nice to meet you, anyway. (emrys)

Maybelle détestait être en retard et pourtant, chaque matin, elle constatait avec dépit qu’elle était encore à la bourre. La faute au temps qu’elle prenait pour se coiffer. Et pour se maquiller. Et pour se changer deux ou trois fois parce que la tenue qu’elle avait soigneusement choisi la veille – pour ne pas être en retard, justement ! – ne lui convenait pas. Elle était décidément trop coquette… Une fois sortie de chez elle, ce jour-là, la blondinette s’engagea dans les rues de Bowen avec hâte. Elle n’aimait pas vraiment les transports en commun et de toute façon, elle habitait tout près du café où elle travaillait depuis quelques semaines. Un peu de marche ne lui ferait pas de mal ! Elle regarda sa montre et pressa le pas en se rendant compte qu'il ne lui restait plus que quelques minutes avant d'être réellement en retard. Une fois arrivée à bon port, elle tomba nez-à-nez avec l’un de ses collègues. Em-quelque-chose. Elle ne l’avait pas vu bien souvent mais l’idée de passer le reste de la journée en sa compagnie l’enchantait moyennement, pour être honnête. Cela dit, elle n’avait pas le choix et elle se devait de garder son entrain habituel – au moins pour les clients. « Salut », dit-elle poliment sans pour autant s’étendre. Ce n’était pas qu’elle ne l’aimait pas mais en repensant à l’accueil qu’il lui avait réservé lors de son premier jour, il ne semblait pas très content de l’avoir comme collègue... Elle ignorait pourquoi mais après tout, ce n'était pas si grave ; on ne pouvait pas être aimée de tout le monde. Elle déposa rapidement ses affaires dans le vestiaire et prit son poste, restant à une distance raisonnable d’Emrys. Elle n’aimait pas spécialement travailler dans la mauvaise ambiance mais elle n’avait pas envie de se faire rembarrer en essayant d’engager la conversation… S’il voulait s’en tenir à des rapports purement professionnels, cela lui convenait très bien. C’était son droit, après tout.

Il y avait des jours où tout allait comme sur des roulettes, où il se sentait naturellement bien sans raison particulière, et d’autre jours où ce n’était pas le cas. Cela devait faire deux ou trois semaines qu’Emily était partie, sans vraiment avoir donné d’explication, et il avait toujours du mal à digérer la nouvelle depuis. Une éternité s’était écoulée et en plus de ça, le temps passait plus lentement depuis qu’il n’avait plus de super copine qui embêter. Oui, il était tout à fait normal qu’il avait fallu lui trouver un remplaçante mais quelque peu égoïste, il savait pertinemment que ce ne pouvait être Emily. « Salut » « Salut. » répondit-il machinalement en relevant la tête pour voir passer en mode furtif de l’autre côté du comptoir la nouvelle recrue justement. Il baissa la tête devant son poste, un peu coupable de l’ambiance qui régnait entre les deux. C’était de sa faute, entièrement de sa faute, et la pauvre ne devait rien y comprendre. Surtout que ce n’était pas son genre de se comporter de la sorte. Du coin de l’œil, il l’observa revenir aux devant des comptoirs pour s’occuper d’éventuels clients. Il jeta un bref coup d’œil dans la salle pour voir qu’il n’y avait pas foule, et que ceux qui étaient présents étaient déjà servis. Pensif et quelque peu sur la réserve, il se laissa tout de même guidé par son instinct, maintenant qu’il avait à peu près fait le deuil du départ de son amie, et lança hésitant « Maybelle ? c’est ça ? » Faut dire qu’à ce moment-là, honnêtement, il s’attendait à se faire remettre à sa place bien comme il le fallait, et peut être qu’au fond c’était tout ce qu’il méritait. Il voulait se rattraper, et il allait devoir la jouer subtilement au risque d’envenimer involontairement la situation..

La jeune blonde n'avait pas pour habitude de juger les gens sur une première impression. En fait, elle n'avait pas l'habitude de juger les gens tout court. Elle serait bien mal placée pour le faire, d'ailleurs... Avec son look plutôt original, ses cheveux qui changeaient très souvent de couleur et son maquillage assez voyant, elle n'était pas la mieux placée pour donner une opinion sur les autres. L'habit ne fait pas le moine, disait-on. De ce fait, elle n'avait aucun avis sur son collègue. Elle ne le trouvait ni gentil, ni méchant. Ni avenant, ni détestable. C'était un être humain comme il en existait des milliards, voilà tout. Comme tout le monde, il devait avoir de bons et de mauvais côtés. Pour le moment, elle avait plutôt vu les mauvais que les bons mais elle avait remarqué qu'il était très apprécié de ses autres collègues. Il n'était donc pas aussi désagréable qu'elle pourrait être tentée de le croire. Peut-être que sa tête ne lui revenait pas, tout simplement. Peut-être qu'il n'aimait pas les petites blondes excentriques. Peut-être que contrairement à elle, il s'arrêtait sur la première impression et qu'elle n'avait pas été à la hauteur de ses espérances. Il y avait mille et une raisons de ne pas aimer quelqu'un. « Maybelle ? c’est ça ? » La voix du jeune homme la tira de ses pensées et pour un peu, elle en aurait sursauté. Elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'il lui parle mais il semblait faire un pas vers elle. Whoa. Elle tourna la tête, planta ses yeux bleus dans les siens, et attendit quelques secondes avant de répondre. « Ouep, c'est ça ! Mais tu peux m'appeler May », dit-elle finalement, le plus naturellement du monde. « Et toi ? Je sais que ça commence par "Em" mais je ne suis plus très sûre de la fin... J'ai une mémoire de poisson rouge », avoua-t-elle, cherchant au fin fond de ses souvenirs pour essayer de se rappeler de son prénom. Elle aurait pu lui répondre un simple "oui" et ne pas relancer la conversation. Ou se montrer désagréable et lui faire comprendre qu'elle n'avait pas apprécié son attitude. Mais à quoi bon ? Elle préférait nettement travailler dans la joie et la bonne humeur et même si elle doutait qu'ils deviennent les meilleurs amis du monde, il était préférable qu'ils aient de bons rapports. Elle n'avait jamais été rancunière, de toute façon. C'était une perte de temps et d'énergie.

Maybelle n’était pas encore certaine des intentions de son collègue. Cherchait-il réellement à enterrer la hache de guerre ou avait-il eu ordre, par leur supérieur, d’essayer de rétablir un semblant d’unité au sein de l’équipe ? Dans tous les cas, elle était pour arranger les choses. Peu importe qu’il se sente obligé de le faire ou que cela vienne de lui-même. « Emrys. Je m’appelle Emrys. » La jeune femme hocha la tête pour montrer qu’elle avait bien entendu. Emrys. Ce coup-ci, elle tâcherait de ne plus l’oublier. « J’suis désolé pour … Enfin, tu n’as pas eu l’accueil que tu méritais. » Elle haussa un peu les épaules, un sourire aux lèvres. Elle ne lui en voulait pas. Elle aurait bien évidemment préféré être accueillie chaleureusement mais on ne revenait pas en arrière et la rancune était une perte de temps. Elle préférait se concentrer sur l’avenir et laisser les sentiments négatifs de côté. Ce qui importait, c’était qu’Emrys s’était excusé et qu’il semblait faire un pas vers la réconciliation. Elle voyait toujours le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. « C’est rien, t’en fais pas. Tu devais avoir tes raisons... » Elle ne demandait pas spécialement d’explications parce qu’au fond, elle s'en fichait. Elle n’allait pas lui mener la vie dure sous prétexte qu’il s’était montré bien peu avenant lors de ses premiers jours de travail - surtout pas maintenant qu'il tentait de se montrer plus amical. Le chapitre était clos, la page était tournée et ils pouvaient recommencer à zéro, laissant derrière eux leur toute première rencontre. « On repart sur de bonnes bases ? », demanda-t-elle en lui tendant la main pour se présenter. « Salut moi c’est May, ta nouvelle collègue. Enchantée de faire ta connaissance. » Elle lui adressa un sourire amicale, espérant qu’il accepterait sa poignée de main.

Honnêtement, il ne savait pas ce qu'il comptait faire exactement, à quoi il s'attendait. Il avait été pas spécialement chaleureux avec elle, et elle avait toutes les raisons du monde de lui en vouloir, de ne pas lui parler, ni même de lui pardonner. Quitte à se manger un bon vent, au moins on ne lui reprochera pas d'avoir essayer d'arranger la situation et l'ambiance qui régnait par sa conduite. C'était la moindre des choses. « C’est rien, t’en fais pas. Tu devais avoir tes raisons... » Est-ce qu'il était nécessaire qu'il s'explique ? C'était déjà assez horrible de repenser à cet accueil, et si en plus il devait revenir sur son comportement égoïste, à la limite de l'immaturité... non merci. Emily avait beau être partie, ca ne restait pas moins une raison valable d'avoir reçu sa nouvelle collègue ainsi. Enfin bref, il se contenta de secouer la tête doucement, les yeux pleins de regrets. « Non. Raisons ou pas raisons, j'avais pas à mettre cette ambiance froide » Ou alors elle feignait bien de ne pas être rancunière, et alors il l'admirait pour voir jusqu'où elle pouvait aller juste pour ré-instaurer la bonne entente, même si ce n'était que de l'hypocrisie. Parfois il en fallait bien, et dans ce cas elle était peut être plus intelligente que lui. Ou alors elle était sincère, et ca en était déconcertant. Il ne le méritait même pas, et ca le mettait quelque peu mal à l'aise. Mais il ne voulait pas lui mettre un autre vent alors, il sourit doucement à cette nouvelle chance que lui accordait May. « On repart sur de bonnes bases ? » Elle tendit sa main à Emrys avant d'ajouter « Salut moi c’est May, ta nouvelle collègue. Enchantée de faire ta connaissance. » Il lui serra doucement la main. « De même May. Je suis Emrys. Bienvenue au café, puis si tu as besoin de quoique ce soit, n'hésites pas »

« Non. Raisons ou pas raisons, j'avais pas à mettre cette ambiance froide » Bien que surprise, Maybelle lui adressa un petit sourire. Elle ignorait pourquoi il culpabilisait à ce point parce qu'au fond, il n'y avait pas mort d'hommes... Il lui avait laissé une mauvaise impression, certes, mais rien d'irrécupérable. Cela dit, le fait qu'il regrette son comportement était une bonne chose, une preuve qu'il souhaitait réellement rétablir la bonne humeur. Il serra finalement sa main et la jeune femme soupira de soulagement. Elle n'aurait pas supporté qu'il l'ignore. « De même May. Je suis Emrys. Bienvenue au café, puis si tu as besoin de quoique ce soit, n'hésites pas » C'était probablement comme ça qu'ils auraient dû se présenter l'un à l'autre  lors de leur première rencontre mais mieux valait tard que jamais, non ? Tout le monde avait des mauvais jours et elle avait décidé de pardonner Emrys. « Je n'hésiterai pas », dit-elle joyeusement. « Ça fait longtemps que tu bosses ici ? » Autant faire plus ample connaissance plutôt que de laisser le silence s'installer à nouveau. Et puis, elle voulait lui prouver qu'il s'était trompé sur son compte et que même si elle avait pris la place de son amie, cela ne faisait pas d'elle une ennemie potentielle.