let's get this party started !

Manger sur le dos du maire ? Comment manquer pareille occasion ! En plus, des grillades sur la plage, c’est tout simplement la combinaison gagnante, le duo rêvé ! J’avais donc enfilé un maillot de bain qui pouvait aussi facilement passer pour une paire de short, et puis un chandail blanc pour quand même avoir plus de classe que tous ces autres hommes pas nécessairement plus musclés que moi qui arrivaient à la plage déjà torses nus. Je n’avais pas un corps d’enfer alors je n’allais pas le parader à moins d’avoir envie d’aller dans l’eau. Bon, ça c’était mes complexes, tant mieux pour les autres s’ils étaient bien dans leur peau, mais je préférais parler aux autres sans qu’ils puissent regarder mes mamelons au lieu de mes yeux. Bref. Je garai ma voiture dans le stationnement et puis aperçut déjà un petit rassemblement d’habitants de Bowen qui riaient, dansaient, mangeaient, buvaient. Je ne reconnus malheureusement aucun de mes proches amis ; seulement des connaissances. Évidemment, j’étais beaucoup trop socially awkward pour me jeter dans la gueule du loup et aborder ces gens sans qu’ils n’aient demandé quoi que ce soit. Je me rendis donc à la table couverte de bols de punch et je me servis un verre d’un liquide bleu-turquoise, style océan. Je me doutais de la présence de Curaçao dans cette substance. Je goûtai et, satisfait du goût, remplissai mon verre à ras bord. Il était encore tôt et je n’avais pas nécessairement faim, et puis manger debout, seul, comme un piquet, ne me tentait pas non plus. Je me tournai donc vers la foule et bu une autre gorgée, me maudissant d’être un mec à part avec un cercle d’amis assez restreint. Ils avaient l’air de tellement tous s’amuser ensemble. J’aurais aimé être populaire, moi aussi. Je ne l’étais pas, et je ne l’avais jamais été. Je soupirai, un mince sourire aux lèvres, et bu une autre gorgée. Let's get this party started ? Attendez que j'aie bu un peu plus.

La dernière fête sur la plage, tu t'en souvenais très bien, tu avais fait la connaissance de Milo, et dans un sens, tu le regrettais amèrement. Mais ce soir, ça allait être différent, bien que cette fois, tu es seule, personne n'est plus là pour toi, peut-être que tu croiseras Donovan, mais il ne sera pas assez seul longtemps pour que ta soirée soit parfaite. Et ce soir, pas question de mettre une robe, la dernière fois avait suffit, ce soir, tu portais un short et un chemisier en coton, pour pas avoir trop froid même si l'air dehors était plus chaud, avec tout ses feux qui brûlent autour de toi, et tout les gens présent, qui n'apportent que de la chaleur. Ce soir, tu venais de boire ton deuxième verre, et tu ne sais pas pourquoi, mais tu trouvais que ce punch manquait vraiment d'alcool. Ton regard passe de tête en tête, espérant reconnaître quelqu'un que tu connaissais même de vue, histoire d'aller squatter et d'arrêter de traîner comme un fantôme. Une rousse, un blond, une petite fille, un grand brun, un autre blond. La tête qui repart en arrière : un grand brun. Ton coeur manque un battement et tu crois que le monde va s'effondrer sous tes pieds. Tu prends le risque de les regarder, tout va bien, le sol est en parfait état et quand tu relèves les yeux, tu le vois toujours. Une hésitation, un pas en avant, un pas en arrière, tu ne sais plus ce que tu dois faire, mais le destin s'en charge pour toi, quelqu'un te pousse et tu trébuches en sa direction. Ni une, ni deux, tu te rattrapes à son bras, et tu hésites à lever la tête.

J’avais presque terminé mon verre. C’était bon, mais ça commençait légèrement à me lever le cœur. J’allais probablement me rabattre sur les simples coupes de vin qui se trouvaient un peu plus loin ; voilà un alcool qui m’avait toujours bien réussi. Les punchs et cocktails, ça allait, mais pas pour plusieurs consommations. C’était le bon plan pour finir la soirée dans son propre vomi, ça. Bref, je m’apprêtais à amener mon verre à mes lèvres pour cette dernière gorgée quand je fus légèrement bousculé et qu’une main s’agrippa à mon bras, me faisant automatiquement faire quelques pas en arrière sans toutefois amener l’autre personne avec moi. Résultat : ce mouvement sec avait fait en sorte que j’avais reçu cette précieuse dernière gorgée sur mon chandail blanc. Une grosse tache bleue, en plein milieu. Je soupirai. « Eh merde … » Puis je penchai finalement la tête vers cette petite brunette qui se tenait encore tête en bas. Cette petite brunette, je l’aurais reconnue entre mille, même en ne voyant que le fond de sa tête. Mon cœur arrêta de battre, je pense, à ce moment précis. Je balbutiai : « L…Li…Lily ? » Je devais être rouge tomate, et le contraste avec la tache bleue de mon chandail devait être à éclater de rire. Elle leva sa belle petite frimousse vers moi et je ne pus m’empêcher de sourire. « Déjà pompette ? » Demandais-je en référence à sa légère chute sur moi. Ce qu’elle pouvait être belle. Je me maudissais encore de l’avoir laissée me filer entre les doigts, celle-là. Mais elle était hors de ma ligue, tout le monde me l’avait dit, à l’époque. Et ça n’avait pas changé.

Rien que par tes cheveux, il savait que c'était toi, et il avait eu tant de mal à prononcer ton prénom, même toi tu ne savais pas où tu mettre, après tout, c'est lui qui était parti, c'est lui qui t'avait laissé sans se retourner. C'était il y a longtemps certes, on pourrait penser qu'il y a prescription, mais en histoire de coeur, il n'y a pas de date limite, de date butoir à laquelle on oublie tout. Tu n'as pas oublié, tu n'as rien oublié et tu n'oublieras probablement jamais à quel point tu l'as aimé, a quel point tu croyais le garder, et a quel point tu as eu mal quand il est parti. On dit que le temps guérit les blessures. Foutaises oui. Tu lèves les yeux vers lui, et tu te sens toujours aussi perdue et petite qu'il y a 7 ans. Le temps passe vite, et en 7 ans, tu ne l'avais presque pas croisé, ce qui était étrange quand on y pense vu que Bowen n'était pas une ville immense. Ou peut-être que tu ne l'avais pas vu, fondu dans la masse. « Bonsoir Nel' ! » Tu affiches un petit sourire crispé, d'un autre côté, tu vas pas lui sauter dans les bras en lui disant que t'es ravie de le revoir, et cie. Pas tout de suite en tout cas, t'avais pas assez bu. « Je suis désolée, on m'a poussé et j'ai trébuché sur quelque chose, ou quelqu'un, je sais pas trop à vrai dire.. » Tu te tournais rapidement pour regarder derrière toi, à la recherche de ce qui t'avait fait ce coup là, mais tu ne voyais pas grand chose. Peut-être que c'était ta maladresse légendaire qui te rattrapait. « Oh, ton pull, il est tout bleu, il faut nettoyer ça avant que ça sèche sinon il est bon pour la poubelle. » C'était ta faute, et celle du destin, mais surtout la tienne, et voilà qu'il avait l'air bizarre avec sa tâche bleu. Sans te poser de questions, tu attrapes son bras et l'entraînes avec toi à travers la foule, t'es petite, tu te faufile facilement, mais lui, il semble avoir un peu de mal à te suivre sans avoir à trop bousculer les gens. Une fois isolés de la foule, et surtout dans les toilettes, tu lui jetas un regard. « Retires ton pull que je puisse le passer sous l'eau. » demandais-tu aussi gentiment que tu pouvais, cette situation te mettait mal à l'aise, sans savoir si c'était parce qu'il se trouvait en face de toi, pour de vrai, ou parce que tout votre passé t'étais remonté a la figure en une demie-seconde, te rappelant tout ce que tu as subi.

À mes yeux, notre rupture n’avait pas été ma décision à moi, encore aujourd’hui. C’était idiot parce que je m’étais simplement montré lâche, lâche face à elle et à moi-même. En même temps, j’avais beau m’en vouloir, je savais pertinemment que Lily et moi ne serions plus ensemble aujourd’hui quoi que j’aie fait. Elle aurait trouvé quelqu’un de mieux. N’était-ce pas la raison pour laquelle je l’avais laissée en premier lieu ? Oui, et j’y croyais encore dur comme fer. Jamais je n’aurais cru que j’aurais pu à ce point blesser Lily. Lui briser son petit cœur si précieux. Avoir su tout ça, avoir su tout l’amour qu’elle me portait et l’avenir qu’elle prévoyait pour nous, je n’aurais jamais posé ce geste stupide. Mais je ne le savais pas, ni à l’époque ni aujourd’hui. « Bonsoir. » Lui dis-je en souriant. Parce que je ne pouvais jamais m’arrêter de sourire quand je la voyais. Tout comme il y a sept ans, où j’arborais sans cesse ce sourire niais et rêveur en sa présence. J’avais vieilli, mais pas tant que ça, au fond. Je demeurais le même gamin en amour. « C’est pas grave, ça arrive des accidents … » La rassurais-je. Et puis je connaissais la maladresse légendaire de Lily, et c’était d’ailleurs ce qu’il y avait de plus craquant chez elle. La brunette remarqua enfin la tache sur mon chandail. Elle s’exclama qu’il fallait nettoyer ça tout de suite, m’entraînant dans une course quasi-impossible au travers de la foule. Elle était naine, et moi un géant ; cherchez qui avait du fil à retordre dans cette histoire ! Finalement, nous arrivâmes dans les toilettes publiques de la plage, où elle me demanda d’enlever mon pull pour le passer sous l’eau. Je devins tout à coup très gêné. « Euh tu sais, c’est … c’est pas très grave s’il se retrouve aux poubelles … » Toutefois, à bien y penser, soit je portais un chandail sale toute la soirée et le début de la nuit, soit je l’enlevais et me fondais dans la masse comme la plupart des gens de toute façon. Aussi bien l’enlever, et puis Lily avait insisté. « Ok … » J’enlevai donc mon chandail, tout de même assez intimidé par la situation. « Tu sais t’es … t’es pas obligée de faire ça c’est … c’est pas ta faute … » Lui dis-je. Après l’avoir flanquée là sans raison il y a sept ans, et en plus sans se donner de nouvelles depuis, je me sentais plutôt con qu’elle soit en train de laver mon chandail à l’eau.