Feels like we've found home again + Dylan

La magie des réseaux sociaux, c'était de pouvoir retrouver un vieil ami avec qui on avait perdu le contact sans bouger de chez soi. En vérité, Marcus n'allait pas tellement traîner sur les applications, il n'avait pas vraiment le temps pour ça. Il avait un vieux Facebook qu'il n'avait pas actualisé depuis des lustres, mais il essayait de maintenir un minimum d'activité sur l'Instagram de son bar, le Elm Street, histoire de susciter l'intérêt de la clientèle, notamment pour des événements ponctuels. C'est donc par ce biais-là qu'il s'était abonné, quelques années plus tôt, au compte officiel de Dylan Lewis. Non pas parce qu'il était un grand fan de sa musique, mais puisqu'ils avaient été amis, dans une autre vie, avant que ce soit un chanteur mondialement connu. Marcus n'avait eu aucune attente particulière en le suivant sur les réseaux, bien conscient qu'il faisait à présent partie d'un flot d'abonnés, il n'était qu'un follower parmi tant d'autres. Cependant, quand il avait vu que Dylan comptait donner un concert à Bowen, dans sa ville d'enfance, il avait tenté de lui envoyer un message privé, sans grand espoir que celui-ci soit lu. Et pourtant le rockeur avait répondu. Après plus de dix ans de silence, ils s'étaient reparlés, Marcus ne savait pas tellement quoi en penser, à présent, ils vivaient dans deux univers totalement différents. Il avait néanmoins pris un billet pour le concert et demandé à Sierra d'assurer la soirée au bar. Encore une fois, il n'avait pas forcément l'intention de voir Dylan, du moins pas en privé, son ancien ami avait probablement bien d'autres choses à faire que de l'accueillir dans sa loge. Et puis il ne s'imaginait pas faire le groupie. Mais au moins il allait passer une bonne soirée, à écouter de la musique sympa, ça le changerait. Le concert fut excellent, dans une petite salle, du bon son, un public à fond qui connaissait les chansons par cœur, pas de doute, Dylan avait ses fans. Et lui, sur scène, c'était quelque chose, Marcus ne l'aurait jamais imaginé si à l'aise, il prenait tout l'espace, il était dans son élément. À la fin du spectacle, il était sorti se griller une clope sur le côté de la salle avant de rentrer chez lui quand il vit un membre du staff sortir d'une porte dérobée, cherchant visiblement quelque chose dans sa poche, le barman reconnu ses gestes et il sortit son propre paquet en se tournant vers lui, il le lui tendit et l'inconnu s'approcha. Merci mec, c'est sympa. Marcus hocha la tête, l'autre allait s'éloigner quand il tenta sa chance. Dylan est par là ? Le membre du staff le regarda avec un drôle d'air, un peu méfiant tout d'un coup, il avait déjà dû en voir, des fans qui tentaient leur chance. J'suis pas... Dylan et moi, on était potes, quand on était gamins… Bref, laissez tomber. Il s'éloigna un peu, laissant l'autre fumer tranquille, mais ce fut ce dernier qui revint vers lui. C'est quoi ton nom ? Marcus esquissa un demi sourire. Marcus. Marcus O'Brian. Le mec écrasa sa clope et hocha la tête avant de retourner d'où il venait. Le barman allait partir quand la porte s'ouvrit à nouveau. Hey, Marcus ! Suis-moi. C'est ainsi qu'O'Brian entra dans les coulisses d'un concert, s'apprêtant à retrouver son vieil ami.

@Dylan Lewis

Durant leurs brefs échanges, Marcus avait compris que Dylan était revenu à Bowen par rapport à l'état de santé préoccupant de son paternel. Mais il n'avait pas réalisé qu'il s'y était réinstallé, même temporairement et qu'il s'occupait même du garage familial. Ce même garage où le barman continuait à se rendre tous les ans pour faire réviser sa vieille voiture qui roulait peu, il fallait dire que Marc se déplaçait rarement loin de Bowen. C'était assez ironique, que deux des personnes qui avaient le plus compté dans la vie du barbu, à savoir son meilleur ami de jeunesse et son épouse, avaient quitté la ville sans un mot, sans se retourner. Et qu'ils furent comme obligés d'y revenir pour s'occuper de leurs parents vieillissants. Il y avait peut-être une leçon à en tirer, laquelle, il n'en avait aucune idée. De toute façon c'était bien connu, il était plus scientifique que philosophe ! Heureusement pour la rockstar, s'il avait eu beaucoup de ressentiment envers sa désormais ex-femme, Marcus était bien plus apaisé à son sujet. Évidemment il lui en avait voulu, à l'époque, d'être parti comme un voleur, mais l'eau avait coulé sous les ponts depuis. Et puis ils ne se devaient rien l'un à l'autre au fond. Alors ce soir il revenait volontiers vers son ami, sans aucune rancune, juste la curiosité de le retrouver après tellement d'années, une vie d'adulte qui s'était écoulée. Et quelle vie ! Autant pour l'un que pour l'autre, il y aurait beaucoup à dire. O'Brian avait tenté sa chance auprès du membre du staff, sans arrière pensée, en se disant même qu'il n'y en avait pas beaucoup, de chance, que Dylan le laisse entrer aussi facilement. Et pourtant l'autre était revenu, lui enfilant autour du cou le précieux cesam qui ferait de lui, de soir, un invité en backstage. Marcus n'était pas groupie pour un sous, ainsi il en fallait plus pour m'impressionner. Pourtant il se prit un sacré coup lorsqu'il se retrouva face à Dylan, non pas l'artiste, mais son ami perdu qui, sans réfléchir un instant, venait de le prendre dans ses bras. Il resta comme un con, les bras ballants, incapable de juger quelle réaction était la bonne. Puis il se fendit d'un sourire alors qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre. Sacré concert, je suis impressionné ! Il devait probablement être le seul, parce que Dylan avait une sacrée renommée, mais lui le voyait avec un autre œil. Ça fait quoi de jouer dans ta ville natale ? Tu n'étais encore jamais venu il me semble. Mais peut-être qu'il se trompait, Marcus n'était pas très au fait de ses tournées.

Ce serait mentir de dire que Marcus n'en avait pas voulu à Dylan d'être parti. À l'époque, il était gamin et il le considérait comme son frère. Ils avaient fait les quatre-cent coups ensemble, pour lui, c'était le genre d'amitié à la vie, à la mort. Alors ç'avait été sacrément difficile à avaler que Dylan ait tout plaqué, y compris lui, sans un mot, sans aucune explication, sans aucun signe avant-coureur. D'autant plus pour quelqu'un comme Marcus qui avait cette foutue peur de l'abandon enchaînée au cœur. Mais le temps avait passé, il avait pardonné et il avait oublié. Chacun faisait son chemin de vie et Lewis avait probablement ses raisons pour être parti ainsi. Aujourd'hui, il n'avait plus aucune rancœur envers son ami d'enfance, aucune appréhension à le retrouver, il était juste heureux d'avoir cette chance de peut-être renouer avec lui. Sans pour autant faire de plans sur la comète. Après tout, l'autre était devenu une rockstar inaccessible, avait-il réellement du temps à prendre avec un gars qui n'avait jamais bougé de leur village d'enfance. Enfin, pour une rockstar, il était bien démonstratif finalement ! Dylan venait de prendre Marcus dans ses bras, laissant le barman pantois face à une telle réaction, lui qui était certes très chaleureux en temps normal, mais pas aussi tactile. Oh moi, tu sais, j'ai juste vu de la lumière et je suis entré ! Le taquinait-il à son tour. Il fronça les sourcils en écoutant son ancien ami lui dire qu'il avait plutôt fui la région. Mais pour quelle raison avait-il eu tellement besoin de s'éloigner. C'était bien une question qui restait récurrente malgré le temps qui avait passé, d'accord, il avait eu envie de plus grand, de se faire un nom, de percer dans la musique. Ok, ça Marcus ne l'avait pas vu venir, mais pourquoi vouloir fuir à tout pris ? Et fuir quoi en particulier ? Jamais Dylan ne lui avait semblé détester à ce point leur vie à l'époque. Mais peut-être cachait-il bien son jeu. Il finit par secouer la tête. Non, je ne sais pas. Je n'ai jamais su pourquoi tu étais parti. Et pourquoi tu as tout arrêté pour revenir alors ? Si tu aimes tant la scène que ça ? Il n'avait pas voulu prendre ce ton si sérieux et grave, mais c'était la vérité, finalement le chanteur était un véritable étranger pour lui à présent.

En prenant sa place de concert, Marcus n’avait pas pensé une seconde qu’il irait confronter son vieil ami, ni le soir-même, ni jamais. Il n’était pas vraiment rancunier et puis le temps était passé depuis que Dylan avait quitté la ville, il était passé à autre chose. C’était plus la curiosité qui l’avait poussé à venir ce soir. Et il avait bien fait puisqu’il se retrouvait là, dans sa loge, assis sur un canapé, face à son copain d’enfance. C’était une sensation étrange, mais pas si désagréable, il n’y avait même pas de malaise, ils avaient le sourire aux lèvres comme deux gars réellement heureux de se retrouver, ils se parlaient sans mal. Pourtant, Marcus mit un peu les pieds dans le plat, posant cette question qu’il avait toujours gardée au fond de lui. Pas de la rancune, donc, mais ce besoin de savoir pourquoi, comment, comment on pouvait tout plaquer sans un regard ni même un mot ? C’était quelque chose qu’il ne pourrait jamais faire alors, il ne saisissait pas, pour lui ça s’apparentait à de la fuite, de la lâcheté. Il écouta alors Dylan avec attention. Tu n’as pas à te justifier auprès de moi, c’est pas comme si on était mariés ! Tu ne me devais rien. C’était plutôt ironique de la part de Marcus qui avait vécu cet exact abandon de la part de sa femme, quelques années après le départ de Dylan. Mais le rockeur n’en savait rien, il n’avait jamais connu Penelope. Je suis désolé pour ton père, j’espère qu’il sera vite sorti d’affaire. Marcus n’avait pas entendu parler de cet accident, cette nouvelle l’affecta, il avait connu M. Lewis à l’époque, il l’appréciait beaucoup, ce papa protecteur, qui aurait tout fait pour son fils. Il comprenait mieux l’idée du concert à Bowen et s’il disait être revenu pour son père, alors peut-être qu’il allait rester plus que le temps d’une soirée. Tu comptes rester un peu alors ? Qui sait, ils seraient peut-être amenés à se revoir.

Marcus se rappelait que Dylan avait de l’humour à l’époque, il faisait toujours rire Marcus qui, lui, aurait aimé avoir autant d’assurance que son ami. Marcus manquait cruellement de confiance en lui quand il était jeune, il était persuadé de ne pas avoir d’humour, simplement parce qu'il ne savait jamais quoi dire. Mais ils étaient des gamins, l’eau avait coulé sous les ponts depuis, ils avaient changé. Si Dylan avait visiblement conservé cette même façon d’être, O’Brian, lui, s'était révélé, il avait pris de l’assurance, de la confiance, de la maturité et même un peu d'humour ! Il passa machinalement la main dans sa barbe en pouffant de rire. T’as tort, ma barbe a son petit charme ! Il gardait un mince sourire aux lèvres, Marc avait son petit succès, il fallait être honnête. Savoir que le père de Dylan était mal en point pinça le cœur du barman, on n’avait jamais envie d'entendre ce genre de nouvelle. Visiblement, son ami d’enfance avait l'air affecté, il hocha donc simplement la tête, pas besoin de l’accabler davantage. Le fait de savoir qu’il allait rester un peu réussi à lui rendre le sourire, il y avait au moins ce côté positif pour les deux hommes, ce serait peut-être leur moment pour rattraper un peu de temps perdu, ou du moins, d’essayer de se voir un peu et découvrir s’ils pouvaient encore être proches. Si je peux faire quoi que ce soit, N’hésite pas. Marcus n’y connaissait pas grand-chose en mécanique, il avait une vieille voiture dont le moteur s’encrassait depuis des années dans son garage, il conduisait très rarement, mais il était débrouillard et, au pire, il avait des contacts à Bowen ! Moi ?! Il se gratta l’arrière du crâne avec un sourire gêné. Parler de lui, ce n’était pas sa spécialité. Et puis, par où commencer ? Dylan ignorait tout de sa vie d’homme. Tu as vu que j'ai acheté un bar, le Elm Street. C'était par l'Instagram du Elm que Marcus avait contacté le musicien, il n'avait pas de compte perso. Tu l’as sûrement connu, il a toujours été là, en face de l'appartement de ma grand-mère. Je l’ai racheté il y a une dizaine d'années. Hmm, j’me suis marié, j’ai divorcé. La vie quoi. Tu as quelqu'un dans ta vie, toi ? Visiblement, il n’y avait pas d’alliance au doigt du chanteur, mais ça ne voulait pas forcément dire grand-chose.

Marcus savait que l’assurance de son ami n’était qu’une façade. Si au départ il avait été impressionné par Dylan et plutôt flatté qu’il fasse de lui son ami, il avait rapidement compris qu’ils se ressemblaient bien plus qu’il n’y paraissait. Dylan, c'était ce genre d’adolescent qui prétendait, qui faisait le con, qui amusait la galerie, pour cacher sa timidité ou son malaise. Marcus, lui, il n’avait jamais menti, jamais joué la comédie, il en était simplement incapable ! Il se moquait que l’attitude de son ami ne soit que de l’esbroufe, voire, peut-être, qu’il était impressionné qu’il arrive si bien à prétendre. Quoi qu'il en soit, ç'avait toujours bien fonctionné entre eux. S’il s’était senti trahi au moment où Dylan avait disparu, aujourd’hui, il avait pardonné et le chanteur semblait sincèrement heureux de le revoir, sincèrement désolé d’être parti aussi. Le barman ne comprendrait jamais ce besoin que les autres avaient de prendre la fuite quand les choses n’allaient pas ou quand ils voulaient changer de vie, c’était inconcevable pour lui. Mais le temps était passé et il était temps de pardonner, d’aller de l’avant, pourquoi pas de retrouver une complicité avec cet homme qu’il ne demandait qu’à découvrir. Alors, il lui proposa son aide au sujet de son père ou d’autre chose. Ce n'étaient pas des paroles en l’air juste afin de dire quelque chose, c’était une proposition très sérieuse. Cependant, il ne s’attendait pas à la question que Dylan lui lança. Heu bah… ouais, un peu. Marcus était touche à tout et pas con, il apprenait vite, il avait quelques notions de mécanique en effet, il avait d’ailleurs bricolé la vieille voiture de sa grand-mère qui dormait paisiblement dans le garage et prenait la poussière. Et s’il avait besoin de s’y connaître davantage, il n’y aurait qu’à lui montrer et il comprendrait vite. J’ai déjà un bar, tu sais, je ne peux pas reprendre un garage en même temps ! Plaisanta-t-il en souriant. Avant de lui faire un rapide état des lieux de sa vie, ce n’était pas bien long de toute manière, il n’y avait pas grand-chose à raconter. Tu es le bienvenu ! Non, je ne pense pas que j’en voulais, de toute manière ça ne s’est pas présenté. En même temps, après seulement quatre mois de mariage, c’était un peu court pour faire des gamins. Mais il n’avait jamais vraiment ressenti le besoin ou le manque d’être père, ce n’était pas vraiment pour lui, tout simplement. Monsieur est un grand poète ! Je comprends l’inspiration de tes textes ! Il le charriait gentiment. C’est peut-être cliché, mais j’imagine que ce n’est pas un problème, les femmes, quand on est une rockstar. Enfin, entre des femmes d’une nuit et la femme d’une vie, il y avait évidemment une énorme différence. Et puis, comme Dylan l’avait dit, la seule qui comptait, c'était sa guitare !

désolée pour l'attente

Jamais Marcus n’avait prétendu être autrement que ce qu'il montrait. Il était le genre d'homme honnête et droit dans ses bottes. La seule personne à qui il avait menti c'était probablement lui-même, tandis qu'il avait continué dans la voie scientifique, pour faire plaisir à sa grand-mère, donner raison à ses professeurs, alors qu'il rêvait d'une toute autre vie. Alors il était vrai que ça en avait surpris plus d’un, qu'il rachète ce bar et laisse tomber son brillant avenir, ç'avait sonné comme un coup de folie après que sa femme l’ait quitté si soudainement. Mais au fond, ce n'était pas une telle folie, quand on le voyait s'éclater dans ce job qui n’était alors qu’un petit boulot étudiant, on voyait à quel point il était dans son élément. Et à présent c'était son quotidien. Bien loin des paillettes et du star système que Dylan connaissait. Marcus menait une vie simple et nettement moins rythmée que celle du chanteur, pourtant il était heureux. Il rit à la réaction de son ami d’enfance. C'est vrai, je plaide coupable, j’ai toujours rêvé de passer ma vie les mains dans le cambouis ! Qu'il raillait à son tour. Ce qui était totalement faux. Il hocha la tête en souriant doucement. Je ne connais ni les week-ends ni les jours off. Le Elm tourne à plein régime. Mais il paraît qu'il faut que j'apprenne à déléguer. Si tu as besoin, je pourrais me libérer. N’hésite pas à me faire signe. Le barman passait quasiment sa vie derrière son comptoir, il adorait ce quotidien. Mais pour aider son vieil ami, il pourrait prendre du temps. Ils rattrapaient un peu le temps perdu, les années passées sans se donner de nouvelles. Marcus n'avait pas grand chose à cacher alors il parlait. Dylan également. C'était simple et fluide. Il ne comprenait pas trop l’idée, non, pour lui les relations d’une nuit n'avaient jamais été très intéressantes, honnêtement. Marcus était plutôt romantique au fond. Il avait été fou de de sa femme, puis fou de tristesse. Et aujourd'hui il remontait la pente doucement grâce à sa compagne. Mais il ne papillonnait pas tellement, il n’avait jamais trop fait ça. C’est un problème de performance et d'endurance, t'as plus vingt ans mon pauvre ! Il se moquait gentiment, en même temps le rockeur lui avait rendu une belle perche ! C’est peut-être donc le moment de te poser dans une histoire sérieuse. Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, je te l’accorde. De toute manière, qui était-il pour donner des leçons d'amour aux autres ? Marcus n'était pas un exemple.