You can't always get what you want. † Luiz

You can't always get what you want.
Effy & Luiz

La nuit était chaude en ce début d'été, sur la plage animée de Bowen. Effy était sortie avec quelques potes plus tôt dans la soirée, mais après quelques heures, ils en avaient eu marre et s'étaient tous mis d'accord pour rentrer. La jeune brune, désireuse de planer encore un peu, et étant une grande habituée des raves jusqu'au bout de la nuit, avait décidé de rester au bar de la plage où l'ambiance était bonne et commençait à déraper par-ci par-là. Elle était donc retournée s'accouder au bar commander un gentil petit cocktail aux couleurs féminines habituelles, ayant déjà eu sa dose de tequila pour la soirée. Elle commanda un mojito aux fraises qu'elle prit en main et sirota tout en laissant son regard envoûtant qui vous transperçait de part en part analyser les gens autour d'elle. Certains s'étaient mis à danser, d'autres riaient fort accoudés au comptoir, d'autres encore étaient partis s'isoler dans un coin d'ombre derrière une dune, assez loin pour pouvoir faire des galipettes ou autre en paix, mais assez proche pour profiter du brouhaha sympathique de la soirée.

La jeunette avait laissé ses longues boucles brunes telles quelles, maquillée comme à son habitude avec une bonne couche de mascara et de crayon noir, rendant ses iris couleur bleu iceberg étincelants dans un océan de noir. Elle avait enfilé un short en cuir noir et un haut bordeaux un peu lâche, confortable, mais disposant d'un bon décolleté. Assise sur un tabouret du bar, elle en était à la moitié de son cocktail et s'apprêtait à lever ses fesses pour aller les remuer sensuellement sur la piste de danse improvisée, lorsqu'une voix s'éleva dans son dos, l'interpellant avec un gros rire gras de dragueur lourdingue. Eff' tourna le buste vers un jeune homme qui devait avoir dans les vingt-cinq ans, au ton bourru et transpirant la confiance en soi. Elle haussa un sourcil sans dire un mot, se contentant de planter un regard glacial et parfaitement calme dans celui qui venait de lui lâcher une petite remarque salace. Espérait-il vraiment conquérir une petite jeunette innocente - ou pas - de cette manière ? Même une prostituée ne se serait sans doute pas sentie flattée.

« Les queues pleines de MST ne m'intéressent pas, tu m'en vois désolée pour toi. »

La réplique avait claqué, sèche et d'un calme inquiétant. On aurait même pu voir l'ombre d'un sourire étirer les lèvres du barman, bien que celui-ci ne semblait pas vouloir montrer qu'il avait entendu la remarque. Effy allait s'en aller sans dire un mot de plus, partant du principe que sa réponse ne supporterait aucune réplique, mais le jeune homme, sans doute blessé dans son orgueil, s'était levé en même temps et barra la route à la demoiselle. "Fais pas ta rebelle, ma mignonne, tu fais pas le poids. Alors j'te conseille de ravaler ta fierté à la con et de venir boire un p'tit coup avec nous plus loin...", siffla l'homme d'une voix qui témoignait clairement de sa colère. Eff' n'était pas une peureuse, mais elle était assez intelligente pour ne pas sous-estimer le danger. Mieux valait un retour au calme que d'exciter encore plus les nerfs apparemment fragile de ce pauvre gars. Cependant... Ça lui démangeait la langue de remettre cet imbécile fier comme un paon à sa place.

« C'est sûr qu'en terme de poids, t'es bien plus avantagé que moi. »

Cracha-t-elle à son tour, agrémentant cette réponse d'un adorable sourire narquois, soutenant le regard menaçant de l'homme. Ce dernier saisit son bras fragile avec force, si vif que la jeunette n'eut pas le temps d'esquiver, et elle serra les dents sous la douleur. Bon, elle avait sans doute merdé, mais fallait pas la chercher ainsi. Elle allait tenter de se dégager lorsqu'une autre personne intervint, assenant un coup de poing à son agresseur. Effy sursauta, n'ayant pas vu le jeune homme qui venait de prendre sa défense arriver. Cependant, celui-là aurait mieux fait de s'abstenir, car les potes aux rires gras et aux allures d'armoire à glace réagirent immédiatement en voyant leur idiot de bon gros copain s'en manger une dans la face. En un éclair, ce fut la mêlée générale, trop proche de la brunette pour qu'elle ne puisse les éviter. Elle fut prise dans la bagarre, sentit deux mains puissantes lui saisir les bras pour l'attirer vers soi, puis une main se glisser jusqu'à ses fesses, sous son short. Elle ne put retenir un cri et commença à se débattre, se prit un coup de coude dans la figure ainsi qu'un autre dans les côtes provenant de la bagarre devant elle, dans laquelle tout le monde ou presque s'était jeté. Des coups de pieds pleuvaient, dont la plupart lui torturaient les jambes, tandis que l'homme derrière elle la maintenait toujours. Elle avait bien compris qu'il était vain de se débattre, avec sa carrure d'allumette, elle n'avait aucune chance de s'extirper de là.

Il lui arrivait rarement de se retrouver dans pareille situation. Eff' était consciente des regards qui la déshabillaient parfois, elle sentait les mains un peu curieuses se tendre vers elle en boîte de nuit, occasionnellement. Et elle gérait ça selon son humeur du jour, parfois elle préférait danser seule au milieu d'un cercle de personnes alcoolisées mais respectueuses de sa bulle privée, repoussant gentiment les quelques insistants avec son regard azur déstabilisant, et parfois elle avait envie de se laisser aller aux bras de l'un ou de l'autre, et plus si affinités. Mais cela tournait rarement en bagarre, ce genre d'affaire. Effy n'avait rien d'une demoiselle en détresse qu'il fallait venir secourir sur son destrier, avec une armure rutilante et une épée tranchante. Elle savait se démerder toute seule, mais elle avait aussi du mal à avouer que parfois, pas souvent mais parfois quand même, elle avait besoin d'aide. En de rares occasions, ses nerfs craquaient et elle devenait une petite fille perdue et terrorisée qui avait juste envie de se recroqueviller sur elle-même, ou de tout casser. Les crises d'angoisse, ça la connaissait, seulement elle était toute seule quand ça lui arrivait.

Ici, la jolie brune n'eut d'autre choix que de se laisser glisser au sol, en proie à des tremblements, la nuque trempée de sueur, se protégeant comme elle le pouvait des coups. Une douleur lancinante au visage qu'elle ne parvenait pas à identifier, elle avait décidé de ne plus bouger d'un poil et d'encaisser jusqu'à ce que ce chaos infernal se termine. Après ce qui lui parut être une éternité - ou bien c'était parce qu'elle était dans un état un peu second -, deux bras puissants l'enserrèrent, mais pas de manière agressive, bien au contraire. Dans le brouhaha et à travers le mur qui semblait se dresser entre ses oreilles et le monde extérieur, elle perçut une voix qui semblait inquiète, mais le choc l'empêchait de discerner le sens de ces paroles. Eff' se laissait rarement choquer, et c'était donc tout aussi rare qu'elle laisse quelqu'un la prendre dans ses bras et la consoler comme une gamine. Elle ne supportait pas ça, d'habitude : c'était elle qui décidait du contact physique, elle avait des jours où il ne fallait pas qu'on la touche, d'autres où elle pouvait danser sensuellement avec un inconnu, jusqu'à même semer le doute sur le fait qu'ils ne faisaient que danser. Ici, une infime part d'elle-même voulait repousser le corps chaud de cet étranger tout près d'elle, crier qu'elle avait besoin d'air et qu'elle n'avait besoin de personne. Mais ses neurones avaient l'air incapables de transmettre l'information à ses muscles, et Eff' finit par bien vite abandonner ce combat.

La mêlée semblait s'être dissoute ou bien éloignée, dans tous les cas les sons autres que ceux des coups de poings et de pieds devenaient plus distincts aux oreilles de la jeunette. Elle mit une minute de plus à retrouver assez ses esprits pour lever les yeux vers un jeune homme aux cheveux bruns, la peau basanée, qui était agenouillé auprès d'elle et la tenait dans ses bras en un geste protecteur et qui se voulait sans doute rassurant. Le regard bleu iceberg de la jeune femme plongea dans celui du jeune homme, le transperçant sans aucune pudeur, l'habituel regard d'Effy, quoi qu'un peu moins assuré que d'habitude. Il lui fallut encore au moins trente secondes avant de reprendre entièrement conscience de ce qui se passait. Elle dégagea doucement un de ses bras pour poser sa main aux doigts fins sur le poignet du brun, sans le lâcher du regard.

« Ça va. »

Sa voix avait sonné un peu enrouée, mais elle était ferme, ce dont Eff' remercia le ciel en pensées. Elle se releva, comme pour prouver ses dires. Raté, car elle perdit l'équilibre, sans doute encore sous le choc. De plus, elle ne le savait pas puisqu'elle n'avait pas de miroir à disposition, mais elle avait une vilaine blessure ouverte au front, dont un filet de sang s'échappait. Par contre, elle sentit bel et bien ses côtes la faire souffrir et dut serrer les dents pour ne pas gémir, tandis qu'elle se rattrapait au jeune homme pour ne pas se ramasser comme une merde sur le plancher du bar.