Pourquoi tu me fais ça? ☛ Nelligan

Une erreur de parcours. Un égarement. Un moment d’ivresse. Quelques minutes à peine, mais qui avaient fait en sorte que Nelligan s’était lui-même perdu. Il ne se reconnaissait plus. Il ne s’acceptait plus. Dans ses plus jeunes années, il avait déjà eu du mal à avoir confiance en lui, mais aujourd’hui ce n’était même plus une question d’estime de soi. Nelligan se détestait. Il avait honte de lui. Il se dégoûtait. Malgré tout, malgré cette incapacité à vivre avec ses actes et avec lui-même, le jeune homme avait trouvé le courage – ou plutôt la lâcheté – de rentrer à tous les soirs et d’embrasser Lola comme s’il ne s’était rien passé. Comme si Ally n’était pas entrée dans sa vie pour y mettre le feu et le laisser derrière, suffoquant. D’abord un baiser, et puis bien plus. Puis rien du tout. Plus rien. Juste la culpabilité grandissante de Nelligan qui cherchait toujours les bons mots à dire à Lola, afin d’être finalement honnête avec elle. Il voulait le lui dire. Il ne voulait pas lui cacher son égarement. Mais il ne savait pas comment. Il ne savait pas par où commencer. Il ne savait pas s’il était prêt. Jusqu’à aujourd’hui. Même si son aventure avec Ally était bien loin derrière, même s’ils ne se parlaient même plus depuis des jours, Nelligan n’en pouvait plus de ne pas fermer l’œil la nuit, incapable d’accepter de s’endormir avec facilité aux côtés de celle qu’il avait trahie.

Nelligan prit donc une grande inspiration en déverrouillant la porte de son appartement. De leur appartement. Celui qu’il allait bientôt mettre en feu de par ses erreurs stupides. Celui qui allait sans doute n’être que des cendres, comme leur relation à tous les deux. Quand il referma la porte, il entendit la voix de Lola provenant du salon, qui lui indiquait où elle se trouvait. Il esquissa un faible sourire, même si elle ne le voyait pas, même si ce n’était rien comparativement au chagrin dans ses yeux. « J’arrive. » Il enleva son sac à bandoulière qu’il laissa traîner dans l’entrée avant d’aller rejoindre Lola, assise sur le fauteuil. Il déposa un baiser furtif sur le dessus de sa tête, ne se voyant pas faire autrement avec la bombe qu’il s’apprêtait à lâcher au-dessus d’eux. « Lola … Il faut que je te parle … » Dit-il en s’asseyant à côté d’elle, l’air grave, malgré ses tentatives de bien le dissimuler, pour le moment.

Lola avait ce sourire sur les lèvres qui était indéchiffrable et qui, malheureusement, mettait Nelligan dans une position encore plus délicate. Elle avait l’air tellement heureuse pour on-ne-sait-quelle raison, alors que Nelligan s’apprêtait à faire éclater leur petite bulle de couple. Il s’en voulait déjà atrocement, de s’apprêter à la rendre malheureuse alors qu’elle semblait si bien avec lui. Lui aussi, il était bien, avec elle. Cependant, comme lui avait dit sa sœur Lexi, s’il était allé voir ailleurs, était-ce parce qu’il lui manquait quelque chose dans sa relation actuelle ? Nelligan avait passé et repassé les événements dans sa tête et il avait compris que sa sœur avait vu juste : Nelligan avait cherché une présence en Ally. Une femme qui partagerait ses intérêts, qui passerait du temps avec lui autrement qu’en des sorties de couple ou des soirées télévision, une femme qu’il voyait souvent, aussi. En l’espace de quelques jours, il avait effectivement davantage vu la rouquine que Lola et ça, ce n’était pas du tout normal. C’est pourquoi aujourd’hui il avait décidé d’avoir cette discussion redoutée avec Lola, pour mettre les choses au clair, pour être honnête.

Exactement au moment où Nelligan déclarait devoir parler à Lola, celle-ci affirma la même chose, à quelques mots près. Il eut un petit rire nerveux et s’apprêtait à lui dire d’y aller d’abord, se doutant fortement que sa nouvelle à lui serait bien moins bien reçue que celle que Lola avait à dire. Mais Lola fut plus vite que lui cette fois-ci. Il hocha donc la tête, prenant une grande inspiration. « C’est … ce … ce sera pas facile à dire, et surtout pas facile à avaler pour toi … » Avoua-t-il, l’air angoissé, nerveux et coupable. Lola devait bien s’attendre au pire. Et ce l’était, sans doute. « À la fête à Zach … j’ai … j’ai embrassé Ally. » Et ce n’était pas tout, il n’avait pas terminé, mais il voulait au moins laisser la chance à Lola de digérer cette première information. Il n’avait aucune idée qu’elle était déjà au courant pour ça, et que ce serait le reste qui ferait un effet de surprise.

Contre toute attente, un rire s’échappa des lèvres de Lola. Nelligan arqua un sourcil, avant de froncer les sourcils quand elle lui demanda si c’était tout. Il se redressa un peu les épaules, visiblement surpris par la réaction de sa copine. Avoir été à sa place, ce n’était certainement pas une annonce qu’il aurait pris à la légère. Lui qui avait si peu confiance en lui malgré les progrès des dernières années ; de savoir que la femme qu’il aimait avait embrassé un autre homme l’aurait certainement atteint droit au cœur. Le pire était aussi que la réponse à la question de Lola était que non, ce n’était pas tout, mais il ne répondit rien en attendant la suite de sa réponse. La jeune femme lui dit alors qu’elle était déjà au courant pour leur baiser, ce qui le prit par surprise pour la seconde fois. « Ah … ah bon ? » Et elle ne lui en voulait pas du tout, ce qu’elle justifia par le fait que c’était une grosse fête, que les gens avaient bu. Nelligan hocha la tête avant de baisser les yeux vers ses pieds, raclant sa gorge. « Le truc c’est que … Que cette erreur s’est reproduite … » Et là, j’imaginais bien que Lola ne rirait pas aussi légèrement que la première fois. Elle n’en rirait pas du tout, en fait. Ne trouvant même pas le courage de relever le regard vers elle, Nelligan expliqua : « Je suis allé chez elle plus tard dans la semaine. C’était juste pour jouer à des jeux vidéo mais … on a bu et … et on s’est embrassés de nouveau et … c’est allé un peu plus loin … » Il releva un regard paniqué sur Lola. « On a pas couché ensemble, je te jure. J’ai réalisé la connerie que je faisais avant. » Lâcha-t-il. Même s’il savait bien que rendu là, ça n’importait plus vraiment.

Quand Lola réagit la première fois, d’un ton sec, en criant, il releva les yeux vers elle. Il ne l’entendait que rarement lui parler de la sorte, mais évidemment il comprenait bien pourquoi. Il méritait de se faire gueuler après. Il ne méritait que ça, en fait. Le jeune homme avait le regard peiné alors qu’il voyait toute la douleur qu’il infligeait à Lola de par ses actions stupides et égoïstes. Elle allait lui demander comment il avait pu lui faire cela, sans doute, mais elle s’interrompit pour lui demander de sortir. « Q..Q..Quoi ? » Balbutia-t-il. Il s’était attendu à ce qu’ils en parlent, un peu, au moins. Qu’il s’excuse jusqu’au bout de la nuit. Qu’ils tentent de réparer ce qu’il venait de briser. Ou au moins qu’ils en discutent, que Lola lui crie après pendant des heures, qu’elle pleure dans ses bras, qu’ils essaient de s’en sortir. N’importe quoi sauf ça. Il ne voulait pas la laisser seule alors qu’il venait de la briser de la sorte. Pourtant, Lola réitéra sa demande en lui demanda de faire sa valise et de partir. Nelligan habitait ici. Tout ce qu’il avait était ici. Il ne pouvait pas tout simplement remplir son sac et partir. « Mais … Lola … S’il-te-plaît … » Il allait la supplier de le reprendre, ou du moins de l’écouter un peu plus longtemps, mais elle lui affirma avoir besoin d’être seul. Il cessa de parler, soutenant son regard un moment, mais elle se déroba et lui hocha la tête en silence. « Si c’est ce que tu veux … » Mais Lola était déjà debout, marchant rapidement jusqu’à sa chambre pour en claquer la porte et ne plus réapparaître. Nelligan resta là, cinq ou dix minutes, il ne savait plus trop, à fixer la porte de la chambre. Finalement, reprenant ses esprits, et respectant la demande de la jeune femme, il alla dans sa chambre et prit son sac à dos le plus grand. Il y fourra des vêtements, quelques effets personnels, des produits d’hygiène, avant de se diriger finalement vers la salle de bain où il y récupérerait ses effets essentiels avant de partir, au moins pour cette nuit, pour donner à Lola l’espace dont elle avait besoin. Il posa son sac à côté de la toilette et, ce faisant, il vit au fond de la poubelle ce qu’il ne mit pas trop de temps à reconnaître : un test de grossesse. Le cœur manquant quelques battements, il se pencha pour ramasser le bâton et y découvrit le signe positif. « C’est pas vrai … » Murmura-t-il à lui-même, conservant le test dans sa main. Encore une fois, le temps fila alors qu’il essayait de tout comprendre, de tout réaliser. Puis ses pas le menèrent jusqu’à la chambre de Lola, où il toqua quelques fois à la porte avant d’entrer. « Lola … » Dit-il d’une voix cassée. « Est-ce que … est-ce que tu … Es-tu enceinte ? » Il se doutait bien que ce test lui appartenait, mais il voulait l’entendre de sa bouche.

Lui-même ne savait pas vraiment pourquoi il avait eu besoin d’aller voir une autre femme. Il ne savait pas ce que Lola avait fait pour qu’il soit aussi cruel à son égard. Rien. Elle n’avait rien fait. C’était lui le grand idiot. Le grand égoïste. Il était devenu ce qu’il avait toujours détesté. Et ça le tuait. Ça le tuait de savoir qu’il était capable d’autant de méchanceté. Qu’il était capable de briser le cœur de celle avec qui il partageait sa vie, alors que lui-même avait dû recoller les morceaux de son cœur brisé à plusieurs reprises. Certes, ça n’avait jamais été à cause de l’infidélité, mais il savait quand même ce que c’était que de vivre une peine d’amour. Et lui le faisait vivre à Lola pour aucune raison valable. Juste parce qu’il avait été trop faible, trop confus, trop perdu. Elle n’avait pourtant pas à payer pour le fait qu’il ne savait pas dans quelle direction allait sa vie. C’était quand même elle qui écopait. Et Nelligan réalisa toute l’ampleur de la situation en trouvant le test de grossesse dans la poubelle. Pour en avoir le cœur net et pour ne pas partir comme un lâche devant cette nouvelle perturbante, il retourna voir Lola, même si elle lui avait clairement fait savoir qu’elle ne voulait plus le voir pour le moment. « Qu'est-ce que ça peut bien te faire. Tu te fiches de moi depuis le début, tu te fiches de savoir ce que je ressens, ce que je vis ! » Lui avait-elle crié alors qu’elle se levait pour lui arracher le bâton des mains. Il la regarda, le cœur serré et les yeux attristés. « Je ne me fiche pas de toi, Lola, ce n’est pas vrai … » Il secoua la tête comme pour appuyer ses propos. « Pourquoi Nell ? Pourquoi tu me fais souffrir comme ça alors que j'ai toujours été là pour toi ! » Lola était retournée dans son lit, et Nelligan s’avança un peu plus dans la pièce, les mains dans ses poches. Il ne savait plus où se mettre. Il ne savait plus quoi dire. Il était encore un peu sonné par l’annonce de la grossesse. « Je ne sais pas … Je suis perdu, Lola … Ça ne me pardonne rien, ça ne justifie pas ce que j’ai fait … Tu ne méritais pas ça. Tu ne mérites pas que je te fasse du mal comme ça … » Il fronça les sourcils légèrement, s’approchant d’elle pour s’asseoir sur le lit aussi, à une certaine distance d’elle. « Que comptes-tu faire ? » La questionna-t-il à propos de la grossesse. Sans doute qu’après la révélation de Nelligan, Lola ne saurait plus vraiment où elle se situait par rapport à ça.

Il la sentait méfiante, sur ses gardes. Il s’était assis assez loin d’elle et pourtant elle avait quand même ressentit le besoin de se reculer un peu plus. De mettre davantage de distance entre eux. Lola n’arrivait même plus à le regarder dans les yeux, et voulait encore moins de contact avec lui. Ça lui faisait tellement de mal de voir son monde s’écrouler autour de lui. Ça lui faisait mal pour elle, et pour lui. Il avait l’impression que tout s’effondrait et qu’il ne pouvait rien faire pour retenir ce qu’il avait bâti ici. Lola lui répondit que peu important ce qu’elle faisait, ça ne la regardait qu’elle. Il hocha la tête, même s’il aurait préféré qu’elle pense différemment. Il n’avait pas le droit, présentement, de revendiquer le contraire. « Peu importe ce que tu décides, Lola, et peu importe ce qui se passe entre nous par après … je te laisserai pas seule, d’accord ? » Même s’ils n’étaient plus un couple et si Lola décidait d’avoir l’enfant, Nelligan l’aiderait. Du mieux qu’il le pouvait. Et si elle voulait bien le laisser l’aider. Et si elle ne le garderait pas, alors il l’aiderait à surmonter l’épreuve, ou alors il la laisserait tranquille si tel était son désir. Le jeune homme ne savait pas comment agir auprès d’elle. C’était une situation tellement délicate. Il avait fallu que tout cela arrive en même temps. Il avait fallu qu’il dérape et qu’il fasse le con, au moment précis où leur avenir aurait pu se concrétiser. Lola reprit la parole pour lui dire qu’elle voulait qu’il parte quelques jours, afin qu’elle prenne le temps de réfléchir à tout ce qui venait de se produire. Il hocha la tête. « Je comprends. Je vais te donner le temps et l’espace dont tu as besoin. J’attendrai que tu me fasses signe, d’accord ? » Dit-il en relevant un regard désolé vers elle, esquissant un faible sourire même s’il n’avait pas le cœur à ça, et elle non plus. Il se leva, retourna dans la salle de bain prendre son sac et, après avoir jeté un dernier regard vers la chambre de Lola où il ne discernait que sa silhouette, Nelligan quitta son appartement. Il ne savait même pas où il irait. Mais il n’avait plus sa place ici. Il n’avait plus sa place nulle part.