(#202) hurricane -r.

Depuis quelques jours déjà une idée te trottait en tête et depuis ta rencontre avec Wren, tu n'avais pas pu faire autrement, il fallait que tu le saches. Il était temps pour toi d'apprendre ce qui clochait chez toi, et bien que tu avais eu l'avis de Milo, il t'en fallait un autre. Ce n'est pas parce qu'il t'a dit que tu lui faisais pitié, qu'il en était de même pour tous les autres. Mais tu aurais du mal à savoir pour Sloàn parce qu'il était reparti avec Dorian en Irlande. Et le seul qui restait en ville actuellement était Nelligan. Tu étais pourtant sûr de pouvoir finir ta vie avec lui, mais sans crier gare il était du jour au lendemain, sans un mot. Alors tu lui avais laissé du temps, et puis Jade avait fini par te faire comprendre qu'il ne reviendrait pas, que c'était fini, mais tu n'avais jamais eu le courage de savoir pourquoi. Tu l'avais revu plusieurs fois mais sans jamais oser, et maintenant que tu avais eu plusieurs conversations, tu devais savoir. Tu le méritais non ? Alors c'était motivée que tu t'étais rendu chez lui. Mais il n'y avait plus personne, l'appartement était vide. Après quelques questions au concierge, tu avais pu apprendre qu'il avait déménagé dans l'immeuble d'à côté et le numéro où il vivait maintenant. Tu t'y rendis d'un pas décidé. Tu n'avais jamais été aussi sûre de toi et aussi déterminée quand il s'agissait d'avoir une explication. Tu étais toujours du genre à les fuir, mais ça ne t'aidait pas à avancer, tu n'arrêterais pas de tomber amoureuse aussi, et s'il te proposait de recommencer, tu dirais probablement oui, mais ça te permettrait d'avancer si ça venait à mal finir, à oublier peut-être. Une fois devant sa porte, tu hésitais. Était-ce que tu voulais vraiment ? Tu finirais très vite par le savoir parce que tu avais déjà sonné. Une jeune femme t'ouvrit la porte, et tu l'avais reconnu, c'était Cassandre, tu l'avais connu au lycée, une jeune anglaise qui faisait un échange. Tu ne savais pas qu'elle vivait là, mais tu te posais tout à coup, un tas de questions. « Bonjour Cassandre, je voudrais voir Nelligan, s'il est là. » Elle hocha la tête et l'appela de suite. Et t'embrassa sur la joue avant de repartir, te laissant dans le couloir. Vivait-il avec elle maintenant ? Comme un couple ? Qu'est-ce que ça pouvait te faire, après tout, s'il avait refait sa vie, c'était son droit. Tu hésitais à tourner les talons et courir le plus vite possible pour fuir tout ça, mais au moment où tu étais prête à le faire, il était déjà là, devant toi. Tu lui adressas un sourire un peu gêné. « Bonjour, je ne te dérange pas, j'espère ? »

J’avais recommencé peu à peu à sortir de ma taverne, de cette prison que je m’étais moi-même construite autour de mon être. Suite à ma rupture d’avec Tara, même si techniquement nous n’avions jamais même seulement eu la chance d’être un couple, je m’étais encabané dans mon nouveau chez-moi afin d’oublier, d’oublier tout. Parce que je ne savais plus où j’en étais, parce que je n’avais plus envie d’être avec qui que ce soit hormis Tara, parce que j’avais perdu goût à tout. Depuis quelques jours cependant, j’avais réussi à m’extirper de ma torpeur afin d’aller à la rencontre de ces amis qui avaient toujours été là pour moi, et chers à mes yeux. Je les avais délaissé pendant trois longs mois et j’avais beau me dire que je préférais être seul, je ne pouvais plus nier l’ennui qui s’emparait de moi. Je m’ennuyais d’eux. Ainsi, depuis le début de la semaine, j’enchaînais les sorties avec différentes personnes, dont Eileen que je n’avais pas vue depuis tellement longtemps, ainsi qu’Emma, Victoria. Il y avait aussi eu Lola, mais j’étais encore trop sous la surprise de ce qui s’était passé entre nous pour vouloir y songer de nouveau. Je n’étais pas prêt à me confronter à cela.

Bref, lorsque Cassandre vint me chercher dans le salon pour me dire qu’il y avait quelqu’un à la porte pour moi – cruelle était-elle, elle ne me donna pas plus de détails -, je m’attendais à y voir l’une de ces personnes avec qui j’avais repris contact dans les derniers jours. Pourtant, lorsque j’arrivai à la porte, mon sourire se transforma en une sorte de surprise et d’interrogation, bien qu’il demeurait un sourire. « Lily-A ? » Elle m’adressa un sourire tout aussi gêné que le mien. Il fallait dire qu’à chaque fois que je recroisais Lily-Anaëlle, un tas de souvenirs et de sentiments refaisaient surface. J’avais beau me convaincre de n’importe quoi, notre histoire à elle et moi ne serait jamais complètement terminée. J’avais rompu avec elle parce que je n’avais pas assez confiance en moi ; pas parce que je ne l’aimais plus. Oh que non. « Euh … non, non, pas du tout. Entre. » Je m’écartai de la porte pour la laisser entrer. Je m’avançai jusqu’au bout du hall d’entrée, ce qui m’amenait au salon, puis je me tournai de nouveau vers mon ex petite amie. « Je suis un peu surpris de te voir ici, je dois l’avouer. » Pas que nous étions en mauvais terme, mais nous n’étions pas non plus en bons termes. Nous ne parlions presque plus, voilà tout. Je me demandais donc ce qui l’avait poussée à venir cogner à ma porte, pour parler à nul autre que moi. Une certaine nervosité montait en moi, car je m’imaginais toutes sortes de scénarios.

Il devait être tout aussi surpris que toi. Une boule était monté dans ton ventre, et quand il fit son apparition, ta boule se faisait plus grosse et plus douloureuse. Il n'avait pas changé et tu sentais ton coeur sur le point de chavirer à nouveau pour un homme qui n'en valait pas forcément la peine. Enfin ce n'était pas exactement ça, Nelligan était un parfait candidat pour ta petite vie et ton rêve de famille, mais pourtant quelque chose avait cloché. Et en le voyant commençant à blêmir, inquiet de ce que tu pourrais lui dire, tu cherchas quelque chose à dire rapidement, sans trop réflechir. « Ne t'inquiète pas, je ne suis pas enceinte, il y a prescription depuis » Tu lâcha un rire nerveux, c'était vraiment la chose la plus stupide que tu puisses dire pour essayer de détendre l'atmosphère. Mais ce n'était pas facile non plus de venir jusque là, pour toi c'était un si grand pas, que tu voulais faire demi-tour, et revenir une autre fois. Mais maintenant que tu l'avais dérangé, ce n'était plus à faire. « Ecoute, je sais que ça va te paraître bizarre de te demander ça maintenant parce que c'était il y a longtemps mais je crois que j'ai besoin de savoir. » Tu avais baissé tes yeux vers tes pieds, comme lui quand il était mal à l'aise, décidément, en y repensant, tu ne comprenais vraiment pas pourquoi il était parti, vous étiez tellement fait pour être ensemble. « Pourquoi t'es parti ? » Ton regard était remonté mais tu n'osais toujours pas le regarder.

Un rire nerveux s'échappa aussi d'entre mes lèvres alors que Lily-Anaëlle me rassura - ou tenta de le faire - en me disant qu'elle n'était pas enceinte. « Ouais, non, je ne pensais pas à ça quand même. » À quoi pensais-je, en fait ? À rien. Je n'avais aucune idée du motif de la visite de mon ex petite amie dans ce nouvel appartement - et j'ignorais même comment elle avait fait pour me trouver ici. Dans tous les cas, la nervosité présente autant chez moi que chez mon interlocutrice ne laissait tout de même pas présager quoi que ce soit de bon. Je doutais qu'avec cette attitude, elle soit ici pour seulement prendre de mes nouvelles. Elle avait quelque chose en tête, et je n'avais qu'une envie : qu'elle le dise pour que ma nervosité chute. Ou augmente. À voir.

Lily-Anaëlle sembla prendre son courage à deux mains puis elle me dit qu'elle avait besoin de savoir quelque chose. Je fronçai les sourcils. « Savoir quoi ? » Demandais-je. Sauf que la question qu'elle allait me poser se dessinait un peu plus clairement dans ma tête. Après tout, cela ne prenait pas un doctorat en relations humaines pour me rappeler que je l'avais laissée sans aucune raison valable. Je n'avais jamais cherché à m'expliquer, elle n'avait jamais cherché à comprendre. Jusqu'à aujourd'hui. Puis la question fusa d'entre ses lèvres, et je ressentais la souffrance de toutes ces années d'incertitude dans la voix de mon ex copine que j'affectionnais toujours malgré tout. Malgré moi. « Oh, Lily ... » Dis-je en secouant légèrement la tête, baissant les yeux à mon tour. Je la pris par le bras, doucement, et l'entraînai vers le salon où je la fis s'asseoir à côté de moi sur le divan. « Écoute, je ... » J'eus un rire nerveux. Parce que pour ce coup-là, c'était pour moi qu'il était difficile de s'ouvrir. Je pris une grande inspiration, et ma voix était saccadée par la nervosité. « C'était ... dans ma tête ... ou pas, encore aujourd'hui j'aurais sans doute le même raisonnement un peu con mais ... je ... j'ai toujours eu le sentiment de ne pas te mériter. » J'eus un faible sourire. Si je lui ouvrais ainsi mon coeur, c'était pour elle, pour son bien. Pour qu'elle comprenne que rien ne clochait chez elle, si tel était le fond de sa pensée. « J'étais tellement ... peu apprécié des autres, lorsque nous étions ensemble. Au lycée, j'étais rien d'autre que le rat de bibliothèque, le geek, le nerd ... Et toi t'étais déjà tellement belle, drôle, adorable ... Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi tu étais avec moi. » J'haussai un sourcil, et un coin de lèvres en demi-sourire, dans cette mimique propre à moi lorsque je me sentais un peu idiot.

Son ton avait pris une intonation grave. Comme une mauvaise chose, mais tu ne savais pas comment l’interpréter, mais quand il t'entraîna dans le salon pour que vous puissiez vous asseoir, tu commençais à avoir très peur. Il avait du mal à parler, et plus il avançait dans ses explications, plus tu avais envie de fuir. Mais l'écouter, c'était comme prendre un coup de massue sur la tête. Ce n'était pas clair, ça semblait si fou, il était parti parce qu'il se sentait trop nul pour toi, pas apte à être ton petit copain. C'était peut-être l'un des arguments les plus fous, et même si tu avais toujours cru que c'était ta faute, tu continuais de le penser. C'était toi qui l'avais fais fuir, en lui donnant l'impression de pas être à la hauteur. « Tu es parti parce que j'étais trop bien pour toi ? » Tu ouvris la bouche pour ajouter quelque chose mais la referma presque aussi vite. Et ceux pendant une longue minute. Tu ne comprenais pas ce qui avait bien pu passer dans son esprit à cette époque, vous étiez si complémentaires, sur la même longueur d'onde que vous aviez tout pour être heureux, toutes les cartes en main pour avoir un avenir de rêve, et pourtant quelque chose s'était passé dans sa tête, en pensant ne pas être digne de toi. Tu avais beau te le répéter, tu trouvais ça complètement insensé.. « Mais pourquoi ? Je veux dire, qu'est-ce que j'ai fais pour que tu penses ça ? »  Tu avais levé ton regard pour enfin affronter le sien, et tu pouvais voir ce sourire qui ressemblait plus à une grimace. « Je ne comprends pas, on avait tout pour être heureux, et aujourd'hui, on pourrait avoir notre propre famille.. » Cette remarque était plus une chose pour toi-même, si tu étais allée le voir lorsqu'il était parti, alors tu aurais pu le résonner, lui faire comprendre qu'il faisait fausse route et vous auriez pu continuer à vivre votre petite vie ensemble, et connaître tout le bonheur du monde, dans votre petite maison, avec un enfant qui sait. Ça te faisait presque regretter ton manque de courage il y a maintenant 6 ans. Tu aurais pu éviter toutes les déceptions amoureuses qui ont suivis, mais non, c'était ainsi, et aujourd'hui c'était sûrement trop tard pour changer les choses. Et même si ce n'était pas le cas pour toi, peut-être que lui avait tourné la page, après tout tu l'avais vu en présence d'au moins 3 femmes différentes ces derniers mois et maintenant il habitait chez Cassandre, alors peut-être que tu te faisais de fausses idées mais tu n'aurais pas le culot de lui demander, tu en avais déjà assez entendu pour aujourd'hui. « Je crois que c'était une erreur, je suis désolée de t'avoir embêté. » Tu te levas pour partir en vitesse, parce que c'était la meilleure chose que tu pouvais faire à présent.

J’avais souvent imaginé cette discussion. J’avais visualisé, pour un jour avoir le courage de le lui dire en face, dans la réalité. Sauf qu’à chaque fois, le morceau semblait passer mieux que présentement. Lily-Anaëlle me regardait avec un air surpris, assommé, à la limite fâché et déçu en même temps. Je me sentais tout d’un coup vraiment stupide de lui avoir déballé tout ça de cette façon-là, sans préliminaire. En même temps, c’était elle qui avait cherché à savoir. Moi, j’avais été pris au dépourvu. Cette révélation n’était pas prévue, elle n’était qu’une idée dans ma tête qui ne se serait jamais concrétisée si Lily ne s’était pas présentée à ma nouvelle demeure aujourd’hui. Sa question me fit rougir et baisser les yeux vers mes souliers. Je ne portais que des bas gris. Cela me gêna encore plus. « Dis comme ça c’est … c’est un peu stupide mais … mais oui, c’est ça … » Je soupirai en prenant ma tête dans l’une de mes mains, la passant finalement dans mes cheveux pour qu’elle termine sa course sur ma nuque. Je relevai les yeux vers la brunette alors qu’elle reprenait la parole pour me demander les raisons de cette pensée. J’haussai les épaules en secouant la tête. « Lily-A … rappelle-toi ce que j’étais à l’époque. Ramène-toi à y’a dix ans et souviens-toi à quel point je n’avais aucune estime de moi-même. Tu n’as rien fait. C’était tout moi. Dans ma tête. » Elle continuait à nager dans l’incompréhension, et quand elle souligna qu’aujourd’hui nous aurions pu avoir notre propre famille, mon cœur manqua un battement. Puis il accéléra la cadence. Tout d’un coup, je regrettai ces dix dernières années, celles que j’avais gâchées à essayer de me trouver et à trouver la femme de ma vie. Où tout cela m’avait-il mené ? Ici, aujourd’hui. Devant la femme qui aurait effectivement pu être mon épouse et la mère de mes enfants. « Tu as raison. On se serait sans doute mariés, on aurait sans doute deux enfants et un en chemin. Une maison … » Je tournais le couteau dans la plaie, autant pour elle que pour moi. Alors j’arrêtai mes rêveries d’un coup. Lily-Anaëlle choisit ce moment pour se lever et s’excuser d’être venue m’embêter. Dans un élan de désespoir, je me levai d’un bond. « Non, ne pars pas ! » Je l’attrapai par le bras et lorsqu’elle se retourna, je forçai mes lèvres contre les siennes dans un baiser de désespoir dont je ne saurais expliquer la signification réelle.

Plus il avançait dans ses explications et plus tout ça te semblait si flou. Il n'avait pas tord, à l'époque tu n'avais pas trop pris en compte son manque d'assurance et aujourd'hui tu l'oubliais encore. Mais pourtant tu ne pensais pas qu'une telle chose pouvait avoir le pouvoir de briser un couple. Aujourd'hui tu te rendais compte que tu n'avais pas été là pour le rassurer, pour l'aider à prendre confiance en lui, lui montrer qu'il avait tout à fait le droit d'être heureux et de vivre une belle vie, avec toi, ou même n'importe qui d'autre, mais aujourd'hui c'était un peu tard pour le comprendre. Avec le recul tu réalisais à quel point cette situation était ridicule, si tu lui avais parlé après la rupture, vous n'en seriez jamais arrivé là. Quand il reprit tes paroles sur la famille que vous pourriez être, c'était trop pour toi. Il fallait que tu partes, que tu claques fort la porte et que tu te mettes à courir, à courir vite et courir loin, pour fuir tout ça, pour oublier, pour lui échapper, et surtout pour te cacher. Mettre de la musique à fond la caisse sous la couette en serrant ton petit ours en peluche qui ne quitte jamais ton lit depuis que tu as deux ans, et ne plus penser. Mais c'est en partant qu'il te demandait - qu'il te suppliait - de ne pas le laisser, tu t'étais arrêtée nette. Immobile, tu hésitais à te retourner ou à courir, mais avant même que tu ne puisses te décider, il avait posé sa main sur ton poignet et t'avait retournée pour que tu lui fasses face. Tu t'attendais à ce qu'il s'excuse mais au lieu de ça, il t'embrassa. Tu fermas les doucement, en te laissant faire. Tu avais l'impression de faire un bond de dix ans en arrière et ça ne te déplaisait pas du tout. Tu sentais ton cœur s'emballer, tes vieux sentiments remonter, comme si vous vous étiez quittés hier. Et pourtant dans ta tête commençait déjà à se former les pensées négatives qui te disaient que c'était une mauvaise idée, que ce n'était pas possible, que tu devais t'enfuir de là à toute vitesse et pourtant, ton corps lui ne semblait pas prêt à bouger. Tu te sentais trop bien pour perdre cet instant, même s'il était peut-être irréel. Tu ne pouvais t'empêcher de sourire quand tes lèvres se décollèrent doucement des siennes. Mais tu ne savais pas quoi dire, tu ne voulais pas briser ce silence qui pourrait mettre fin à tout. Puis finalement tu te mis à rire parce que tu trouvais ça assez drôle finalement. « Je crois que j'ai encore plus de questions maintenant que quand j'étais arrivée.. » Tu passas une main dans tes cheveux, celle qui n'était pas prise par votre emprise, tu avais gardé ta main dans la sienne. C'était étrange la façon dont la vie s'arrangeait pour que tout t'arrive en même-temps, et que ça te fasse perdre la tête. « Je suis désolée de ne pas être venue quand tu es parti, si tu m'avait dit ça il y a dix ans, on aurait pu le surmonter, je n'ai pas réfléchit au fait que tu te sentais assez mal dans ta peau pour penser ainsi même si c'était bête. Je crois que ma plus grosse erreur est d'avoir attendue aussi longtemps. »

J’avais repensé à ma discussion d’avec Emma. J’avais repensé à ce stupide souhait que j’aurais voulu faire alors que je me trouvais sur cette roche, perdu au beau milieu de la forêt, avec ma franche mais cruelle meilleure amie qui venait de me dire que je ne serais jamais heureux avec Tara. J’avais voulu revenir dix ans en arrière. Et ne jamais laisser Lily-Anaëlle sortir de ma vie, sortir de mon cœur. De cette façon, même si Tara aurait malgré tout croisé mon chemin plus tard, ça n’aurait été que pour les cinq minutes durant lesquelles j’aurais soigneusement choisies les pâtisseries que j’aurais ramenées à ma femme enceinte pour un soir de St-Valentin. Pas pour passer la soirée à cuisiner dans sa boutique, pour finalement l’inviter à sortir. Non. Juste pour payer ces quelques cupcakes à ramener à Lily-Anaëlle.

Alors j’avais embrassé Lily-Anaëlle, comme si ce baiser pouvait tout arranger. Comme si nous pouvions réellement revenir dix ans en arrière et continuer notre chemin comme si ces dix années passées n’étaient jamais arrivées. Était-ce fou d’espérer que cela puisse être possible ? Quand nos lèvres se détachèrent et que la réalité nous frappa, Lily-Anaëlle souriait. Puis éclata de rire. À mon tour, je souris. Puis je ris. Autant de confusion que de soulagement. Mon souhait pouvait-il donc vraiment se réaliser ? Pouvions-nous reprendre notre histoire là où nous l’avions laissé, et cela pouvait-il me faire oublier Tara ? Naïvement, je commençais à y croire. « J’en ai aussi qui commencent à se former dans ma tête, là. » Dis-je en souriant légèrement, niais. Je ne savais pas si je voyais plus clair ou si c’était encore plus le chaos dans ma tête. Je baissai mes yeux vers nos mains enlacées, et je serrai ses petits doigts entre les miens. « Ma plus grande erreur, mon plus grand regret, c’est de ne pas avoir vu que tu étais réellement heureuse avec moi. Pour ce que j’étais. Et de ne pas avoir vu l’avenir que j’allais avoir sans toi. » J’eus un sourire triste. Parce que cet avenir dans lequel je vivais présentement, je n’en voulais pas. Il était douloureux. Je n’avais pas la force de l’affronter.

Ta main ne voulait plus quitter la sienne, comme si tout ça n'était qu'un rêve, comme si qu'une fois ta main hors de la sienne, tu allais te réveiller, et te mettre à pleurer. Mais ce n'était rien de plus que la réalité. Tu ne savais pas encore si c'était une bonne chose pour ton avenir, mais tu étais déjà en train de rêver à ce qui pourrait arriver si vous vous donniez une nouvelle chance. De ton côté, tu savais très bien que tes sentiments étaient toujours là, c'était plus fort que toi, tu n'oubliais jamais un homme, et même si c'était un inconvénient quand tu souhaitais passer à autre chose, c'était plutôt un avantage quand tu étais prête à te remettre avec l'homme en question. Comme avec Sloàn. Avec tout ça tu pouvais être certaine d'une chose, tu n'apprenais rien de tes erreurs, rien de ta naïveté, de tes histoires passées. Il t'a certes embrassé, mais il n'a pas hésité une seconde à te quitter sans un mot dix ans plus tôt, alors qui peut t'assurer qu'il ne va pas refaire la même chose ? Sauf que cette fois-ci, tu auras peut-être l'occasion de tomber enceinte. Et pourtant, si tu avais essayé de faire preuve de lucidité en venant ici pour en savoir plus, tu sentais déjà la toi naïve reprendre le dessus, celle qui se voile la face et qui ne prend que ce qui est bon à voir. « Ah oui ? De quel genre ? » Tu te sentais curieuse, tu voulais savoir à quoi il pensait. Et tu sentais ton cœur s’accélérer à chaque seconde qui passait, prêt à rompre. Tes jambes commençait à trembler, tu fis un pas en arrière tout en le tirant avec toi, pour te remettre sur son canapé. « Je crois qu'on a été trop bête, ou trop fier pour aller voir l'autre à l'époque, et que maintenant les excuses ne sont plus de rigueur. Tu as changé, je le sais, je le vois. Et moi aussi. » Pas vraiment en fait, tu avais pris en maturité, mais pour le reste, tu restais la même ado naïve, qui aurait pu éviter tellement de déceptions amoureuses, parce que si tu avais été avec Nelligan, tu n'aurais pas regardé un autre homme, tu n'aurais pas pensé à autre homme, tu te serais faite jolie que pour lui, tu serais devenue la parfaite femme de foyer qu'il attend de toi, la parfaite mère de famille que tu rêves de devenir un jour et puis c'est tout. Et même si maintenant ta vie te semblait moins chaotique, ta vie amoureuse quant à elle, est toujours aussi catastrophique. « Je ne t'ai jamais oublié, Nelligan Malinowski. Je me rappelle encore de la fois où je suis venue chez toi pour la première fois, on avait la maison rien que pour nous parce que tes parents étaient partis et que j'étais tellement stressée à l'idée de les rencontrer.. Et c'était aussi le soir de notre toute première fois. De ma toute première fois, tu étais le premier et ça je ne l'oublierais jamais.  » Ta voix avait fini en un chuchotement, comme un murmure pour toi-même.

Sa question sur mes propres questionnements me pris au dépourvu. Parce que tout se bousculait dans ma tête et qu’il ne s’agissait pas nécessairement de questions auxquelles elle voulait être mise au courant. Était-ce une erreur ? Pouvions-nous tout recommencer à zéro ? Mais qu’est-ce que je foutais ? Lily-Anaëlle était-elle la femme de ma vie ? Pourquoi n’était-ce pas Tara devant moi ? M’étais-je fourvoyé pendant dix ans en niant notre attraction inéluctable ? Étais-je aussi stupide, vraiment ? J’avais juste besoin d’air. De sortir d’ici, de m’en aller loin, de passer une semaine sans technologie, sans personne, tout seul. Dans mes pensées. Parce que même si c’était un trou noir effrayant, il était plus que temps que j’y perce des éclaircies de lumière. Sauf que là, maintenant, Lily se tenait devant moi et elle attendait une réponse. Ou plutôt, elle attendait des questions. J’eus un sourire niais. « Euh … Dans le genre de … Pourquoi t’as pas frappé à ma porte plus tôt ? Ou euh … Qu’est-ce qui va se passer, maintenant ? » Je me grattai la nuque avec un petit sourire gêné et un rire qui l’était tout autant. Je m’en étais sorti pas trop mal, et sans mentir en plus. Si Lily-Anaëlle était venue six mois plus tôt, toute ma vie aurait été différente. Et pour la suite des choses, je nageais effectivement dans un océan de points d’interrogation. Elle aussi, sans doute. « Et toi ? À quoi tu penses ? » Si j’avais à dévoiler ce qui se tramait dans mes pensées, alors je ne voyais pas le mal à demander à Lily de tout me déballer aussi sur ses états d’âme après ce baiser des plus fous de ma part. Elle me dit alors, en s’asseyant sur le fauteuil, que nous avions changé depuis le temps. J’hochai la tête. « Oui enfin … je dirais que j’ai évolué, disons. J’ai travaillé sur moi, c’est sûr. » J’avais même eu de nombreuses consultations avec Dr. Morgan au sujet de ma confiance en moi. Maintenant, je n’avais plus de contact avec elle puisque ma thérapie était terminée. Il y avait encore beaucoup de boulot à faire pour me construire – et maintenant me reconstruire -, mais j’avais tous les outils pour le faire par moi-même. Nos mains l’une sur l’autre, assis sur ce fauteuil qui me semblait si loin de la réalité, Lily-Anaëlle m’avoua ne jamais m’avoir oublié. Je ne l’avais jamais oubliée non plus, ça c’était bien vrai. Que ce soit à l’époque du lycée ou à notre rencontre sur la plage au barbecue estival de l’été dernier, Lily-Anaëlle trouvait toujours le moyen de revenir dans mes pensées. Jusqu’à ce que je rencontre Tara. Là, je n’avais eu d’yeux que pour cette belle petite blonde. La belle petite brune avait pris le bord, si on veut. Maintenant, elle s’accrochait au navire et entreprenait son ascension vers le quai. Je rougis aux souvenirs qu’elle nous remémora. « Tu étais ma première fois aussi … et … » Je rigolai, timide, comme l’adolescent il y a dix ans lorsque j’avais dit à la jeune Lily-Anaëlle que mes parents n’étaient pas là, finalement. « Et je ne pourrais tout simplement jamais t’oublier, Lily. Ce qu’on avait était tellement spécial, unique. » Je relevai les yeux vers elle et je retrouvai tout l’amour que j’avais un jour porté pour cette femme. J’eus un pincement au cœur alors que nos regards d’espoir se rencontraient. Je soupirai, mes yeux se faisaient légèrement moins brillants. « Crois-tu que … que malgré nos vies actuelles … il est possible de reprendre là où on s’est laissés ? Et oublier le reste ? » Oublier Tara, oublier ces dix années gâchées. Surtout oublier Tara.  

Tu esquissas un sourire en l'écoutant énumérer les questions qui lui venaient en tête, pour l'instant elle n'était pas nombreuses, mais dans le fond ce n'était pas tant la quantité qui importait, parce que c'est deux questions étaient les plus importantes pour le moment. « Je peux répondre à la première : parce que j'avais peur, peur que tu me dises que j'étais nulle et que j'étais la pire copine du monde.. » En t'écoutant tu te rendais compte à quel point tu étais ridicule. Tu mettais trop de temps pour prendre conscience de certaines choses, surtout quand il s'agit de garçon, et de ta vie sentimentale. « Et maintenant je vois à quel point c'est ridicule. Quant à l'autre, je me la pose aussi. » Quand tu t'étais assise, tu avais baissé les yeux, tu te sentais un peu gênée de lui rappeler tout ça, comme si tu racontais un truc très privé à un de tes amis, alors que tu parlais juste de votre passé. Et ce qu'il ajouta te touchait. Toi qui était sûre qu'il t'avait oublié du jour au lendemain après être parti, et pourtant, tu te mettais le doigt dans l'oeil. S'il y avait bien un homme avec qui tu t'étais sentie toi-même c'était bien Nelligan, il n'y avait rien qui t'obligeait à faire des choses pour lui faire plaisir, tu pouvais être toi. Ne pas être la petite femme qu'il voulait que tu sois, parce qu'en étant toi, tu étais la femme parfaite. Et puis vous vous entendiez tellement bien que la vie était un long fleuve tranquille. Tu levas les yeux vers lui, et un regard plein d'espoir fut échangé, en l'écoutant, tu eu un pincement au cœur. Tu ne savais pas quoi dire sur le moment, laissant un silence planer quelques secondes. Ça pourrait être un signe décourageant et en même temps, peut-être que c'était se glisser sur un terrain miné, mais tu étais prête à prendre ce risque.  « Je n'ai pas de réponse à ça, je ne sais pas où ça peut nous mener, mais le seul moyen de le savoir, c'est d'essayer non ? » Tu serras doucement sa main en signe d'encouragement, mais lui ne semblait pas si convaincu que toi. « Tu sais quoi ? Je crois que je devrais te laisser, pour réfléchir ou je ne sais quoi. » Et voilà, tu voulais fuir à nouveau parce qu'il ne semblait pas aussi emballé que toi, mais tu ne pouvais pas lui en vouloir, s'il n'était pas prêt, il fallait lui laisser le temps, et puis toi ça te permettrait de remettre en place tes idées.

Mes questionnements semblèrent convenir à Lily-Anaëlle puisqu'elle esquissa un sourire et se contenta de répondre à ceux-ci. J'étais d'ailleurs bien contenter de les avoir posées puisque les réponses m'importaient également. Même si j'avais un tas d'autres questions dans ma tête chaotique, celles-ci, un peu moins complexes, demandaient quand même des explications, des éclaircissements. En me mettant dans les souliers de la brunette, en l'écoutant attentivement, je réalisai enfin qu'elle et moi, nous n'étions pas si différents. Celle que j'imaginais comme la fille la plus sûre d'elle-même, populaire et confiante, fonceuse et assurée, n'était en fait qu'une jeune femme vulnérable en constante recherche d'approbation des autres. Elle n'avait pas confiance en elle comme je l'avais pensé. Je me rendis alors compte que j'avais été un imbécile de partir sans lui donner une seule raison. Elle avait dû se demander durant tout ce temps ce qui clochait chez elle. Alors que c'était moi qui clochais. « Wow ... je ... Non, c'est pas ridicule, Lily-A, j'étais tellement prisonnier de mon propre manque d'estime de moi que j'ai ... j'ai jamais pensé à ce que ça avait pu faire à la tienne ... Dans ma tête rien ne pouvait ébranler ta confiance en toi ... » Pourtant, j'avais été la cause de sa peur d'être rabaissée. Merde. Quant à la question concernant ce qui allait maintenant se passer entre nous deux, elle répondit qu'elle se la posait aussi. Je souris faiblement. Puis on se confia ne jamais s'être oubliés, tous les deux, ce qui à quelque part confirmait que ce qui s'était passé aujourd'hui n'était pas complètement n'importe quoi. La jeune femme proposa finalement que le seul moyen de savoir où tout cela nous conduisait était d'essayer. Elle serra alors ma main. Une vague de peur, d'incertitude, de bien-être et d'angoisse me traversa. Une tempête de contradiction qui s'engouffrait dans mon système nerveux, trop nerveux. Lily-Anaëlle avait sans doute senti en moi cette confusion puisqu'elle offrit de me laisser du temps pour réfléchir. J'aurais voulu la contredire afin de ne pas la laisser partir sur une note aussi confuse, mais en même temps, tout avait été tellement vite que j'avais bien besoin d'un moment pour tout comprendre. J'hochai donc la tête. « Oui. Oui, je pense que ce serait plus raisonnable. Juste pour ... pour ne pas aller trop vite. » Je serrai sa main, puis la relâchai. « Merci d'être venue. Mieux vaut tard que jamais. » Avouais-je en la regardant dans les yeux.