and from now on, we're bound (aaron)

Ça lui faisait encore bizarre, à Nova, d’être de retour à Bowen, de fréquenter des lieux qu’elle fréquentait autrefois avec sa bande d’amies ou sa copine. Il n’y avait plus grand monde de ce temps-là, maintenant. Elle se sentait encore plus seule, maintenant. C’est con, parce qu’elle était partie en voyage pendant plusieurs mois pour se retrouver, à la suite de sa rupture. Pour se prouver qu’elle n’avait besoin de personne, qu’elle était capable de vivre par elle-même. La vérité était que Nova avait besoin d’un réseau, besoin de gens à appeler à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit, pour parler, pour se plaindre ou pour pleurer. Elle avait encore Juliann, Emilia et quelques autres personnes, mais elle avait quand même l’impression que tout était à reconstruire. Et que tout lui rappelait ses proches d’avant. Ces personnes-là étaient parties aux études ailleurs qu’à Bowen, ou au contraire avaient terminé leurs études ici et s’étaient trouvé des emplois à l’étranger ou dans d’autres villes de la région. C’était juste l’ordre normal des choses. Ce n’était pas facile à accepter pour autant. Par exemple, aujourd’hui, c’était l’anniversaire de Mads. Nova lui avait téléphoné et elles s’étaient parlé un peu. Cependant, les deux filles avaient pour habitude de s’acheter une caisse de douze bières variées (alors que clairement, Nova préférait laaaargement le vin rouge, mais elle le faisait pour Mads) et de venir les boire sur la plage, toute la soirée (et parfois toute la nuit) en déconnant, en se baignant, en riant. En souvenir de tout ça, Nova avait décidé de passer dans un marché pour s’acheter les douze bières, un paquet varié avec des blondes, des blanches et des rousses. Elle se rendit à Horseshoe Bay et s’installa dans le sable. Il devait être environ vingt heures. Elle sortit une bouteille de la caisse et essaya de l’ouvrir. Bordel, non mais c’est pas vrai. Elle pensait pouvoir les décapsuler à la main mais non, ça lui arrachait presque la peau des doigts, cette cochonnerie. Elle regarda autour d’elle et son regard tomba sur un homme, plus âgé qu’elle, qui faisait elle sait pas trop quoi mais en tout cas il était seul. « Excusez-moi, bonjour ! J’prends une très grosse chance, mais … vous auriez pas ça, un décapsuleur ? » Elle ignorait qu’elle était en train de tomber sur EXACTEMENT la bonne personne en ville.

Nova, elle se retint de rire, quand l’homme appuyé sur sa moto manqua de faire une crise cardiaque alors qu’elle l’interpellait. Elle se pinça les lèvres, avant d’enchaîner avec sa question, une fois son sérieux repris. C’est que cet homme, il n’avait pas trop la tête à avoir peur de qui que ce soit ou de quoi que ce soit. Au contraire, il pouvait même être celui à faire un petit peu peur aux autres, avec son look et sa moto. En temps normal, sûrement que Nova aurait été un peu plus sur ses gardes, d’ailleurs. Ce soir, cependant, l’appel des bières en célébration à Mads, était plus fort que tout le reste. La rousse attendit donc la réponse face au fameux décapsuleur, se disant que puisqu’il avait une bière bien entamée en main, les chances étaient plutôt élevées. Le monsieur fouilla dans la poche de sa veste de cuir et en ressortit l’objet tant convoité par Nova. Au lieu de le lui tendre, il tendit sa main vide, l’invitant de ses doigts à lui donner sa bouteille. La thanatologue arqua un sourcil, avant de remettre la bouteille entre ses mains. « Merci. J’aurais pu le faire moi-même, vous savez. » Elle n’était pas si nulle que ça non plus, même si ouais, le fait de ne pas avoir pensé à un décapsuleur, ce n’était pas bien brillant. Elle demeura tout de même polie, parce que bon, il venait quand même de sauver sa soirée, en lui ouvrant sa bouteille. La tradition avec Mads, c’était de boire la caisse devant le soleil couchant et pour toutes les heures suivantes, sur la plage. Pas de repartir bredouille à la maison, une caisse pleine sous le bras. L’homme lui redonna sa bouteille. « Merci encore ! Ça me sauve pas mal … » Elle leva la bouteille entre eux deux, manière de le remercier en trinquant, et prit une gorgée de sa bière. « Bon, ben ... bonne soirée ! » Elle tourna les talons et s’en alla, avant de s’arrêter. Elle pivota de nouveau vers l’homme. « J’suis installée là-bas et j’ai une caisse de douze à m’enfiler ce soir. Clairement je n’y arriverai pas toute seule. Alors … si jamais vous en voulez, vous savez où me trouver ! » Elle échangea un dernier sourire avec lui, avant de réellement aller retrouver sa place dans le sable, à côté de la caisse de douze.