shades -r.

Un autre verre, un autre soir, toujours la même routine. Beaucoup de gens pouvaient penser que Woody Rutkowski, le grand fêtard de Bowen, ne s'ennuyait jamais et que chaque jour était une nouvelle explosion de couleurs. J'imagine que cela dépend des perceptions. Parce que moi, je ne me sentais pas comme ça, et pourtant, c'était bien moi, ce Woody. Cette boîte de nuit m'était bien trop familière, et c'était l'une des raisons pour laquelle Alice et moi ne restions jamais à Bowen lorsque nous avions envie de tout oublier l'espace d'une nuit. J'avais l'impression que depuis cinq ans, depuis mon retrait des compétitions de vélo de montagne, je stagnais. Avant, j'avais un but : être le meilleur. Maintenant, mon seul but semblait être celui de (sur)vivre. Objectif de vie peu stimulant, me direz-vous. Exactement. J'avais besoin de quelque chose de nouveau, peut-être une nouvelle passion, une nouvelle aventure, n'importe quoi qui puisse m'extirper de ma lassitude.

Malheureusement, je ne semblais visiblement pas savoir comment m'y prendre puisque cette nuit encore, je me trouvais dans la boîte de nuit la plus huppée de Bowen où on y trouvait les mêmes gens soir après soir, hormis quelques vacanciers ici et là. Ce soir, tous les visages m'étaient connus, ou presque. D'ailleurs, un visage que j'avais vu à quelques reprises était braqué sur moi ; enfin, ses yeux l'étaient. Depuis un moment, même. Je ne faisais pourtant que danser avec de jolies demoiselles ou siroter un verre depuis le début de la soirée. Intrigué et agacé à la fois, je me décidai finalement à braver la foule qui nous séparait pour me retrouver vis-à-vis de cet homme au regard sombre. « Salut. Je peux t'aider à quelque chose ? » Ce n'était pas du tout agressif. Comme il m'arrivait à moi aussi, comme à tout le monde, de regarder d'autres personnes, je n'allais pas l'attaquer. Toutefois, j'aurais bien aimé savoir ce qu'il me cherchait et c'est pourquoi je l'avais approché.