« on the road » Sian

Il était tôt ou tard, je ne sais plus vraiment. Je zonais depuis de longues minutes, ou heures, je ne sais plus vraiment. Je finis par me retrouver dans le centre-ville, pas vraiment là où je voulais être mais bon... Je finis par m'asseoir par terre, observant les alentours d'un air complètement paumé. Je me passais la main dans les cheveux, frissonnant. J'étais clairement dans le mal et je ne savais plus quoi faire. J'avais l'impression que je ne retrouverai jamais mon appart ou quoi que ce soit. Ça m'arrivait souvent alors je ne paniquerai pas, c'était juste une question d'habitude. Je finis par m'allumer une clope, je passais un petit moment : elle était à l'envers, et puis il y avait du vent... Rien de bien génial quoi. Et j'avais l'air d'un gros clochard avec mon jean troué, ma gueule de défoncé. J'faisais probablement de la peine à voir mais il n'y avait personne pour m'observer alors jusque là ça irait. Je faisais juste une petite pause le temps de retrouver le chemin de la maison. Je finis par m'allonger, regardant le ciel avec un intérêt perplexe. J'allais finir par m'endormir si je continuais mais peu importe, je prenais le risque.

Je glissais tel un avion au-dessus des villes, je sentais le vent sur mon visage. C'était merveilleux, j'étais enfin libre, puissant, supérieur. Je souriais, bêtement probablement, juste parce que j'étais heureux d'être dans cette situation. Je me penchais à gauche et faisais des loopings jusqu'à en avoir mal au cœur, le vol devant clairement une nouvelle passion. Soudain je tremblais et je me sentais tomber à pic, quelque chose m'avait heurté. Ça dura à peine une seconde et je me réveillais en sursaut, une voix me disant des choses chelous. Je clignais plusieurs fois des yeux, essayant de comprendre ce qu'il se passait. « Merde je dormais là. » Je cherchais ma clope qui avait disparue, probablement consumée par la brise. Je me tournais de nouveau vers la nana et plongeais mon regard dans le sien. « Salut Sian ! » Je réussis vaguement à m'asseoir, un sourire abrutis étirant mes lèvres. Je tanguais légèrement mentalement mais je devrais survivre. Et puis elle était debout et c'était insupportable. Je lui attrapais les jambes au niveau des genoux et la tirais vers moi, l'obligeant à s'étaler sur le sol avec plus ou moins de douceur et de contrôle. « Alleeez, viens faire un câlin à tonton Swann ! »

Je glissais dans des eaux profondes, la vision trouble mais je savais presque ce que je faisais. Je connaissais l'odeur de Sian, sa voix, je savais que c'était elle mais je ne pouvais pas en être vraiment sur. Disons que je faisais confiance à ce qu'il me restait de cerveau. Elle se moquait de moi et je me contentais de sourire, débile fini. « De toute façon tu m'aimeras toujours. » Est-ce que ça avait un rapport ? Dans mon esprit oui, après peut-être qu'elle ne comprendrait pas. Et puis je l'attirais à moi, comme j'aurai fait avec un enfant. Elle râlait et je l'écoutais d'une oreille distraite, l'attirant contre moi pour profiter de sa présence. Habituellement je n'étais pas du genre à câliner les autres mais là j'en avais envie. Et puis qui n'aurait pas envie d'avoir une aussi jolie blonde dans les bras ? « Mais je t'aimerai toujours. Et puis je te laisserai pas tomber, tu le sais non ? » Je fixais les étoiles, un sourire béat collé à mes lèvres. Les étoiles me paraissaient bouger dans cette fin de soirée mais ça devait être mes yeux qui avaient des soucis. Ou alors c'était des avions qui se promenaient. Ou des soucoupes volantes. Ou bien Peter Pan. Je n'en savais rien mais ça m'importait peu puisque j'avais Sian à mes côtés. C'était une grande occupation pour moi.

Le problème avec les gens comme elle c'est qu'ils me connaissent suffisamment pour savoir ce que j'ai fais, ce qu'il y a dans ma tête. Ou presque. Au moins quand j'étais raide personne ne pouvait m'anticiper ou même me comprendre, moi-même je ne savais pas. Son odeur me parvint aux narines et je l'humais, la savourant. Je glissais deux doigts distraits dans ses beaux cheveux blonds, sans qu'il n'y ait d’ambiguïté. Je n'étais pas en état pour y penser de toute façon. Et puis elle m'appela "Swanny", encore. Je fronçais les sourcils, boudeur et vexé. Je haïssais ce surnom profondément. « Putain je t'ai dit de pas m'appeler comme ça ! » Je me détournais d'elle, observant les étoiles distraitement, la mine renfrognée. Et puis elle me balança la question de merde. Je me redressais, bouillonnant de l'intérieur, m'allumant une clope, comme si ça allait me calmer. Je lui jetais un regard noir. « T'es rien ni personne pour me dire ce que je dois faire ! » Glacial, je détournais le regard, serrant les mâchoires. Elle n'avait pas le droit de me dire qu'elle m'aimait suffisamment pour s'inquiéter de ma santé. Personne n'a le droit d'aimer Swann Eliott Hodgson.

La brutalité de mon âme ressortait dans ces phases. Et la pauvre allait en faire les frais. Et je la mis en colère, à peu près autant que je pouvais l'être. J'avais qu'une envie c'était d'la fracasser par terre mais j'pouvais pas, pas elle. Ni personne d'ailleurs. Serrant les dents, je me détournais d'elle vivement. « Vous êtes connes ! Toujours changer les gens, jamais les accepter. Toutes les mêmes ! » Et ça me gonflait de voir toutes ces nanas se prendre pour dieu, chercher à changer les mauvais garçons en petit mignon bien rangé. Ça marchait pas comme ça, pas avec moi. Jamais. Pour pas la cogner je me détournais de nouveau, mis une droite dans le premier truc qui passait. Un arbre en l'occurrence. Je sentais mes phalanges douloureuses, je sentais le sang chaud goûter au sol. Le genre de truc qui me calma direct. « Putain merde. » Quel con. Je jetais un regard apeuré à Sian. J'avais débloqué totalement.

Cette haine me bouffait, je savais même pas pourquoi j'étais en colère. Il n'y avait pas vraiment de raison après tout, c'était toujours le problème de la drogue. J'avais des bugs, j'tournais pas rond et la plupart du temps je comprenais pas pourquoi. J'faisais flipper les gens, heureusement que Sian comprenait et qu'elle n'aurait jamais peur de moi. Tant que j'arrivais à contrôler la parcelle de moi qui tournait pas rond. Ma réponse à sa dernière tirade s'étouffa dans mon esprit lorsque la douleur éveilla brutalement ma main. Elle se pointa vers moi, épongeant le sang avec un mouchoir. Je restais les yeux dans le vide pendant de longues secondes, paumé. Qu'est-ce que je foutais, encore. « Je.. je suis désolé... » Et je l'étais. Désolé d'être un pauvre con, désolé d'être bipolaire. Désolé de péter les plombs pour rien. Désolé d'être moi. Mais j'allais pas changer, c'était comme ça et il allait falloir qu'elle accepte. Ou qu'elle me laisse, elle n'avait pas spécialement le choix.

En tant qu'ami j'étais probablement une vraie plaie, c'est pour ça que je n'acceptais pas qu'on m'aime. Sourcils froncés, je la regardais épancher ma plaie. Ça piquait pas mal mais je savais que ça allait survivre. Je gardais les yeux baissés, mal à l'aise. J'aimais pas reprendre conscience après ce genre de scènes. Surtout que Sian ne méritait pas de s'en prendre autant dans la gueule. J'étais qu'un pauvre con après tout. Je dressais l'oreille au mot tatoué et l'observais, sourcils froncés. « Tu veux un tatouage ? » J'étais surpris par cette idée, je ne me souvenais pas qu'elle voulait de tatouage sinon elle m'en aurait parlé depuis longtemps. J'étais profondément intrigué par cette nouvelle idée et impatient qu'elle m'en dise plus. J'étais d'humeur beaucoup trop changeante et je passais régulièrement du coq à l'âne. Elle allait avoir du mal à me supporter ce soir...

Je sentais très bien que la douleur augmentait de plus en plus dans ma main mais j'allais l'ignorer, comme je le faisais toujours. Et il en serait ainsi pour tout et pour toute ma vie. On peut clairement dire que je me fichais de la vie des autres et même d'en faire partie. Heureusement que cette discussion virait sur un sujet que je maîtrisais et qui ne me faisait pas paniquer. « Le champ libre ? Carrément ? » J'étais étonné par cette nouvelle option. Je ne savais déjà pas qu'elle voulait un tatouage mais alors si je devais tout faire et choisir pour elle ça devrait compliquer la tâche. Quoi que j'avais de l'imagination et que j'allais rapidement trouver quelque chose à lui faire. Je risquais un vague sourire. « Tu me fais confiance à ce point-là ? » Malheureusement ça devait être le cas. Mais c'était à ses risques et périls.