every road you take, will always lead you home (lily-anaëlle)

everything I went through
you were standing there by my side

La revoir. C’était la seule chose à laquelle je pensais depuis que j’étais embarqué dans ce vol jusqu’à Bowen. Ça me travaillait, ça m’angoissait. J’avais même presque piqué une crise d’angoisse quand il y avait eu trente secondes de turbulences pendant le vol, juste parce qu’à la base j’étais déjà  tellement nerveux qu’un rien m’énervait. Heureusement j’étais arrivé avec tous mes morceaux  dans ma ville natale, dans sa ville natale à elle aussi. Je me souvenais exactement d’où elle habitait, ou plutôt, de où sa mère habitait. Je me disais bien qu’aujourd’hui elle n’habitait plus là. Neuf ans plus tard, ça donnait quand même vingt-cinq ans à Lily-Anaëlle Hadley. Vingt-cinq ans. Rien à voir avec la jeune adolescente de seize ans qu’elle était quand j’avais fermé mes valises pour m’en aller loin. Loin d’ici. Loin des douloureux souvenirs. Loin de ce passé qui me grugeait, qui me détruisait à petit peu. Même si encore aujourd’hui je regrettais d’être parti comme un lâche alors qu’elle m’avait littéralement sauvé la vie, je savais aussi que ça avait été une bonne décision. J’avais su me reconstruire, à Bowen. Du mieux que je l’avais pu, au moins. J’avais su retrouver un semblant de vie, une vie à moi, qui m’appartenait. Pas une vie que je calquais sur celle des autres. Lily-Anaëlle avait été un modèle, pour moi. Sa mère aussi. Mais ce n’était pas ma vie. Ce n’était pas ma place.

Alors pourquoi être revenu, si je n’avais plus jamais eu ce sentiment d’appartenir à mon ancienne vie ? En revenant, je savais qu’un tas de souvenirs et de fantômes du passé referaient surface. Des bons, et d’autres beaucoup moins positifs. Lily-Anaëlle était certainement une douce mémoire qui berçait mes premières nuits à Bowen. Mais j’avais également laissé bien des démons derrière moi en partant de cette ville. J’espérais qu’ils resteraient là où ils étaient. Derrière moi. C’était un risque à prendre ; que j’avais décidé de prendre. Parce que j’avais l’impression qu’en partant comme un lâche, j’avais nié une certaine partie de moi, que je ne faisais pas honneur à ce que ma mère aurait voulu pour moi. Un tas de raisons débiles. En vérité, j’en avais eu marre de Melbourne, je crois. J’avais eu besoin de retourner voir si Bowen me réservait quelque chose de mieux, maintenant que près de dix années s’étaient écoulées.

Nous en étions encore à ma première journée de retour dans cette ville. J’avais posé mes valises cet après-midi dans l’appartement que j’occuperais avec un homme et une femme, des noms de Perry et Joe respectivement. Une quatrième chambre était libre mais pour le moment, j’avais été le seul à répondre à l’offre. J’avais tout prévu mon arrivée depuis Melbourne, pour être certain que mon premier jour se déroulerait sans que j’aie à dormir dans un hôtel. Ce n’était pas l’argent qui manquait depuis que j’avais gagné à la loterie, mais j’avais envie de commencer du bon pied. Pas de débuter ma nouvelle vie ici comme un étranger. L’après-midi, je m’étais occupé de quelques paperasses et, vers l’heure du dîner, j’avais décidé d’aller prendre un café au Starbucks du coin. Jamais je n’avais pu me payer un café aussi dispendieux quand j’étais plus jeune. Maintenant, je pouvais bien m’offrir ce petit luxe. C’était plutôt raisonnable, considérant que mes deux collègues de loto avaient déjà dépensé une fortune pour des grandes maisons et des voyages. Bref, je commandai un café latté et, quand on me demanda mon nom pour l’inscrire sur le contenant, je répondis : « Connor. » Beaucoup plus simple et de toute façon, c’était la traduction anglaise de mon prénom irlandais. Ce n’était pas un très gros mensonge, hein. J’allai attendre à la droite du comptoir, où les employés remettaient les commandes. Environ cinq cafés avant le mien, l’employée déposa un contenant en criant : « Pour Lily-Anaëlle ! » Je levai les yeux vers la dite employée, l’air vraiment surpris. Elle me dévisagea avec incompréhension avant de retourner à son travail. Je baissai alors les yeux vers la main qui venait de se poser sur le café en question, et puis je levai le regard vers la femme qui le tenait. Mon cœur manqua un battement, ou peut-être plus. C’était bien elle. Lily-Anaëlle. Et comme un con, ma première réaction fut de me tourner de dos à elle. Belle cachette, Concho. En vérité, je n’avais aucune idée de ce que je pourrais bien lui dire. Je n’avais aucune idée de comment réagir. Alors je préférais fuir. Comme je le faisais toujours.

Tu prenais un nouveau départ. Ta vie était devenue un bordel monstre et pourtant, c'était gérable. Rien de grandement chiant, tu avais juste changé de métier. La librairie, mais si c'était l'amour de ta vie, tu ne pouvais plus y mettre les pieds, ça t'effrayait. Ce fut ton tour de prendre ton café latte. Il allait te faire du bien celui-à, tu n'avais pas eu l'occasion d'en prendre un ce matin, parce que tu avais été à la bourre et que tu avais eu un rendez-vous client assez important. Le premier pour toi, afin de te lancer dans cette nouvelle carrière. Ce n'était pas une chose facile, mais tu avais les idées, tu avais la t'chache et c'était ce qui comptait le plus dans ce métier. Tu avais la tête dans les étoiles, la file faisait un bras, mais toi, tu passas devant pour prendre ce qui te revenais. Tu adressas un sourire aimable à la serveuse, qui jetait un regard bizarre à un homme non loin de toi. Tu fis comme elle et à ce moment, il se retournait. Tu avais cette sensation étrange de le connaître. De savoir qui il était. Pourtant, tu avais un doute. Neuf ans s'étaient écoulés, neuves longues années. De quoi te laisser un doute raisonnable mais l'idée grandissait dans ta tête et tu devais en avoir le coeur net. En neuf ans, les gens changent, ils évoluent. Mais pour toi, son souvenir ne t'a jamais quitté. Il était ton ami, tu l'avais pris sous ton aile, tu l'avais aidé à se remettre, toi et ta mère bien sûr. Tu ne lui avais même pas envoyé de mot pour lui annoncer la nouvelle. Peut-être qu'il aurait aimé savoir, mais c'était lui qui était parti sans un mot pour vous. Tu t'approches de lui, doucement, tu as les mains qui tremblent, les souvenirs qui remontent, ça t'angoisse un peu. Il aurait pu te prévenir quand même qu'il était en ville. Et si ce n'était pas la première fois qu'il rentrait, mais qu'il n'avait juste pas envie de te voir, ou même de te parler ? Tu le contournes, fixant sa tête parce que tu veux en avoir le coeur net avant de lui dire quoique ce soit. Tu te plantes devant lui, les yeux brillant. Ton coeur s'arrête, et tu ne respire plus. Enfin le temps d'une seconde, parce que la raison vient à toi et il faut que tu respires, que tu vives. « Je rêve, où Conchobáhr est de retour à Bowen ? » Tu lui adresses un grand sourire. Te jetant contre lui, parce que c'était bon de le revoir. Tu avais des millions de questions en tête, et en premier ça serait toujours "pourquoi ?" mais tu ne voulais pas paraître agressive.

La possibilité que Lily-Anaëlle ait pu me reconnaître avant que je n’ai eu le dos tourné ne m’avait pas traversé l’esprit. Sous la panique, je n’avais même pas vraiment pris conscience que nos regards avaient eu le temps de se croiser. Tout ce que je voulais, c’était d’avoir un peu plus de temps pour me préparer à ces retrouvailles. Je les avais imaginées, à maintes reprises, mille et une fois, mais aucun mot sortant de ma bouche ne me semblait adéquat. Aucune excuse ne me semblait justifiée. Je les avais prévenues de mon départ, la mère et la fille, mais je ne leur avais pas vraiment dit ni pourquoi je voulais autant partir, ni quand ce serait. J’avais laissé un mot à la mère de Lily-Anaëlle, la remerciant pour tout ce qu’elle avait fait pour moi, et un matin à leur réveil, je n’étais plus là. J’étais sans doute déjà dans mon vol pour Melbourne. Mon vol vers une autre vie. Je n’avais jamais été doué pour les adieux. Ça me déchirait à chaque fois, de voir quelqu’un partir, ou de laisser quelqu’un derrière. Je n’aurais pu supporter les pleurs de Lily-Anaëlle, ou juste de lire sa déception sur son visage. Cette petite brunette de seize ans était bien jeune à l’époque, mais déjà elle avait fait toute une différence dans ma vie. Elle m’avait changé. Elle m’avait rendu meilleur. Elle m’avait donné un espoir que je n’aurais jamais songé pouvoir effleurer ne serait-ce que du bout de mes doigts. Elle comptait trop dans mon cœur pour que je la serre une dernière fois dans mes bras, en sachant très bien que c’était ça : la dernière fois. J’avais préféré partir comme un voleur, spontanément, au gré de mon envie. Pour ne pas avoir à souffrir davantage.

Alors aujourd’hui, maintenant que Lily-Anaëlle avait fait le tour de ma personne pour se retrouver face à moi, et que je pouvais lire toute la surprise sur son visage, je m’en voulais tellement de ne pas lui avoir offert cet au revoir qu’elle aurait pourtant dû être la première à recevoir. Rien que pour avoir cru en moi. J’avais la bouche entrouverte alors qu’elle mentionna sa surprise de me revoir de retour à Bowen. J’esquissai un sourire, ma lèvre supérieure relevant vers la droite, les sourcils haussés. Ses yeux brillaient. Elle était encore plus belle que dans mes souvenirs. « Eh oui … surprise ! » Lâchais-je en ouvrant mes bras et mes mains de chaque côté de mon corps. J’avais totalement l’air idiot. Lily-Anaëlle profita quand même d’avoir le champ libre pour venir se jeter contre mon torse, toute souriante. Je refermai machinalement mes bras sur elle. Elle devait certainement sentir mon cœur qui battait à cent mille à l'heure. Mes pensées dans ma tête défilaient à la même allure. Je la gardai contre moi pendant un moment, la pressant contre mon torse, avant d’entendre derrière moi une femme dire : « Pour Connor ! » Mon café était là. Je tournai la tête vers le comptoir, puis reportai mon attention sur la brunette, la délivrant finalement de mes bras. Sans pour autant prendre mon café latté qui traînait encore sur le comptoir d’à côté, je lui souris. Mes yeux brillaient, eux aussi, maintenant que la glace était à moitié brisée. Lily semblait heureuse de me revoir. Ça éliminait certains scénarios que j’avais tant appréhendés. « Tu me prends au dépourvu. Mon avion a atterri il y a quelques heures je … je me préparais à te revoir. » M’expliquais-je. Dans un rire nerveux, je lâchai : « Pfiou. Ça fait neuf ans, hein ? » J’étais tellement nerveux, j’avais besoin d’évacuer un peu toutes mes émotions. Mais juste un petit rire incertain sortait de mes lèvres.

« Eh oui … surprise ! » Sa voix. Elle avait un peu changé depuis le temps, devenant plus grave. Ou alors c'était ton esprit qui te jouait des tours. Avec le temps, même si tu avais pensait conserver le son de sa voix, de son rire, l'intensité de son regard, tu savais que le temps avait abîmé ces souvenirs. Tu l'écoutes te dire que tu le prends au dépourvu, pendant qu'on appelait un Connor. Tu n'avais pas encore réalisé que c'était lui et qu'il n'avait pas osé donner son vrai prénom, sûrement pour gagner du temps. Mais tu secouas la tête pour nier, ce n'était pas ta faute tout de même, quel culot. « Je ne te prends pas au dépourvu, j'avais besoin d'un café, et toi t'es là à prendre un café aussi, j'dirais plutôt que le hasard te prend au dépourvu ! Moi j'ai juste saisi ma chance » Tu aurais pu tourner les talons et partir de ce café, lui jetait en coup d'oeil, lui donnant l'impression que tu ne l'avais pas reconnu. Et même si malgré ces neuf ans, il était devenu un homme foutrement sexy, son visage, lui n'avait pas trop changé. Son regard non plus. Peut-être avec une ride ou deux en plus au coin de l'oeil, et encore, toute légère. Mais non, tu avais eu peur que si tu le laisses filer, il ne viendrait peut-être pas te voir, et c'était une chose que tu ne voulais pas laisser arriver. « Je ne comptes plus les années tu sais, mais oui, neuf ans.. » Tu avais compté sur tes doigts, comme pour en être sûre, mais si tu le savais très bien. Tu lui avais menti en lui disant que tu ne comptais pas, parce que tu avais certes arrêté de compter les jours et les mois, mais pas les années. « Tu es de retour pour de bon, ou juste pour quelques jours ? »Tu voulais savoir si tu avais le temps de profiter de lui, ou si au contraire, tu devais sauter sur l'occasion et ne pas le lâcher le temps qu'il était là.

Je sentis tout de suite que j’avais un peu agressée Lily-Anaëlle en lui disant qu’elle m’avait prise au dépourvu. Pourtant, je n’avais pas l’impression de l’avoir dit ni sur un ton de reproche, ni avec un regard accusateur ou quoi que ce soit dans ce genre. Putain, voilà que je me mettais déjà les pieds dans les plats alors qu’elle était la troisième personne à qui je parlais à Bowen, la caissière du Starbucks y compris. Je m’empressai donc de rattraper mon erreur : « Oh non non mais je voulais pas dire que c’était ta faute, voyons, je sais bien que c’est le hasard. J’voulais juste dire que je m’attendais pas à te voir ici, que j’avais pas encore préparé ce que je te dirais et que j’sais donc pas vraiment comment réagir à te revoir parce que … » Je parlais un peu trop, et un peu trop vite aussi, là. Je pris donc une grande inspiration avant de finalement compléter ma phrase, plus lentement cette fois : « Parce que, Lily-Anaëlle … je me suis imaginé ce moment vraiment souvent, parce qu’en neuf ans j’ai eu une pensée pour toi au moins une fois à tous les jours, et je voulais bien faire les choses. » Je grimaçai, faisant une moue coupable et désolée. « Mais c’est raté. » Je la regardai plus attentivement pendant qu’elle assimilait ce monologue que je venais de déballer à la vitesse de la lumière. Ses cheveux étaient plus courts qu’avant, ça lui allait vraiment bien. Elle avait toujours ses grands yeux marrons qui pouvaient lui faire obtenir tout ce qu’elle désirait de moi. Elle avait vieillie, sans vraiment changer. Elle était juste plus belle encore avec les années, si seulement c’était possible. Lily-Anaëlle me demanda finalement si j’étais là pour quelques jours seulement, ou si je revenais pour de bon. Je plongeai mes mains dans mes poches, ne sachant plus vraiment quoi faire avec. « Pour de bon, je crois bien. Je me suis trouvé un appartement en colocation, chez un type qui s’appelle euh … Perry. Perry Peach. Ça te dit quelque chose ? » Demandais-je tout en attrapant finalement le café sur lequel le prénom de Connor était inscrit. Nos lattés allaient devenir froids si on restait plantés là à se dévisager sans bouger. « Tu as le temps de t’asseoir un moment ? » Proposais-je. Elle avait peut-être autre chose à faire, moi je n’avais que ça à faire.

Tu avais un sourire qui s'étirait le long de ton visage pendant son explication tu ne pensais pas non plus l'avoir dit sur un ton de reproche, mais qui sait, peut-être que tu avais été un peu plus sèche que tu ne le pensait. En tout cas, tu n'eu pas le temps de t'excuser, qu'il était déjà en train de s'excuser lui aussi. Tu eu un pincement au coeur en l'écoutant, une pensée pour toi chaque jour en neuf ans. Ça en faisait des pensées, et pourtant, en neuf ans, pas une seule fois il n'avait décroché son téléphone pour t'appeler, ou écris une lettre pour prendre de tes nouvelles. « Rien n'est raté, je suis contente d'être tombée sur toi, parce que si en neuf ans, t'as du mal à trouver tes mots, j'aurais pu attendre encore des mois non ? » Tu lui tiras la langue, pour le taquiner, cette fois tu n'étais pas blessante. Ça t'amusait beaucoup même, de l'imaginer trouver la phrase parfaite à lancer, mais après un tel départ, il n'y avait pas de phrase parfaite. Tu l'écoutais parler de sa nouvelle habitation, et du fait qu'il semblait rester pour de bon. Ça c'était une chose qui te plaisait, beaucoup. Après, tu ne t'amuserais pas à lui rendre visite chez lui, à cause de Perry, il pourrait croire que tu le harcèles - ce que tu fais un peu parce que tu penses qu'il est l'homme avec qui tu finiras tes jours - mais bon. « Je le connais effectivement, c'est un chic type, mais tu aurais pu venir chez moi aussi, tu sais que ma porte t'aurais été ouverte sans problème. » A sa proposition, tu fis un grand sourire, tu n'allais pas refuser. Tant pis pour ton rendez-vous, et puis tu avais encore du temps devant toi, et si tu arrivais en retard, tu prétexterais un quelconque problème de bouchon, d'accident, ou de panne de voiture. Tu aurais le temps de penser à ça plus tard, pour le moment, tes pensées ne quittaient pas Concho, et votre passé. « Pour toi, j'aurais toujours du temps à t'accorder. » Tu attrapas son bras, pour l'emmener sur une table qui se trouvait à deux pas de vous. Tu t'installais face à lui, si tu avais su que tu allais rester un moment, tu aurais pris un truc à grignoter avec. « Comment vas-tu, depuis le temps ? »

J’aurais dû. J’aurais dû décrocher le téléphone, ou alors lui rendre visite. Bowen n’était pas si loin de Melbourne, en avion. Je n’avais peut-être pas tout l’or du monde, à l’époque. Je n’étais qu’un travailleur de la construction qui essayait de s’en sortir du mieux qu’il le pouvait dans la vie, mais j’avais quand même quelques économies qui m’auraient permis de retourner voir Lily-Anaëlle. Et puis l’option du coup de fil ne m’aurait pas coûtée grand-chose non plus. Et pourtant, j’avais peur de ressentir de nouveau toute la douleur d’avant. J’avais peur de retomber dans le passé et qu’il me traîne vers le bas de nouveau. J’avais enfin réussi à respirer, même si je ne vivais pas la vie rêvé, j’étais finalement un homme comme les autres. Un homme moyen. Un homme normal. J’avais voulu profiter de ce temps-là, et malheureusement dans cette équation Lily-Anaëlle aurait pu entraîner un négatif, alors qu’elle avait pourtant toujours eu un impact positif sur moi et sur ma vie. Je réalisais maintenant à quel point j’avais été idiot, maintenant qu’elle était devant moi, maintenant qu’il était trop tard. Heureusement, la jeune femme semblait tout de même très heureuse de me revoir, et à propos de sa réplique sur le temps d’attente, je rigolai, hochant la tête. « Peut-être bien que oui. » Puis je secouai la tête, toujours avec un grand sourire au visage. « Non, sérieux, non. T’étais même sur ma to-do list. Regarde. » J’ouvris mon téléphone portable sur une page bloc-notes sur laquelle était inscrite quelques mots-clés, comme passer à l’appartement, aller au supermarché, aller voir Lily-Anaëlle, et autres paperasses, et je montrai l’écran à la brunette en riant. Je secouai de nouveau la tête en remettant mon téléphone dans la poche arrière de mon pantalon. Je parlai ensuite de ma nouvelle colocation à Lily. Je ne lui parlai que de Perry, puisque c’était le seul que j’avais rencontré ce matin. Joe n’était pas là quand j’étais allé porter mes valises. Elle le connaissait, donc. Elle me rappela aussi que j’aurais pu venir chez elle. J’haussai les épaules, gêné. « Oui, je sais bien … Mais comme je ne savais pas vraiment où tu en étais dans ta vie, je ne voulais pas m’imposer. Surtout après neuf ans de silence. » Sur ce, je fronçai les sourcils et l’invitai à s’asseoir avec moi, pour qu’on prenne le temps de parler, justement. Elle accepta avec un grand sourire, et attrapas mon bras pour m’entraîner à une table à deux pas de nous. Je m’assis sur la chaise en face d’elle. Elle me demanda comment j’allais, depuis le temps. Je pris une grande inspiration. « Je vais bien. Je vais mieux. Et c’est en grande partie grâce à ta mère et toi. » Je lui fis un sourire en coin. « Comment va-t-elle, d’ailleurs ? » Je n’avais aucune idée.

Sans trop tarder, il te montre son téléphone, enfin un mémo, avec une liste des choses à faire. Tu ne l'imaginais pas avoir besoin d'une liste pour se souvenir de faire ce qu'il avait à faire, et encore moins que te parler en fasse partie. Comme s'il allait oublier de venir te voir s'il ne regardait pas son téléphone. Ça te faisait mal au cœur à l'idée de penser qu'il avait besoin d'une note pour se souvenir de toi. Tu préférais chasser cette idée pour ne pas t'embrouiller l'esprit. Après tout, ce n'était que le fruit de ton imagination, il avait bien dit plus haut qu'il avait pensé à toi, tous les jours que Dieu fait, donc ça ne servait à rien de te prendre la tête pour un mot sur une liste. Tu te poses face à lui, tu as presque envie de poser ta main sur ton coude, et de ne jamais le quitter avec tes grands yeux d'enfants. Tu ne relèves pas sa réponse, en un sens, ce n'était pas plus mal. Ça te ferait étrange de vivre avec lui, sans elle. « Je suis ravie de savoir que ça va mieux pour toi. » Ton sourire devient une grimace. Pourquoi te posait-il cette question ? S'il avait gardé le contact, il aurait su, mais tu n'allais pas le blâmer, toi-même tu n'avais jamais essayé de le contacter, et pourtant, tu aurais dû le faire. Tu aurais aimé le faire, et tu n'avais pas pu te résoudre à essayer de le retrouver. S'il était parti sans même te dire au revoir, c'est qu'il ne voulait pas garder le contact avec toi, et même si ça t'avait fendu le coeur à l'époque, tu avais respecté sa décision. Tu pris ta tête entre tes mains, tu marquais un long moment avant de lui répondre, le temps pour toi de contrôler tes larmes, parce que même si tu parais forte et heureuse, ce sujet là reste le plus douloureux. « Après que tu sois parti, on lui a détecté un cancer. Elle est morte il y a 7 ans maintenant.. » Tu ne pu retenir plus longtemps cette larme qui attendait sur le coin de l'oeil. Tu pleures en silence, doucement. Ce qu'elle te manque, elle qui était toujours si douce et si gentille, toujours de bon conseil, tu en aurais bien besoin aujourd'hui.

Décidément, je faisais tout de travers. Alors que je montrais le mémo à Lily-Anaëlle pour lui montrer que je planifiais bel et bien d’aller la voir aujourd’hui et pas dans douze mois, pour la faire rire, celle-ci afficha une mine assez triste et déçue. Je fronçai légèrement les sourcils en rangeant mon téléphone dans ma poche de jeans, visiblement embarrassé par la situation. Ce n’était qu’une blague. Certes, c’était écrit, mais c’était juste parce que je faisais des listes pour tout. Il était quand même écrit, juste en haut, que je devais passer à l’appartement. Ça aussi, c’était une évidence, à moins de vouloir passer ma première nuit comme un sans-abri. Je l’avais déjà fait, ça, avant que Lily-Anaëlle ne remarque que je n’avais plus de toit sur la tête. Onze années déjà depuis ce moment-là. Ce n’était pas à refaire. Bref, Lily-Anaëlle ne comprit pas qu’il s’agissait d’un peu d’humour que je lui montrais, et j’allai m’asseoir l’air un peu abattu. Je posai mes mains tout autour du gobelet de café, comme si sa chaleur pourrait me redonner un peu confiance en moi, et un peu d’espoir aussi que tout n’était pas perdu avec Lily-Anaëlle. Pour lui montrer que malgré ces neufs années, je ne les oubliais pas ni elle ni sa mère, je lui demandai comment elle allait, justement. Sa mère. Tout de suite, l’expression sur le visage de Lily-Anaëlle devint encore plus triste. Mais qu’avais-je encore dit, fait ? Quand elle releva les yeux vers moi, ceux-ci étaient emplis de larmes. Je n’étais pas doué en mathématiques, mais je savais bien faire 1 + 1 = 2. J’avais rapidement compris qu’il s’était passé quelque chose concernant sa mère. Quand Lily-Anaëlle m’expliqua que sa mère était décédée du cancer, j’avançai automatiquement ma main vers celle de la brunette pour m’en emparer et la caresser du bout de mes doigts. Lily-Anaëlle pleurait. J’étais de retour dans sa vie depuis même pas cinq minutes et déjà, je la faisais pleurer. Parce que je n’avais pas été là dans les moments les plus difficiles. Parce que je n’avais même pas eu la décence de m’en soucier durant les dernières années, ce qui m’amenait à poser les mauvaises questions. Je baissai les yeux, retenant mes propres larmes. Cette femme avait été une mère pour moi. Une mère bien plus attentionnée que la mienne. « Je suis vraiment désolé, Lily-Anaëlle … » Je secouai la tête doucement, essayant de me reprendre un peu. « J’aurais dû être là. J’aurais dû être là pour toi comme tu l’as été pour moi. » Ma seconde main vint également rejoindre celle de cette femme qui avait changé ma vie. Celle qui méritait tellement plus de reconnaissance que ce que je lui avais donné. « Je m’en veux tellement de ne pas avoir pris de vos nouvelles à toutes les deux. Je regrette tellement. » J’aurais pu venir aux funérailles, j’aurais pu prendre Lily-Anaëlle dans mes bras et pleurer avec toute la nuit, j’aurais pu rester quelques jours pour lui donner tout le soutien dont elle avait eu besoin. J’espérais profondément que quelqu’un avait rempli ce rôle mieux que moi.

Sa main s'était posée sur la tienne. Sur les tiennes même. Il se voulait rassurant, et s'il n'y avait pas eu cette table entre vous, tu aurais sûrement glissé dans ses bras mais tu ne le pouvais pas. Tu aurais posé ta tête contre son torse et il t'aurait caressé les cheveux. Au lieu de ça, tu te contentais de sa main, et tu séchais doucement ces larmes qui n'en finissaient plus. Ça faisait longtemps que tu n'avais pas pleuré en parlant d'elle. La dernière fois tu avais plus ou moins esquivé le sujet et tu t'étais contenté d'en aller au bout sans trop t'empêcher dessus. Pour Concho, tu devais lui raconter tout. Enfin tout ce n'était pas grand chose, mais parler du cancer, ça te dévastait. Quand il était parti, tu pensais pouvoir t'en remettre, ta mère était là. Et il y avait aussi Nelligan. Mais après Nelligan n'était plus là, et elle est morte. Tu t'es retrouvée si seule au monde. Tu relevais la tête pour le regarder tendrement, avant de lui répondre avec une voix à peine audible. « Ne le sois pas Concho, tu ne pouvais pas savoir.. Je n'ai même pas essayé de te contacter quand on l'a su. Et encore moins quand elle est morte.. » Tu attrapas un mouchoir dans ton sac pour t'essuyer les yeux et moucher ton nez. Tu fis une grimace qui se voulait être un sourire. Même si pour le sourire, tu pouvais repasser et continuer de t’entraîner. « Et toi, as-tu prévu de revoir ton père ? » Tu savais que son père était un con, mais peut-être qu'avec le temps, il était revenu pour lui.

Je secouai la tête. Lily-Anaëlle avait toujours été trop douce et trop compréhensive. Elle prenait tout sur elle, alors que tous les gestes fautifs étaient commis par les autres. Jamais avec moi. Je ne la laisserais jamais excuser mes erreurs pour les ramener sur elle. J’étais parti sans trop prévenir, sans laisser une quelconque information sur ma destination, sur la durée de mon absence, et je n’avais laissé aucune façon de me rejoindre. Lily-Anaëlle aurait voulu me rejoindre, elle aurait difficilement pu le faire. Alors qu’elle s’essuyait les yeux et se mouchait discrètement, je répondis enfin : « J’aurais dû savoir, c’est bien ça le truc. Et comment t’aurais fait pour me contacter, Lily ? Que j’aie été à Melbourne ou à l’autre bout du monde, tu ne savais pas où j’étais. » Et j’avais bien pris soin de disparaître. Je n’avais fait mon entrée sur les réseaux sociaux que bien des années après m’être installé à Melbourne. Et je n’avais quand même pas cherché à renouer avec mes relations d’avant. Sans pouvoir vraiment me l’expliquer. Tout n’était pas que mauvais souvenirs, quand je repensais à Bowen. Mais j’avais voulu tourner la page et j’avais mis toutes les chances de mon côté. Même si pour cela, j’avais mis de côté les personnes les plus chères à mon cœur. Dont Lily-Anaëlle et sa mère, à qui je ne pourrais maintenant jamais dire au revoir. « Est-elle enterrée à Bowen ? » Me permis-je de demander, parce que je souhaitais fortement aller au moins lui porter des fleurs, et la remercier, elle qui nous regardait sans doute de là-haut. La remercier pour tout ce qu’elle avait fait pour moi. Et m’excuser pour tout ce que je n’avais pas fait pour elle. Lily-Anaëlle me prit finalement par surprise en me demandant si j’avais prévu revoir mon père. Pour moi, c’était hors de question. Ça ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Je secouai la tête. « Je ne sais même pas s’il est encore ici … il est encore ici ? » Demandais-je en fronçant les sourcils. Lily-Anaëlle ne le savait peut-être pas elle non plus. J’haussai les épaules. « Y’a dix ans il voulait rien savoir de moi, j’vois pas pourquoi ce serait différent maintenant. » Sauf s’il apprenait que j’étais millionnaire mais ça, c’était hors de question.

Tu secouais la tête, tu ne voulais pas entendre ça. Tu n'avais rien fait, qu'il le veuille ou non. C'était un fait qu'il devait admettre, et tu semblait prête à te battre pour lui faire entendre ta voix. Ce que tu retrouvais ridicule au fond. « Je ne t'ai pas prévenu alors que j'aurais pu retourner ciel et terre pour te retrouver et te l'annoncer, mais je ne l'ai pas fait, donc arrêtes » Tu fis une petite moue, il n'était pas rentré pour que tu lui prennes la tête par rapport au fait que tu étais coupable aussi. Non, tu voulais entendre parler de lui, de savoir ce qu'il est devenu, ce qu'il fait ici. Tu hochas la tête à sa demande, oui elle l'était. Et tu pourrais lui montrer après ce café, au cas où il voudrait se reposer sur la tombe. C'était son droit, et tu savais qu'au fond, ça aurait fait plaisir à ta mère. Tu étais triste qu'elle soit déjà partie, elle ne pourra jamais la chance d'admirer l'homme qu'il était devenu. Mais tu ne voulais pas te remettre à pleurer, tu ne voulais pas que vos retrouvailles soient noyés dans tes larmes. « Je ne sais pas.. » Il semblait surpris par ma demande. Un peu pris au dépourvu, pourtant dans ta tête, ça semblait être une bonne question. Peut-être qu'avec le temps, il avait pu changer d'avis, et d'où son grand retour. Mais vu sa tête, ça ne semblait pas être ça, sa raison. De toute manière il n'y avait pas de quoi l'agresser, il finirait bien par te le dire. « Je pense que tu devrais lui accorder une autre chance, c'est ton père, et s'il était mort, tu pourrais regretter ne pas l'avoir dans ta vie, sauf s'il est toujours aussi con et borné, mais on peut espérer; le temps l'a peut-être changé ! » La mort de ta mère, ça t'avait bien affecté, plus que tu ne le pensais pour ça. Tu ne voulais plus avoir peur de perdre du temps parce que pour toi, la vie était trop courte, tu pouvais mourir en donnant naissance et ne pas avoir la chance de voir grandir ton enfant. Et tu en avais des tas de raisons comme ça, d'exemple un peu con, et si tu avais la chance de connaître ton père, tu ferais tout pour partager sa vie autant que tu le peux.

Lily-Anaëlle était visiblement plus têtue qu’avant, ne me laissant aucunement avoir raison sur ce coup-là. Je soupirai donc en haussant les épaules, m’adossant le dos contre le dossier. Je ne répondis rien, j’arrêtai, comme elle l’avait demandé. C’aurait été tellement stupide de se prendre la tête sur ce sujet alors que nous nous retrouvions après neuf ans. Après tout, peu importe qui avait commis une faute entre nous deux, le résultat était le même. Valait mieux ne pas trop s’attarder là-dessus, ni l’un ni l’autre n’allait capituler. Nous parlâmes de la mère de Lily-Anaëlle, de son décès notamment, et suite à ma surprise je laissai place au chagrin et à la nostalgie, et je lui demandai si elle était enterrée ici. Elle hocha la tête, et j’hochai à mon tour la tête. J’irais certainement la voir aujourd’hui. J’étais assez croyant pour me dire qu’elle était au ciel et qu’elle verrait bien que je ne l’avais jamais oubliée. Jamais. Lily-Anaëlle et elle avaient été les piliers de ma vie, celles qui m’avaient permis de ne pas sombrer. Je n’avais croisé aucune âme aussi généreuse que les leurs auparavant, et depuis non plus. C’est pourquoi je m’étais autant accroché à elles, même en pensée pendant mon absence. C’était mieux de m’accrocher à mes souvenirs d’elles plutôt qu’au souvenir de ma mère, ou pire encore de mon père. Celui dont parlait Lily-Anaëlle actuellement. La jeune femme me conseilla de lui accorder une autre chance, pensant que le temps l’avait peut-être changé. Mon visage s’était légèrement refermé ; je détestais parler de mon père parce qu’à mes yeux il n’était qu’un lâche. Qu’il ait changé ou pas. « Peut-être … En même temps le connaissant, il pourrait très bien faire semblant d’avoir changé juste pour profiter de moi. » Lâchais-je en buvant une gorgée de mon café. Je ne gardais que de la rancune envers cet homme, alors il m’était quasi-impossible de voir quoi que ce soit de bien en lui. Et s’il en venait à apprendre que j’étais millionnaire, alors là il me reconnaîtrait comme son fils pour mieux me manipuler. « Alors, Lily-Anaëlle, es-tu finalement devenue libraire comme tu en rêvais ? » Demandais-je pour alléger l’ambiance, et aussi savoir ce qu’était devenue mon héroïne.

Tu avais gagné, tu avais eu le dernier mot, et tu ne pouvais t'empêcher d'afficher un sourire satisfait sur ton visage. Tu aimais bien avoir le dernier mot, c'était un truc pour toi, comme si ça te donnait une victoire. Bien que souvent, tu manquais de répartie et tu perdais le mot de la fin. Bref. Tu l'écoutais parler de son père, il semblait toujours aussi têtu concernant ce sujet. Mais tu ne pouvais que le comprendre, son père l'avait rejeté et il était fort probable que s'il revenait dans sa vie aujourd'hui, l'argent pouvait être un motif plus que raisonnable. Tu trouvais ça cupide d'en arriver là, mais tout le monde n'avait pas la sincérité. « Tu crois qu'il oserait faire une chose pareil ? Parce que dans ce cas, vaut mieux rester loin de lui effectivement. » Tu finis par attraper ton café et faire comme lui. En prendre une gorgée. Tu sentais un blanc arriver et même si tu avais un tas de question à lui poser, tu avais un trou de mémoire. Comme si tout ce que tu avais toujours su sur lui, ou ce que tu espérais pour lui, tout ça c'était évaporé de ta petite tête brune. Et tu fouilles chaque parcelle de ton crâne mais rien n'y fait. Tu laisses les secondes passer, et c'est lui qui se décide à parler. Tu étires un sourire un peu crispé. C'est vrai que pour tout ça non plus, il ne savait. Tu te rendais compte à quel point 9 ans ça faisait un sacré morceaux de ta vie. Et il avait tout raté, tout était à refaire, à raconter, à montrer. « Je l'étais, la boutique est encore ouverte, je pourrais te la montrer. Mais aujourd'hui, je suis décoratrice d'intérieur ! » Et oui, tu avais changé de bord récemment.

J’haussai les épaules quand Lily-Anaëlle me demanda si je pensais réellement qu’il oserait faire une chose pareille. Si c’était le cas, elle me donnait entièrement raison quant à mon désir de rester bien loin de lui. Je m’étais toujours porté mieux de cette façon. Je ne voyais pas pourquoi c’aurait pu changer en neuf ans. Sur toute une vie, ce n’était pas un si grand nombre d’années. « Avec lui, sérieux, je peux m’attendre au pire. » Loin de moi le souhait de foutre un silence entre nous deux, mais je l’avais visiblement fait. Peut-être que ma fermeture face à mon père avait mise Lily-Anaëlle mal à l’aise. En même temps, je voulais me montrer honnête avec elle. C’était ce que je ressentais, et comme je ne comptais pas aller cogner à sa porte de sitôt, je ne voyais pas pourquoi je ferais croire le contraire à la brunette. Je bus de nouveau une gorgée de café, parce que de toute façon je devais réfléchir à tout ce que je pouvais lui demander. J’avais tant à rattraper, que j’avais du mal à bien cibler le sujet de conversation adéquat. La base était sans doute de savoir de quoi était composée sa vie routinière, donc le boulot d’abord. Elle qui voulait devenir libraire, je lui demandai si ça avait finalement été le cas. J’espérais pour elle que si. Qu’elle avait pu être heureuse et épanouie dans son emploi. « Oh ! Quand même, un grand changement ! Tu ne te plaisais plus en tant que libraire ? » Après tout, du temps que je la connaissais, elle n’aspirait qu’à ça. Ça me faisait bizarre de savoir qu’elle avait réussi à gérer sa boutique, pour ensuite la délaisser pour une autre carrière. L’important était qu’elle soit heureuse, et j’espérais que c’était le cas. « En tout cas, si t’as un peu de temps pour me glisser entre deux clients, je dois avouer que la décoration de la chambre chez Perry est pas la meilleure … » Avouais-je avec un rire. Je ne savais pas qui occupait cette chambre avant moi, mais en tout cas, nous n’avions pas du tout les mêmes goûts !