we never seem to make it through the door (lily-anaëlle)

Tu l'écoutais parler d'Ally. Et au fond, il en ressortait la même chose que ta conversation avec elle. Ce que tu ne comprenais pas, s'ils s'étaient embrassés, c'est qu'il y avait une raison non ? Peut-être une attirance certes, mais une raison à tout ça ? Ally n'avait pas voulu t'en dire plus, peut-être que lui le ferait, même s'il semblait avare en détails. « Et tu vas en rester là ? On peut dire que tu as déconné et on peut mettre ça sur le dos de l'alcool mais tu n'as pas fait tout ça, juste pour en rester là, si ? » Tu te mordis la lèvres, ce n'était pas la chose à dire, mais avant qu'il puisse te répondre, tu repris la parole pour clarifier tes propos, tu ne voulais pas lui faire entendre les mauvaises choses non plus. « Je peux te conseiller de ne pas te battre pour Ally, elle est amoureuse d'un autre, mais si tu aimes vraiment Lola, alors réagis ! » Tu l'écoutais parler de Lola aussi, et tout semblait fini. Comme s'il n'y avait jamais eu d'amour entre eux. Pourtant, tu avais encore les images de la fois où tu les avais vu main dans la main, sourire aux lèvres, ils filaient le parfait amour, ça ne pouvait pas se feindre, pas pour toi en tout cas. Et puis votre conversation à la fête. Tu n'étais pas sourde, tu te souvenais encore de ses mots en détail. Tout ça te dépassait, tu ne pensais pas être en bonne position pour lui dire ce qu'il avait à faire ou non, mais tu avais l'impression de lui devoir ça. De l'aider en lui ouvrant les yeux. Quitte à le blesser, et te blesser, parce que tu savais bien que le ton n'était jamais monté entre vous, et qu'avec ce que tu vivais dernièrement, tu n'aurais pas le coeur à sourire et hocher la tête sans rien dire. Tu avais rien dit bien trop souvent, et Ally t'avait rappelé qu'il fallait choisir tes batailles. Elle en faisait partie. « J'ai rencontré Lola au bar où elle bosse, il y a quoi.. Deux semaines peut-être ? J'avais un peu bu, et quand je l'ai vu, elle avait l'air si triste, alors j'ai voulu lui dire qu'elle était si courageuse d'être là, à faire comme si tout allait bien, et sans réaliser mon erreur, j'ai parlé du baiser. Je pensais sincèrement que tu l'avais déjà mais j'ai eu tort. » Tu avais dit ça sans laisser paraître la moindre larme, et avec un calme affolant. Tu attrapas la bouilloire qui venait de terminer son travail pour verser l'eau dans les tasses chaudes, avant de reporter ton regard sur Nell' qui semblait désemparé face à ton aveu. De toute façon, ce qui était fait, était fait et il n'y avait rien qui pourrait changer tout cela. Mais au moins, à sa réaction, tu savais que Lola ne lui en avait pas parlé.

La question de Lily-Anaëlle embarrassa légèrement Nelligan, surtout parce qu’il ne s’attendait pas à avoir à parler de tout cela avec elle ce soir. Il se serait imaginé qu’elle serait gênée tout autant que lui d’aborder ses histoires de cœur. Il haussa les épaules. « Non. Je sais pas. Je pense qu’à quelque part, oui, j’avais l’envie d’aller plus loin avec Ally. Mais son attitude depuis qu’on s’est vus la dernière fois me montre que pour elle c’était peut-être pas vraiment ça qu’elle voulait. » Dit-il. L’attitude d’Ally dont il parlait était le fait qu’il avait eu vent qu’elle avait fréquenté d’autres hommes, plusieurs autres hommes, et qu’elle n’avait pas tenté de le rejoindre par après. Il n’était qu’un pion dans son jeu. Et s’il avait été le Roi, Ally l’aurait mis échec et mat. Il avait tout perdu, après tout. Lily-Anaëlle confirma un peu ce que pensait Nelligan alors qu’elle lui apprenait que la rouquine avait des sentiments pour quelqu’un d’autre. Il eut un rire jaune. Elle n’avait pas perdu de temps. « J’aime Lola, mais c’est plus compliqué que ça, Lily. » Il baissa les yeux, prit une grande inspiration, et lui confia : « Quand j’ai tout avoué à Lola, le soir où on s’est laissés, eh bien … j’ai aussi appris qu’elle était enceinte. » Et avant que Lily-Anaëlle ait une quelconque réaction, peu importe laquelle elle serait, Nelligan ajouta, en relevant un regard déchiré vers elle : « Mais elle a fait une fausse couche. À cause de l’état dans laquelle je l’ai mise. À cause de toute la douleur que je lui ai infligée. Elle a fait une fausse couche. » Avoua-t-il avec difficulté, la voix se brisant à certains mots trop durs à prononcer. Son ex copine lui apprit par après qu’elle avait eu une discussion avec Lola, alors qu’elle s’était retrouvée au bar auquel celle-ci travaillait. Nelligan s’était empressé de la questionner sur le motif et leur contenu de leur conversation, redoutant déjà leur échange. Et il avait eu toutes les raisons du monde de s’en inquiéter, maintenant qu’il savait ce dont il avait été question. Lily-Anaëlle était tellement calme alors qu’elle lui avouait qu’elle était celle qui l’avait trahi, en quelque sorte. Qui l’avait jeté dans la gueule du loup. Une indifférence qui déstabilisa Nelligan. « Ce n’était pas de tes affaires, Lily-Anaëlle. » Déclara-t-il d’un ton froid en ne la quittant pas du regard, même si elle s’occupait de verser l’eau dans les tasses. « Je ne comprends pas pourquoi t’es allée vers elle. Pourquoi tu as décidé de lui en parler. Qu’est-ce que tu cherchais à faire ? » Demanda-t-il avec incompréhension, confusion, colère.

Tu n'ajoutais rien sur Ally. Elle avait fait son choix et lui semblait avoir fait le sien. Tu n'avais rien de plus à dire, et tu ne savais pas quoi dire en fait. Mais en l'écoutant raconter son histoire avec Lola, tu sentis ton cœur se serrer. Tu avais envie de le prendre dans tes bras et de le consoler, mais ce n'était plus à toi de faire ça. « Je ne savais pas.. Mais c'est une épreuve difficile de perdre un enfant et je sais de quoi je parle. Alors si tu l'aimes, c'est maintenant qu'il faut que tu sois présent pour elle. Maintenant que tu lui montres que t'as fait une erreur que tu regrettes, et non dans un an. Ou plus tard, parce que justement, ça sera trop tard. » Tout cela faisait remonter en toi tes souvenirs. Tu ne pus t'empêcher de poser une main sur ton ventre en pensant qu'aujourd'hui cette petite chose aurait eu un an. Tu ne laissais pas non plus paraître tes émotions. Ton heure n'était pas encore venue mais avec la bombe à retardement dans ton crâne, tu pensais au fait que ça ne pourrait jamais se produire. Ce dont tu avais besoin c'était d'un verre. Que Nell soit là ou non, tu t'en foutais bien. Au diable l'infusion aussi. Tu attrapas la vodka sous le comptoir, et un verre. Après quoi tu le portas à tes lèvres pour en boire plus de la moitié. Puis tu reposas ton regard sur lui. « Je le sais bien, je pensais sincèrement que tu l'avais fait. Tu m'as pas écouté ou bien ? Je suis pas allée la trouver de mon plein gré, elle était là, j'étais là et c'est arrivé. » Tu secouais la tête, légèrement agacée par tout ça avant de reprendre de plus belle. Tu ne pouvais pas t'en prendre à lui, c'est toi qui avait cherché la merde en lançant ce sujet. « Tu veux que je te dise quoi ? Que je suis désolée ? Je le suis pas. Je sais même pas pourquoi t'en fait tout un foin. Lola t'en as pas parlé. Et c'est pas ma faute si t'as merdé avec elle. » Si Lola ne lui en avait pas parlé c'est qu'elle avait ses raisons, et sûrement parce qu'elle refusait de te croire. Elle préférait croire son coeur que sa raison et c'était son choix au final. Mais puisque cette conversation n'avait eu aucun impact sur leur histoire, tu ne comprenais pas qu'il s'en prenne à toi, dans le cas contraire, tu aurais compris qu'il s'énerve, mais là non.

Nelligan fronça les sourcils en entendant Lily lui dire qu’elle savait de quoi elle parlait, quand elle disait à voix haute que de perdre un enfant était une épreuve difficile. Elle avait continué à parler, alors le jeune homme n’avait répondu, mais il avait bien évidemment réalisé qu’il ignorait bien des chapitres de la vie de Lily-Anaëlle. Autant certains de ses plus beaux, que de ses plus tristes. Il baissa les yeux, l’écoutant à moitié lui dire que s’il aimait Lola, c’était le moment de lui montrer puisqu’après, il serait peut-être, sans doute, trop tard. Nelligan posa ses yeux sur le ventre de Lily, sur lequel elle avait discrètement posé sa main. Il ne put s’empêcher de se demander s’il tout cela était en lien avec lui. S’il aurait pu être père deux fois plutôt qu’une. Mais il se dit que de toute façon, il ne voulait pas vraiment savoir. Pas en ce moment. Pas avec tout ce qu’il avait déjà sur la conscience. Il soupira donc en baissant les yeux de nouveau. « Je ne sais plus ce que je ressens, Lily. C’est ça le pire. » Il se perdit dans son regard. Nelligan n’avait aucune idée de pour qui son cœur battait, ou s’il battait tout court. Il avait l’impression de se jeter dans les bras de qui voulait bien de lui, de laisser l’amour l’aveugler sans se battre pour sa lucidité. Il avait l’impression que le monde tournait bien trop vite autour de lui, qu’il n’arrivait pas à s’accrocher à qui que ce soit pour un peu de stabilité. Les gens rentraient dans sa vie pour mieux en partir. Parce qu’il était passé maître dans l’art de repousser les gens. De tourner son dos à ceux qu’il aimait. De trahir les cœurs qui s’ouvraient à lui. Lily-Anaëlle attrapa alors un verre et une bouteille de vodka qu’elle sortit de sa cachette, et elle s’en servit un verre. Nelligan en aurait bien pris un, lui aussi. L’alcool le cognerait sans doute assez pour le faire dormir, contrairement à un thé. Elle reposa le verre, dont le contenu avait été avalé à moitié. Au moment où je montais sur mes grands chevaux parce qu’elle m’avait révélé qu’elle était celle à s’être ouvert la grande gueule à Lola. « Ça peut pas être juste arrivé. Y’a pas une force surnaturelle qui t’as forcé à te mêler de ce qui te regardait pas. T’aurais pu passer ton chemin. T’aurais pu juste … ne pas aborder la chose. » Lança-t-il, augmentant par lui-même la colère qui l’habitait. Lily-Anaëlle était autant hors d’elle que lui. Elle lui demandait ce qu’il attendait d’elle. Des excuses ? Quoi ? Nelligan secoua la tête. « Peut-être que c’est ta faute, en fait ! Peut-être que c’est ta faute parce que peu importe avec qui j’essaie d’être, t’es toujours là ! T’es toujours là dans le coin de ma tête ! J’arrive pas à t’oublier ! J’arrive pas à tourner la page ! » Et voilà, c’était sorti. Nelligan réalisa ce qu’il venait de dire et il attrapa alors le verre à moitié vide de vodka et le cala d’un trait. « Je suis désolé. C’est l’émotion qui me fait parler. Oublie ce que j’ai dit. J’ai le cœur à l’envers, c’est tout. » Dit-il, essayant de tasser du revers de la main ce qui venait de se passer.  

Tu le regardais, interdite. Tu ne comprenais pas. Certes, tu l'avais fait toi-même, tu avais ouvert la bouche pour lui parler et tu avais même été jusqu'à partager une glace avec elle. Tu commençais même à te sentir coupable, aussi parce que maintenant que tu savais qu'elle avait été enceinte, tu te souvenais lui avoir payé deux verres. Mais ça tu ne le dirais pas. Tu avais envie de vomir, ça te retournait l'estomac. Ce que tu pouvais être idiote parfois. Soit elle n'en savait rien à ce moment-là, soit elle a choisi délibérément de boire en connaissance de cause et tu n'étais en rien responsable de ses actes. Putain d'empathie. Tu continuais de l'écouter, ouvrant grand les yeux. Heureusement que tu n'avais rien en bouche parce que tu lui aurais sûrement tout envoyé en pleine figure. De quel droit osait-il ? Ta faute ? Il avait pris ton verre pour descendre ce qu'il restait de ton alcool. Tu n'avais pas bougé d'un cil. Avant de te lâcher comme tu le faisait actuellement, tu lui aurais sûrement sauté au cou pour l'embrasser fougueusement. Espérer  te remettre avec lui, puisqu'il venait de te dire qu'il n'arrivait pas à t'oublier. Mais à y repenser de plus près, la dernière fois, tu avais attendu pour rien. Cette fois tu ne te laisserais pas avoir. « Je ne vois pas comment ça peut être de ma faute. C'est toi qui est parti. C'est toi qui m'a laissé en plan. » Tu fronçais doucement les sourcils, tu avais dit ça avec le plus grand des calme, que ça te foutait la chair de poule. Tu te sentais hors de toi, lui avais haussé le ton, il te criait limite dessus. Et tu n'aimais pas ce que tu voyais. Tu pensais être capable de t'énerver à ton tour, mais tu ne pouvais hausser la voix. Ça te déstabilisait. Le fait que ce soit Nelligan devait jouer, tu ne t'imaginais pas lui crier dessus. « C'est toi qui m'a dit qu'on pouvait tourner la page. Je pensais que c'était fait pour toi la fois où je t'ai vu avec Lola. Ou quand tu as embrassé Ally. C'était ton choix, pas le mien, alors ce n'est pas ma faute si tu n'arrives pas à m'oublier. » Il avait déconné, il y a presque 8 ans de cela maintenant, il devait assumer son choix Tu fis une petite grimace, comment voulait-il que tu oublies ça ? « Il va me falloir plus d'alcool si tu veux espérer que j'oublies ça un jour.. » Au fond, ça ne serait pas plus mal pour toi. Pour toi, il était ton amant maudit. La seule chance pour que vous puissiez vivre heureux ça devait être dans la mort, un peu comme Roméo et Juliette, sans le côté théâtral et dramatique de la chose. Mais tu n'avais pas spécialement envie de mourir. Tu attrapais la bouteille pour la porter à ta bouche directement, au point où tu en étais, plus rien ne pourrais le décevoir ou le choquer venant de toi.

Nelligan avait manqué sa chance. Il avait raté le bateau, il y avait de cela des mois maintenant. Il en était conscient. Mais il était aussi conscient que lui ne serait jamais totalement capable de quitter le port si ce n’était pas en compagnie de Lily-Anaëlle. Une partie de lui resterait toujours là, debout, sur le quai, à l’attendre. À attendre qu’elle décide de franchir le pas avec lui. De sauter à l’eau. C’était d’une tristesse incommensurable que de réaliser qu’ils auraient pu être heureux, tous les deux, mais que les erreurs et les faux pas de Nelligan feraient en sorte qu’ils n’auraient jamais leur chance de vivre leur amour sans borne. Il baissa honteusement les yeux quand Lily-Anaëlle lui rappela que c’était bien lui, et personne d’autre, qui l’avait laissé en plan. Deux fois plutôt qu’une ; ça, elle n’eut pas besoin de le lui souligner. Il savait bien qu’il avait usé sa seconde chance jusqu’au bout, et qu’il n’y aurait plus droit à présent. Cependant, ça avait été plus fort que lui, plus fort que tout, et il avait eu besoin d’avouer à Lily-Anaëlle à quel point elle hantait ses nuits, ses pensées, ses désirs. Elle était partout. Sauf dans ses bras. « Tu crois que je ne le sais pas, ça ? Tu crois que je ne me déteste pas de t’avoir déçue tant de fois ? D’avoir raté ma chance ? Il n’y a pas une seule journée qui passe sans que je pense à tout ce que j’aurais pu faire de mieux pour nous. Tout ce que j’aurais pu faire pour nous sauver. Je nous ai échoués, Lily-Anaëlle. » Avait-il répondu à son tour, cette fois beaucoup plus doux. Le ton calme de la brunette l’avait équilibré. Lily-Anaëlle lui rappela alors que c’était lui qui avait décidé qu’ils pouvaient enfin tourner la page. Qu’il semblait d’ailleurs l’avoir déjà fait, depuis qu’il était avec Lola. Nelligan secoua la tête, tranquillement, de gauche à droite. « Je sais. Je pensais pouvoir le faire. Je pensais que si on se le disait, dans le blanc des yeux, que toi et moi ça n’arriverait pas, que ça ne se pouvait plus, que j’arriverais finalement à passer à autre chose de pour de bon. J’ai eu tort. Et je sais que toutes mes erreurs d’après sont mes choix, mes conneries. Je pensais peut-être que d’une certaine façon ça me ramènerait à toi, je sais pas, je sais plus … » C’est là qu’il lui demanda d’oublier, prétextant que toutes ces déclarations n’étaient que le fruit de la colère, de la surprise, de la tristesse. Elle aurait besoin de plus d’alcool que ça pour oublier, répondit-elle, en attrapant la bouteille et en buvant directement dedans. Le jeune homme fronça les sourcils. « Ne fais pas ça. Pas pour moi. » Il prit la bouteille une fois que Lily l’eut posée, la tirant vers lui pour remettre le bouchon dessus. « Je suis désolé pour tout, Lily. » Ça ressemblait, encore une fois, à l’une de ces conversations finales, un dernier échange, un adieu. Comme s’ils n’étaient bons qu’à se laisser aller, tous les deux. Pour mieux se retrouver avant de se décevoir de nouveau.  

Tu te sentais mal. Tu avais poussé les choses trop loin. Mais au moins tout était dit. Tu en avais marre des discussions à demi-mots avec lui, tu ne savais jamais sur quel pied danser. Aujourd'hui, tu savais tout ce qu'il pensait. Tu avais senti te cœur se serrer et exploser. Il ne vous avait pas échoués. Les torts n'étaient pas que les siens. Tu sais qu'il est parti, mais tu l'a laissé partir. « Je.. Je n'aurais pas dû dire ça.. » Tu avais baissé la tête, tu n'osais plus le regarder. Ce n'était pas le genre de choses que tu avais besoin d'entendre en ce moment, ça t'embrouillait l'esprit. Tu ne pensais plus clairement, et tu n'avais pas encore assez bu pour gérer les choses. Ses mots repassaient en boucle dans ton esprit, et tu t'étais levée pour te mettre debout devant lui. « Écoutes, quand on s'est connu, on a passé des super moments ensemble, et tu es parti. Il m'a fallu sept ans pour te demander pourquoi, et je dois avouer que ce n'était pas le genre de chose à laquelle je m'attendais. Mais que je suis venue à toi, tu vivais une passe difficile.. » Tu avais attrapé sa main, pour mêler tes doigts aux siens, le regardant en face. Posant vraiment ton regard dans le sien. Tu sentais les larmes qui commençaient à perler. Tu avais laissé quelques secondes s'écouler avant de reprendre toujours aussi calmement. « Si un jour, on doit finir ensemble, je crois que les choses se feront d'elle-même, mais pour le moment, ce n'est pas le bon timing. Tu sors d'une rupture. Moi j'ai pas mal de soucis de mon côté aussi.. Si on tente quelque chose, ça va nous détruire. Et je crois que pour le moment, on s'est fait assez de mal. » Tu lui esquissais un petit sourire. Pour le moment, il ne fallait pas foncer tête baissée. Chacun de vous devez faire le point sur votre vie. Surtout toi, si lui semblait sûr de ce qu'il ressentait pour toi, de ton côté, tu avais fréquenté pas mal d'hommes pour savoir que c'était un champ de mine. Tu devais démêler ce que tu ressentais. « C'est moi qui suis désolée, j'ai poussé les choses un peu trop loin, je n'aurais jamais du parler à Lola, ni te parler comme ça. » Tu avais commencé à lâcher sa main, c'était encore plus dur que la dernière fois. Tu avais l'impression de passer ton temps à lui dire au revoir, ou adieu. Et tu n'aimais pas ça les adieux, c'était trop douloureux.

Les paroles de Nelligan avaient eu un effet énorme sur les deux personnes. Tout d’un coup, ils avaient été ramené à cette réalité trop souvent balayée du revers de la main, à cette vérité crue et fatidique entre eux. Nelligan et Lily-Anaëlle avait passé les dix dernières années à s’aimer, en silence ou en le criant, tout dépendamment du moment. Surtout dans le silence. Dans un coin de leur cœur. Tentant le plus souvent d’étouffer ces sentiments qui ne voulaient pas partir. Qui ne voudraient sans doute jamais partir, du moins pour ce qui était de Nelligan. Lily-Anaëlle était son petit paradis, son réconfort, son point d’ancrage dans cet océan tumultueux qu’était sa vie. Pas étonnant qu’il revenait toujours s’accrocher à elle quand il sentait qu’il se noyait. Elle était la seule qui pouvait le maintenir à la surface. Elle l’empêchait peut-être constamment d’aller vers l’avant, mais elle l’empêchait aussi d’aller vers le bas. Il préférait la laisser l’élever, même si c’était du surplace, plutôt que de se laisser sombrer. Nelligan s’accrocherait, oui, toujours. Que ce soit en vain ou pas. La jeune femme se leva et vint se poser devant lui, attrapant sa main pour répondre aux paroles si sincères que Nelligan venait de lui avouer. Il était plus que temps qu’ils se montrent honnêtes l’un envers l’autre. Complètement. Aveuglément. Le pouce de Nelligan caressait la douce peau de la main de Lily-Anaëlle, tentant de l’apaiser alors que les larmes lui montaient aux yeux. À lui aussi, en fait. Il l’écouta sans rien dire, sans l’interrompre et sans broncher, mais quand Lily-Anaëlle parla de l’éventualité où ils seraient ensemble, son cœur se serra dans sa poitrine. Peut-être que la page avait été tournée, peut-être que le chapitre avait tiré à sa fin, mais ça ne voulait pas dire que la dernière page du livre entier ne leur était pas réservée. À eux. À Nelligan et à Lily-Anaëlle. Les amants maudits. Ceux que le temps avait ravagés. Ceux que les années qui s’écoulent n’avaient pas épargnés. « Tu as raison. Ce n’est pas le bon moment. Et je n’ai pas envie de gâcher une autre chance d’être avec toi. » Ce n’était visiblement jamais le bon moment, mais après cette discussion, il avait l’impression d’avoir le droit de se nourrir un peu d’espoir. Lily-Anaëlle s’excusa alors à son tour, pour Lola, pour lui avoir parlé de la sorte. Elle lâcha sa main. Le jeune homme secoua légèrement la tête. « Comme tu l’as dit, tu ne pouvais pas savoir. Je me suis aussi laissé emporter. Mes mots ont dépassé ma pensée. » Il lui sourit, et sentant que ce moment de vérité tirait à sa fin, il inspira profondément. Puis, il s’avança légèrement vers elle et, dans une grande douceur, il posa sa main sur la joue de Lily-Anaëlle et posa ses lèvres sur les siennes. Un baiser chaste, retenu, bref. Il s’éloigna de nouveau de son visage. « Je vais m’accrocher à ça, en attendant. » En t’attendant, pensa-t-il. Il sourit faiblement. « Bonne nuit, Lily. » Il posa de nouveau sa main sur la sienne, juste un instant, avant de la lâcher de nouveau et de retourner à sa chambre. Les tourments hantaient toujours ses nuits, mais il avait le cœur un peu moins lourd.