tout de suite adopté la petite, même son père a lâché quelques sourires à l'intention de son fils. Les pères d'Alba ont totalement craqué et Jonah, il se voit déjà comme un grand frère, bien que le photographe lui ait expliqué qu'elle ne resterait pas. Mais pour l'instant, elle était bien là, elle faisait partie de sa vie, il ne se consacrait qu'à elle, depuis qu'elle était arrivée. Léo n'avait surtout pas envie qu'on le voie comme un sauveur, ce n'était pas ça, ce n'était pas une bonne action ou une énième opération humanitaire, si ç'avait été ça il aurait déjà recueilli des dizaines d'enfants ! Kai c'était autre chose, de l'ordre de l'incompréhensible, de l'indescriptible, même pour lui, elle était là, lui aussi, ils s'étaient trouvés. Il ne voulait pas non plus que les gens aient pitié d'elle, de la pauvre petite orpheline, mais il s'agissait bien de son histoire. Milo, c'était finalement la première personne à qui il racontait cette histoire si particulière, il valait mieux que ce soit lui qu'un autre, mais Léo ne pouvait empêcher les questions et il ne savait pas tellement comment y répondre. Je n'avais pas envie d'adopter, non, je ne l'ai pas adoptée d'ailleurs. Je suis parti au Laos en mai dernier, avec Alba, pour un voyage pro. J'ai rencontré sa famille, il s'est passé un truc avec eux, avec ce bébé, je ne saurais pas l'expliquer. Et puis il y a eu un terrible typhon là-bas. Sa mère est morte dans la tempête, son père a tout perdu. J'y suis retourné quelques fois en volontaire, pour aider, j'ai revu son père qui m'a confié être incapable de s'en occuper. Quand j'ai raconté tout ça à Alba elle m'a poussé à faire un dossier pour être famille d'accueil. Et la voilà. Il jeta un regard attendri vers la petite endormie. Il écouta à son tour Milo lui dire ce qu'il savait déjà par Freja, c'était bien la raison de sa visite. Pourquoi tu serais une catastrophe ? Ce n'était pas forcément inné, d'être parent, ça prenait du temps, pour s'apprivoiser, pour trouver ses repères, son rythme, il en savait quelque chose, Léo. Mais il ne voyait aucune raison pour que son cousin n'y arrive pas, déjà il s'en inquiétait, il ne restait pas indifférent, il essayait, tout n'était donc pas perdu, au contraire.

Totalement perdu dans ta vie, Léo avait débarqué pour te faire te poser encore plus de questions. Il était venu avec une petite fille dans ses bras, une poussette et des réponses à tes questions. Du moins, c’est ce que tu espérais. Parce que là, t’étais complètement largué. Après lui avoir filé un t-shirt pour qu’il se change, il t’expliquait l’histoire de cette petite fille. « Emerson, ce héros » dis-tu avec un sourire en coin. C’est vraiment comme ça que tu voyais Léo depuis ta plus tendre enfance. C’était celui qui avait réussi dans le métier qui t’avait touché fait rêvé, celui qui été le père de l’année avec Jonah, celui qui arrivait à se faire aimer des gens. Toi, t’étais la mauvaise graine de la famille. Tu t’étais affalé sur le canapé, répondant à ton cousin que t’étais une vraie catastrophe sur le plan familial. Et il te demandait pourquoi. « J’arrive pas à garder William, j’ai trop peur qu’il lui arrive quelque chose en ma présence. J’ai peur de pas gérer mes addictions, parce que j’ai ce besoin constant de boire ou de prendre un médoc pour me calmer. Ses pleurs me font souffrir le martyr, à m’en taper la tête contre les murs… » dis-tu pour commencer. Tu soufflais, marquant un temps de pause avant de reprendre. « J’sais pas comment être père, être bon père. Pourtant j’ai eu de beaux exemples » ajoutas-tu en le montrant de la main. Il était un de ces exemples dont tu parlais. Même s’il n’avait pas eu envie d’avoir Jonah, il savait le combler et être le père qu’il fallait pour lui. Toi, t’arrivais pas à faire ça, t’étais totalement perdu. « Il est bien mieux avec Frej’ qu’avec moi » soufflas-tu ensuite simplement.

Arrête, j’suis pas un héros. Il avait horreur qu’on le prenne pour ce qu’il n’était pas, Léo. Il savait bien que son cousin l’admirait, il était plus jeune, Milo, il dealait avec pas mal de problèmes depuis des années. Sur certains aspects, il s'en sortait moins bien que lui, mais il s'en sortait quand même, il s'était relevé de bien des situations. C'était ça, être un héros pour Emerson. Lui, clairement s'il n'avait pas eu l'héritage paternel, le compte en banque qui débordait et le fait de bosser juste pour s'occuper, il n'aurait sûrement jamais fait le tier de ce qu'il faisait pour les autres. Ce n'aurait pas été un manque de volonté, parce que s'il était ainsi c'est qu'il tenait vraiment à aider. Mais il n'était pas un héros pour autant. Il s'assura une nouvelle fois que Kai dormait du sommeil du juste. Puis décapsula deux bières sans alcool, en tendit une à Milo et s'installa sur le fauteuil en face de lui. Bon. T'es mal barré mon pauvre. J'vais te dire un truc qu'on m'a dit une fois et qui est plutôt utile. Un bébé ça a besoin de se nourrir, de dormir et d'être changé. C'est plutôt simple. Si tu fais ça correctement, t'as déjà fait une bonne partie du job. Ensuite y' a la sécurité, il doit se sentir bien avec toi et pour ça il faut que tu sois en confiance, si t'as confiance, il aura confiance aussi. Il n'a pas besoin que tu sois parfait tu sais ! Personne ne l'est. Et puis si tu sens que tu vas craquer, que t'es en manque, à cran, tu appelles à l'aide, t'as le droit. Petit à petit ça ira mieux. Léo avait entendu ça un jour et ça avait changé sa vie de papa. Lui qui avait tout le temps peur, qui ne sortait jamais avec Jonah, il avait petit à petit pris confiance et finit par aimer et attendre impatiemment ces moments avec son fils. Jon était mieux avec Alba qu'avec moi. Mais si tu veux tisser un lien, t'as pas le choix. Et ne laisse pas Freja faire ce qu'elle veut, je sais qu'elle ne fait ça que pour t'aider ou pour William. Mais c'est ton fils aussi, vous devez vous entendre sur ce que vous voulez tous les deux, sur ce qui est mieux pour lui. Il ne critiqua pas Freja, loin de là, mais il savait aussi que c'était plus simple pour elle, il l'avait bien vu, en Italie. Seulement elle devait laisser sa chance à Milo s'ils voulaient que ça fonctionne.

« T’es mon héros, Léo » dis-tu avec un ton dramatique avant de rire. Mais au final, c’était pas si faux ce que tu venais de dire. Léo ça avait été ton exemple sur beaucoup de choses. Tu faisais le même travail que lui, il avait été ton mentor sur le sujet, t’étais venu à Bowen pour vivre près de lui. ‘Fin c’était ton modèle, comme ton grand frère. Il arrivait sur le canapé avec deux bières sans alcool, évidemment, et il commençait à te faire son speech. Il était bienveillant, il t’aidait vraiment. Tu te posais un milliard de questions sur le sujet, sur William, sur comment être un bon père. Pourtant, t’avais un bon exemple, ton père était vraiment génial et il t’avait élevé tout seul à partir du début de ton adolescence. Il te disait que t’avais le droit d’avoir besoin d’aide et de te sentir démuni, ça arrive. Tu l’écoutais parler, sans trop rien dire, juste en buvant quelques gorgées de ta bière. « Mais elle s’occupe tellement mieux que moi de lui » dis-tu en haussant les épaules. T’avais juste l’impression d’être le pire. « J’l’aime mon fils, hein. Mais j’ai du mal à me dire que c’est mon fils… J’ai envie d’être exemplaire mais j’sais même pas si j’en suis capable… » dis-tu en baissant les yeux. Tu jouais avec tes doigts sur la bouteille de bière, laissant un moment de silence avant de reprendre. « C’est vrai que j’la laisse faire un peu ce qu’elle veut… Mais p’t’être qu’elle a pas confiance en moi pour m’occuper de son fils » dis-tu simplement, dans un souffle. T’étais vraiment pas au top de la confiance toi non plus, et c’est peut-être ça qui jouait dans la confiance de Freja envers toi.

L'espace d'une seconde, l'idée d'envoyer son t-shirt plein de vomi dans la figure de son cousin sembla tentante à Léo. Mais il n'en fit rien, se contentant de lever les yeux au plafond avec un air presque autant dramatique que celui de Milo. C'était le petit moment de détente avant d'entrer dans le dur du sujet. Il ne prétendait pas être un père exemplaire, en vérité, il se trouvait carrément nulle, assez régulièrement, en matière de paternité. Mais il avait aussi compris que dans cette merveilleuse et éprouvante aventure de la parentalité, on n'était jamais parfait et on apprenait tous les jours. Il haussa les épaules face à l'argument de Milo. Les femmes sont peut-être meilleures que nous à ça. Mais ça ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit de participer, d'essayer. Il l'avait bien vu, Léo, comme tout semblait plus facile pour Alba que pour lui, plus inné avec Jonah. Même avec Kai, elle disait qu'elle ne pouvait pas prendre part à son éducation, mais elle avait si naturellement retrouvé ses réflexes, alors que lui tâtonnait encore. Il savait pourtant que ce n'était pas si simple pour elle, qu'elle aussi avait ses propres doutes et ses moments où elle avait eu envie de baisser les bras. Il esquissa un sourire en coin. C'est ton fils, tu ne peux pas le renier, il te ressemble trop ! Et puis si déjà t'en as envie, d'être exemplaire, c'est le plus important, il faut garder ça en tête. Il avait juste envie de bien faire, Milo et c'était touchant à voir. Léo but une gorgée, de la bière sans alcool, les temps avaient vraiment changé. Pourtant, il jouait volontiers le jeu, lui aussi avait fait le con il y a quelque temps, il devait faire attention à sa consommation. Peut-être. Mais le plus simple ce serait d'avoir une conversation avec elle, tu crois pas ? De mettre toutes les cartes sur la table, d'imposer que tu aies Wiwi régulièrement, même si c'est pas longtemps, même si elle s'y oppose, même si t'as la trouille. C'est la seule solution je pense. Freja était une louve, elle protégeait son petit, mais Milo devait apprendre et elle allait devoir lui faire confiance, c'était l'avis de Léo.

Ton cousin, c’était ton modèle en tout et pour tout. Alors quand il s’agissait de parentalité, forcément que c’était aussi ton modèle. T’avais besoin de ces conseils, de son savoir sur ça pour t’aider. T’étais tellement persuadé d’être un mauvais père, d’être celui qu’il faut éviter en toutes circonstances. Léo avait raison. Les femmes avaient peut-être plus l’instinct que vous les hommes en ce qui concerne les enfants. Mais vous pouviez essayer de faire bien, de faire mieux. Alors tu hochais la tête simplement, en accord avec les dires du français. Pour Freja, être parent c’était plus simple pour elle. Enfin du moins c’est ce que tu pensais, ça en avait l’air. « Oui, j’veux faire au mieux, j’ai envie de lui offrir une belle vie, un bon père comme celui avec lequel j’ai pu grandir » dis-tu avec un sourire en coin, léger. Il avait raison, ton cousin, tu voulais faire mieux donc forcément c’était un bon signe. Toi qui broyait toujours du noir, c’était une belle façon de croire en toi, ce p’tit gars. Tu prenais à ton tour une gorgée de la bière sans alcool, imitant le jeune Emerson et tu posais la bouteille sur la table basse avant de t’affaler de nouveau sur ton canapé. « Elle sera pas contre l’idée, elle me propose souvent de le garder, même quelques heures » dis-tu en haussant les épaules. « Mais j’vais essayer d’accepter plus souvent. J’veux y arriver, j’veux être un bon père » dis-tu avec un léger sourire. Cette conversation avec Léo te faisait du bien, t’en avais bien besoin.

Milo avait un gros avantage par rapport à Léo. Il avait grandi avec une figure paternelle exemplaire, ce qui n’était pas le cas de son ainé. Emerson n’était pas forcément très proche de cet homme, mais il savait ce que son cousin disait de son père, il l’admirait, ils avaient une relation solide, belle, il avait été là pour son fils. Tout le contraire de Peter. Milo voulait suivre son exemple et c’était tout à son honneur. Léo, lui, avait toujours refusé de devenir père parce qu’il avait peur de ressembler au sien. Et finalement, avec l’arrivée surprise de Jonah, il voulait aujourd’hui se prouver qu’il pouvait être bien meilleur que son paternel, c’était comme un but dans sa vie à présent. Deux motivations différentes, donc, mais la finalité était la même, ils voulaient le meilleur pour leurs enfants, c’était ça le principal. C’est vrai qu’il est cool ton vieux. Léo n’avait pas envie de prendre Freja pour la mauvaise personne de l’histoire, celle qui empêchait Milo de se révéler en tant que père. D’ailleurs, c'était elle qui lui avait plus ou moins demandé de lui parler, c’était bien la preuve qu’elle voulait l’aider. Commence déjà par arrêter de dire ça. Tu es un bon père, ça ne fait aucun doute. Il le fixait avec détermination pour bien appuyer ses propos. Accepte plus souvent, oui. Tu n’as pas le choix, il faut te lancer. Quitte à ce que je suis là si t’as besoin. Freja n’a pas besoin de le savoir si tu ne veux pas, mais j’peux t’aider, si tu veux pas être seul avec lui, au moins les premières fois. Vous pouvez venir à la maison, j’en sais rien. Mais ouais, faut qu’tu le fasses. Et plus ça ira, plus ça te deviendra facile. Il avait juste besoin d’un bon coup de pied aux fesses et d’encouragements Milo, mais à force, il allait s’y faire. Et ne plus pouvoir s’en passer de son môme !

Avec le temps, ton père c’est devenu ton idole. De toute façon, sans lui, ça aurait été la catastrophe. Elevé par ce dernier à partir de tes 9 ans, après le décès tragique de ta mère, t’avais pu compter sur lui tout le temps. Il avait même été là, lorsque tu avais fais une rechute après ta première cure de désintoxication, il était venu à Bowen pour te secouer. Et il comptait revenir pour rencontrer son petit-fils qu’il a déjà vu seulement en visio. Et ça, ça te faisait peur. Parce que tu voulais lui montrer que tu pouvais faire comme lui, même si à contrario, William a une mère et une mère parfaite selon toi. Tu esquissais un sourire quand Léo mentionnait que ton père était cool. Plus que cool même, tu dirais. Puis, ton cousin te proposait son aide, pour que tu puisses te sentir plus à l’aise avec le petit, que tu ne sois pas seul avec lui. Et tu ne pourrais jamais assez le remercier pour ça. C’était concrètement ce dont tu avais besoin, ce qu’il fallait te dire depuis le début et pas te prendre avec des pincettes. Léo était le mieux placé pour ça. « Ouais, t’as raison » dis-tu simplement en hochant la tête. Tu prenais une gorgée de la bière sans alcool avant de reposer la bouteille sur la table. « Tu serais prêt à m’aider si j’ai besoin, un jour, de le garder seul ? Genre vraiment ? » demandas-tu en regardant ton cousin. Il représentait beaucoup de choses pour toi, Léo, un peu le grand frère que tu n’avais jamais eu au final. Alors qu’il t’aide avec le bébé, ça comptait énormément pour toi.

Il y avait clairement une différence de motivation entre Milo et son cousin. Si le premier se mettait la pression pour être au moins aussi bon père que le sien, Léo, lui, voulait tout faire pour être meilleur père que Peter, parce qu'il avait vraiment merdé, son père, en tant que figure parentale. Rien n'allait chez cet homme, son absence totale d'éducation, l'image d'homme à femmes infidèle qu'il renvoyait, le peu d'interactions qu'ils avaient eues ensemble. Et malgré tout, son obsession à faire que son fils soit la fierté familiale, l'enfant roi, l'élu, digne descendant de la lignée Emerson. Que des conneries, tout ce que Léo avait toujours refusé. Clairement, ils n'étaient pas proches et plus le temps passait, plus le photographe s'affranchissait de ses obligations familiales. Mais au fond, que Milo et Léo n'aient pas les mêmes aspirations, ce n'était pas le plus important, ce qui comptait, c'était que ça les motive à être de bons pères pour leurs enfants. C'était la seule chose qui comptait vraiment, oui. Et si Milo avait besoin d'aide, il pouvait compter sur lui. Léo avait eu peu de jeunes papas à qui demander quand il avait eu Jonah, il s'était parfois senti démuni. Peut-être simplement n'avait-il jamais osé demander non plus, au fond, il était fier et ça lui coûtait toujours beaucoup de se montrer en position de faiblesse. Mais de temps en temps, il en avait bavé et il aurait bien apprécié un appui. Alors s'il pouvait être cet appui-là pour son cadet, il le ferait sans l'ombre d'une hésitation. Genre vraiment, oui, crétin ! Je ne te propose pas ça dans le vent. Il se moquait gentiment de lui, mais évidemment qu'il était sérieux, à deux, avec deux marmots, parce que Kai serait probablement dans le tableau également, ça promettait. D'ailleurs, en y pensant, si toutefois cette petite restait, si elle restait vraiment… elle ferait une cousine du même âge pour William, ils pourraient avoir une belle relation tous les deux. Mais Léo refusait encore de penser ce genre de choses. Il vérifia d'ailleurs que la petite dormait encore bien dans sa nacelle avant de se retourner. T'as toujours ta console ? On pourrait se faire un petit jeu tant qu'elle dort. Ca faisait un sacré moment que Léo n'avait pas joué aux jeux vidéos.

Tel le grand frère que tu n’as jamais eu la chance d’avoir, Léo était toujours là pour t’aider dans les bons comme dans les mauvais moments. Et la preuve en est qu’il t’a proposé de l’aide pour que tu te sentes bien en tant que père. Il était un très bon père selon toi, ton cousin. Et tu l’admirais beaucoup. Il avait été ta figure en photographie, mais aussi maintenant en tant que papa. Même si Jonah est plus âgé maintenant, tu sais qu’il a vécu pas mal de galère quand il est né. Toi, tu l’avais lui pour t’apprendre les règles, les codes du bon père. Et tu lui en serai éternellement reconnaissant dans le futur. « J’suis pas un crétin ! » dis-tu faussement vexé avant de reprendre. « Merci » soufflas-tu ensuite avec un sourire en coin. T’avais besoin d’aide, plus que jamais. Et tu savais qu’il était la meilleure personne pour ça. Même si tu as eu un très bon père, encore présent dans ta vie d’ailleurs, mais il vit à des milliers de kilomètres dans le sud de la France et ne peut pas t’aider à élever ton fils qui porte son prénom. La petite était entrain de dormir paisiblement dans la poussette quand Léo te demandait si tu avais encore ta console. « Bien sûr, j’peux encore t’allumer à tous les deux que tu veux, frérot » dis-tu dans un rire. « Mais t’énerves pas si j’gagne, hein » ajoutas-tu en lui faisant un clin d’oeil. Tu partais vers la console chercher les manettes et lancer un jeu auquel vous jouiez souvent quand vous vous voyez. Et c’est ainsi que se finissait l’après-midi : manger des cochonneries, en jouant avec son cousin préféré.

FIN DU RP.