then she smothered my beliefs -r.

Sa voix ensorceleuse parvenait déjà jusqu’à mes oreilles. Il me fallut tous les efforts du monde pour ne pas fermer les yeux et profiter de son chant comme à chaque fois que je l’écoutais. J’étais encore au volant, je devais demeurer alerte, même si sa musique me transportait si haut, si loin. Dans l’oubli. Dans l’impossible. Dans l’espoir. Du coin de l’œil, j’aperçus la scène qui était dressée au beau milieu d’un théâtre de verdure. Il me fallait maintenant trouver une place de stationnement vacante sans rater une chanson de plus. J’avais fait deux bonnes heures de route pour me rendre à ce festival dans lequel je savais que son groupe performait. Elle, qui elle était, me demanderez-vous ? Je ne savais pas. Pas vraiment, en fait. En faisant une recherche rapide de son groupe musical encore en train de faire ses preuves, j’avais trouvé qu’elle s’appelait Rose. C’était tout ce que j’avais pu apprendre d’elle. De toute façon, elle ne me connaîtrait jamais. Alors peu importait que je puisse partager quoi que ce soit de commun avec elle. Notre relation s’arrêtait à l’effet que sa voix avait sur mon âme. Comme si elle pouvait la transcender.

Une fois ma voiture garée à un endroit sécuritaire et légal, je marchai jusqu’à l’entrée du festival, présentant mon Blackberry sur lequel mon billet électronique était téléchargé. La demoiselle le scanna et me laissa entrer. Il faisait encore jour, ce qui me perturbait. J’avais eu l’habitude d’écouter cette musique inspirante dans la plus grande noirceur – là où je me sentais le plus à l’aise. J’avais toujours préféré rester dans l’ombre, qu’on ne me remarque pas, qu’on ne me voit pas. Je n’allais toutefois pas reculer devant le soleil, pas après toute cette route, et pas maintenant que Rose se trouvait directement devant moi. Je m’assis directement dans l’herbe, et j’avais carrément l’air d’une brebis égarée, avec ma chemise propre rentrée dans mon jean foncé. La plupart des autres spectateurs étaient tout de noir vêtus, avec les cheveux longs, les piercings et tatouages un peu partout. Certes, nous étions dans un festival de musique métal, et il s’agissait bien d`un groupe de métal symphonique, mais je me sentais quand même rejoint par la mélodie. Par la voix de Rose. Malheureusement, je ne me sentais pas du tout rejoint par les gens qui m’entouraient. Je me sentais à l’écart alors qu’une chose nous unissait pourtant tous : les paroles chantées par la jeune femme à la chevelure de feu qui avaient ce pouvoir indescriptible de me faire oublier, l’espace d’un moment, à quel point ma vie me semblait vide de sens.

Je cessai de porter attention aux autres, car de toute façon personne ne s’attardait à ma présence. Je rivai mon regard sur la scène, sur Rose, sur ses mouvements doux et harmonieux, sur ses cheveux éclatants, sur son magnifique regard, sur la puissance de sa voix. Et je me laissai transporter, pendant encore une heure et quelques minutes de plus. Sans bouger. Fermant les yeux de temps en temps. La laissant me border vers l’oubli.