Il y avait un « nous » . . ▬ mathys.

Je regardais l'horizon, les mains de part et d'autre de ma nuque. Il est tôt, peut-être 7h30 ou 8h00. La houle est importante, le vent assez faible et vient de la terre, des conditions quasi-parfaites. Ma planche plantée dans le sable à côté de moi, j'attachais ma crinière en un chignon négligé. Mon short tombait sur mes hanches et je me marrais intérieurement à l'idée de le perdre. Encouragée par l'adrénaline, je me jetais enfin à l'eau. Les premières vagues étaient parfaites. Et puis, cette vague de trop. Je n'étais plus concentrée, perdue dans mes pensées. Je me retrouvais sous l'eau, basculée dans tous les sens par la force de la vague. Je sens quelque chose de rugueux me raccrocher le front, le corail. Après de longues secondes, je remonte à la surface, le sang coule sur ma joue. « Merde ! »  soufflais-je en frappant l'eau de mon poing. Une fois revenue sur la terre ferme, j'attrapais mon téléphone dans mon sac, composant un rapide texto : « Besoin de toi. Peux-tu venir sur la plage au même endroit que d'hab ? Je te laisse deviner pourquoi. » Envoyé. En attendant, j'épongeais le sang avec ma serviette.

Assise sur le sable, j'épongeais la plaie. Puis, en levant les yeux, je le découvrais. Il était là, comme un sauveur, un protecteur. J'esquissais un sourire. « Salut toi ! » disais-je en essayant de relativiser la situation. Je voyais leur grimace à lui et son coéquipier lorsque je découvrais ma plaie. « Foutu corail . . » marmonnais-je en essayant de calmer ma respiration, haletante. Il avait raison, une nouvelle fois, je ne m'étais pas loupée. Me recoudre, c'était hors de question. Je me levais brutalement. « Mais non, pas besoin de recoudre, c'est juste superficiel, non ? ». J'écarquillais les yeux en les regardant, ma tête se mettait à tourner, et j'étais prise d'un déséquilibre. « Je . . je . . » Impossible d'en dire plus, je semblerais que je perde trop de sang.

Je perdais conscience quelques secondes, le temps que ses bras me rattrapent et m'allongent sur une serviette. Le temps livide, je rouvrais les yeux, difficilement. Il marmonnait quelque chose mais je l'entendais à peine. Il saisissait mon bras, l’entourant d'un brassard noir. La tension était faible, mes membres étaient lourds et j'avais de plus en plus de mal à les bouger.« J'ai . . j'ai des morceaux de sucre dans mon sac à dos. » articulais-je en pointant du doigt le sac à côté d'eux. Il me demandait si je m'étais cogné autre part. Je me pinçais les lèvres. « J'en sais rien. » disais-je en essayant de me redresser sur mes coudes. Je regardais l'océan, ma délivrance mais aussi mon bourreau. Je le regardais avec des yeux, suppliants. « Vous pouvez pas m'emmener à l'hôpital, j'dois continuer à m’entraîner, et puis c'est rien, ça va passer. Tu me connais Math' . . » Inconsciemment, je faisais référence à notre passé.

J'avais peur, j'étais angoissée à l'idée de devoir m'interrompre dans mon entraînement. Mathys essayait de me convaincre que c'était le mieux à faire, le plus rationnel. Son collègue m'allongeait à nouveau sur la serviette pour soigner ma plaie. Je grimaçais au contact du produit. Instinctivement, je cherchais la main de mathys et la saisissait de mes doigts fins, tremblants. J'adorais ce contact, il m'avait manqué. Mon regard cherchait le sien, et je demeurais silencieuse, une patiente exemplaire. « Tu es aussi têtu que moi de toute façon.  » soufflais-je. Il savait pertinemment qu'à la minute où il serait parti, je sauterai dans l'eau, prête à dompter les vagues. J'étais presque triste qu'il soit venu avec son collègue. J'aurais voulu être seule avec lui. Je voyais sa mine inquiète, se posait-il des questions sur mon état. « A quoi tu penses ? » soufflais-je avec un sourire en coin.

Je secouais la tête pour protester, non ils ne pouvaient pas faire ça, lui et son collègue, ils ne pouvaient pas m'emmener aux urgences. Je voyais dans son regard son inquiétude et il voyait dans le mien la peur. Je détestais les hôpitaux et pourtant j'y étais tellement habituée. . « S'il te plait . . » soufflais-je comme si ça pouvait changer quelque chose. Ils m'installaient sur la civière. Math' prenait ma planche pour la mettre avec nous à l'arrière du camion. J'me sentais mal, ma tête était douloureuse et je grimaçais. Rattrapant sa main, je la serrais puis la caressais. Je n'arrivais pas à oublier ce lien qui nous unissait dans le passé. « Tu vas rester avec moi, hein ? », j'avais besoin qu'il reste à mes côtés, l'ambiance des hôpitaux me déprimait, toujours.

Ce médecin, il grimaçait en me voyant arriver. Il avait l'habitude, chaque fois que j'arrivais aux urgences, c'était à lui que j'avais affaire. Mathys me laissait en sa compagnie. Il me disait à nouveau que je ne m'étais pas loupée, mais que je pourrais rapidement reprendre l'entrainement. Ce fut un soulagement. Mais lui aussi avait peur d'un léger traumatisme crânien. Je craignais qu'en sortant de l'examen, Mathys soit reparti avec son collègue et je l'aurais parfaitement compris, son métier était important pour lui. Le médecin m'accompagnait jusqu'au couloir puis il s'adressait au pompier. Il était encore là, j'étais soulagée. « La blessure est assez profonde mais je fais confiance à mademoiselle Dyckinson, elle s'en remettra. Par contre, elle devrait rester sous surveillance au moins pour la nuit, juste au cas où elle aurait un léger traumatisme crânien. Il faut que quelqu'un veille sur elle cette nuit, nous pouvons la garder ici mais je doute qu'elle accepte. Elle est très têtue. » J'esquissais un sourire qui voulait dire que j'étais désolée, mais je n'avais pas envie de rester ici cette nuit. Le médecin nous quittait. « Bon tu vois, c'était pas grand chose. » marmonnais-je.

Je l'observais, je tentais d'entrevoir ses pensées et bien sûr, j'y lisais une certaine inquiétude. Je culpabilisais de lui causer du soucis. Il avait toujours été là, avant, pendant et même après notre histoire. Il comprenait rapidement que je n'avais pas envie de rester une minute de plus ici. Alors qu'il partait faire les papiers, décharges et compagnie, j'en profitais pour m'installer sur un brancard qui traînait. Je me sentais fatiguée, vidée, et très amochée. Je ne faisais pas très attention à ma sécurité. Je le regardais revenir vers moi, les papiers en main. Je tentais brusquement de me relever, trop brusquement. J'avais un nouveau vertige, mes jambes flanchaient sous le poids de mon corps et je sentais ses bras m'entourer à nouveau pour me retenir. Je regardais ses prunelles azures, soupirant. « J'suis désolée, vraiment. J'suppose que c'était pas comme ça que tu imaginais ta fin de journée, coincé avec ton ex imprudente . . » marmonnais-je. Et oui, j'avais peur de le déranger, peur de bousculer son emploi du temps, ses plans. Et puis, je ne savais même pas si quelqu'un partageait à nouveau sa vie, ses nuits, non, je ne voulais pas m'imposer.

terminé