what expect when you're expecting | Amber

What to expect when you're expecting

L’enveloppe était là, entre mes mains. Je venais d’avoir Don au téléphone et lui avais confessé avoir peur de l’ouvrir. Peur du résultat ? Non, parce que je le connaissais... J’avais peur de devoir lui dire, lui confirmer, de voir son visage devenir livide et de l’entendre me demander de voir la preuve de ce que je disais. Je voulais qu’il l’ouvre cette enveloppe, lui, qu’il lise le résultat. Je pense que c’est mieux, pour lui comme pour moi. J’étais seule quand j’ai fait mon test de grossesse, mais maintenant je ne le suis plus. Donovan est au courant, il m’a accompagnée pour ce test ADN, et je pense qu’il doit être là aussi pour ce moment si important, même si ça l’est plus pour lui que pour moi qui sais, avec certitude, qu’il est le père de mes enfants.

Le temps file. Je baisse les yeux et pose la main sur mon ventre, caché par ma chemise. Si on ne voit encore rien quand le vêtement flotte autour de lui, mon ventre a bien poussé en une semaine, et à présent il suffit que je plaque le tissus sur moi pour qu’il apparaisse avec évidence. On m’avait prévenue que ça allait pousser d’un coup, mais je n’imaginais pas que ça serait si rapide. J’ai dû aller acheter en urgence de nouveaux vêtements, entre deux autres rendez-vous. Parce que je n’ai pas chômé cette semaine, loin de là. Je me suis occupée de me trouver une voiture. C’était nécessaire, et il me la fallait tout de suite. Alors je suis entrée dans un garage, j’ai demandé avec quel modèle je pouvais repartir immédiatement, et une demi heure après, je repartais au volant d’une Peugeot 3008. Pas vraiment le genre de voiture que je conduisais avant, mais je devais penser famille maintenant.

A part ça, je devais aussi me trouver un logement. L’hôtel, c’est bien, mais une vraie maison, c’est mieux ! Je savais que je devais y être installée quand les petits pointeraient le bout de leur nez, et je savais aussi que quelle que soit la maison qu’on achète, il y a toujours des travaux, ou au moins des aménagements à faire. Et puis il fallait préparer la chambre, sans oublier que les jumeaux avaient une chance sur deux de naître prématurés, que contrairement à une voiture, on ne repart pas clés en main avec une maison mais qu’il y avait des délais légaux à respecter... Bref, je n’avais pas une minute à perdre. Après tout, je vais vite ne plus pouvoir me bouger comme je veux, je dois penser à ça aussi. En fait, je dois penser à énormément de choses justement. C’est un sacré bouleversement, même mon alimentation, mon hygiène de vie a changé. Je suis même en train de me renseigner pour trouver un prof qui me fera faire du sport prénatal et ensuite post natal. Et oui, le sport fait partie des choses qu’il faut continuer à faire, mais d’une toute autre manière si on ne veut pas risquer quoique ce soit.

Toutes ces choses en tête, je filais prendre une douche rapide avant d’enfiler une robe et de rejoindre Don à l’endroit prévu. Pas mal de circulation, le temps de trouver une place pour me garer, mon ex était déjà là quand je suis arrivée. Je répondais à son signe de la main d’un sourire. C’est vrai il a l’air plus détendu, mais je sais que ce n’est qu’une impression. Cette fois je joue moins les rentre dedans et me contente d’un baiser sur la joue pour le saluer avant de m’installer, relevant mes lunettes de soleil sur le haut de ma tête.


Merci pour l’attention et le compliment, c’est très gentil.


J’étais contente de retrouver un peu mieux le garçon que j’avais connu à Bangkok. Là bas on s’entendait vraiment bien tous les deux, on était toujours en train de rire, de se taquiner. Au-delà du sexe qui était génial, on avait une vraie complicité, et j’avoue qu’elle me manque. Le serveur arrivait justement à ce moment là avec nos consommations, posant mon verre de jus de fruits devant moi. Je le remerciais et attendais qu’il s’éloigne avant d’ouvrir mon sac pour en sortir la fameuse enveloppe, objet de toutes nos attentions aujourd’hui. La posant sur la table, je la poussais du bout des doigts vers Don.


Voilà, je te laisse ouvrir...

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Ca y était enfin. Don avait entre les mains la preuve indéniable de sa paternité, il ne lui restait plus qu’à ouvrir l’enveloppe et à en lire son contenu pour savoir avec certitude qu’il allait être papa. Je savais que cet instant était un moment charnière dans notre histoire, et que même si je lui avais assuré être certaine de ce que j’avançais, le lire noir sur blanc allait être un choc. Moi qui ai pour habitude d’avoir un caractère acerbe et piquant, j’étais bien loin de là dans cette histoire. Il faut dire que je n’avais jamais réussi à l’être vraiment avec Don. Et puis là, les circonstances sont bien particulières, c’est pas vraiment le moment de jouer à ça.

Donovan a beau avoir l’air calme, je sais qu’il ne l’est pas, il n’y a qu’à voir les légers tremblements de ses mains quand il ouvre l’enveloppe. Pendant qu’il lit le résultat, je le regarde, essaie de sonder ses pensées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai été bouleversée quand j’ai appris que j’étais enceinte, et je me suis posée des tonnes de questions, dont certaines qui n’ont pas encore trouvé de réponse. Est-ce que je vais être à la hauteur ? Serais-je une bonne maman ? Est-ce que je suis faite pour ça ? Comment assumer un rôle de mère célibataire ? Qu’est-ce que je vais lui dire quand il me demandera comment j’ai rencontré son papa ?

Je suis en route vers l’inconnu, et c’est difficile de se dire qu’on va vivre ça tout seul, que ça soit physiquement mais aussi émotionellement. Pas évident de savoir qu’on ne va pas partager l’émerveillement du premier sourire, des premiers pas, des premiers mots prononcés... Et pas facile non plus de se dire qu’il va falloir assumer seule les nuits des nourrissons. Je sais que j’avais, et ai encore, le choix d’avorter. Pourtant c’est inenvisageable, je n’ai jamais pu vraiment y penser avec sérieux. Le fait de les avoir vus maintenant, ça les rend encore plus concrets. Je me dis que ça va être passionnant de voir des jumeaux grandir ensemble, de voir leur complicité et tout ce que les jumeaux peuvent partager.

Don reste impassible. Pas de geste rageur, de désespoir ou de colère, rien de tout ça. Il regarde le papier comme si j’y avais noté la liste des courses. Est-ce qu’il a eu le temps de se faire à l’idée ? Lui ais-je transmis mes certitudes ? C’est vrai, je n’ai jamais douté, parce que je savais avoir été fidèle, parce qu’au vu des dates de conception possibles et de notre histoire, l’évidence était là. Ca nous fait un énorme point commun à présent. Cet événement va nous lier à vie, qu’on le veuille ou non, et je crois que Don a beaucoup plus de mal que moi avec ça. Logique, moi je l’aime, lui en aime une autre, tout était dit. Au moins, je n’aurai pas à annoncer cette grossesse à un éventuel compagnon. Don va devoir en parler à Victoria, en tout cas je le suppose, vu qu’il tient toujours à tenter de la récupérer. Ca ne va pas l’aider, c’est certain. Est-ce qu’il est en train de penser à ça en ce moment ? A ce qu’il va lui dire ? Comment ?

Je récupère l’enveloppe et la fait jouer un instant entre mes doigts. Pas la peine de prendre le papier et de le lire, je sais ce qu’il contient. Je me contente donc de le ranger dans mon sac au moment où Don me demande ce qu’on fait. Mon regard se repose sur lui et s’ancre dans le sien. J’ai envie, moi, de lui demander ce que lui compte faire exactement, à quel point il veut s’impliquer, s’il veut être un père à temps partiel ou à temps plein. On doit s’organiser, c’est certain, et je sais que ça va être délicat. Putain ce que la vie est mal faite !


J’ai été visiter des maisons cette semaine. Il faut que je m’installe, que la maison soit prête à recevoir les bébés et ça ne se fait pas en deux semaines de temps. J’aimerais bien que tu viennes avec moi pour me donner ton avis, tu connais bien la ville, tu pourras m’aider à faire un choix.


Je baissais les yeux et retenais un soupire. J’avais horreur de cette situation, ça me rendait dingue. J’avais un peu l’impression de négocier un contrat, ou pire, d’être un ravisseur qui rencontrait sa victime pour parler de la rançon. Est-ce que c’est l’effet que je donne ? Cette fois je soupirais bel et bien. Je relevais la tête et le regardais à nouveau, posant une main réconfortante sur la sienne.


Je ne suis pas là pour te bousiller la vie Don...

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C’était pas sensé se passer comme ça. Dans la logique des choses, je finissais mes études, je commençais à bosser pour papa, je continuais à m’amuser pendant quelques années et puis si quelqu’un de spécial entrait dans ma vie, si j’étais amoureuse, je me marierais. Je n’ai jamais pensé aimer et ne pas être aimée en retour. Appelez ça de la prétention si vous le souhaitez, mais je suis une fille qui a beaucoup de succès avec la gente masculine, alors non, je ne l’ai jamais envisagé. Ma vie prenait donc un tournant que je n’avais jamais entrevu. Au lieu de rentrer chez moi et de commencer à envisager de bosser, me voilà enceinte, de deux enfants, dont le père ne m’a jamais considérée que comme une roue de secours et qui reste obsédé par son ex. Franchement, je ne méritais pas ça. Mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même après tout. J’aurais pu dire non cette nuit là, et avant ça, j’aurais pu refuser de continuer cette relation. Mais je ne voyais pas le mal. Au début, il s’agissait juste de prendre du bon temps avec un homme qui me plaisait énormément, puis j’ai commencé à avoir des sentiments pour lui et là c’était foutu. Une seule fois sans protection... Jamais je n’aurais imaginé que ça tombait alors que j’étais en pleine ovulation.

Alors voilà, on en était là tous les deux, à avoir notre première discussion après qu’il ait la certitude d’être un futur père. Je crois qu’il ne réalisera vraiment que quand il tiendra ses enfants dans ses bras. En ce moment, je me doute qu’il doit se faire des films, peut être imaginer le pire, et je déteste avoir le mauvais rôle. Pour l’instant, c’est celui que je tiens, ce qui est relativement difficile à gérer. A Bowen je ne connais personne, je me sens perdue, je n’ai personne d’autre que Don à qui parler. Dans un sens c’est une épreuve de venir m’installer ici, moi qui suis habituée à vivre dans une ville bien plus importante, dans une immense propriété. Je ne changerai pas d’avis, parce que je sais que c’est ce qu’il y a de mieux pour mes enfants. De nous deux, c’est moi qui peut bosser de n’importe où, pas Don, alors la question ne se pose pas. Je veux que ces bébés aient un père, je dois assumer mes responsabilités. J’essaie donc de le rassurer comme je peux avant de répondre plus directement à sa question sur mon travail, mon diplôme... Mais quand je pose ma main sur la sienne dans un geste que je veux rassurant, sa réaction est presque épidermique, il se retire comme si ma peau avait brûlé la sienne.

C’est un choc. Je ne m’attendais pas à ça et c’est blessant. Nonobstant mes sentiments toujours présents, nous avons toujours eu une merveilleuse entente tous les deux, je ne lui ai jamais fait de sale coup. Je ne comprends pas, ça me met mal à l’aise et ça me fait de la peine. Alors je ramène ma main vers moi et me recule dans mon siège un maximum, mains croisées sur les cuisses. Après quelques secondes de battement, le temps de me ressaisir au mieux, je m’éclaircis un peu la voix et commence à lui parler, mes yeux fixant une tache imaginaire sur la table.


J’ai mon diplôme, je suis illustratrice. Les Editions Wellington, c’est mon père, et je suis sa seule héritière. C’est la troisième plus grosse fortune du pays, alors ne t’en fais pas, je vais acheter une maison en parfait état et je n’ai pas besoin d’aide financière, je ne suis pas venue pour ça.


Ca aurait été plus simple de rentrer à Brisbane et de vivre ça entourée de ma famille. Je sais que mes parents bossent beaucoup, mais ils auraient quand même été là. La fille égoïste que je suis ne l’a, pour une fois, pas été, ce qui est une grande première. Je sais qu’une fois au courant, mon père va essayer de me convaincre de revenir, mais je sais aussi que cette fois je vais tenir bon parce que je sais que je fais ce qu’il y a de mieux, mais bon dieu c’est plus facile d’être une garce pourrie gâtée qu’une fille sympa et honnête !

Je veux que tu puisses t’impliquer dans leur vie, que tu sois là pour les échographies, ce genre de choses. Alors ne t’en fait pas, tu auras le temps de t’y faire. Enfin j’espère.

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J’étais contrariée. Même si je comprenais, j’étais contrariée. Cependant je ne dis rien, parce que je savais que c’était difficile également pour Don, de savoir que ces enfants qu’il n’avait pas désiré allaient débarquer bientôt et totalement révolutionner sa vie. Mais sa façon d’agir sous entendait qu’il m’en voulait, et ça c’était bien plus compliqué à avaler. Je l’avais prévenu, qu’on avait plus de capotes, il m’a répondu être stérile. Alors si on a de la responsabilité dans l’histoire pour tous les deux avoir consommé sans protection, nous avions tous les deux une bonne excuse pour l’avoir fait. Je ne regrettais pas. Cette nuit avait été la plus belle de toute ma vie, et je commence à me faire à l’idée d’être bientôt mère. Entre nous, je préfère ça à une MST mortelle ou chronique !

Ca ne servait à rien de ressasser tout ça. Les dés sont jetés, les jeux sont faits. Ces bébés, ils étaient là, chaque jour ils grandissaient en moi, leurs petits coeurs battaient et ils n’avaient aucune conscience de ce qu’ils provoquaient comme chaos dans nos vies. Je ne voulais pas qu’ils se sentent non désirés. J’ai lu des trucs à ce sujet, et il paraît que quand une mère n’est pas heureuse de sa grossesse, qu’elle stresse beaucoup, ça a une influence sur toute leur vie future. Hors de question pour moi de me lamenter. J’étais une fille avec du caractère, autant que ça me serve. Je voulais utiliser cette énergie pour faire tout ce que j’avais à faire, pour gérer les choses de façon positive.

Je levais les yeux vers Don alors qu’il me posait une question. C’est bien la première fois qu’il s’intéresse à ce que moi je ressens dans cette situation. Moi aussi, ça a été le chambardement dans ma tête. Ma vie prenait une direction que je n’avais absolument pas prévue, qui allait même au parfait opposé de ce que je prévoyais pour le futur. Alors réfléchir, je l’avais fait.


J’ai envisagé l’avortement oui. Mais je savais aussi que ce n’était pas le genre de décision à prendre à la légère. J’ai pesé le pour et le contre... Et le pour l’a emporté. La vérité, c’est que petit à petit, je voyais les choses sous un autre angle que mon petit confort. Je voyais les femmes dans la rue avec leur bébé et je me disais que le lien entre eux était unique, que ça pouvait être une belle aventure. J’avais les moyens financiers de m’en occuper, j’avais fini mes études, je n’étais plus une adolescente. C’est pas rien de décider d’avorter, c’est mettre fin à une vie qui se développe en soi, et je savais que je n’aurais pas la force d’affronter l’après. Regretter, me demander si ça aurait été une fille ou un garçon, quel caractère il aurait eu, s’il aurait plus ressemblé à son père ou à sa mère... J’aurais pas pu m’empêcher de penser à tout ça. Et tu vois, une fois que j’ai réalisé ça, j’ai commencé à l’aimer et la question ne s’est plus posée.


C’était la première fois que j’énonçais tout haut les raisons de ma décision. Ca le regardait, plus que n’importe qui, ça ne me dérangeait pas de le faire. On savait parler tous les deux, on l’avait fait souvent à Bangkok. Les choses ont bien changé, je ne retrouve plus ce qu’on avait là-bas, comme si je parlais avec quelqu’un que je ne connaissais pas. Il reste en retrait, garde ses distances avec moi, et c’est assez perturbant. Mais je m’y ferai. Il faut bien non ?


Franchement rencontrer du monde c’est le cadet de mes soucis pour l’instant. Je dois profiter que je suis encore en forme pour trouver une maison et la mettre en ordre, même si c’est que de la déco, c’est le genre de truc qui prend du temps. Après je vais ressembler à une montgolfière et je doute que j’ai envie de faire des pique-nique bucoliques.


C’était de lui dont j’avais besoin, pas de ses «connaissances», mais apparemment, ce n’était pas vraiment le genre de chose qu’il captait...

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Le temps... Il allait faire son oeuvre, j’en étais persuadée. Il fallait qu’il le fasse ! Tout ça, c’était encore bien théorique pour Donovan. Moi, je les portais, c’était différent. J’avais les nausées matinales - bien qu’elles ne survenaient plus qu’occasionnellement à présent - je ne rentrais plus dans mes jeans taille basse, mes soutien-gorges commençaient à se faire un peu étroits... Je ne pouvais nier ces signes, ils étaient bel et bien là. Avec le temps, ça allait être de plus en plus fort, de plus en plus évident. Mon corps allait changer, j’allais finir par les sentir bouger. Cette grossesse, je la vivais pleinement, j’en étais une actrice avec un rôle très important. Mais lui... Il ne vivait rien du tout. Et comme on n’était pas en couple, ça devait être encore plus difficile de réaliser. Alors je me disais qu’il fallait patienter. Je n’avais pas d’autre choix de toute façon. Mais quand il allait les voir, les tenir dans ses bras, là les choses seront très certainement différentes. L’idée deviendrait concrète, et comment ne pas s’attacher ? Quand ses enfants serreront leurs petits doigts autour du sien, qu’ils le regarderont dans les yeux, il ne pourra pas rester insensible.

Pour ma part, j’en suis au stade où plus rien d’autre ne compte que mes enfants. L’instinct maternel, oui, sans doute, mais si c’est ça alors je peux déjà dire qu’il est terriblement développé chez moi, qui est surprenant pour n’importe quelle personne me connaissant. Moi la petite fille capricieuse, la gosse de riche qui a tout ce qu’elle veut et qui en profite, l’égoïste qui ne pense qu’à elle et à son bon plaisir... C’était la Amber d’avant cette grossesse. Aujourd’hui j’ai quelque chose de plus important que moi à m’occuper. Alors autant dire que la proposition de Don de me sociabiliser avec quelques unes de ses connaissances me passe un peu au-dessus de la tête. Je n’ai pas du tout l’esprit à ça pour l’instant. Je veux m’organiser, en faire le plus possible pour prévenir plutôt que guérir. Je ne sais pas combien de temps encore j’aurai le courage - et les capacités ! - de m’occuper des questions pratiques, voilà pourquoi je veux tout régler au plus vite. Pas de temps à perdre, je dois avoir ma maison et l’aménager comme je le souhaite.


Je suis sociable, des amis je m’en ferai. C’est juste que... Chaque chose en son temps. Et je parie que c’est toi qui va me proposer des prénoms ridicules !


Je souris légèrement. Les prénoms, ça ne se choisissait pas avec les copines, mais avec le père des enfants. Je comptais déjà attendre de connaître leur sexe pour commencer à chercher. D’après ce que le docteur m’avait dit, ce sera des enfants du même sexe, ça réduit la liste par deux, c’est quand même intéressant.


J’ai appelé mes parents pour les prévenir. Mon père insiste pour que je rentre à Brisbane, il ne veut pas que je sois seule. Ca serait la solution la plus simple, et là-bas j’ai des tas d’amis, dont certains datent de l’enfance. Mais ça ne m’intéresse pas d’être entourée, il y a d’autres priorités. J’ai changé, j’ai gagné en maturité. Je dois procéder par étapes, et la première, c’est avoir mon chez moi. Je dois aller voir deux maisons dans une heure, alors si t’as le temps... Tu peux m’accompagner ?

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Est-ce qu’on a le droit à l’erreur quand on est dans ce genre de situation ? Franchement je ne crois pas. Aujourd’hui je comprends un peu mieux la réaction de mon père quand il m’a surprise en pleins ébats avec le jardinier canon qui bossait à la maison. Ca l’avait rendu fou de rage et moi j’estimais que ça ne le regardait pas... J’avais tort, ça le regardait, tout simplement parce qu’il avait le droit de s’inquiéter pour moi. C’était son rôle de père, même s’il n’avait pas été parfait, au moins il était présent. Je me trouve dans une situation à laquelle rien ne m’avait préparé, une situation qui va avoir un impact sur tout le reste de ma vie. Je me bats, pour moi et pour ces enfants qui vont bientôt pointer le bout de leurs nez, je me bats pour qu’ils aient un père, une véritable famille à laquelle ils vont pouvoir s’accrocher. Pour moi c’est comme un devoir, parce que je veux leur offrir ce qu’il y a de mieux dans la vie et que je sais que l’argent ne peut pas tout acheter. Mais quoiqu’il arrive, je sais que je suis assez déterminée pour avancer. Je ne veux pas me laisser abattre, laisser la peur ou quoique ce soit d’autre me détourner de mon chemin. Ils ne sont pas encore là, mais je suis déjà mère, ils doivent rester ma priorité.

Trouver une maison. Voilà la première chose que je dois faire. Je dois penser aux choses pratiques, comme par exemple qu’il y ait une barrière autour de la piscine si la propriété en dispose d’une, s’il y a des escaliers, qu’ils ne soient pas dangereux, trop raides, mais autant que possible préférer un plain-pieds. Prévoir assez de chambres pour qu’ils aient chacun la leur quand ils seront plus grands, pour qu’ils puissent avoir leur univers propre. Tout un tas de choses à laquelle on ne pense pas forcément quand on est célibataire, sans enfant, et qu’on choisi son chez soi. J’ai peur d’oublier des choses, de ne pas penser à certains points importants, de mal évaluer les choses qu’il y aura à faire dedans ou de passer à côté d’un défaut qu’un oeil un peu plus avisé que le mien verrait immédiatement. C’est pas rien non plus, le choix d’une maison, même si je peux toujours me dire que si ça ne convient pas, d’ici deux ou trois ans je pourrai la revendre et en trouver une autre mieux adaptée. Sauf que je n’ai pas envie d’à nouveau déménager dans deux ans, alors autant faire le bon choix tout de suite.

Mais si je pensais pouvoir compter sur Don pour m’aider, je me faisais des illusions. De toute évidence, il refuse de s’impliquer, veut rester étranger à mon existence. Ne comprends-t-il pas que la sienne et la mienne sont intimement liées, qu’il le veuille ou non ? Oh et puis merde à la fin, je ne vois pas pourquoi je m’esquinte. Je choisirai seule et sans aide la maison dans laquelle nos enfants grandiront. J’ai peut être changé sur beaucoup de points, mais je garde quand même assez de fierté pour ne pas supplier.


Oh oui tant fais pas je vais me débrouiller. Autant que je m’y habitue je crois.


Constat affligeant, mais constat quand même. Finalement c’est à se demander lequel des deux est le plus mature. Enfin... Monsieur a besoin de temps il paraît, alors je vais lui foutre la paix et ne plus rien lui demander, on verra bien s’il s’y fait ou pas. Je jette un billet sur la table, puis je me relève de ma chaise. J’ai des choses à faire, j’ai décidé de ne pas m’énerver, parce que m’énerver veut dire pleurer au vu du bordel qu’il y a au niveau de mes hormones, et pour ça il vaut mieux que je m’en aille rapidement.


Je t’enverrai la date de la prochaine écho par texto. Si ça t’intéresse tu peux venir, si pas je me débrouillerai. Salut Don.