We are living in hell, we just don't realise it - John

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C'était la fin de la journée. Le soleil disparaissait peu à peu, les derniers magasins avaient fermé leurs portes et les rues étaient pratiquement toutes vides. C'était uniquement à cet instant-là que le blondinet aimait vagabonder dans cette partie de la ville. Plus le temps passait et plus il détestait les gens en général. Julian se renfermait dans sa bulle et c'était loin d'être bon pour lui, pour ce mal-être qui le rongeait au plus profond de lui. Prenant appui sur sa béquille, il avançait d'un pas nonchalant, le visage fermé et le regard froid, sans réelles idées de l'endroit où il allait passer la nuit. Dans un bar probablement, comme tout ces fameux soirs de vagabondage. Il s'arrêta un instant et attrapa le paquet de cigarettes qui se trouvait dans sa poche et s'en grilla une. La nicotine eut directement un effet bénéfique sur le jeune homme. Voilà dans quoi il trouvait du réconfort : dans toutes ces substances qui le détruisaient. Il releva la tête en entendant quelques éclats de voix et observa les nouveaux arrivants : un gars seul, suivi d'une bande soudée de trois-gars jeunes hommes. 18 ans à tout casser. Julian s'apprêtait à tourner les talons et à vaquer à ses activités quand un événement inattendu eut lieu. Les jeunes hommes prirent à partie le garçon, l'entraînant dans une petite ruelle. Ce qui attisa la curiosité de notre blondinet. Il avait été ces garçons aussi. Celui qui prenait à partie ceux qui n'entraient pas dans le moule qu'il avait lui-même forgé. Il se planta de l'autre côté de la route, appuyé nonchalamment contre un mur, à fumer sa cigarette. Toute personne normale aurait déjà réagi. Mais pas Julian. Des mésaventures comme ça, ça forgeait un homme. Voilà ce qu'il se disait. Mais ce n'était pas un manque d'intérêt ou une folie de sa part. Bien sûr que non. C'était juste sa façon de penser qui était désormais... à part. Toutefois, il n'était pas inconscient : il observait malgré tout la scène d'un oeil attentif, prêt à intervenir s'il le fallait.

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Parmi tous les moments de la journée, celui que John préférait, c'était le soir. Le soleil déclinant peu à peu lui rappelait sa vie passée qu'il regrettait par moment, avec toutes ces soirées passées à regarder le soleil disparaître dans le bleu de la mer aux côtés de Chao. La nuit était aussi un moment intéressant pour arpenter les rues de Bowen: la ville était déserte, comme si qu'elle était sienne, qu'elle se livrait à lui, le laissant s'émerveiller devant un rien. Marchant au hasard des rues, le pirate se retrouva dans les rues commerçantes. Depuis quelques temps, peut être une dizaine de minutes déjà, il sentait une présence derrière lui, cependant ne s'était pas retourné pour voir s'il était réellement suivi ou si ce n'était qu'une impression, il se contentait de serrer davantage sa veste contre lui ; les poches intérieures étaient pleines à craquer de quelques uns des trésors qu'il avait emporté à Colombo puis Bowen, mais avant tout des deux couteaux qu'il avait sur lui. Le reste de la 'collection' était chez Shahid, sans risque d'être perdu, et surtout parce que se balader dans Bowen avec tout ça serait impossible. John n'était même pas sûr d'avoir encore l'adresse de Shahid, au cas où il déciderait d'aller récupérer ses effets personnels. Il finit par tourner discrètement la tête: trois personnes, l'air encore plus jeune que lui. Sûrement des lycéens. Ils discutaient joyeusement; criaient plus que discutaient.
A un moment, deux d'entre eux l'attrapèrent par le bras, le traînant dans une ruelle à l'écart. Ils parlaient, mais John ignorait ce qu'ils racontaient, rien de bien intéressant. Quoique, il avait là un nouveau 'spécimen' des différentes catégories de personne. Lorsque l'un d'entre eux le bouscula, John riposta aussitôt en le poussant d'un coup d'épaule. Celui qui avait commencé n'eut pas l'air d'apprécier et recommença. John se releva rapidement en sortant l'un de ses couteaux.

- Je sais m'en servir et j'hésiterais pas !

Les trois acolytes ricanèrent, visiblement peu crédules. John préféra reculer lorsqu'ils se rapprochèrent. Ils faisaient facilement un mètre soixante-quinze, quatre-vingt-dix... ne mesurant qu'un petit mètre cinquante-huit, il préférait éviter de se frotter à eux de trop près. Tout en reculant, il trébucha. Cette soirée commençait drôlement mal... L'un attrapa sa capuche et le releva. Leurs deux visages étaient au même niveau. Fidèle à lui-même, John le regardait droit dans les yeux, bras croisés. John the Knife ne pouvait quand même pas laisser de tels gamins le ridiculiser ainsi, non mais oh !!

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En observant la scène, Julian se remémora ses années-lycée, où lui aussi avait joué de sa réputation et de sa popularité pour embêter ceux qui étaient... "différents". Oui, c'était le bon mot. Il n'en était pas fier, certes, mais c'était des années où l'insouciance était de mise. Rien que pour ressentir de nouveau cela, il serait prêt à tout. Il sortit de ses pensées et reporta son attention sur les quatre jeunes. Les trois brutes commencèrent leur show, Julian ne bougeant pas d'un pouce. Mais très rapidement la "victime" prit le dessus de la situation, en sortant un couteau. Bien que les trois adolescents ne semblaient pas intrigués, Julian préféra intervenir. Là, ça allait loin. Quand il s'approcha d'eux, il regarda l'adolescent qui venait d'attraper la victime.

Lâche-le ! On ne vous a jamais dit qu'il ne faut pas s'attaquer à plus petit que soi.

Pour lui, c'était certain, les trois brutes s'attaquaient à un gamin. Quand il posa son regard sur le garçon au couteau, il se rendit compte de sa gaffe et lui adressa un regard désolé. Il regarda de nouveau les trois adolescents, fronçant les sourcils quand il les reconnut tour à tour. C'était les voisins de ses parents. Les jumeaux et leur petit frère.

Oh mais vous êtes les fils Harrington ! Vous n'avez pas mieux à faire ? Je crois que si... Dégagez maintenant ou je vais dire deux mots à votre père !

Craignant que Julian les balance à leurs parents, les adolescents partirent sans dire un mot, le regard noir. Julian les suivit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Il se tourna ensuite vers le jeune homme.

Toi, ça se voit que tu n'es pas d'ici ! Un conseil : si tu as de nouveau affaire à ce genre de gamins qui se la jouent caïds sans l'être réellement, garde tes couteaux au chaud. ça ne te servira à rien, hormis t'apporter un tas d'ennuis.

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Alors qu'il semblait ne rien avoir à faire, un homme blond surgit de l'ombre et tira John de ce mauvais pas. Peu après son apparition, John regagna la terre ferme. On ne vous a jamais dit qu'il ne faut pas s'attaquer à plus petit que soi, qu'avait dit l'homme aux trois lycéens. En entendant ça, John rangea son couteau, vexé. Il devait être plus vieux que le trio, mais on le considérait comme le plus jeune. Il savait qu'il était petit, pourquoi les gens se sentaient-ils toujours obligés de le lui rappeler ? Bien que l'homme avait sûrement parler avant d'avoir réfléchi, lui ayant adressé un regard désolé ensuite, John était toujours vexé. Apparemment inquiets après que l'homme les ait reconnus, les 'fils Harrington prirent leurs jambes à leur coup. Ils s'en prenaient à justement plus petit qu'eux, et n'osait pas assumer leurs actes, c'en était presque risible. Il se tourna vers John en lui expliquant quelle conduite il valait mieux tenir avec ce genre de personne. John n'était pas très convaincu. Comment ça, ses couteaux pourraient lui apporter des ennuis ? Un tas, qui plus est.

-Pourquoi ? Ils m'ont toujours bien servit...

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Bon, Julian semblait avoir vexé le jeune homme et il le comprenait parfaitement. Combien de fois sa mère lui avait-il dit de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler ?! Comme quoi, il n'avait pas encore retenu la leçon. Illico presto, les trois frères quittèrent la ruelle. Il valait mieux pour eux, sachant que leurs parents étaient proches du père Callaway. Dans une petite ville comme Bowen, chaque geste, chaque acte, chaque parole pouvait prendre une dimension considérable. Et visiblement, le jeune homme ne semblait pas être au courant des us et coutumes de la ville. Pour Julian, c'était donc normal de lui en faire part, alors que bien d'autres personnes se seraient empressés d'appeler la police, par pure précaution. A sa question, Julian haussa les épaules, ne préférant pas trop savoir combien de fois avaient servis ces couteaux-là.

Peut-être qu'ils t'ont bien servi, j'en suis même certain, mais à Bowen, disons que ce n'est pas forcément la violence qui résout les problèmes. Surtout face aux trois phénomènes que tu as dû affronter. Ils ne sont pas méchants, juste un peu stupide sur les bords. Comme la grande majorité des jeunes du coin.

Il haussa de nouveau les épaules. Il sortit son paquet de cigarettes, en sortit une et l'alluma. Il tendit ensuite le paquet au jeune homme, lui proposant silencieusement s'il en voulait une.

ça fait longtemps que tu es ici ?

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A Bowen, ce n'est pas la violence qui résout les problèmes. Qu'est-ce qu'il racontait ? John n'avait pas été violent ! Il ne se serait pas servi de ses couteaux, comme l'homme le disait, il avait bien vu que ces trois adolescents n'étaient que des gens 'un peu stupide sur les bords'. Un peu beaucoup, même, d'après John. Mais bon, à chacun sa vision des choses... L'homme haussa les hommes, sortit ses cigarettes, en alluma une et en proposa une à John. Après un moment d'hésitation, John l'attrapa. Il observa un instant l'homme, lui emprunta son briquet et suivit l'exemple donné.

- Depuis janvier. Fin janvier. Mais je crois bien que je commence à regretter d'avoir quittée ma vie d'avant. Le monde est réellement compliqué.

Avant, il n'avait qu'à donner des ordres et c'était tout. Lorsqu'il avait un problème, il y avait toujours Chao pour l'aider à prendre une décision plus ou moins intelligente. Mais là, le petit John, il se retrouvait totalement seul, livré à lui-même. Certes, en cas de gros problème, il y avait toujours l'option d'aller demander de l'aide à Shahid... mais autant que possible, John préférerait éviter d'avoir à le faire. Shahid avait déjà entendu parler de John the Knife, avant de le croiser. D'aller le voir en avouant être incapable de s'en sortir seul dans la société, ça, c'était complètement hors de question pour John...

Invité

Julian tendit son paquet de cigarette et quand il accepta une, il lui refila alors son briquet. Il porta ensuite sa cigarette à ses lèvres et tira dessus, laissant la fumée envahir ses poumons. Il observait le jeune homme, repensant à la scène à laquelle il avait assisté. C'était tout à fait le genre de personne que Julian et sa bande auraient embêté, sous prétexte qu'il n'était pas "comme eux". Comme quoi, ils étaient vraiment stupides à l'époque ! Il sortit de ses pensées, tourna la tête et souffla la fumée de cigarette. Ses yeux verts retournèrent se poser sur le jeune homme, écoutant sa réponse. Une réponse qui éveilla sa curiosité. "Le monde est réellement compliqué"... ah ça, c'était certain ! Le jeune homme venait-il de s'en rendre compte qu'à présent ? C'était à se demander ce qu'il faisait avant.

Le monde est compliqué, ouais, mais tout une question d'adaptation. Il faut juste savoir en manier les ficelles. Mais tu habitais où avant de venir à Bowen ?

Julian s'imaginait déjà l'ermite. Celui qui vivait reclus dans son coin et qui découvrait à peine le monde qui l'entourait...

Au fait, je m'appelle Julian.

S'ils venaient à discuter, autant faire les présentations dans les bonnes et dues formes.

Invité

Le monde est compliqué, ouais, mais tout une question d'adaptation. Il faut juste savoir en manier les ficelles. Ah, ça, pour le coup, John ne trouvait rien à y redire. Peu de gens semblait penser comme lui, comme presque tous avaient l'air de s'en sortir plus ou moins bien sans avoir à se casser la tête pour comprendre. L'homme lui demanda ensuite où il habitait avant d'arriver à Bowen. Tandis que John réfléchissait à la réponse qu'il allait donner, il apprit que le blond en face de lui se nommait Julian.

- Moi c'est John. Pour répondre à ta question, je vivais dans l'Océan Indien.

John porta la cigarette à sa bouche, en se souvenant que son père aussi fumait. Beaucoup, même, qu'il fumait. Pourtant, il était en excellente santé. En voyant le nombre d'avertissements sur les dangers du tabac, John avait du mal à comprendre. C'était à en perdre son latin, comme disaient certaines personnes.

- T'as toujours vécu dans ce monde pour trouver toi aussi que le monde est compliqué ?

Ce Julian était-il lui aussi un ancien pirate ? Probablement pas. Il avait tout de même l'air de connaître le monde actuel. Mais il semblait aussi plus vieux que John, et peut être qu'il avait eu le temps de comprendre plus ou moins bien les gens normaux. Non, cette hypothèse était impossible.

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Julian arqua un sourcil quand il entendit la réponse du fameux John. L'Océan Indien ? Il garda son regard posé sur lui, attendant un peu plus de précision de la part du jeune homme.

L'Océan Indien ? C'est assez vague...

Bien entendu Julian était à mille lieues de connaître la véritable identité de John. Il haussa des épaules et porta de nouveau la cigarette à ses lèvres, tirant une nouvelle fois dessus avant de relâcher la fumée. Il posa son regard vert sur l'artère principale où seuls quelques passants s'y trouvaient encore et se fit songeur. Ces derniers temps, un rien suffisait pour qu'il se perde dans ses pensées. Mais la voix de John le ramena vite sur Terre. Il resta muet un instant, réfléchissant à ce qu'il pouvait bien répondre. D'un signe de tête, il acquiesça ses paroles :

Ouais, j'ai toujours vécu "dans ce monde", comme tu le dis. Simplement, ça ne fait que quelques mois que je me rends compte à quel point il est compliqué... Enfin, c'est la vie... Et toi, comment ça se fait que tu ne t'y fais pas, à Bowen ?

Invité

L'Océan Indien ? C'est assez vague... Pour avoir vécu sur cet Océan durant dix-huit ans, John ne pouvait qu'approuver la remarque de Julian. Il devinait bien que Julian attendait une réponse plus précise. Mais que répondre ? La vérité ? Pourquoi pas après tout.

- Je ne pourrais pas te dire plus précisément. Mais surtout près de l'Inde et de la Chine.

C'était ça, la vie d'un pirate. Passer ses journées à voguer sur les mers, sans cap précis. Là où la richesse appelle... richesse dont il ne profitait pas entièrement comme les pirates des histoires, de leur "âge d'or". Aujourd'hui, les pirates dépendaient d'une organisation. Mafia, yakuza, Triade Chinoise... Comme les Li, qui dépendaient depuis toujours de cette dernière. Et par conséquent reversaient une partie de leur "trésor" aux dirigeant de cette organisation ilégale... Julian lui répondit ensuite qu'il avait toujours vécu dans ce monde et demanda à John pourquoi il ne réussisait pas à se faire à Bowen.

- Ce mode de vie est à mille lieues de mon ancienne vie. J'ai vécu quelques semaines au milieu de gens normaux, avant d'arriver à Bowen, mais on n'avait pas à s'adapter à eux.

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Entre l'Inde et la Chine ? Pour le coup, avec cette réponse, Julian n'était pas plus avancé. Il haussa des épaules, esquissa un léger sourire et lâcha un bref :

Ouais, je vois.

Il ne chercha pas à en savoir plus. John lui avait bien dit qu'il ne pouvait pas être plus précis. Bah c'était peut-être un baroudeur, un aventurier qui voguait sur les océans, un globe-trotter qui n'avait aucunes attaches ou lieux d'habitation précis. Rien que cette idée éveilla les envies d'évasions de notre blondinet. Lui aussi aimerait répondre "entre tel endroit et tel endroit" à la question "tu viens d'où ?". Mais non, lui vivait à Bowen et semblait être destiné à croupir dans cette ville qu'il maudissait. Tandis qu'ils discutèrent du monde dans lequel ils vivaient, un véritable enfer soit dit en passant, il attendit avec curiosité la réponse de John. Bowen était une petite ville accueillante, où il faisait bon vivre pour toutes personnes sans problèmes. Rares étaient les personnes qui ne s'y faisaient pas... Julian avait un jour fait partie de ces personnes-là, il avait aimé vivre à Bowen. Mais la roue avait fini par tourner et désormais, il avait l'impression que cette ville ne lui apportait que du malheur. Quand il eut sa réponse, le jeune homme fronça les sourcils. Là, il ne comprenait vraiment plus rien. Si ça se trouve, il se trouvait face à un psychopathe, un forcené ou un fou qui ne trouvait pas sa place dans le monde dit "normal". Bah oui, il fallait envisager toutes les possibilités.

Attends... Qu'entends-tu par les "gens normaux" ? Tu ne te considères pas comme une personne dite "normale" ?

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En entendant sa réponse sur son lieu de vie, Julian répondit qu'il voyait; qu'il avait compris quoi ? Toute l'histoire, ou bien juste que John ne pouvait pas répondre plus précisément ? Sans doutes la seconde option. Pourquoi est-ce que John ne faisait pas au monde 'normal' ? Parce qu'il avait grandi à mille lieues de tout ça. Travailler pendant des heures et des heures pour gagner de l'argent alors qu'avant, en un jour il y avait assez pour longtemps, même en retirant ce qu'ils donnaient aux chefs, mais aussi les lois et tous ces gens... Attends... Qu'entends-tu par les "gens normaux" ? Tu ne te considères pas comme une personne dite "normale" ? John tira sur la cigarette que son interlocuteur lui avait offerte en le dévisageant. Une définition des "gens normaux" ? Il n'avait jamais pensé à en créer une. Comment les définir ? Ou plutôt, était-ce possible ?

- Eh bien... les gens qui n'ont pas eu le même mode de vie que moi. Et non, je ne me considère pas comme tel. Car je n'a vécu en tout et pour tout que... à peu près un an au milieu d'eux. Et encore, ils nous ressemblent plus qu'ils ressemblent aux gens normaux. Aux gens dont on entend parler dans les journaux, ou qu'on rencontre tous les jours.

John soupira.

- Mais bon, tout ça n'est que le résultat de ma petite étude sur eux. Je ne les connais pas beaucoup, les gens peuplant les continents. Nous, on peuple les océans...

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A l'ordinaire, Julian ne se serait absolument pas préoccupé du jeune homme, de ses ressentis sur le monde dans lequel ils vivaient. Il avait toujours été égoïste et c'était bien cela qu'il regrettait. En cachant sa véritable nature, ses sentiments ou sa vraie façon d'être, Julian était passé à côté de beaucoup de choses. Notamment sur le plan humain. Et s'intéresser un tant soit peu aux gens était un énorme pas pour le beau blond. Il fallait l'avouer, en plus de cela, John était un être à part et Julian avait envie d'en savoir plus. Quand il eut sa réponse, le jeune homme garda ses yeux verts posés sur John, preuve qu'il l'écoutait avec une attention grandissante et une curiosité dévorante. Plus il avançait dans son discours et plus le nombre de questions que Julian se posait grandissait. Un an ? Il n'avait vécu qu'un an parmi les gens "normaux ?. Julian était-il lui-même considéré comme une personne "normale" ? Il haussa les épaules.

Les gens "normaux", comme tu le dis si bien, n'ont rien de très passionnant. Boulot, métro, dodo, ça doit être la devise d'au moins 80% de la population. Je pense que tu as dû t'en rendre compte durant cette petite période à nous avoir côtoyé.

Ouais, Julian s'était finalement inclus dans ces "gens normaux". Après tout, il avait une vie tout à fait banale : ses soucis ne se comptaient que sur les doigts de la main et étaient souvent dû à ses parents, aux filles, aux études et autres sujets ordinaires. Il termina sa cigarette, la jeta et écrasa le mégot du bout de son pied. Il reposa ensuite son regard sur John. Et qu'entendait-il par "nous" ?

Quand tu dis "nous", tu parles de qui ? A part les pirates, je ne vois pas trop qui peuplent les océans.

Il ponctua sa phrase par un petit rire. Et pourtant, il était loin de savoir qu'il avait mis le doigt sur le bon terme...

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Les gens "normaux", comme tu le dis si bien, n'ont rien de très passionnant. Boulot, métro, dodo, ça doit être la devise d'au moins 80% de la population. Je pense que tu as dû t'en rendre compte durant cette petite période à nous avoir côtoyé. John hocha lentement la tête. Pour sûr... il l'avait remarqué. Le contraire aurait été impossible. Il l'avait remarqué, que les gens normaux étaient d'un ennui à mourir. Routiniers, la plupart aimaient malgré tout leur train-train quotidien et stressaient dès qu'un élément inattendu venait bousculer leur vie. John allait ajouter que c'était sans doute bien plus que quatre-vingt pour cent lorsqu'il se souvint que c'était ce que Julian avait préciser.

- Faudrait vraiment pas être attentif pour ne pas l'avoir remarqué. Parfois, ils me donnent vraiment envie de repartir de Bowen. De quitter ce monde trop routinier...

Mais à part avec un miracle, tout cela était impossible. Non seulement il faudrait que le pirate réussisse à contacter son ancien équipage... et ça, ce n'était pas gagné. Pas du tout, même. Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette tandis que Julian lui demandait des explications sur ce "nous" que John avait évoqué à plusieurs reprises, sans se douter qu'il venait de répondre à se propre question. Avant de laisser échapper un petit rire qui déplaisait à John. John dégaina son couteau et pointa Julian, sourire en coin.

- En plein dans le mil.

Il releva ensuite le menton de Julian avec le côté plat de la lame.

- Par contre, je n'ai pas aimé ce petit rire, t'avise pas de recommencer.

Les gens qui riaient de cette façon lorsqu'ils avaient une conversation avec lui rappelaient toujours à John les moqueries de la grande majorité de l'équipage Li...

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Une nouvelle fois, Julian haussa des épaules. C'était presque devenu un tic chez lui. Mais c'était fou comme il pouvait comprendre John. Lui aussi faisait partie de ces gens qui n'acceptaient pas la routine. Julian avait un mode de vie routinier oui, mais c'était uniquement parce qu'il n'avait pas le choix. S'il n'avait pas eu son accident, c'était certain qu'il ne serait pas ici. Mais pourtant, quoiqu'il dise, quoiqu'il fasse, il revenait toujours ici et se perdait encore dans son monde routinier. Heureusement, certaines rencontres rendaient la chose plus agréable et tentaient d'apporter un peu de surprise dans une vie bien trop banale. C'était ces rencontres-là qui faisaient tenir Julian. Bizarrement, en pensant à cela, ce fut le visage d'Eileen qui apparut dans les pensées du jeune homme et un léger sourire s'afficha sur ses lèvres.

Fuis pendant qu'il en est encore temps... Non, je déconne ! Je ne vais pas être hypocrite et te vanter les mérites de la ville, mais quitte à être coincé ici, autant prendre sur soi et tenter de voir le bon côté des choses. Y a quand même des gens biens ici, il faut juste les chercher.

En disant ces paroles, cela se voyait que Julian n'était pas pleinement convaincu de ce qu'il disait. Après tout, lui aussi était en pleine réadaptation et le processus allait encore être très long. Quand il enchaîna sur les pirates, Julian était à mille lieues de se douter de ce qui allait arrivé. Un pirate ? Il était donc un pirate ! Toutefois, il avait oublié un détail : les couteaux de John, dont un était justement pointé vers lui.

Oh, du calme !

Julian faisait deux têtes de plus que John, mais ce dernier parvenait quand même à garder le contrôle de la situation. Sur le coup, Julian ne faisait pas le malin, grimaçant quand le couteau frôla son menton. Mais quand il entendit sa dernière phrase et "l'ordre" que John sous-entendait, cela en fut trop. Il en avait plus qu'assez qu'on lui dise quoi faire, qu'on lui interdise de faire ceci ou cela. D'un geste vif, il dégagea le bras de John et d'un ton froid, il lâcha :

Et toi, ne t'avise pas de dire ce que je dois faire ou non. Je ris, si j'ai envie de rire. La liberté d'expression, tu connais ? Et puis, faut arrêter d'être parano, mon vieux, surtout pour de telles futilités, où il n'y avait rien de méchant. Si tu agis comme ça avec tout le monde, bah ce n'est pas étonnant que tu ne t'y fasses pas...

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