Nos cicatrices ont le mérite de nous rappeler que le passé n’a pas été qu’un rêve. + (faust)

La petite clochette au-dessus de la porte tira Maybelle de ses pensées. Elle jeta un coup d’œil à l'horloge à côté d'elle sans prendre la peine de regarder la personne qui venait d'entrer. Elle savait très bien qui c'était ; le fameux client qui ne parlait pas. Cet homme l’intriguait beaucoup. Il venait tous les jours à la même heure, commandait toujours la même chose, fixait le monde extérieur tout en gardant précieusement un crucifix dans ses mains… Et s’obstinait à rester silencieux à chaque fois qu’elle essayait d’engager la conversation. Elle ne lui en tenait pas rigueur. Après tout, discuter avec la serveuse ne faisait pas partie du contrat : il venait là pour boire un café, pas pour se faire de nouveaux amis. Mais Maybelle n’était pas du genre à baisser les bras ; elle voulait en savoir plus sur cet homme si mystérieux. Elle ignorait s’il ne répondait pas volontairement ou s’il était tellement perdu dans ses pensées que sa voix ne parvenait pas jusqu’à lui. Elle ignorait ce qu’il cherchait en regardant les gens aller et venir dans les rues de Bowen. Elle aurait donné n'importe quoi pour avoir le pouvoir de lire dans ses pensées, rien qu'une fois.

Préparant un café très serré sans attendre qu’il passe commande, elle s’approcha de sa table et lui offrit un sourire. « Bonjour. J’ai supposé que vous alliez commander la même chose que d’habitude alors j’ai pris les devants… Et voilà. Un café bien serré. » Elle déposa délicatement la tasse devant lui avant de lui offrir un regard amical. Maybelle était d’humeur égale. Toujours joyeuse, toujours souriante – et toujours un peu trop curieuse. Cela dit, elle ne faisait pas partie de ces gens lourdingues qui posent question sur question et qui insistent encore et encore. Généralement, elle lui disait deux ou trois phrases puis elle retournait au comptoir s'occuper de ses autres clients sans demander son reste. Le jour où il voudrait lui parler, il le ferait. Et si ce jour ne venait pas, tant pis. Cela ne ferait que renforcer son côté mystérieux qui semblait plaire à la plupart de ses collègues. Elle remarqua qu'une fois de plus, il tripotait inlassablement un crucifix. Il l'avait toujours avec lui, comme si cela le rassurait ou le protégeait de quelque chose. Maybelle savait mieux que personne ce que représentait Dieu. Elle savait à quel point la foi pouvait prendre une place énorme dans une vie. Elle savait quel pouvoir le Tout-Puissant avait sur l'existence de ses fidèles. Elle n’était plus vraiment sûre de ce en quoi elle croyait ou ne croyait pas, mais Dieu ne la quittait jamais pour autant. Elle gardait sa magnifique croix en or blanc autour du cou quoi qu'il arrive, comme pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule et qu'un jour, tout irait mieux. « Vous pensez vraiment qu’Il entend nos prières ? », demanda-t-elle soudainement en serrant délicatement le pendentif qui ornait son cou. Pas besoin de préciser de qui elle parlait, il tenait un crucifix dans les mains. Sa foi était évidente. Elle n'était pas sûre qu'il lui réponde mais elle ne lui en voudrait pas. Elle s'était habituée à son silence.