I've forgotten how it felt before the world fell at our feet -r.

Je secouai la tête, n’acceptant pas les explications ridicules de Ted justifiant le fait qu’il avait laissé Lola en plan pendant qu’ils étaient pourtant ensemble, tous les deux. « Lola est drôle, gentille, attentionnée, et par-dessus tout, Lola est simple. Tout est toujours tellement simple avec elle. Et t’as laissé partir cette fille absolument irremplaçable, Ted. Tu l’as abandonnée. Tu lui as brisé le cœur. » Avais-je jeté à la figure de Ted, un de mes meilleurs amis. C’était la première fois que nous osions aborder le sujet. C’était la première fois que nous nous confrontions enfin sur ce qui s’était passé. Parce que pendant des mois, je n’avais pas eu le courage d’affronter Ted et de lui avouer que j’avais eu une relation intime avec Lola, alors que tout était tellement encore compliqué entre eux. Et pour moi aussi. Aujourd’hui, après avoir appris au jeune homme notre relation, Ted s’était mis en colère contre moi. Et je m’étais aussi mis en colère contre lui. C’est à ce moment-là que je lui avais jeté ces paroles à la figure, lui reprochant d’avoir fait du mal à Lola. Et c’est en disant ces exactes paroles à mon ami que je réalisais que je pourrais tout aussi bien parler à un miroir. Parce que j’avais moi aussi repoussé Lola alors que j’aurais dû la tirer vers moi. La respiration haletante par toute ma colère déversée, et les yeux grands ouverts sur Ted, les sourcils froncés et la bouche entrouverte, le corps tout droit, je pris pleinement conscience de tout ce que cela signifiait. Je soufflai, en un murmure assez audible pour que Ted m’entende : « Et moi aussi. » J’avais fait la même erreur que lui. Et cette révélation me sidéra.

Sans écouter ce que Ted avait à ajouter, sans porter attention à lui, sans me retourner, je commençai à courir dans le sens inverse d’où se trouvait mon ami, planté là, abasourdi tout autant que moi. Je courus du plus vite que je le pouvais. À bout de souffle, je montai les escaliers dans les plus grandes enjambées que je le pouvais. Je déverrouillai la porte de notre appartement et je courus jusqu’au milieu du salon, où je tournai la tête et le corps dans tous les sens. « Lola ? » Demandais-je à voix haute. J’ouvris la porte de sa chambre, vide. Je consultai ma montre et réalisai que son quart de travail était déjà commencé, même si la boîte de nuit n’était pas encore ouverte pour la soirée. Je soupirai, fermant les yeux, reprenant mon souffle, puis je recommençai à courir. Pourtant, le monde ne tirait pas à sa fin. Les heures ne défilaient pas plus vite qu’à l’habitude. Mais à ce moment-là, chaque seconde comptait. Comme si elle pouvait me filer d’entre les doigts à chaque pas de plus qui me rapprochait d’elle. Je courus encore une fois jusqu’à l’endroit où elle travaillait, même si l’autobus aurait clairement été un choix plus judicieux. Je n’arrivais pas à penser clairement.  Au moins, la pluie battante me permettait d’avoir un peu moins chaud. Arrivé à la boîte de nuit, je me retrouvai devant une porte barrée. Je martelai donc la porte de coups, pour que quelqu’un à l’intérieur m’entende. Et ce fut Lola qui vint me répondre, l’air un peu étonnée. « C’est toi.  C’est toi, Lola. » Arrivais-je à lui dire, la respiration trop difficile pour en dire plus.

Mes paroles aux oreilles d’une autre personne n’étaient que confusion et non-sens. Bien sûr, que c’était elle, répondit-elle. Je me trouvais effectivement au bar auquel elle travaillait, à l’heure de son quart de travail, alors évidemment que c’était bien elle. Ma Lola. Ce qu’elle ne comprenait pas, c’était le double-sens de mes paroles. Celles qui étaient claires comme de l’eau de roche dans mes propres pensées. Celles qui voulaient tout dire, celles qui expliquaient tout. Celles que j’aurais dû prononcer bien avant, mais qui étaient voilées dans mon esprit par une peine d’amour incommensurable ressentie pendant maintenant un an. La jeune femme me bombarda alors de questions, ne me laissant pas le temps de reformuler mes idées et ma grande déclaration. Toutes ces questions me semblaient tellement futiles comparativement à ce que j’avais réellement à lui dire. Je n’avais pas fait tout ce chemin, à la course, sous une pluie battante, pour parler de la pluie et du bon temps avec Lola. Je secouai donc la tête d’une façon empressée, secouant la tête et surpris par certaines de ses questions. « Bu ? Quoi ? Mais … mais non !! Et bien sûr que je suis trempé, t’as vu le temps qu’il fait dehors ? » Évidemment, qu’elle le voyait. J’étais trempé de la tête aux pieds, mes cheveux dégoulinant sur le trottoir. Devant mon attitude offusquée par ces questions et cet empressement qu’on ne me connaissait pas, Lola finit par s’écarter de la porte pour me laisser rentrer. Je ne me fis pas prier.

La porte se referma derrière nous et Lola annonça, simplement, qu’elle était heureuse d’être arrivée plus tôt, évitant cette température. J’essayais de l’écouter, de respecter ses commentaires, mais le small talk n’était pas du tout dans mes plans pour le moment. Ainsi, quand elle me demanda ce que je faisais ici et affirmant que les bars n’étaient pourtant pas mon truc, je saisis l’opportunité de placer un mot. « Non, les bars c’est pas mon truc. C’est toi, mon truc, Lola. Tu comprends ? » Et j’espérais que cette fois-ci elle verrait clairement dans mon cœur, qu’elle me laisserait cette seconde chance que je venais lui implorer.

Alors que ce moment était supposé être un beau moment, une belle surprise, l’incompréhension de Lola face à mon arrivée si subite ne faisait que tourner la situation au vinaigre. Je n’ajoutai rien quand la jeune femme répliqua qu’elle n’était pas aveugle, sentant que je la froisserais si je disais quoi que ce soit. Je ne voulais pas l’énerver alors que j’avais une déclaration si importante à lui faire. C’aurait tout gâché. Si ce n’était pas déjà fait. Je me dirigeai donc tout de suite vers le bar, allant m’asseoir sur un tabouret alors que la demoiselle me tendait une serviette pour m’essuyer. Je me la passai dans les cheveux puis sur le visage, avant de la déposer sur le comptoir devant moi. C’était peine perdu pour le reste de mon corps – mes vêtements n’allaient pas sécher grâce à une simple serviette. J’avais alors explicitement avoué à Lola qu’elle était mon truc, ce qui voulait dire dans mon vocabulaire que j’avais une attirance envers elle. Visiblement, ça ne voulut pas dire la même chose aux oreilles de la brune, puisqu’elle ne releva même pas cette partie de mes paroles. « Mais ça ne pouvait pas attendre jusqu’à cette nuit ! » J’aurais passé la soirée à l’attendre, sachant fort bien qu’elle ne reviendrait pas avant la fermeture des bars, au beau milieu de la nuit. Et je ne voulais pas risquer de m’endormir et de devoir attendre son réveil, qui était en mi-journée étant donné son horaire de travail. Alors oui, il fallait que je vienne là, maintenant, avant de perdre une seconde de plus. Lola s’assit sur le comptoir du bar en face de moi et, d’un air plus sérieux, elle posa son beau regard sur moi et me demanda ce que j’avais à lui dire. Un truc grave ou une urgence. Et si ça pouvait attendre, ce serait préférable. Je soupirai, laissant tomber ma tête dans mes mains. Je relevai une tête désespérée et exaspérée vers elle. « Sérieusement ? Je suis en train de t’ouvrir mon cœur et tu me presses ? » Je me levai alors, posant mes mains sur les genoux de Lola, mon corps positionné directement face à elle, presque contre elle. « Je suis en train de te dire que je ressens beaucoup plus que ce que je le pensais pour toi, Lola. » Je souris, légèrement. Les yeux brillants. « Beaucoup plus. » Et là, j’attendis une réaction, et si elle ne comprenait pas cette fois, alors c’était de l’aveuglement volontaire et je viendrais de me foutre une honte colossale.

Quand Lola commença à réaliser ce dont je parlais réellement, elle se mordit la lèvre, tout d’un coup bien plus gênée qu’auparavant. Je m’étais alors levé, posant mes mains sur ses genoux, les glissant un peu plus haut même, davantage vers ses cuisses. En me gardant une certaine réserve ; ne sachant pas comment la jeune femme allait réagir face à mes paroles. Lola releva d’abord la tête vers moi, surprise sans doute par ce contact déjà plus intime qu’à notre habitude. Les quatre premiers mots qu’elle arriva à déclarer suite à cette déclaration inopinée comprenaient « mais » et « Tara » ce qui, pour moi, n’augurait rien de très bon. Je baissai les yeux. En même temps, il était tout à fait normal que Lola se pose directement ces questions. Tara avait fait partie de mes rêves et de mes cauchemars durant la dernière année complète, et Lola en avait entendu parler beaucoup plus qu’elle ne l’aurait voulu. Elle ne le voulait pas du tout. Et pourtant je l’avais fait, égoïstement. Et voilà que maintenant, je faisais volte-face telle une girouette ne trouvant plus son vent. Pourtant, mon vent, je l’avais trouvé, et il m’avait conduit directement à elle. À Lola. Avant même que je ne puisse formuler ma pensée pour lui répondre très franchement, ma colocataire se reprit en justifiant son questionnement. J’hochai la tête. « Je sais, Lola. Je ne t’en veux pas. Je comprends. » J’avalai difficilement, mon regard retrouvant le sien. Je voulais lui dire ce que j’avais à lui dire les yeux dans les yeux. Avec la plus grande ouverture, la plus grande sincérité. « Je … je voudrais te dire que je n’ai plus aucun sentiment pour elle, j’aimerais pouvoir te le dire … mais ce serait te mentir. Et je ne veux pas te mentir. » Je lisais la déception, la douleur, dans les yeux de Lola. Je voulus tout de suite la rassurer. « Je l’ai aimée, et elle m’a fait du mal en partant, et … et … j’imagine qu’on n’oublie pas aussi facilement ce genre de personne. » Il fallait maintenant que j’en vienne à elle, à Lola, pour qu’elle comprenne qu’elle aussi avait sa place dans mon cœur. « Mais quand je l’ai revue à la fête, il manquait quelque chose. Ce petit éclat … il n’était plus là … Et les jours qui ont suivi j’ai … j’ai beaucoup réfléchi et … j’ai réalisé que tu as toujours été là pour moi, Lola. Tu as toujours été celle vers qui j’accourais. Celle qui arrivait à me réconforter. À atténuer la douleur. À combler le trou béant dans mon cœur. Et peu à peu, tu t’y es fait ta place. » Plus je parlais, plus mes mains remontaient sur les jambes de Lola, voulant briser cette infime distance qui demeurait entre nous. « Et c’est tout à l’heure, en parlant avec Ted, que j’ai réalisé que … que … que tu n’étais pas qu’une amie, en fait. » Et je lui laissai maintenant le temps de digérer le tout, et de me donner une réponse.

J’en avais peut-être trop dit, tout en n’en ayant pas assez dit. J’avais trop parlé, sans dire les bonnes choses. Je ne disais jamais la bonne chose. Pour ça, je n’avais pas changé. Dès que le prénom de Ted était sorti de ma bouche, j’avais tout de suite regretté de l’avoir dit. C’aurait pu être un détail à garder rien que pour moi. C’aurait dû l’être. Parce que Lola et Ted avaient une histoire, une belle histoire, qui s’était mal terminée. Comme Tara et moi. Alors le fait d’annoncer à la jeune femme que c’était en parlant avec lui que j’avais eu cette illumination n’était sans doute pas la meilleure façon de la convaincre de nous laisser une chance. Je me passai une main nerveuse dans les cheveux, essayant de réparer mon erreur. « On a pas vraiment parlé, on s’est un peu engueulé et puis j’suis parti. J’suis venu te rejoindre. Ce n’est pas important. » De toute façon, rien ne s’était dit de plus entre lui et moi. J’avais pas mal eu le monopole de la parole dans cette courte altercation. Je ne voulais pas que Lola en face toute une histoire puisqu’il n’y avait pas lieu de le voir ainsi. Décidément, ce moment était loin d’être celui que je m’imaginais en accourant jusqu’à ici. Lola ne semblait même pas heureuse, et même si je pouvais comprendre ses questionnements, je ne pouvais cacher la déception devant cette nécessité de me justifier.

Lola répondit qu’elle n’avait fait que ce que toutes bonnes amies auraient fait. Je secouai la tête. « Pas de cette façon-là. » La jeune femme ne semblait pas vouloir s’admettre à elle-même que je puisse avoir des sentiments pour elle. Pourquoi ne voulait-elle pas l’accepter ? Pourquoi me repoussait-elle ? Et alors que j’allais moi-même reculer devant mon ardeur et devant son rejet, Lola releva des yeux brillants sur moi. Elle laissa enfin de côté tout le reste et me demanda si, lorsque j’étais avec elle, je ressentais ce petit éclat que je ne ressentais plus auprès de Tara. J’eus un petit rire nerveux et amusé. « Crois-tu que j’aurais couru aussi vite que si une horde de zombies me poursuivait, si ce n’était pas le cas ? » Je continuai de sourire, levant ma main pour venir caresser doucement la joue de Lola du revers des doigts. Ma main termina sa course dans le cou de la jeune femme. « Serais-tu me prête à m’accorder une autre chance ? À me faire confiance ? » Demandais-je.
 

J’avais juste eu besoin de tout dire à Ted. Il était mon meilleur ami. Je ne me sentais plus capable de lui mentir de cette façon-là. Lola et moi avions joué dans son dos, je n’en étais pas du tout fier, mais c’était arrivé. Je préférais dévoiler tout que j’avais fait et risquer de perdre un si bon ami plutôt que de continuer à faire semblant que tout allait bien. Que je n’avais rien à me reprocher. Et pourtant, quand je lui avais parlé de notre nuit ensemble, je n’avais pas été capable de m’arrêter là. J’étais moi-même devenu très sur la défensive, lui reprochant d’avoir lui-même fait du mal à Lola, de ne pas avoir été là pour elle, d’avoir presque mérité qu’elle se tourne vers un autre. J’avais été horrible. Et je réalisais maintenant que je lui avais lancé tout cela à la figure simplement pour me faire réaliser à moi-même que Lola ne me laissait pas indifférent. J’aurais probablement dû consulter la jeune femme avant d’aller parler à son ex, c’est vrai. Égoïstement, j’avais peut-être gâché leur relation à eux aussi, juste parce que je voulais m’enlever un poids de sur les épaules. Et maintenant que je venais de l’avouer à Lola, je risquais de la perdre aussi, si elle m’en voulait de lui avoir tout dit. Au moins, j’aurais été sincère avec elle.

Je décidai d’être sincère jusqu’au bout en abordant le délicat sujet « Tara ». Elle était entrée dans ma vie comme une météorite et elle en était repartie toute aussi vite, me laissant pantois. Difficile d’oublier une si belle étoile filante. Mais c’était ce qu’elle avait été : une étoile filante. Et maintenant, je voulais faire de Lola mon étoile du Nord, celle qui brillerait toujours dans mon ciel, celle qui me guiderait peu importe où je me trouvais, même si je me perdais. Même si je perdais tout. Elle ne semblait pas réaliser à quel point mes paroles étaient sincères, à quel point je voulais que ça fonctionne entre nous. Probablement s’imaginait-elle que j’étais encore tellement accroché à la pâtissière. Que la même passion qui m’animait il y a un an brûlait encore en moi. Elle était là, mais elle s’éteignait. Il n’en restait plus que de petites couleurs rougeâtres. Faibles. À l’autre extrémité de mon cœur, un volcan s’apprêtait à exploser, plus mes mains s’avançaient sur les cuisses de Lola. Et quand elle me demanda si l’éclat était là, entre nous, je ne pus m’empêcher de lui rappeler, à la blague, les kilomètres parcourus à la course dans une telle température. « Maintenant tu sais. » Conclus-je avec un doux sourire. Elle aussi souriait, enfin. Sa main se leva d’ailleurs elle aussi pour rejoindre la mienne contre sa joue. Je fermai les yeux sous ce contact apaisant. Je lui demandai alors, en rouvrant les yeux, si elle était prête à nous donner une chance. Sans répondre quoi que ce soit, Lola s’approcha de moi et posa ses lèvres contre les miennes. Dans un élan de bonheur disproportionné, je la serrai contre moi et l’embrassai avec intensité, sans en devenir sauvage. Le doux baiser de Lola se transforma bien vite en baiser passionné par ma faute. Puis je me détachai finalement d’elle, à contre-cœur, les joues un peu rosées par la gêne. « Tu as un bar à ouvrir … Il ne faudrait pas que je te retienne plus longtemps … » Après tout, depuis son arrivée, Lola n’avait cessé de lui rappeler qu’elle travaillait et que la discussion pouvait attendre à plus tard. « Je peux rentrer et t’attendre à l’appartement. Ou rester … et revenir avec toi à la fermeture … » Parce que l’idée de retourner seul dans notre logement vide ne me tentait guère après cette déclaration. Après ce moment magique. Je préférais pouvoir rester là, à la regarder bosser, toute la nuit.

Un simple accord de la part de Lola, qui descendit alors du comptoir pour se mettre en branle et ouvrir le bar. Elle replaça d’abord ses vêtements, et je reculai pour lui donner de l’espace, moi qui quelques secondes plus tôt ne faisait qu’un avec elle. Je m’ennuyais déjà de ce contact réconfortant et chaud. Mon cœur était si froid depuis un an maintenant. C’était apaisant de le sentir s’enflammer de nouveau. Je rigolai quand Lola m’avertit que si je voulais rester, je devais consommer. Elle le disait sur un ton blagueur, mais au fond je savais que c’était vrai et qu’elle se le ferait certainement reprocher si elle me laissait m’asseoir sans rien boire. Avant que j’eus le temps de répliquer, Lola était déjà vers la porte et me lançai par-dessus son épaule que ça lui ferait plaisir que je reste, s’inquiétant d’un éventuel ennui de ma part. Je secouai la tête en signe de négation. « Non, non, ça va aller. Ma batterie de téléphone est pleine. » J’étais dans un bar qui serait éventuellement bondé d’autres humains mais, la seule idée que j’avais, c’était de jouer à mes petits jeux ridicules sur mon téléphone portable. Enfin, à mes yeux, ils n’étaient pas ridicules, mais Lola allait certainement juger mon asociabilité au profit de mes technologies.

Le bar ouvert se remplit peu à peu. Au début, je pouvais glisser quelques mots à ma colocataire/nouvellement copine pendant son travail plutôt tranquille mais, plus le temps avançait, moins elle était disponible. Je me concentrai donc sur mon monde virtuel, la tête rivée sur mon écran, ma bière commandée à l’ouverture encore à la moitié, tout près de moi. À un certain moment, je remarquai qu’un homme pas trop loin de moi ne cessait d’aborder Lola, lui lançant des répliques clichées pour attirer son attention et lui faire la conversation. Comme elle était occupée, elle ne lui donnait que peu d’attention, mais l’insistance de l’homme me déplaisait déjà. Lola n’était pas mon territoire, mais je n’aimais quand même pas qu’on lui tourne autour de cette façon. Surtout pas alors que notre relation encore plutôt indéfinie était si nouvelle. Quand je relevai les yeux de nouveau, Lola n’était plus là. Je tournai la tête de tous les côtés et j’eus tout juste le temps de l’apercevoir sortir dehors. Je fronçai les sourcils et calai ma bière avant d’aller la retrouver. Je sortis dehors, le temps était frais à cause de la pluie de tout à l’heure mais au moins, il avait cessé de pleuvoir. Je lui souris en sortant. « Tout va bien ? » Je ne l’avais pas entendue dire qu’elle partait en pause, alors j’avais pris son départ soudain pour une frustration quelconque. « Tu ne m’accordes pas beaucoup d’attention, ce soir, en tout cas … T’en donnes plus à l’autre mec, pas loin de moi … » Dis-je en me rapprochant d’elle avec un sourire moqueur. Je déconnais, je n’étais pas sérieusement jaloux. J’entourai mes bras autour d’elle.

J’hochai la tête quand Lola mentionna la chaleur à l’intérieur. « M’en parle pas. Je sais pas comment tu fais pour travailler là-dedans à tous les soirs. » Enfin, pas à tous les soirs exactement, mais quand même. C’était inhumain, toute cette chaleur humaine qui faisait grimper le thermomètre. En plus, moi, j’étais assis à rien foutre. Lola, elle, courrait dans tous les sens. Je n’osais même pas imaginer à quel point elle devait avoir chaud, moi qui avais la sueur qui perlait sur mon front rien qu’à la regarder bosser. Je devais avouer que maintenant que je la voyais à l’œuvre, et maintenant que nous étions quelque chose de plus grand que nous le pensions, je m’inquiétais un peu de ce boulot. De l’effet qu’il aurait sur elle. Certes, là elle était jeune et en forme, mais avec le temps, ce rythme de vie n’allait-il pas la brûler ? Bref, pour le moment je ne dis rien ; je ne voulais pas avoir l’air du copain qui veut tout contrôler. Parce que ce n’était pas le cas. Je m’en faisais pour elle, tout simplement. Quand même, je ne pus retenir mon commentaire quant à toute l’attention que lui prenait l’autre client. C’était pour rire, et en même temps pas vraiment. Lola s’excusa du manque de temps. Je secouai la tête en souriant. « Je sais, ne t’en fais pas. Je ne m’attendais pas à plus. » Je l’embrassai et soupirai légèrement quand Lola déclara devoir retourner bosser. J’hochai la tête en la regardant rentrer. Je restai un moment dehors, pour prendre un peu d’air moi aussi. Je m’adossai contre le mur de la boîte de nuit et je laissai mes oreilles reprendre un peu de force avant de retourner là où le son n’avait aucune limite.

Une fois de retour à l’intérieur, je repris ma place au tabouret du bar et cherchai Lola du regard. Il n’y avait que la barmaid de tout à l’heure ainsi que leur collègue qui venait de s’ajouter. Je me tournai dans tous les sens à la recherche de la jeune femme, jusqu’à ce que je sente ses lèvres se poser sur ma joue, de l’autre côté d’où je regardais. Je souris et, rassuré, je recommençai à jouer à mes jeux pendant le temps qu’il restait. Heureusement que j’avais des jeux en masse, ainsi je ne trouvai pas le temps trop long. À la fin, quand le bar fut vidé de ses clients, je me levai et rangeai mon portable dans la poche arrière de mon jeans. J’attrapai un chiffon de l’autre côté du comptoir du bar et j’allai vers les tables qui se situaient tout autour de la salle, et je les nettoyai, ramenant ensuite les verres vides sur le comptoir, où le barman les amenait à la plonge, me remerciant. Quand tout fut terminé et que les deux autres employés comptaient leurs pourboires assis à une table, je me dirigeai vers Lola, l’enlaçant. « On peut rentrer maintenant ? » Murmurais-je à son oreille en déposant un baiser dans son cou. J’avais attendu toute la soirée. Maintenant, j’avais drôlement envie d’être seul avec elle.