| | Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l' Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite. |
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| Les navires se déchirent. ALMA | |
| | Auteur | Message |
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Invité | Sujet: Les navires se déchirent. ALMA Lun 25 Nov 2013 - 2:56 | |
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Je t'attends sur le banc comme on attend la mort en espérant la vie.
♦ ♦J'ai les mains brûlantes et déjà les larmes aux yeux. C'est pathétique. J'peux encore partir. La laisser là. Ou appeler mon frère. Lui dire « viens. » « je t'en supplie » « viens me sauver. » « Elle va me tuer. » Là où il n'y a rien pour elle, rien d'autre que le début d'une histoire d'amour, se trouve tout, pour moi. Tout car j'ai peur que cela devienne le néant. La fin. La fin des messages, la fin de ma renaissance, la fin de notre monde. C'est ridicule. Amoureuse de simples mots. Elle, elle aimait un homme. Un mec. Qu'elle avait vu. Un beau p'tit con à la langue bien pendue – et pas que la langue, d'ailleurs. Moi. J'aimais une fille qui ne me connaissais pas tant que ça. Que je n'avais jamais vu. Dont mes songes étaient emplis. C'est complètement con. Complètement fou. Ce que tu fais. Lula.Je me lève. Décidée à partir. Oui. C'est ça. Je m'en vais. A jamais. Et je ne lui parlerai plus. C'est ça. Silence. Disparition. Mutisme. Plus rien. Que dalle. Je change de mail je change d'adresse, et de frère tiens ! Tant qu'on y est. Je crève dans l'absence. Je noie mes pensées je recommence la fumette je me pète la gueule je me fend l'esprit je me ronge la mémoire puis je brouille mes pensées. Parfait comme plan. Complètement con comme plan. Même avec la mémoire à moitié bousillée je me souviendrai d'elle. Et, comme le destin est cruel, je ne me souviendrai que de ça. Pour me bouffer les ongles en y repensant, pour ne plus dormir, pour ne plus manger, ne plus parler, passer mon temps à fumer. A me shooter pour oublier. Oublier l'inoubliable. Oublier le peu d'histoire que je m'étais forgée. Histoire basée sur un mensonge. Histoire qui n'était qu'un mensonge. Je suis ce qui n'est et ne pourra être. Je n'ai de cesse d'essayer de m'implanter dans ce monde mais toujours je me crée des défauts. J'aurais pu me casser une jambe, ça aurait fait moins mal. J'suis prête à partir. Sauf que voilà. La porte s'ouvre et je suis sur le cul. Littéralement. Je reprend place sur mon siège et cherche les mots tout comme elle cherche mon frère. Comment ? Comment. Comment. Questionnement infini qui me pète la langue. A la fin, ce n'est pas le courage qui me trouve mais simplement l'impatience. J'ai un besoin terrible de lui parler. De l'entendre. Même si, en me levant, je savais que ça allait être la dernière fois. Notre dernier échange. Mon dernier amour. Mon dernier souffle. Toute une vie crevée dans un café. Par quelques mots. « Alma .. ? » Elle me regarde. Moi. J'existe enfin. A ses yeux, je suis enfin. Et rien que le fait de me sentir être dans son monde, pendant un instant, me rend vivante. Je suis au travers de ses yeux. Bientôt je ne serai plus. Douce mort qui m'attend, j'annonce ma propre mise à mort. Je suis mon propre juge et bientôt j'annoncerai, le ton ferme : condamnée à mort. « C'est... Moi. » Que dire ? Que faire ? Tout déverser d'un coup ? Lui payer un verre avant ? Mentir encore ? La première option gagne. L'émotion déborde ; les larmes, bientôt, feront la même chose. (Bientôt tout arrivera, et avec le tout surviendra le rien. Avec le tout je crèverai, avec le tout, plus rien n'ira.) « Je veux dire... C'est moi. Aurel. Enfin, non. Aurel, c'est mon frère. Mais moi. Je t'ai écris. Tous les jours. Lui il n'a fait que venir. Lui il n'a fait qu'appuyer ma connerie. J'sais... J'sais c'est dur à croire et à comprendre. Je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Je sais pas. Je sais plus. D'ailleurs (un rire jaune) je sais plus rien depuis que j'te parle. Mais... J'te demande pas de me pardonner, non. En fait, j'sais pas ce que j'te demande. Je sais pas. J'suis qu'une conne putain. Qu'une petite conne. » Je monopolise la « conversation », je ne veux pas qu'elle parle. Parce que je sais qu'au moment où elle parlera tout finira. Parce que je ne veux pas qu'elle parte sans explications. Mais tout ce que je fais, ce n'est que brasser des conneries. Car les explications, je ne les ai pas. La seule qui subsiste serait un Je t'aime.Mais celle-là ne sort pas. Je ne l'accepte pas ; elle ne la voudra pas. Tout comme moi, je ne l'assumerai pas.
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| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Mar 26 Nov 2013 - 1:05 | |
| Mes doigts dansent contre le clavier et quelques-unes de mes pensées imaginaires, les plus éraflées, retombent platement sur mon bureau, et j'imagine que mes amours folles se sont échouées sur le rivage de la réalité. L'obscurité m'a rongée quand il est entré dans ma vie et dans mon cœur, les fils ont été déconnectés et les joints, arrachés, vois à quel point je suis désarticulée. Il a dit qu'il m'apprendrait à avoir la joie acharnée et le sourire pastel, c'est plus fort que moi, je n'y arrive pas toute seule, et dans mes errements miteux, il a même promis qu'il attraperait deux trois quatre comètes, dérobées à la première pléiade négligente, on avait prévu de leur voler un peu de leur éclat, oh pas beaucoup, juste un peu, juste assez pour l'illusion. Il avait promis, mon Aurel. Et puis, un jour, on s'envolera, on aura épuisé la lueur de dizaines de comètes, et on pourra s'échapper. Il me faudra tout abandonner mais il sera là, et il sèchera mes larmes pleines d'encre, il apaisera mes mains calleuses qui auront triomphé contre le carnet.
Aurel Dans un souffle je veux murmurer t'effleurer te travailler on sera beaux les yeux dans les yeux on sera beaux crois-moi.
J'ai ramassé mon cœur à l'autre bout de la pièce, et j'ai filé là-bas. Alors, j'aperçois cette fille. La sirène. Une sirène échouée sur le rivage de l'austérité, et de ses cheveux d'or perlent quelques poussières d'étoile. Je contemple leur chute un peu folle, et dans la foulée, la cendre opaline s'épand ça et là, le long de son corps. Son dos, ses seins, son ventre, ses hanches, ses cuisses, ses pieds scintillent, parsemés de comètes. Je reste silencieuse. Jolie, jolie. J'aimerais lui envoyer quelques baisers imaginaires qu'elle recueillerait au creux de ses reins, et les impudents, les imprudents, y laisseraient une traînée de poussière ambrée. Elle ne comprend rien, n'est-ce pas ? Elle reste étrangère à toute la vétusté de la situation. Les yeux à moitié clos, elle sourit. Alors je formerais un rond doré avec mes lèvres pour fabriquer le secret, un secret tout rond, tout doux. Je soufflerais une fois, deux fois. Trois fois. Tiens. Mais elle se détourne, et la fumée ocre s'échoue sur la dune formée par sa timide omoplate. Et quand elle ouvre la bouche, elle ne parle pas. Elle dégueule des mots pâles, des mots sales.
Alma .. ? C'est... Moi. Je veux dire... C'est moi. Aurel. Enfin, non. Aurel, c'est mon frère. Mais moi. Je t'ai écris. Tous les jours. Lui il n'a fait que venir. Lui il n'a fait qu'appuyer ma connerie. J'sais... J'sais c'est dur à croire et à comprendre. Je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Je sais pas. Je sais plus. D'ailleurs je sais plus rien depuis que j'te parle. Mais... J'te demande pas de me pardonner, non. En fait, j'sais pas ce que j'te demande. Je sais pas. J'suis qu'une conne putain. Qu'une petite conne.
L'incertitude a dansé encore un peu sous mes paupières. Je sais le poids des séquelles, et je sais les limites du réel. Je sais la confusion et les milliers d'émotions qu'Aurel m'a procurées, je connais la violence et l'ardeur de mes réactions à ses mots, je les ai respirées trop souvent lors de longues nuits d'hiver. Je connais Aurel, et il a le sourire fatigué, les mots acharnés, je le connais. Et cette fille est un rien dans un monde qui n'est pas le sien. Pourtant, je lui souris. J'étais persuadée de ne pas te connaître, mais plus je te regarde et plus ton visage me dit quelque chose. On s'est déjà rencontrées, pas vrai ? Au théâtre, au marché, ou bien.. Oh, non, je sais. On était ensemble au lycée ? Elle me regarde et je continue sans me soucier de ses yeux perdus. Luce ? Ou bien Lucie. Non, Lucile! C'est ça ? Je me souviens qu'à l'époque, t'étais déjà une geek qui aimait hacker les mails des gens de la classe et en faire ton business. T'as pas changé, on dirait. Silence. Et dans ma voix, il n'y a que du rien. Parce que Lucile, je crois me souvenir d'elle. Je t'offre un café, tu me racontes ce que tu es devenue et j'oublie que tu t'es incrustée dans ma vie privée, que t'as lu tous mes mails avec Aurel ? Elle me contemple et au fond, je sais que ce n'est pas Lucile. Je suis un crépuscule vermeil et entre mes doigts se sont dissimulés les dernières lueurs du jour, je suis un rêve noyé, oublié un jour de pluie bleue, je suis une plage vidée de ses grains de sable, ou bien le tableau imaginé par l'aveugle, je suis la perle ébréchée parmi toutes les autres perles, sur le collier, je suis la lune et ses lacunes.
Dernière édition par Alma Reilly le Ven 20 Déc 2013 - 12:03, édité 1 fois |
| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Mar 26 Nov 2013 - 19:03 | |
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Il fallait choisir une route Alors on a choisi la pluie Acide à s’en brûler le cœur.
♦ ♦Des larmes, invisibles, creusent mes joues. J'ai des tranchées inexistantes sur le visage, cicatrices brûlantes que j'étais la seule à percevoir. Un rictus me tord les lèvres. Magnifique. Presque ironique. Tant sa beauté était horrible. Affreuse femme aux cheveux de blés, aux lèvres pourpres, à la langue désirable et à la silhouette finement dessinée. Je me tuais au travers de la perfection, de sa perfection. Un désir me tire les bras et j'aurais voulu la saisir pour la serrer contre mon cœur. Lui souffler un « c'est ça ». Un « oui ». Un « j'ai trouvé tes mails, ils sont beaux, maintenant embrasse moi. Tu vas voir. Moi aussi je peux te parler de rêves, moi aussi je peux te parler de destruction, de société, de baisers, de nous. Je peux te faire voler ou bien oublier. Je peux t'embrasser ou simplement m'embraser. Je peux nous faire disparaître ou apparaître dans ton monde. Je peux tout faire, ou rien dire. Je peux crever car c'est la vie que tu m'as donné. Je peux. Je pourrais. J'aimerais. »
Ma main cherche la sienne mais ne trouve qu'un rebord de table. En la regardant je sais. Je devine. Qu'elle-même n'est pas convaincue par ses mots. Qu'elle-même tremble devant la réalité. Car la beauté du monde qu'elle s'était fondé s'écroulait, car je venais de lui arracher le cœur, de lui voler son amour et ses certitudes. Mon égoïsme venait la troubler, ma connerie viendra me tuer. C'est le Karma ma petite ! Me dis-je. C'est comme ça. Tu voles un cœur tu perds le tien. Tu mens au monde, le monde sera ton mensonge. Bientôt tout ne t’apparaîtra plus, bientôt le vent, les sourires, les parfums, les échanges, les voix, les sons, les paroles, les mains, les lèvres, les cons et les beaux. Tout ne sera plus que du faux. Artifices à tes yeux, tu iras plonger dans l'incapacité de croire. Bientôt, tu auras perdu confiance car tu n'arrivais même plus à te croire.
Un soupir me quitte. Je souffle quelques grammes ; un peu de mon âme veut fuir avant que la vérité n'éclate. Cette vérité, autrefois lâche, désormais emplie d'un courage qui n'était pas mien. Je lui dirai tout, je ne m'accrocherai pas à ce petit -et doux- mensonge qu'elle venait de me tendre. Maintenant, c'est elle que je voulais. Toute entière. Et je voulais qu'elle m'aime comme moi. Moi, Lula. Moi, blondasse, droguée, névrosée, bariolée, crevée, abandonnée, oubliée ; mal aimée. Inanimée. « Non... Alma... Ne fais pas l'innocente... Je m'appelle Lula. Pas Lucile... Et tout ce que je sais faire sur un pc, c'est t'écrire... Ou pleurer sur le clavier, mais ça, faut pas être un as de l'informatique pour le faire... » Je baisse les yeux. Ou plutôt, mon regard tombe sur mes godasses. La honte pointe du doigt le sol et me souffle aux oreilles « bientôt, c'est ici que tu vas finir. Bientôt j'vais lui donner les instruments, à la Alma, et elle t'enterrera. Sous terre. Bien au fond.
Tout au fond. Là où tu ne trouveras plus le temps de penser. Et encore moins d'aimer. »
« Tu sais. Tu sais. Je regrette. » Tout coule, tout déborde, tout s'éparpille sous ma langue et les paroles s'empressent de partir pour ne plus avoir à revenir. Mutisme prochain annoncé par une logorrhée dégueulasse. « Je veux dire... Je ne regrette pas de t'avoir parlé. Non. Jamais. Ni d'être là, maintenant, en face de toi. Mais je regrette de t'avoir menti. » Des pleurs muets me bloquent la gorge, je me sens prête à tomber, à flancher. Je pars vers la table où je l'attendais et prend place. Lui montre qu'elle peut venir en face, si elle veut des explications.
Mais libre à elle de partir. Si elle avait besoin de fuir.
Mes doigts frottent un peu le bois de ma chaise et je me remémore les moments passés la gueule dans la poudre. Comme un moment de nostalgie, je me dis que tout était plus simple comme ça. Frôler la mort, frôler ses rêves, frôler la démence. Tout ça m'empêchais de réfléchir, de bouger, de faire, de vivre. D'aimer. Mon seul amour s'appelait défonce, mon seul mensonge était un "je vais bien" balancé tous les jours aux quelques personnes qui s'inquiétaient. Ici, on était deux. Deux êtres perdus dans la complexité de ce monde. Une trompée par une conne, l'autre trompée par soi-même. Mes rêves tombent à ses pieds, mes paroles s'écrasent sur mes rêves, mon coeur à disparu, mon sourire aussi. Seul l'Amour se réjouit en un plaisir masochiste qu'était la reconnaissance de l'autre au travers d'une déception. Déception partagée. Car en levant la tête, ce ne sont pas ses yeux que je fixe mais ses lèvres. Ses lèvres.
Deux friandises qui pendent. Un désir qui fuit. Un paradis. Un monde. Ce nous.
Maïs, putain. Elles semblent si lointaines.
Intouchables. Inatteignables.
Puis quelques mots. De messages envoyés, déchus, oubliés tant je les avais appris. Tant je les avais pensés. Aimés. « 21 grammes se sont envolés. Perdus. Égarés. Et c'est dans tes yeux, que je les ai retrouvés. Tu te souviens de ça, Alma ..? Tu crois que j'ai piraté ta messagerie et appris ces mots par coeur, hein ? Tu crois que je serais capable de ça ? »
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| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Jeu 19 Déc 2013 - 22:05 | |
| Il y a le murmure de la vie, le silence de nos âmes, le doute qui s'évanouit, l'implosion de nos maux, et la solitude qui s'enfuit.
La pendule de l’âme. Les folles évidences s’accrochent à ses aiguilles, font un tour ou deux de cadran avant d’être jetées contre la paroi ambrée, à l’orée du cœur. La clarté a un goût de sang. Je te regarde Lucile et j’en viens déjà à me demander comment je te dessinerai, parce qu’il est certain que tu auras une jolie place dans mon carnet. De l’océan de tes yeux aux rondeurs de tes seins, je me perds. S’étend devant moi un vide immense, et je me sens trouée de part en part. Ce sont les soupçons qui s’évadent. Mais qu’est-ce que tu racontes.. Lula. Ça rime avec Alma. Dans Aurel et Alma, c’est ce premier -a qu’on embrasse, la toute première lettre, la capitale. Sur ma langue, les promesses irisées se fanent. Entre ces deux -a, je me noie, incapable de faire un choix. Le début ou la fin, l’aube ou le crépuscule, la douceur ou la douleur, le frère ou la sœur. Je veux Aurel. je murmure. Parfois, les jours de pluie, je m'en vais crayonner le néant, et toujours j'hésite entre le noir et le blanc. Dans la cuisine, derrière les carreaux pleins de gouttes, le rien prend forme sur ma feuille blanche. Un trait grossier, une boucle fine, un carré, un camaïeu de gris. Sous mes mains avides, le crayon crisse, le papier se froisse, et vient s’échouer dans une corbeille débordante d’idées fades. Tu sais Lucile -ou bien Lula- moi aussi j’aimerais être une as de l’informatique, manipuler les sigles et les combinaisons binaires, je crois en fait que je voudrais être un as tout court, ou as de cœur plutôt, pour que bonheur, malheur et rancœur me viennent comme ça, d’un seul coup. Le reste de mon temps, je me souviens des mails d'Aurel. Je me rappelle leur grâce infinie, et la mélancolie m’envahit. Je ne veux pas de tes excuses, de tes complaintes, de tes yeux bleus. Reprends-les ! Je n’en veux pas. Je ne veux rien de toi. Je ne sais pas si t’as piraté ma messagerie, je n’ai même pas envie de savoir. Tu es là, avec tes beaux mots, à te moquer de moi. Aurel n’a peut-être jamais existé, t’es probablement une psychopathe ou dans le meilleur des cas, une sale menteuse. Je repense à mes mots bâclés, et j'ai honte. Une douce honte qui s'épand lentement le long de mon échine, une honte mêlée à une légère pellicule de sueur. Le mélange est un peu étrange un peu froid un peu triste un peu rouge, ou même violet. C'est une honte pourpre qui cingle mon épiderme, et je baisse les yeux pour contempler les traces qu'elle a dégueulées. Ce sont pourtant de belles traces rondes, des traces artistiques, des traces presque physiques. Le rêve picore la réalité, grignote ses miettes les plus modiques, et moi je prends peur. Pourtant, j’ai envie de te croire. Et je sais même pas pourquoi. Le miroir d’en face reflète mon moi incolore, et je fronce les sourcils devant si peu de magie. J'attends les reflets moirés, les nuances pigmentées, et même les couleurs bariolées! Mais ce miroir n'a qu'une peau terne à m'exposer. Alors j’échappe au regard de Lula pour m’observer dans ma cuillère à café, je frotte un peu mes joues avec le vif espoir d'y voir apparaître une jolie teinte rosée. Mais les pommettes restent désespérément translucides. Je l’approche plus encore de mon visage, et je louche louche louche jusqu'à l'infini jusqu'à ce que mes yeux ne forment plus qu'un. Le cyclope. Je suis tellement pâle qu'un éclair pourrait se faufiler entre mes organes et le dehors. Je sursaute en voyant l'éclat éphémère traverser devant mes yeux. Une seconde, deux secondes, trois secondes, quatre secondes, cinq secondes, six secondes. BRMM, BRRM. J'ai le cœur qui gronde à l'intérieur. Le salaud. Tu me parles du poids de ton âme comme on parlerait du beau temps, et ça c’est Aurel tout craché. Alors, le temps d’une nuit, je vais m’incliner, juste pour ce soir, tu es l’Aurel des mails, et je te fais confiance. Mais il faut que tu saches que je fais ça uniquement parce que j’ai peur de finir découpée à la tronçonneuse, et éparpillée sur la chaussée. Je ne supporterais pas d’être responsable d’un accident de voiture. Et Aurel se demanderait pourquoi je ne réponds plus. Dans mon petit sac, ça fait cling cling. Je m'arrête pour l'ouvrir et j'en profite pour vider des clés, un quart de lune qui ne brille plus, un chewing-gum déjà mâché, et un bout d'océan. Ah! C'est le cyan de mon arc-en-ciel de poche qui s'est agrippé à mon petit calepin. Je crois qu'ils sont tombés amoureux et ça m'embête bien parce que je n'ai vraiment pas envie de les séparer. Je remballe le tout pour affronter mon Aurel en toc. Mais c’est une princesse. Dans une belle illusion, mes mains vides t’auraient désirée, mon cœur vide se serait déchiré, mon âme vide t’aurait respirée. C'aurait été purement et follement indécent, à un souffle de l'obscénité. Ma putain de princesse. Mais la réalité, c’est la fragilité.
Lula, Ne te penche pas par-delà les nuages, ne vacille pas, ne trébuche pas, j'ai le temps, je t'en prie, attends-nous. |
| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Sam 21 Déc 2013 - 2:40 | |
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Tu peux pas tu peux pas t'en aller comme ça.
♦ ♦ Je ne vais pas te laisser partir. Je ne vais pas te laisser t'évanouir. Tu ne vas pas t'en aller. J'en crèverai. Je flanche, je tremble, je sombre. Petit à petit mon regard s'écrase tout comme mon courage qui ploie face à la force de ses paroles. « Mais qu'est-ce que tu racontes... » C'est vrai. Qu'est-ce que je raconte ? Que des histoires, depuis le début. Depuis le premier mot. Depuis ce « Salut » depuis ce « Quand je te lis j'ai envie d'écrire ». Depuis ce jour là je ne raconte que des conneries. Un flot de paroles s'évanouit en de longues phrases mal tournées qui se veulent stylisées. Quelques oxymores balancés à tout va comme une virgule. J'insère, là où rien ne vit, des mots emplis d'un sens que je ne leur prêterai pas en temps normal. J'offre un signifié non pensé. Et pourtant vécu à ce moment là. Face à elle, l'amour prend son sens. L'âme où re-pose des sentiments s'éveille. Face à elle je suis autre ; je suis moi. Je suis les mots écris la nuit en plein désespoir. Je suis les phrases envoyées avant d'aller dormir. Je suis. Nous.Elle murmure une phrase que je feint ne pas entendre. Le souffle de sa voix s'évapore et je la laisse s'éteindre pour ne jamais l'avoir entendue. Pour ne jamais avoir envisagé ça. Un vol. Un kidnapping. Une usurpation. De nouveau le monde aurait triché; il m'aurait glissé de délicieuses phrases au creux de mes mains pour me les arracher et les donner à un autre. Un autre qui n'avait rien. Rien d'autre que les cuisses brûlantes et la langue pleine de venin. Je choisis donc d'être sourde à la déception. Je ne veux rien de toi. Dit-elle. Reprends tes beaux yeux bleus. Dit-elle. Au travers de ces sales paroles déclarées par une voix qui adoucissait mes traits, j'ai un sourire. Elle me considère. Je suis dans son monde. Dans son univers. Ce n'est plus Aurel qui se tient face à elle. Ce n'est plus Aurel qui lui a écrit des mails pendant des nuits. C'est moi. Et elle le sait. Je le sais. Tout le monde sait, tout le monde sauf le cœur qui s'empresse de faire taire la raison. Car la vérité est trop dure, trop prompt, trop invraisemblable. Le mensonge est si beau. Mais elle a envie de me croire. Au fond, elle a réalisé que mon cœur parlait. Au fond, elle a réalisé que c'étaient mes mains qui cherchaient les siennes et non celles de mon frère. Elle me donne une soirée. Elle nous donne un soir.« Une nuit pour te convaincre. Une nuit pour m'expliquer. Une nuit pour te parler. » Une nuit pour t'aimer. Une nuit pour t'embrasser. Toute ma vie pour t'aimer. Toute ma vie pour être avec toi. Au travers de ce cadeau je me sens comme restreinte ; ce n'est pas assez, ce ne sera jamais assez. J'ai besoin de toi, Alma. J'ai besoin de te sentir près de moi. J'ai besoin de rester. Pour toujours. A jamais. Dans ce café. Nos paroles suspendues, les mots oubliés, le mensonge déchu et les sentiments rois. Tu seras ma reine, Alma. Je ferai un palais de mots, un monde de phrases. Notre amour dans le silence. C'est la parole qui m'a perdue, mon mutisme me rendra mon amour. La non-communication sera notre je t'aime. Plus besoin de parler, tout est simple. Car tout a été fait. Et nous voilà là. Ensemble. A jamais. Oui, j'aimerais faire ça. J'aimerais.« Tu veux un café ? Ou autre chose. Je paie... » Un temps. Pas trop long : nous n'avons qu'une nuit. Trop courte. Déjà le temps file. Bientôt il n'y aura plus que son ombre. « Tu ne veux pas nous peindre quelque chose, Alma ? Peins, j'y ajouterai les mots. » Je me redresse. Comme réveillée. J'ai oublié cette histoire de mensonge. J'ai oublié mon père. Tout ça s'est échappé. Il ne reste plus que ses doigts à quelques centimètres de mes bras. « Je continue à croire que tu pourrais faire de belles choses tu sais. Je suis persuadée que tu es de la trempe de ces grands artistes. Et qu'un jour tu feras une œuvre. Peut-être pas comprise par tous. Mais le monde sera au moins d'accord sur une chose ; on a le souffle coupé quand on voit ce que tu fais, Alma. »Car tu as fait de ma vie une véritable merveille. Alma.
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| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Sam 28 Déc 2013 - 13:24 | |
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Dernière édition par Alma Reilly le Ven 21 Mar 2014 - 19:42, édité 3 fois |
| | | Invité | Sujet: Re: Les navires se déchirent. ALMA Mar 31 Déc 2013 - 1:05 | |
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Et me finir Entre tes lèvres.
♦ ♦Le temps coule. Un flots de paroles emplit l'endroit où nous étions : il était plein. L'animation était grande. Mais elle n'était rien face à celle qui emplissait mon regard. Un regard azur aux reflets arc-en-ciel. Un peu d'orpiment, un peu de rouge, un peu de sinople. Très peu d’albâtre. Encore moins de noir. Un dégradé de couleurs comble ma vie ; Alma était un tableau et dans mes yeux résidait une palette prête à l'utilisation. Il ne manquait plus que le pinceau : mes lèvres.
Elle parle de fabulations. Il est vrai que je me prenais à rêver depuis que nous étions là, assises, ensemble. Je rêvais, de nous. Je rêvais, de ce café, un peu plus tard, un peu plus tôt. Demain. Ailleurs. Dans un an. Dans deux ans. Revenir tous les jours lui proposer quelque chose. Revenir tous les jours, la voir embarrassée. La voir. L'embrasser. M'embraser. Dans ses brasiers. Dans nos bras. Et. Finir. M'échouer. Me baisser. Pour un baiser.
« Tu n'as pas besoin de croire en moi. Puisque je suis là. Et je serai toujours là. » Je tend un peu ma main mais ne la touche pas. C'est pourtant au travers de cette non confrontation avec son épiderme que je la sens au plus près. Oui. Ses bras n'ont pas bougé et pourtant je sais que je l'enlace. Ses épaules sont droites et pourtant je sais qu'elle ploie légèrement, qu'elle doute. Elle ressent ce que moi j'ai au dessus du crane et entre mes seins depuis le début. Cette chaleur qui grandit, qui grossit, qui devient éternelle. Immortelle.
Tellement belle.
Deux silhouettes sont dessinées sur l'horizon. Mon index vole au dessus de l'oeuvre, mais, tout comme pour Alma, ne la touche pas. Ma main s'écrase sur la table puis vient une humble demande. Celle de participer à la création. J'en souris ; nous nous concrétisons. Je farfouille dans ma poche et en sort un stylo à bille noir. Il n'était pas aussi beau que ses couleurs délicieuses, il était d'ailleurs un peu rongé au bout, mais le plus important n'était pas sa forme. Le plus important était ce qui allait en sortir. Ce que l'encre allait cracher sur la feuille, ce que les lettres souffleront sur le papier.
« Alma. La mer. L'océan. Ici coule sur le papier des mots insensés, mal pensés, criés, rêvés, jetés, usés, gâchés. Ils ne suffisent pas – plus. Pour décrire. Alma. La mer. L'océan. Pour décrire Alma. Comme je la vois. Comme je nous vois. »
J'ai un rictus. Ce n'est pas assez bien. Ce n'est jamais assez bien. Mon poing se serre sur le stylo. J'ai envie de tout rayer. De brouiller de noir ces paroles qui ne seront jamais assez justes pour tenir correctement. Tout est bancal, comme moi. Tout est perdu, comme moi. Désaxé, voilà ce que c'est. Désœuvré décharné déraciné – mais surtout pas désenchanté. Mon monde ne peut être mes mots. Car mes mots viennent par Lula. Car mon monde naît de Alma. Car je n'existe qu'au travers de ma non existence. Ce que je ne suis pas fais ce que je suis.
Et je ne suis certainement pas poète.
Certainement pas non-amoureuse. De. « Alma. »
Un souffle. « Désolée... J'écris pas très bien aujourd'hui. Puis je suis pas facile à lire. Tu sais... Quand je t'envoyais ces mails je les écrivais au moins cinq fois avant de me décider. » Un rire. « D'ailleurs je les envoyais en général assez énervée : la cinquième fois n'était pas la bonne. Et je suis certaine que même au bout de mille, ce ne serait pas assez bien. Assez beau. »
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