Sian ∆ Labyrinthe

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Labyrinthe

Crise de misanthropie. Tu ne les aimes pas. Ces êtres imbus d'eux-mêmes qui courent après l'argent, la gloire et le pouvoir. Ces êtres qui payent pour satisfaire leurs besoins primitifs. Ces êtres qui se noient dans leurs baves et crèvent comme tous les autres animaux. La création est comme ça. Tous au même niveau face à la mort. Ni l'argent, ni la popularité ne te préservera de la pourriture de ton corps. Quand ces pensées arrivent, qu'elle tape à coups de marteau contre les parois de ta tête, tu sors. Tu pars oublier dans l'alcool. Tu pars te soigner avec la boisson.
Bar asthmatique. Alcoolique d'un côté, collègues prostituées de l'autre. Tu ne prêtes attention à personnes, pas même à la beauté que tu lis sur certain visage. Tu sens les regards mauvais dans ton dos, la colère grimpe. Comme la lave dans un volcan. Gamin. Tu t'assois et commences à boire. Un verre, puis deux, puis trois. Ton organisme ne dit pas non, même si ta matière grise est à l'agonie. Personne ne t'intéresse, pas même ta propre âme. Barrez-vous. Tous.

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Labyrinthe

Oh non, tu n'avais ni problème, ni peine de coeur, et pourtant, t'étais là, au milieu de ses camés, de ces alcooliques et dépressifs. T'étais assise sur un tabouret, une jambe repliée devant ton corps et tu picolais cette bière que le barman venait de t'offrir parce que tu es "mignonne". T'avais envie de lui répondre que c'était subjectif, que la beauté n'existe pas vraiment, mais t'étais contente d'avoir un truc à boire gratuitement. Le liquide ambré venait mourir entre tes lèvres et toi, oui toi, tu observais chaque visage, chaque expression, avec l'espoir d'en trouver une qui t'attire, ou tout simplement qui attise ta curiosité. Il y a cette femme au fond, entourée d'hommes, qui la regardent, la touchent, la font boire, et tu peux lire dans leurs pensées tout le sexe qui s'y déverse. A ta gauche, un homme en train de mourir sur le bar, les marques sur ses bras évoquent de la souffrance. Et toi Sian, à quoi tu penses ? Ton esprit est alimenté par la vie, sous toutes ses formes. A ta droite, un jeune homme, c'est ce visage qui éveille ta curiosité. Tu le regardes, silencieuse, la bouteille en verre plaquée sur tes lèvres. Naïve. Le dégoût se lit sur son visage. Et puis, vos regards se croisent, le sien est noir et te glace le sang.

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L'alcool brûle ta gorge, ton œsophage puis ton estomac. Mais pas tes souvenirs. Pas ces putains de morceaux de vies. Ils restent là. Bien trop puissant, comme si le feu de la boisson les ravivait. Ardent. Flamboyant. Tout te brûle, même le regard d'une fille sur le côté. Ses iris tapotent ton épaule pour qu'enfin tu tourne la tête. Que tu croises son regard. Que tu lui parles. Que tu la fasses se sentir désirable et plaisante. Qu'elle se laisse faire. Et qu'enfin, vous finissiez la nuit dans les bras l'un de l'autre.
Mais tu n'en es plus capable. Gamin réprimandé. Tu t'es promis d'avancer. Alors c'est sur le son du piano que tu te rapproches d'elle. Ton sourire poli aux lèvres. Parle-lui et tu verras, te soufflent les voix. Quand tu dénoues ta langue, tu te laisses trahir par ton accent français un peu trop marqué. « puis-je vous offrir un verre ? » tout en désignant le tien, tu continues « Boire seul me rend agressif. » Elle te servirait de symbole de l'humanité. Tu ne pourrais pas haïr en sa compagnie, juste pour qu'elle ne prenne pas ses jambes à son cou pas. Fuite préméditée.

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Nous sommes tous des âmes vagabondes, plus ou moins torturées. Écorchées. Même toi Sian, qu'est ce qui se cache derrière cet éternel sourire, cette éternelle joie de vivre ? Que caches-tu, que ressasses-tu ? Tu bois, simplement pour le plaisir de boire, ou parce que tu espères te consumer, te dissoudre, qu'importe. Ça y'est, il te regarde. Est-ce que tu lui fais le même effet qu'à tous les autres ? Ton sourire se fige, et tu frissonnes devant sa noirceur. Peut-il t'offrir un verre ? Est-ce seulement raisonnable. Pourtant, tu regardes la bouteille presque vide entre tes doigts. Secouant la tête, tu inspires. Quel est cet accent perdu au bout de ses lèvres. « c'est pas de refus. », qu'allais-tu répondre d'autre après tout. « vous n'êtes pas d'ici, n'est-ce pas ? ». Patiente, impatiente, tu veux toujours tout savoir. La curiosité est un vilain défaut, Sian.

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Elle accepte, pure politesse. Alors tu réclames une bouteille au serveur. Gamin capricieux. Tu prends place à côté d'elle, regardant le comptoir, tes doigts. Tu refuses de la regarder, tu n'es pas comme tous ces hommes asservis par leurs besoins. Toi, elle n'existera pas comme objet sexuel dans ton monde. C'est une femme, rien d'autre. Volonté de fer, tu évites de te laisser aller à contempler sa beauté. «Exact. Je viens de très loin. Et vous? » réponds-tu, avant d'empoigner la bouteille franchement servit pour remplir vos deux verres. « Malo. Enchanté. » tu en avais presque oublié les politesses. Tout en faisant glisser le liquide dans ton gosier tu attendais qu'elle daigne te donner son prénom. Surement aussi beau et léger que ses cheveux dorés. « Rassurez-moi, vous tenez l'alcool? » tu ne veux pas finir avec une femme désabusée dans les bras. Éducation passé.

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Tu fuyais son regard, incapable d'affronter la noirceur qui s'y trouve. Ce soir, t'es juste une femme dans un bar, prête à t'ouvrir au monde, comme d'habitude. Rien de nouveau. Routine. Il venait de loin, comme toi, mais il restait vague, laissant volontairement des questions s'installer dans ta tête. « J'viens de loin aussi, mais je suis ici comme chez moi présent. » Toi aussi tu restais vague, qu'est ce que ça pouvait bien lui faire de savoir que tu venais d'Afrique du Sud, et que ça faisait un moment que tu n'y avais pas mis les pieds. Tu regardais la bouteille d'alcool fort et t'affichais un sourire satisfait. « Sian, enchantée aussi. » soufflais-tu. Sa question t'arrachais un rire, tu pouffais, et tu levais les yeux au ciel. Okay, t'étais loin d'avoir le gabarit adéquat, mais tu pouvais en coucher pas mal. « Oh, j'déteste toutes ces histoires de politesse, on se tutoie, okay ? » Et c'était vrai, t'étais simple, tu te prenais pas la tête. « Sinon, j'te dirais ça quand je t'aurai mis dans ton lit après avoir ramassé ton vomi. ». T'étais cash, franche, et t'aimais par dessus tout déconner, piquer au vif du sujet. « Ça fait longtemps que t'es là ? Je ne t'ai jamais vu avant. » Heureusement Sian, tu ne connais pas tout le monde.

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Elle s'appelle Sian et vient de loin, elle aussi. Enregistré. Imprimé. Tel était ton poids à porter. Tu te souviendras de son prénom, de son visage, toute ta vie. Malgré toi. Elle parle vite et beaucoup plus que toi, c'est drôle. Alors tu souris. Juste un peu. Elle demande à ce que tu la tutoies, ce qui ne te serait jamais arrivé dans ton enfance. Dans ton cadre. « J'aime bien ce prénom. » c'est vrai, elle avait un joli nom. Comme ses jolis cheveux dorés. Tu n'as pas eu le temps de te demander pourquoi ces mots qu'elle a déjà surenchéri. Malgré la noirceur de ton regard, tu ris doucement. « On verra ça, quand dans quelques heures, ivre, tu te pendras à mon cou. » tu le penses pas bien sûr, tu n'es pas si irrespectueux. Tu veux juste, toi aussi, être un peu apprécié. Alors, tu réponds à ses questions. « Non, je suis arrivé y ont quelques jours. » dis-tu en secouant la tête. « et toi ? » la questionnes-tu. Ton regard azuré dans le sien est ton main replaçant ta mèche qui était tombé sur ton visage. Le sablier coulait vite quand elle parlait, douce magie. Les verres se remplissaient pour se vider au fond de vos gosiers tandis que le feu vous monte aux joues. « Sinon, tu racontes quoi ? » l'alcool influençait ta sociabilité, habituellement sa réponse ne t'aurait pas intéressé. Doux breuvage.

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Ce compliment résonne à tes oreilles. Oui, ton prénom en surprend plus d'un. Certain le prononce mal, mais tu ne les reprends jamais. Tu ne sais d'ailleurs pas d'où il vient, sûrement une des nombreuses excentricités de tes géniteurs. Ta répartie lui avait arraché un sourire, et toi tu pouvais pas te retenir de rire. Il allait te falloir un sacré paquet de verres. « Je crois que monsieur est peu présomptueux . . » ajoutais-tu en levant les yeux au ciel. Bizarrement, et malgré la noirceur de son âme, de son regard, tu te sentais bien en sa compagnie. Un nouvel habitant. Tu te rappelais parfois ton arrivée ici, pas dépayser pour un sous, tu te sentais déjà chez toi, avec cet océan à perte de vue, cette plage . . « Quelques années, maintenant. » répondais-tu en buvant un à un les verres se trouvant devant toi. « D'ailleurs, si t'as besoin, j'te ferais découvrir le coin . . » Et puis s'il préférait être seul, tu n'insisterais pas. T'avais chaud, le rose te montait aux joues, t'étais euphorique, joyeuse, accoudée contre le bar, tu tournais la tête vers lui. Intriguée. Tu restais ainsi de longues secondes, peut-être des minutes, la notion du temps est bien loin. « Et qu'est ce que tu veux que je te dise ? » Plus aucune cohérence dans tes propos, mais qu'est ce que tu pouvais répondre à ce genre de question. « Et toi, qu'est ce que tu fais là ? Qu'est ce qui t'a conduit ici ? » T'étais indiscrète, peut-être était-il encore assez lucide pour t'envoyer chier.

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La jolie fille te proposait son aide. À toi. Au pirate abandonné. Au poète maudit que tu as toujours été. Tu la remercie d'un sourire, un acte bon. Pour elle. Ton cerveau ne refusait plus d'admettre le bon côté des choses. Bon côté des hommes. C'est pour cela que tu bois. Pour aimer, un peu. Beaucoup ou pas du tout. Comme le jeu des marguerites.
Plus l'alcool brûle et plus elle t'attire. Plus ses regards te détaillent, plusieurs secondes, minutes perdus à observer ta peau, tes traits, l'oiseau dans ton cou. Sa peau aussi à l'air douce, brillante. Mais tu ne veux pas y céder. Pas toi. Tes besoins reviennent au galop. À l'aide. Séduit par l'innaccessible. Toi, gavroche, tu n'atteindras pas cela. Jamais. Dieu l'a decidé. je fuis. Un aventurier moderne dis tu, détaché. Avant qu'on t'enlève ton attache. Deux, trois mots qu'il est venu lui chuchoté à l'oreille. Enlevé, disparue. Elle est parti danser, contre sa volonté ou non.

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Est-ce l'alcool qui trouble ta vision ou bien est-ce lui ? Sa peau blanche, trop pâle pour être ici depuis longtemps, ses lèvres roses, son hirondelle qui vole dans sa nuque, papillonne. Tu joues avec ton verre. T'oublies ce que t'es venu faire ici, ça n'a plus vraiment d'importance. Si tu venais pour ressasser, tu découvres finalement. L'aventurier moderne, ces mots résonnèrent dans ton cerveau. Il était ce vagabond, cette âme qui voguent. « Que fuis-tu ? » Qu'est ce que ça peut te foutre dans le fond ? Mais cette fois, tu ne réfléchis plus. L'alcool te brûle l’œsophage mais tu en réclames un autre verre. Encore, et encore, et encore. Il a y cet air de musique qui te fait taper du pied sur ton tabouret. Tu serais presque prête à te lever pour te noyer dans les paroles, dans la mélodie.

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Tu la regardes se faire séduire, le regard de nouveau sombre. Ses cheveux d'or et son visage fins ne les laissent pas indifférent. Tu n'aurais pas voulu l'éternité avec elle, mais simplement cette soirée. Pouvoir lui parler comme si rien n'existait. Plus rien. Ni le soleil, ni la lune ne seraient des certitudes. "Vas-y, va danser avec lui. Ne te dérange pas." articules-tu, un peu plus froid. Après tout, elle n'est qu'une vague connaissance à tes yeux, toi tu n'étais pas venu ici pour elle, juste pour boire. Tu continuais donc, silencieux, de boire sans t'arrêter. Le regard un peu floue, tu la détaillais, là-bas au centre de la piste. Elle se frottait à l'inconnu, qui lui, était satisfait de sa nouvelle conquête. Tu aurais pu être à sa place mais tu ne le méritais pas, petit Malo.

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