DASHA † away from the sun.

away from the sun. (dasha+léo)

Ça monte, il accélère un peu. Il est en bonne condition physique, alors il s'en fiche. Elle aussi, mais ça, ça n'est plus une surprise. Elle ? Oui, elle. Dasha Krämer. Ça fait vingt bonnes minutes qu'il la suit au travers des sentiers. Il pleut, elle ne l'a sans doute pas remarqué. En plus, il ne fait quasiment pas de bruit, le rat des champs qui file comme une musaraigne. Toute créature des bas fonds doit avoir appris la discrétion, voyons. Oui, ça fait un peu psychopathe le faire de savoir qu'il la suit pendant qu'elle fait son footing. Sous la pluie en plus. En silence. Mais c'est pas ça du tout. Il veut juste lui prouver un truc. Et à lui-même aussi par la même occasion. Finalement, ils s'enfoncent dans le sous-bois. Il est tôt, il n'y a personne, tant mieux. De toute façon sous la pluie, ils ne trouveront pas beaucoup de courageux. Il accélère alors ses foulées, la rattrapant petit à petit pour d'un seul coup poser sa main sur son épaule. Saluuuut ! Oui, ok, y a mieux comme prise de contact mais il n'a pensé qu'à ou à un croche-patte et lui faire croire à une racine pour ensuite la relever et se la jouer héros mais... Mais elle aurait été couverte de boue. Et bien moins sexy tout d'un coup. Bref, il s'est planté à côté d'elle en continuant quelques foulées, un sourire de guignol scotché sur son visage enfantin aux traits pourtant marqués par les expériences.

Bon ok. Ce jour-là, il avait merdé. Mais sa panique avait été si grande qu'il n'était pas parvenu à se contrôler seul – comme souvent. Quand il avait vu les tiroirs habituellement remplis de médicaments complètement... vides, il était sorti de ses gongs. Boum. Léonard en mode crise de colère, ça donne quelque chose de fort violent. Il s'en était voulu, après. Ses poignets s'en souviennent. Il avait, ce jour-là, rajouter de nouvelles marques, encore. Au compas, au cutter, au couteau, il ne s'en souvient pas. N'importe quoi fait l'affaire lorsqu'il éprouve ce besoin irrépressible de se punir. Même un bout de verre traînant par terre. Ouais, il n'a pas vraiment la notion du danger, le Dupuy. Dès qu'il la touche – et qu'elle le voit – elle pousse un hurlement lui vrillant sévèrement les tympans. À en faire exploser les vitres des maisons alentours quoi. Mais ils semblent dans un coin totalement abandonné. Elle le menace d'appeler la police et il se recule alors, levant les mains comme pour attester de son innocence. Il la regarde, avec des yeux presque enfantins. Elle est ravissante. Ouais, ça peut paraître complètement con, mais c'est la seule pensée cohérente qui lui vient à ce moment-là. Il s'avance. D'un pas. Cette fois c'est elle qui va le frapper, il en est certain. Non, s'il te plait, n'appelle pas la police ! J'peux quand même faire un footing avec toi, non ? demande-t-il alors naïvement, presque avec une auréole au-dessus de la tête quoi. Il a parfois l'air totalement hors de contrôle, mais l'ange, c'est son meilleur rôle. Ça lui va comme un gant, dérisoirement. Il lui offre un sourire maladroit, fouillant son regard bleu comme à la recherche de... de quoi au juste, hein ? Qu'est-ce que tu crois, mon petit rat. Ici ou ailleurs, les gens ne pardonnent pas comme ça.

Lui aussi, il étudie sa joue. Il y cherche peut-être encore la marque, mais des mois sont passés depuis, et heureusement, cette dernière a finit par s'y effacer. « Non. » C'est clair et net. Il n'est pas dans son naturel d'être collant, mais il se doit d'être insistant. Il regrette. Il aimerait lui dire que c'est la pire chose qu'il ait fait depuis qu'il est là, mais il reste muet, le son coupé par l'attente de ce qu'elle va faire, et dire. « Tu prends encore tes médocs pour croire que je vais te pardonner ce que tu m’as fais. » Il baisse la tête d'un air coupable. Il triture ses mains entre elles nerveusement. On dirait un gosse de huit ans devant le bureau du principal. Ça en est presque affligeant mais c'est ce qui le caractérise. Et pour ça bien des fois on l'a rejeté. Non, je sais que tu ne me pardonneras jamais. Je veux me pardonner, moi. Il avoue ça l'air penaud, les yeux toujours rivés sur le chemin poussiéreux. Il lui inculque ainsi qu'il se sent coupable. Oh oui, et pas qu'un peu. Si elle savait. Mais elle ne sait pas, voilà tout. Il ne parle pas des médicaments. Bien sûr qu'il les prend encore. Sinon, il serait une boule de nerfs et de violence sur pattes. « Tu sais… j’essayais juste de t’aider Léonard. Juste de t’aider. » La tonalité de sa voix l'interpelle. Lui comprime les poumons et lui enserre les entrailles. Mentalement, comme un film, il se demande de quelle façon il va bien pouvoir se punir de nouveau en rentrant chez Rae, priant pour qu'elle soit absente, priant pour qu'elle ne finisse jamais par découvrir son côté réellement instable, torturé, voire dangereux. Sans doute plus pour lui que pour les autres. Impulsivement, il attrape les mains de Dasha. Ça pourrait paraître être une attaque ; on dirait plutôt une supplication. J-Je sais Dasha, mais je.. j'étais pas prêt à tout arrêter d'un coup, et c'est mon seul moyen pour faire un peu moins le con avec les autres et avec moi, et j'ai paniqué.. Et c'est comme les animaux, la peur les rend violent... Les yeux embués – il pourrait facilement se mettre à pleurer, très émotif le mec quoi – il lâche ses mains comme si ça le brûlait, la regardant comme si elle allait s'enfuir pour toujours. Un animal. Il a fait la comparaison tout seul. Un pauvre chiot abandonné, errant. Jolie vermine.