Dans une ruelle sombre très sombre [Jodie]

Il y a des fois où je me demande si je suis vraiment conscient de ce que je fais. Et parfois je crois pouvoir répondre non.
Habituellement je contourne Northern district pour rentrer chez moi J'ai pas mangé depuis midi et j'ai un peu hâte de rentrer chez moi. Pas plus rapide mais souvent plus tranquille la voie que j'utilise d'habitude permet de flâner sans risques. Mais voilà qu'aujourd'hui je me suis mis en tête de traverser par cette ruelle sombre et mal éclairée. La nuit se met à tomber de plus en plus tôt sur Bowen et il y a des endroits qu'il vaut mieux ne pas trop fréquenter. Pourtant je suis là et qu'est-ce que je vois ? Deux gamins qui doivent avoir dix ans à tout casser en train de se promener et de fureter ici ou là. Au départ y'a rien de bien méchant, sauf qu'ils ont mis la main sur un pack complet du parfait petit camé : seringue, garrot et nécessaire pour faire chauffer son héroïne ... la mort en piqûre quoi !
N'écoutant que mon courage, je me précipite pour leur éviter tout problème.

«Non mais les mômes c'est super dangereux ce truc là ... y vous ont jamais appris vos parents ? ... allez filez de là et ne recommencez plus !»

Bref j'ai du leur filer une belle trouille parce qu'ils sont partis sans demander le reste lassant sur place leur mauvais butin. Butin que je fini par prendre afin d'éviter tout problème pour quelqu'un d'autre.
C'est en sortant de la ruelle que ça se complique pour moi. Légèrement étourdi par la fatigue je chancèle, je m'appuie au mur et j'ai besoin d'un moment de repos. La tête me tourne et je ne suis pas loin de faire un malaise vagual.

* Les émotions sans doute *

Les aiguilles de l'horloge n'avaient cessé de tourner en cette journée relativement longue. Présente dans le café depuis la matinée, j'avais assuré mes horaires habituelles et étais même restée plus tardivement afin d'effectuer l'inventaire. Une tâche qui semble à première vue particulièrement banale mais qui m'avait malgré tout pris un temps phénoménal. Mon devoir enfin terminé, je retrouvais ma liberté. Éteignant la lumière et fermant boutique, je m'aperçu bien vite que la nuit avait déjà commencé à s'installer sur la ville. Mais combien de temps avais-je réellement passé à travailler ?
Prenant le chemin habituel, je longeais alors une des rues principales de Bowen afin d'aller regagner le quartier Sud et plus particulièrement mon appartement. Un trajet qui aurait pu s'effectuer en quelques minutes seulement si mon regard ne s'était pas posé sur un jeune homme qui semblait ne pas être au mieux de sa forme. L'observant un instant, intriguée, je décida bien vite d'aller à son encontre. Cet inconnu au teint d'apparence pâle semblait quelque peu sonné.

« Vous allez bien ? »
Posant alors ma main sur son bras pour lui faire sentir ma présence, je remarqua bien vite ce qu'il tenait. Après un léger mouvement de recul, je soupira légèrement en me rappelant à mes souvenirs d'ancienne droguée. « Si je peux me permettre un conseil, vous devriez arrêter cette cochonnerie.... Je sais que c'est pas le truc le plus simple au monde... mais c'est pas spécialement le top pour la santé. La preuve ! »

Je vacille, je titube et je sens une présence tout près de moi. Mais plus j'essaie de rester debout plus je sens la terre se dérober sous mes pieds. je vois des étoiles un peu partout et dans un premier temps je n'arrive pas à répondre. aucun son audible ne sort de ma bouche. Ce sont plutôt des borborygmes sans aucun sens.

« Ouuuuh ... euh ! ... Je ...eurh ... NOooonnn ! »

Et c'est là que je m'affale lourdement sur le sol. Les crampes d'estomac sont très loin et mon dernier repas aussi. La faim me tiraille et mon cerveau manque de quoi tenir la cadence. Le mieux serait une bonne dose de sucre ! Histoire de me remettre sur pied.
La femme - car c'est une voix de femme - se trouve près de moi, mais j'ai eu du mal à saisir autre chose que sa première question.

« Aidez-moi !!! S'il vous plait aidez-moi ! »

Je tends une main dans le vide, mes yeux ont du mal à discerner quoi que ce soit. Ça ressemble à un cri du désespoir, un peu comme le dernier appel au secours d'une personne en sursis.

Le jeune homme se voulait chancelant et fini alors par s'effondrer au sol. Une scène qui n'était pas sans me rappeler mes propres expériences passées. Les soirées de déchéance à finir par dormir je ne sais où, complètement ruinée, dans l'impossibilité de bouger, trop déchirée pour être entièrement consciente de ce qui se passait réellement. La drogue était une addiction certaine qui pouvait nous faire nous sentir puissants mais, avec tout le détachement dont je pouvais disposer aujourd'hui sur ces diverses substances, je savais également que c'était un véritable enfer.

Comprenant la détresse de ce jeune brun qui réclamait alors mon aide, je ne pris même pas la peine de réfléchir et m'empara de sa main pour l'aider du mieux possible à se relever. « Je travaille dans un petit café-boulangerie, juste là, à 10 mètres. On va y aller » Je le soutenu alors par le bras, l'épaulant dans son avancée jusqu'à mon lieu de travail où je le fit entrer avec moi. Me dirigeant avec lui vers l'arrière boutique, je l'invitais rapidement à s'installer sur une chaise qui traînait à proximité avant d'aller chercher une petite viennoiserie à lui donner. « Tenez ! Mangez ça. Ça vous fera du bien »

ME relever a été compliqué, j'ai vu des étoiles devant mes yeux et j'ai même failli retourner deux fois à terre tellement je n'arrive pas à reprendre mes esprits. Il m'est déjà arrivé par le passé de me retrouver en hypoglycémie, mais à ce point là jamais. Finalement elle réussit à m'emmener un peu plus loin. Là où elle travaille visiblement à ce qu'elle vient de me dire. Mais mon esprit est encore assez confus.
Je mange. J'ai du mal à avaler, mais ça me fait du bien. J'ai du mal à avoir les idées claires et je sens un léger mal de crane pointer à l'horizon

« Merci ... c'est gentil ! »

Je m'aperçois alors que j'ai toujours tout le matériel d'un héroïnomane convaincu à la main. Je ne sais pas encore ce qu'elle va penser de moi. J'ai du mal à apprécier réellement le regard des gens et je doute de son jugement. Encore une qui va me prendre pour un junkie en mal de sensations ...

« Je ... je ne vais pas vous déranger plus longtemps »

Je lui suis déjà redevable à bien des égards. De s'être occupée de moi et de m'avoir porté secours. Un bon point déjà !