Feel the city breaking and everybody shaking - Lois

Le temps est bon, le ciel est bleu. La météo à Bowen est douce en ce matin d’octobre. J’apprécie cette montée des températures. Dès le réveil, je décide de ne pas rester enfermer dans ma maison vide et morne. Prendre l’air, c’est ce dont j’ai besoin. Depuis mon retour dans la bourgade de mon enfance, je ne me suis pas vraiment posé. Entre ma vie de famille chaotique et mon travail dans ce nouveau cabinet, je n’ai pas profité. Souffler, ralentir et me détendre, c’est un luxe que je ne m’autorise que très rarement. Or, j’ai envie de parcourir les rues à l’affût des changements, voir quelles boutiques ont remplacé celles que je connaissais il y a six ans. J’enfile un simple duo jean et t-shirt uni avant de quitter mon domicile. Portable à la main, je compose le numéro de Vanessa. « Bien le bonjour ! Ça te dit de découvrir la ville avec le meilleur guide du coin ? » Je ne lui laisse pas l’occasion de refuser et lui donne rendez-vous dans le quartier nord, près de la place de ville. J’ai rencontré la jeune femme lors de l’un de mes nombreux trajets entre Brisbane et Bowen. Pour une fois, j’avais réalisé le trajet en avion, car ma voiture était au garage. Je déteste ces engins, préfère rester les pieds sur terre plutôt que de jouer les oiseaux. Ce n’est pas une peur, mais je privilégie toujours un autre moyen de déplacement si cela est possible. Malheureusement, mon vol retour avait été annulé et n’ayant pas une journée à perdre à déambuler dans un aéroport, j’avais loué un SUV pour rentrer. Par un concours de circonstance, la miss Zuliani s’était jointe à moi. Ainsi qu’une petite grand-mère que nous n’avions pas pu nous résoudre à abandonner dans le terminal. J’aurais dû afficher « Taxi Liam » sur la vitre arrière du véhicule pour compléter le tableau. Le trajet avait été agréable, cela faisait du bien d’avoir de la compagnie sur la route pour une fois. Bien que la quinquagénaire ait radoté tout du long, nous avons fait connaissance et de fil en aiguille, j’avais sympathisé avec ces dames. Assez pour me donner envie de revoir Lois, comme elle préfère se faire appeler. Elle est nouvelle par ici et je me dois de lui faire découvrir de bonnes adresses. Pour l’heure, j’arrive sur la place les mains dans les poches et patiente jusqu’à distinguer une tête brune familière. Je lui fais un petit signe de la main pour qu’elle me repère. « Comment tu vas ? »

@Lois Zuliani  

Revenir à Bowen après tout ce temps, c’est comme revenir en arrière, dans le passé. Comme si ces six ans d’absence n’avaient jamais existé. Et pourtant... Mon quotidien ne peut pas être plus différent. Je suis parti avec ma femme et mes trois enfants pour une opportunité professionnelle. Je reviens avec un début de divorce, ma progéniture ne répond plus à mes SMS et ma carrière est presque en pause. Un beau cataclysme familial. Et le chapeau sur tout ça ? J’ai emménagé dans une maison vide, seul comme un célibataire. Le soir, j’ai plus à me battre pour choisir un film et j’ai toute la place sur le canapé. Nos petites chamailleries me manquent. C’est difficile de s’habituer à cette nouvelle vie, je suis dans le déni. J’imagine que les choses peuvent encore redevenir comme avant, quelle belle illusion. M’enfin, en cette belle journée ensoleillée, je décide de ne plus me morfondre : de prendre l’air avec une récente connaissance. Je me la joue guide touristique pour faire découvrir la ville à Vanessa. Je suis sûr que je peux lui montrer des trésors insoupçonnés , des bonnes adresses. Je l’attends donc sur la place de la ville, consultant mes mails sur mon téléphone pour passer le temps. Quand je lève les yeux et aperçois la brune au loin, je lui fais signe de la main. Comme si on pouvait me rater dans la foule avec ma carrure de Superman et mon mètre quatre-vingt-cinq. Un sourire s’affiche sur mes lèvres. « Tu pourras me laisser cinq étoiles et un super commentaire sur Google à la fin de la journée ! Promis. » Je prends mon rôle à cœur. Ayant établi un itinéraire aux petits oignons au préalable, je suis sûr de mon coup. Enfin presque. J’attrape la tasse de café qui m’est destiné et inspire l’odeur. Je n’ai pas pris le temps de déjeuner avant de partir, alors je suis ravie. « Deux sucres, tu y étais presque. Mais c’est parfait, merci beaucoup. Il n’y en a jamais trop, ne t’en fais pas. » Je suis touché par son attention, c’est chouette qu’elle ait pensé à moi. Un peu effrayé aussi par son sens de l’observation. Je ne me souviens même plus de cet arrêt au dîner. La mamie du voyage, aurait-elle déteint sur moi ? Je croise les doigts pour que ce ne soit pas le cas. Je suis un peu surpris de sentir la main de Lois sur mon bras, mais je me laisse faire et commence à avancer vers le centre de l’esplanade. « Tout d’abord, admire le cœur de la ville. Sur le mur, là-bas, tu as des peintures qui racontent une histoire. C'est joli ? » Quelle histoire exactement ? Bonne question, je ne suis pas historien après tout. Et le sujet ne m’a jamais intéressé. Je me tourne ensuite vers le bar qui fait l'angle avec la rue commerçante. « Et là, le bar où j’ai pris ma première cuite. Franchement, je ne conseille pas : leur tequila laisse un goût amer. » Un petit rire m’échappe, heureux de raconter mes anecdotes. J’avale une gorgée de la précieuse boisson entre mes mains. Trois doses de sucre, c’est super bon en fait.

@Lois Zuliani