— watch out for this

Loo frissonna. La température commençait à baisser à Bowen ; l'hiver serait bientôt là. Même si les hivers dans cette région d'Australie était plutôt chauds, la jeune femme ne pouvait s'empêcher d'éprouver un petit pincement au coeur en repensant à l'été qui lui semblait si loin. Ça pouvait paraître idiot, mais à chaque fois que l'hiver pointait son nez, Loo sentait son moral baisser. Peut-être parce que cette période lui rappelait de mauvais souvenirs, peut-être parce qu'elle n'aimait pas le froid, peut-être parce qu'elle ne pourrait plus aller se baigner... Loo n'en savait absolument rien. Toujours ce sentiment de mal-aise à l'approche du mois de juillet. Ça lui rappelait ces longues semaines passées à l'hôpital, les larmes de son frère, de sa mère, de Swan, l'incompréhension de tous... Il fallait vraiment qu'elle en parle à Ellen, ou même à Thalia. En se levant, Loo regarda rapidement par la fenêtre ; elle vit le ciel gris, les quelques rayons qui réussissaient quand même à passer aux travers des nuages. Se levant, en traînant les pieds, elle remarqua que Swan n'était pas là. Génial. Une des seules personnes ici-bas capables de lui redonner le sourire n'était pas là ; et dieu sait que Loo a besoin des câlins de sa meilleure amie pour se sentir bien. Elle s'assit à la petite table encombrée de leur minuscule logement universitaire, avala quelques toast et quelques pillules, prit une longue douche relaxante et enfin, sa joie de vivre toute récente réapparut enfin. Loo se dépêcha de finir de se préparer et fila en cours.

La journée fut courte. Loo se montra impliquée et active en cours ; elle prit part à un débat fiévreux concernant les livres d'Albert Camus, faisant parti de ses "fans". À la sortie des cours, la jeune femme n'eut aucune envie de rentrer au campus : elle décida, sur un coup de tête, d'aller faire un peu de shopping. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, elle avait simplement eu envie donc elle se dirigea vers les rues commerçantes. Loo avait comme projet d'acheter un manteau un peu plus chaud que ceux qu'elles portaient actuellement. Elle fit le tour de deux ou trois magasins sans trouver son bonheur ; et ce fut dans le quatrième qu'elle croisa la dernière personne qu'elle aurait voulu voir. C'était Maybelle, la petite blondinette aux grands yeux de chat la plus insupportable de toute l'Australie. Elle était en train de regarder une veste, ou plutôt LA veste, qui ressemblait à tout point à ce que Loo voulait. Cette dernière la regardait, plus ou moins cachée derrière un étalage de tee-shirt. Maybelle se retourna alors, et Loo plongea ventre à terre, espérant ne pas avoir été remarquée. Elle détestait Maybelle.

La journée fut courte pour Maybelle. C'était son jour de congé et bizarrement, le temps passait toujours plus vite quand on ne travaillait pas. Elle avait téléphoné à Aléna pendant près d'une heure, déjeuner avec sa cousine, passé du temps avec sa petite sœur... Bref, elle s'était occupée de ses proches. Depuis qu'elle travaillait à plein temps dans un café du centre-ville, elle avait l'impression de délaisser les gens qu'elle aimait et elle détestait cela. Comment faisaient les femmes qui devaient gérer boulot, gosses et mari ?

En fin de journée, la petite blonde décida d'aller faire quelques emplettes. Elle était très coquette et portait beaucoup d'attention à son look. Elle achetait régulièrement de nouveaux vêtements et aujourd'hui, elle avait envie d'une veste. Son dressing en comptait déjà quelques-unes mais dans ces cas-là, l'adage "quand on aime, on ne compte pas" marchait plutôt bien pour libérer sa conscience. Alors qu'elle était en train de contempler la veste de ses rêves dans sa boutique préférée, elle eut la désagréable impression d'être observée. Faisant volte-face pour scruter les alentours, elle aperçut furtivement une jeune fille foncer tête baissée vers le sol. Intriguée, elle reposa la veste et contourna l'étalage de t-shirts pour s'approcher de cette inconnue. Qui n'était pas si inconnue que cela, en réalité. Loo. « J’aurais dû m’en douter », dit-elle, un sourire narquois sur les lèvres. Allongée sur le sol, ventre à terre, la blonde bouclée avait l’air encore plus pitoyable que d’habitude. Elle ignorait pourquoi mais elle avait du mal à la supporter. Enfin non, elle savait totalement pourquoi. Elle lui piquait sa meilleure amie et elle détestait ça. « Tu m'espionnes, maintenant ? » Son ton, bien que courtois, était plutôt agacé. Elle ne pouvait pas s'en empêcher, Loo l'exaspérait et elle ne parvenait à pas se contrôler lorsqu'elle était dans les parages. Sauf quand Aléna était là, évidemment... Il fallait bien sauver les apparences.  

La relation qu'entretenait Loo et Maybelle était assez compliquée et plutôt bizarre ; ceux qui ne les connaissaient pas bien ne comprenaient pas pourquoi ces deux-là ne pouvaient pas s'encadrer. Il fallait bien avouer que jamais personne ne les avait vu se disputer pour x raison, car en vérité, elles ne se disputaient jamais. Non, c'était plus subtil que ça. Tout était histoire de jalousie entre les deux blondinettes. Elles se battaient pour Aléna. Elles étaient toutes deux proches d'elle et jalousait farouchement l'autre. Toute cette guerre car Loo et Maybelle sont trop possessives ; elles se battent pour obtenir Aléna sauf que cette dernière n'a pas l'intention de faire un choix. Du coup, la guéguerre continue. En plus de cette jalousie malsaine, elles se détestent. Tout chez Maybelle insupporte Loo : ses grands yeux de sainte-nitouche, ses cheveux parfois blonds, parfois roses, parfois violets, son look un brin excentrique, sa joie de vivre... Bien sûr, c'est tout à fait réciproque. D'ailleurs, Loo a tendance à prendre un malin plaisir à faire tourner Maybelle en bourrique. Surtout avec Arthur ; Loo ne sait pas qu'elle est exactement la nature de leur relation, mais elle est persuadée qu'ils sont très proches, voire trop. Elle adore montrer à Maybelle qu'Arthur est l'un de ses plus proches amis, en espérant que ça la rende folle de rage. Oui, même si Loo peut être vraiment adorable, elle sait aussi être une peste envers les personnes qu'elle n'aime pas.

Malheureusement pour elle, son stratagème de "je me planque par terre derrière les fringues" ne marcha guère, et à son plus grand malheur, Maybelle vient à sa rencontre. « J’aurais dû m’en douter » siffla cette dernière. Hm. Effectivement, Loo n'était pas en position de force pour le coupe ; elle devait même avoir l'air carrément pitoyable, là, vautrée sur le sol. Que pouvait-elle bien dire ? Qu'elle avait trébuché ? Non, elle paraîtrait encore plus stupide. La jeune femme se contenta de se relever, avec plus ou moins de dignité, époussetant sa veste pour enlever la moindre trace de poussière qui lui aurait fait perdre le peu de crédibilité qui lui restait. « Tu m'espionnes, maintenant ? » Le ton de Maybelle était très poli, mais on ressentait bien tout son agacement. Les deux femmes allaient encore user de toute l'hypocrisie dont elles étaient capables ; à Bowen, pas mal de gens ignoraient qu'elles se détestaient. Elles étaient souvent ensemble, à cause d'Aléna, et on ne pouvait pas vraiment soupçonner qu'elles ne s'entendaient pas. « Oui, tu ne savais pas que je travaillais secrètement pour le gouvernement ? » répondit Loo avec un sourire insolent. C'était sa spécialité, énerver Maybelle. Sans trop réfléchir, Loo se dirigea d'une manière faussement désinvolte vers la veste que May venait de reposer, regarda rapidement la taille — c'était la sienne, May et elle avait le même gabarit — et se dirigea vers la caisse. « Ça ne te gêne pas j'espère ? Elle ne t'allait pas vraiment au teint, de toute façon » continua l'australienne. Elle voulait cette veste, peu importait Maybelle.

« Oui, tu ne savais pas que je travaillais secrètement pour le gouvernement ? » May haussa un sourcil avant de lever les yeux au ciel. C'était là sa meilleure réplique ? Elle était déçue. D'habitude, Loo avait bien plus de répondant ! À croire qu'elle était en petite forme et qu'elle n'avait pas envie de se lancer dans leurs combats verbaux habituels. Dommage. « Ah oui ? Ils emploient vraiment n'importe qui... S'ils n'ont que des gens comme toi, le pays court droit à la catastrophe », répliqua-t-elle en souriant faussement. Mais Loo s'éloignait déjà, se rapprochant dangereusement de l'étage où Maybelle avait déposé la veste qui lui avait tapé dans l’œil. Oh non, elle n'allait pas oser... May n'eut pas le temps de faire le moindre mouvement que la blondinette se dirigeait déjà vers la caisse, prête à payer son achat. « Ça ne te gêne pas j'espère ? Elle ne t'allait pas vraiment au teint, de toute façon. » Si May était agacée ? Oui. Mais elle ne lui ferait pas le plaisir de le lui montrer. Elle devait garder son sang-froid et agir comme si elle se moquait éperdument de cette veste - ce qui était loin d'être le cas. « Je t'en prie, fais-toi plaisir. De toute façon, je n'avais pas l'intention de l'acheter. Elle est complètement passée de mode, mais ce sera parfait sur toi vu que tu n'as aucun sens du style. » Elle lui adressa un sourire parfaitement hypocrite, essayant de masquer tant bien que mal que cette veste lui plaisait et qu'elle était réellement énervée de ne pas pouvoir l'acheter. Tant pis. Elle en trouverait une autre. Une mieux. « Je dois aller faire du shopping avec Aléna, ce week-end. Je trouverai sans doute mieux que cette veste miteuse », ajouta-t-elle d'un ton fier. Elle jalousait tellement la relation que Loo entretenait avec sa meilleure amie qu'elle ressentait constamment le besoin de lui prouver qu'elle comptait pour Aléna, elle aussi. Histoire de se rassurer elle-même et d'essayer de se persuader que cette belle blonde ne lui volerait pas son amie, aussi proches soient-elles. Elle voulait montrer à Loo qu'elle n'était qu'une bonne copine alors qu'elle était la confidente attirée d'Aléna.

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