in the middle of nowhere -r.

Tu avançais à tâton. Tu vivais là depuis des mois, enfin, dans ta chambre d'hôtel, tu la quittais très rarement sauf quand tu sortais avec Anna, tu ne voulais pas t'y aventurer seule. Et puis il y avait eu le voyage en Turquie. Et maintenant, tu était venue habiter à Bowen pour de bon. C'était une ville étrange, avec un climat étrange. Alors que chez vous, il faisait un grand soleil, ici c'était l'automne. Déroutant, pour toi. Mais maintenant que tu vivais ici pour de bon, tu devais t'acclimater. Tu avais même trouver un appartement, avec un ami d'Anna, Nelligan, celui qui l'a aidé à s'acclimater à sa vie australienne, tu espérais qu'il en serait de même pour toi. Et deux autres filles, avec qui tu n'avais pas encore eu l'occasion de parler, mais elles semblaient plus énergique que toi, ça c'est sûr. Maintenant, tu devais trouver un travail, même le plus ingrat du monde parce que tu devais payer les factures, et apprendre à te débrouiller par toi-même, An' avait été claire là dessus. Il était le temps que tu vives une vie d'adulte. Tu sortis de chez toi, bien décidé à déposer un CV un peu partout après l'avoir établis avec ta grande soeur. Tu n'avais pas grand chose dessus, mais en même temps, tu n'avais pas vraiment pu faire d'études et en tant que femme, tu n'avais pas eu le droit de travailler, pas une seule fois. Mais tu n'étais pas bête, tu avais le sens de l'équilibre et de la motivation, même si tu te doutais bien que ça ne te tomberais pas tout cuit dans le bec. Et puis tu savais cuisiner, alors en cuisine tu trouverais un petit poste. Mais visiblement, tu semblais tourner en rond, chaque rue ressemblait à la précédente, et tu ne savais pas où tu étais. Il y avait une espèce de petit parc, et des gens assis sur les banc, profitant sûrement des derniers rayons du soleil avant qu'il ne neige. Tu pris ton courage à deux mains, abordant la première jeune femme qui semblait être seule. « Bonjour, excusez-moi, mais vous pouvez m'indiquer la direction du café ? Je suis complètement paumée.. » Tu lui tendis la carte de la ville qui indiquait les rues, et juste les rues. Tu aurais aimé une carte plus indicative avec les commerces et tout ce genre de lieux qui auraient pu t'aider dans ta recherche, mais il ne fallait pas que ce soit trop facile.

In the middle of nowhere
Ayda & Sara

Errer dans les rues, voilà ce que Sara faisait. Elle ne se baladait pas, elle ne flânait pas non plus, elle s’ennuyait. Elle connaissait toutes les arcades de la ville, les grandes artères et les ruelles moins fréquentées, elle les avait arpentées en long, en large et en travers depuis son enfance. Bowen était son terrain de jeu et elle adorait cette ville. Mais voilà, depuis quelques semaines elle s’y sentait mal, si petite entre tous les autres, coincée dans cette île, entourée d’eau ce qui l’angoissait étrangement. Elle pensait être venue à bout du traumatisme subit après le crash d’avion, mais il fallait croire que ça n’était pas le cas. Depuis quelques mois elle allait mieux, grâce à Woody en grande partie, mais Woody l’ayant brisé, elle retombait de haut, elle s’échouait lentement et se rendait compte à quel point sa vie était vide sans lui, elle n’avait rien, les quelques mois passés dans ses bras étaient comme une bulle de bonheur, suspendue, celle-ci ayant éclaté, elle devait tout réapprendre, parce qu’elle n’avait pas fait grand chose finalement. Sa vie professionnelle était un désert total puisque son psy ne la pensait pas capable de reprendre son travail d’institutrice, elle avait encore du mal à revoir ses amis, à se confondre avec la foule. Autant dire qu’elle se laissait porter. Mais ça ne pouvait plus durer. Elle avait comme des envies d’ailleurs, de changement, mais pour faire quoi ? Elle ne connaissait rien d’autre que Bowen et puis Sara ça n’était pas une aventurière, c’était une biche effrayée par des phares de voiture.
Elle s’était assise sur un banc parce que sa jambe meurtrie lui faisait mal, elle allait rentrer chez ses parents, puisqu’elle ne trouvait rien à faire en ville autre que ruminer sur sa vie, mais c’était sans compter sur cette inconnue qui l’aborda, l’air paniqué. Elle cherchait la direction du café… mais quel café ? Bonjour ! Vous chercher quel café en particulier ? Celui sur la grande place de la ville ou un plus en retrait ? Elle regarda la carte et grimaça. Cette carte n’est vraiment pas pratique ! Vous n’êtes pas d’ici j’imagine. Elle avait perçu un accent dans la voix de la blonde.

Tu n'avançais clairement pas. A ce rythme là, tu avais plus de chance d'avoir des ampoules aux pieds qu'un boulot. Tu ne te laissais pas abattre pour autant, tu étais combative et tu avais toujours eu ce petit esprit de compétition. Tu avais un objectif et tu te sentais prête à tout pour le réussir. Celui qui tu t'étais fixé était de ne pas décevoir ta sœur. Tu avais déçu ton père quand il a su que tu partirais aussi pour l'Australie avec Anna, alors tu ne voulais qu'elle regrette son choix de t'avoir emmené avec toi. La jeune brune se montrait très amicale avec toi, en te demandant ce que tu cherchais vraiment. « Pour être honnête, tous les cafés et restaurants qui se trouvent dans ce rayon » Tu lui montrais le cercle sur ta carte, c'était ta limite, là où tu pouvais aller. Même si c'était un grand mot parce que tu n'étais pas sûre de t'y rendre sans t'y perdre. Mais en faisant le chemin pour déposer des CV, tu finirais bien par le retenir, il te fallait juste un peu de temps, histoire de t'acclimater à cette nouvelle vie. Tu ressentais un petit soulagement au fond de toi. Tu aurais du demander à Anna, mais tu ne voulais pas être un poids pour elle. Il fallait que tu te débrouilles, comme l'adulte de 27 ans que tu es. Et puis ça permettait de te sociabilisé un peu, quand tu étais venue la première fois, tu as passé ton temps dans ta chambre de motel, tu ne voulais pas sortir dehors, tu ne voulais pas connaître le mode de vie d'ici. Bien trop habituée à ce que tu connaissais, aujourd'hui, il fallait que tout ça change. « Je suis nouvelle en ville, je suis la sœur d'Anna Inan. » Tu disais ça comme si elle était connu. Certes c'était une petite ville mais tout le monde n'était pas forcé de se connaître. Comme si cette indication allait changer ta vie.

In the middle of nowhere
Ayda & Sara

Se sentir utile, c'était appréciable pour notre Sara qui avait comme l'impression de ne servir à rien, d'être un poids pour tout le monde depuis son retour. Elle vivait encore chez ses parents parce qu'elle n'avait pas le courage de chercher un endroit ou se retrouver seule avec elle-même et puis la collocation ça n'était pas son truc, elle s'accrochait à eux comme à une bouée de sauvetage. Alors aider cette jeune femme, c'était un peu sa petite victoire de la journée, un maigre butin, mais un premier pas. Et puis égoïstement c'était plutôt bien de trouver quelqu'un qui avait l'air plus paumé qu'elle, il fallait bien se l'avouer. A ce train, si c'est la tournée des bars que vous cherchez à faire, vous finirez par marcher sur les genoux arrivée aux derniers ! Bon, sa blague était nulle, parce qu'avec sa pochette sous le bras, qui devait contenir des cv, la blonde semblait plus en recherche d'emploi qu'autre chose, mais elle cherchait à détendre l'atmosphère, on fait comme on peu... Vous êtes au bon endroit, on est en plein cœur de la ville ici, il y doit y en avoir une bonne vingtaine, en comptant les petits bistrots et restaurants. Elle lui indiquait du bout des doigts plein de petits points où pouvaient se trouver les commerces sur sa carte.
Comme Sara s'en doutait, l'inconnue lui indiqua qu'elle était nouvelle, mais, surprise, qu'elle était la sœur d'Anna, la brune ne put s'empêcher de la dévisager, en effet, à bien y regarder, il pouvait y avoir un air de famille avec la Inan qu'elle connaissait, parce que le monde était petit, Anna et Sara étaient amies depuis quelques années maintenant. Anna ne m'avait pas dit que sa sœur arrivait en ville ! En même temps, elle ne l'avait pas vu depuis un moment, ne pouvant retourner travailler à l'école, Sara perdait peu à peu contact avec quelques personnes et Anna et elle se voyaient souvent dans le milieu scolaire... Se rendant compte que l'autre la regardait avec des yeux ronds, elle fini par se présenter. Je m'appelle Sara, enchantée ! Anna et moi nous sommes rencontré dans le cadre du travail voilà quelques années et aujourd'hui on peut dire qu'on est amies ! Étrangement, cette journée morose prenait une tournure plus agréable et Sara se voyait heureuse de rencontrer quelqu'un à qui discuter, même brièvement.

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Tu hochais doucement la tête pour lui montrer que tu comprenais ce qu'elle disait, même si tu trouvais qu'il y avais un fort accent anglais et que tu avais un peu de mal, mais tu devais aussi avoir un fort accent turque, qui devait sonner étranger pour eux. Tu étais dans la même position au fond, il fallait juste passer outre. « Mais ça serait triste de la faire seule, non ? » La tournée des bars hein ? Tu n'avais pas encore mis le pied dans un tel endroit, pas seule en tout cas. Amusée par l'idée que ça pouvait faire, mais pas seule. Tu notais chaque endroit qu'elle te désignait sur la carte en y mettant un petit point. Tu n'aurais pas retenu les noms, mais au moins, tu avais des coordonnées, il ne te restait plus qu'à comprendre quelles rues prendre pour t'y rendre, et te repérer dans la ville, mais pour ça, tu avais encore un peu de temps devant toi. « Merci beaucoup, vous m'êtes d'une si grande aide » Tu lui offris un charmant sourire, et des yeux doux, te posant à côté d'elle. Tu avais à peine marcher mais toute cette recherche te décourageait pas mal. C'était du boulot d'en trouver un. Peut-être même plus encore que certains. Tu ne pu t'empêcher d'être amusé à sa réaction, surprise que tu sois en ville et que personne ne lui ait dit. Tu te doutais bien qu'Anna n'avait pas parlé de toi à beaucoup de monde, après tout, tu faisais partie de son passé, qui avait surgit pour l'obliger à rentrer et qui allait devenir son présent. Elle n'avait pas forcément envie d'expliquer sa condition aux autres, pour eux ça semblait si simple alors que pour vous, c'était un autre monde. Une autre histoire. « Je crois que c'est assez compliqué, quand je suis venue pour la première fois, c'était pour la ramener à la maison, et aujourd'hui, c'est moi qui la rejoint. » Elle se présenta rapidement à toi, et tu lui tendis la main, tu avais vu faire des gens, et tu voulais avoir la bonne attitude. Même si tu ne savais pas vraiment comment te comporter dans une société si différente que la tienne. « Et moi c'est Ayda, je ne m'étais même pas présentée.. Je suis ravie de rencontrer une des amies de ma sœur ! »

Sara rit doucement à la réaction de la blonde, en effet, une tournée des bars en solitaire ça avait quelque chose de sordide et de bien triste, quelques personnes le faisaient, celles qui tombaient bas et qui n'avaient que l'alcool à quoi se rattacher, mais elle n'allait pas lui dire ça, au départ c'était une boutade, l'idée n'était pas de plomber l'ambiance ! Elle aurait pu lui proposer de l'aider, de l'accompagner dans sa recherche, mais elles ne se connaissaient pas et Sara savait qu'entreprendre une recherche d'emploi, si c'en était bien une, c'était fastidieux et l'autre devait se débrouiller par elle-même, c'est un peu ce qu'elle faisait en ce moment elle aussi d'ailleurs, ou du moins ce qu'elle allait surement entreprendre de faire... lorsqu'elle ne trouverait la force. Elle lui sourit à son tour, heureuse d'avoir pu être utile au moins une fois. C'est avec plaisir, vous verrez, on se repère facilement dans Bowen. Après tout c'était une petite ville.
Alors qu'elles auraient peut-être dû se quitter ici, l'autre fini par se présenter comme la soeur d'Anna et notre Sara, surprise mais enchantée de la rencontrer, se dérida d'avantage et en devint presque d'humeur bavarde. Elle connaissait Anna, son caractère, sa gentillesse, en vrai elle connaissait la Anna australienne, mais très peu son passé, les raisons qui l'avaient poussé à s'éloigner de ses proches étaient floues pour Sara et elle respectait cela, jamais elle ne l'avait poussé à lui en dire plus, elle estimait que ça viendrait naturellement, ou pas, peu importe. Mais elle se doutait que les raisons étaient douloureuses, tout comme l'éloignement d'avec sa cadette et même si ce que la blonde lui disait faisait froid dans le dos, la ramener à la maison, Sara imaginait qu'elles devaient être heureuses de se retrouver aujourd'hui, du moins elle l'espérait, elle qui avait une petite sœur dont elle avait été séparée durant un an, et pour qui ça avait été un crève-cœur, elle ne pouvait que compatir. Mais elle savait aussi que la culture et les traditions Turques étaient bien différentes des notre, occidentales, ainsi elle comprenait que ça devait être difficile. Je vois, enfin... je crois. Dit-elle en fronçant doucement les sourcils, en vrai elle était un peu perdue et surtout elle ne voulait pas se montrer intrusive dans leur vie à poser trop de questions. Elle serra cette main tendue avec un mince sourire aux lèvres, comprenant que ça ne devait pas être une habitude pour la blonde, Ayda, donc, de faire ce genre de choses. Tu dois être totalement perdue ici alors. Tu es arrivée il y a longtemps ? Le tutoiement était de rigueur pour Sara qui se montrait franchement plus amicale envers Ayda, une barrière était tombé pour elle, même si son interlocutrice se montrait encore sur la réserve.

Tu lui offris un léger sourire pour la remercier, si tu avais eu le courage, tu lui aurais bien proposé un café pour la remercier, ou un truc dans le genre, mais tu ne connaissais pas le coin, et tu ne te sentais pas encore assez à l'aise pour proposer une telle chose. Mais l'idée t'était venue en tête, c'était un peu un progrès pour toi. Puis c'était une femme, ça semblait moins compliqué d'entrer en contact et de lui parler que si ça avait été un homme. Tu n'aurais pas pu, tu n'aurais pas pris la peine de le déranger, de lui demander. Ça aurait été de trop pour toi. « Si vous le dites, je vous fait confiance. » Il te fallait juste le temps de te faire des repères, de trouver tes marques. Ça pourrait prendre du temps, comme ça pourrait se faire un peu plus vite. Mais en tout cas, ce n'était pas en restant enfermé que tu allais pouvoir les trouver. Tu devais sortir de ton cocon, essayer des choses, en oser d'autres. Pourtant, tout ça t'effrayait un tantinet. Et si tu te perdais et qu'il n'y avait personne pour t'aider ? Tu n'allais pas passer la nuit dehors ? Tu imaginais toujours le pire de chaque situation, comme si tu attendais que ça t'arrive. Comme ça tu pourrais te dire que tu le savais, que ça allait arriver et qu'une fois fait, ça ne pourrait pas être pire. Mais il y avait toujours pire. Tu pouvais être perdue dans un coin sombre dans la ville, et te faire agresser. C'était pire non ? Tu étais incapable de penser que tu pourrais t'en sortir, que tu pourrais retrouver ton chemin, que personne ne t'attaquerait. Mais que voulais-tu ? Tu étais de nature pessimiste depuis quelques temps déjà.  « Quelques jours seulement, mais ça me semble toujours aussi différent. Vous pensez qu'on s'y fait à la longue ? Ou tout sera toujours différent ? » C'était plus une question pour toi que pour elle. Tu ne connaissais rien d'elle, mais si elle connaissait Anna, ça devait faire un moment qu'elle vivait ici, peut-être même qu'elle était née ici et qu'elle ne pouvait connaître ce sentiment étrange qui t'habitait.

Sara imaginait à quel point ça devait être difficile pour une étrangère de faire confiance à une parfaite inconnue. En vérité elle avait connu ça, dans des circonstances différentes, surement pires finalement, puisqu'elle s'était retrouvée seule au monde sur un lit d'hôpital à Jakarta, obligée de confier sa vie à des médecins étrangers alors qu'elle avait perdu la mémoire. Et même lorsque celle-ci revenait, petit à petit, c'était d'autant plus perturbant. Mais trouver des personnes gentilles et douces, ça aidait beaucoup. Finalement elle se prit à penser qu'elle aurait surement beaucoup en commun avec cette femme qu'elle venait de rencontrer. Surtout lorsqu'elle apprit qu'elle était la sœur d'Anna.
Sa question la chamboula, elle semblait si perdue, criante de sincérité, bouleversante dans sa confusion. Sara eut envie de l'aider, de dire quelque chose qui puisse la rassurer, lui donner confiance. Mais elle était totalement perdue dans sa propre vie, dans son propre corps, dans sa propre ville. Ayda semblait avoir besoin d'un soutient et notre brune n'était surement pas la bonne personne en ce moment pour l'aider. Elle soupira doucement alors que l'autre la regardait avec des yeux ronds. On s'y fait, on se fait à tout... certains trouvent des repères, certains y arrivent très bien et font d'une nouvelle ville un nouveau foyer, un nid douillet. Et puis d'autres n'y arrivent jamais vraiment. Je n'ai pas de réponse. Moi même je me sens perdue dans cette ville qui m'a vu grandir. Tout dépend de l'état d'esprit je pense. Elle haussa les épaules en grimaçant, gênée d'être à nouveau si inutile. Il faut que tu me tutoie, j'ai l'impression d'être très vieille d'un coup ! Un mince sourire se dessina sur ses lèvres. Elle ne devait pas se laisser abattre, elle ne voulait pas donner une mauvaise image de l'Australie à cette nouvelle arrivante. On va commencer par te trouver un job. Suis-moi ! Qu'est ce que tu sais faire concrètement ? Et Sara l'optimiste reprenait le dessus, prête à aider cette nouvelle tête, elle allait l'accompagner, à moins qu'Ayda s'y refuse.

Tu l'écoutais te dire qu'elle aussi se sentait parfois perdue dans cette ville. Tu te demandais si c'était dans cette ville ou dans sa vie, mais tu n'oserais pas aborder le sujet, trouvant ça trop personnel. Tu ne voulais pas te mêler de ce qui ne te regardait pas. « Comment peut-on se sentir perdu dans la ville qui nous a vu grandir ? » La question te trottait dans la tête. En même temps, si aujourd'hui, tu devais retourner vivre en Turquie, tu n'étais pas sûre d'apprécier la vie que tu y avais. La manière dont sont traités les femmes, les règles auxquelles tu devais te plier sans jamais broncher. Non, tu ne pourrais pas accepter de continuer à vivre ainsi, pas après avoir goûté à la liberté. Ce serait trop dur. Trop insupportable à gérer, par chance, tu ne risquais rien. Tu étais intouchable, sauf si ton mari vient te chercher. Enfin, ton fiancé plutôt parce que ce mariage tu ne comptais pas l'officialiser. « Désolée, je vais essayer. » Tu avais un peu baissé les yeux, ne sachant pas trop où te mettre. « Je crois que c'est assez cliché, mais je sais faire le ménage et la cuisine, je suis pas aussi bonne que ma mère, mais je me débrouille assez bien ! » Tu t'étais levée pour la suivre, sans trop savoir où vous rendre. C'est sûr qu'avec ça, tu n'étais pas bien servi, mais tu savais ce qui se disait. Dans les pays occidentaux, c'étaient les femmes de ton acabit qui s'occupaient de faire les tâches comme le nettoyage. Tout ce qui t'importait c'était de trouver un boulot, tu étais motivée et tu prendrais bien le premier truc qui passe. Puis tu irais peut-être à l'université pour étudier, pour obtenir un diplôme, et après tu verrais bien. Tu avais encore du temps devant toi.

La question d'Ayda resta en suspens un instant alors que Sara y réfléchissait. Elle finit par lui sourire doucement, c'est vrai que ça ne devait avoir aucun sens pour la blonde. Mais pour Sara qui avait vécu l'impensable, c'était on ne peu plus clair, revenir ici, après des mois d'absence, alors qu'on l'avait presque littéralement enterrée, voir les regards surpris ou curieux, voir interrogateurs se poser sur elle sans, les gens qui la questionnaient sans détour, c'était perturbant. Et puis en revenant elle avait perdu son mari, sa maison, elle était retourné dormir dans sa chambre de petite fille, il y avait de quoi se sentir mal. Quand on est un peu perdu soi-même. Mais je t'embête avec ça, c'est toi qui es perdue, pour de vrai ! Et déjà elle reportait son attention sur la carte qu'Ayda tenait encore et lui proposa de commencer à lui trouer un travail. Parce que finalement c'était la raison pour laquelle la jeune femme s'était arrêté sur Sara, pour qu'elle l'aide à trouver son chemin dans cette ville étrangère. Sa réponse fit sourire Sara encore un peu plus. Alors tu es débrouillarde, c'est déjà ça. Et belle comme tu es en plus, on te trouvera un emploi de serveuse dans un endroit à la mode en moins de deux, tu verras du monde, ça va t'aider ! Si elle n'avait pas grands espoirs pour elle-même, Sara n'en manquait pas pour les autres, cette qualité là elle ne l'avait pas perdue. Tu comptes t'installer ici pour un moment ? Tu vis chez Anna pour l'instant ? Elle songeait qu'elle devrait prendre des nouvelles de son amie qu'elle n'avait pas vu depuis un moment. C'était plus simple de se couper des autres pour se morfondre seule, mais dans le fond ça lui manquait de voir ceux à qui elle tenait.

Tu la regardais changer de sujet rapidement, comme si finalement cela semblait difficile pour elle de te parler. Pourtant, en un sens ça devrait être plus facile, tu étais une inconnue pour elle, et tu ne connaissais rien de son passé, ni même de son présent. Tu lui offris un grand sourire en lui disant doucement. « Non, tu ne m'embêtes pas, je trouve ça important, mais je ne vais pas t'obliger à en parler, si tu en as pas envie. » Tu avançais doucement à ses côtés, en regardant une nouvelle fois la carte que tu tenais dans tes mains. Tu avais les joues qui s'étaient empourprées en l'écoutant te dire que tu étais jolie et que tu devrais trouver un boulot de serveur. Pour toi, tu ne voyais pas les choses ainsi mais tu pouvais toujours y croire. L'espoir ne te tuerait pas. Mais tu n'osais pas la remercier pour tous les compliments qu'elle venait de te faire, c'était encore un peu trop pour toi, et bien que c'était gentil, ça te mettait assez mal à l'aise. « Si je m'y plais, pourquoi pas ! » Tu ne savais pas encore comment les choses allaient tourner ici, tu espérais que tout se passerait pour le mieux, tu n'aimais pas l'idée de penser que tu pourrais à nouveau te retrouver séparer de ta soeur, mais si tu ne t'y sentais pas à ta place, tu n'allais pas t'obliger à rester. Pour le moment, tu ne préférais pas y penser. « Et pour le moment, je vis au motel, Anna sa vie, sa routine et je ne veux pas m'imposer dans sa vie. » Tu savais bien qu'elle avait sa vie dans son coin, et tu n'allais pas t'immiscer, tu ne voulais pas prendre une place, et risquer d'être gênante. Tu avais tout le temps de la voir, tout le temps de profiter d'elle, et puis tu t'étais dit que si tu devais indépendante, tu pourrais peut-être te sentir plus intégrée.

Il émanait d'Ayda une douceur telle que Sara se serait bien ouvert d'avantage à elle, peut-être un jour, si elles étaient amenées à se revoir, à se connaitre d'avantage voir à devenir amies, oui, peut-être qu'à ce moment là elle lui parlerait plus facilement. Mais aujourd'hui elles se rencontraient à peine et Sara était réservée, elle avait déjà offert sa confiance à des personnes qui l'avaient déçues ou simplement laissé de côté, parce qu'elle était trop naïve, aujourd'hui elle avait mûri et certaines blessures lui avaient apprit qu'on ne doit pas trop donner de soi. Elle sourit doucement à la blonde. Il nous faudrait quelques heures pour s'étendre sur le sujet et le temps tourne trop vite, tu as bien d'autres choses à faire que d'écouter la complainte d'une pleurnicharde je t'assure ! Pourtant si elle ne donnait pas trop d'elle-même, si elle s'ouvrait peu, Sara n'en restait pas moins avenante et elle était prête à tout pour aider les autres alors c'était avec plaisir qu'elle encourageait la nouvelle et qu'elle allait l'accompagner. Alors on sera peut-être amenées à se revoir ! Elle se réjouissait de l'idée, après tout, Ayda aurait surement besoin de quelques connaissances autres que sa sœur. Le motel, ça n'est pas ce qu'il y a de mieux... raison de plus pour te trouver un job, une fois que tu auras un salaire tu pourras te trouver un toit pour un loyer convenable. Quelques pas de plus et elles arrivèrent devant un premier bar qui faisait glacier. Sara se stoppa. C'est à toi de jouer, courage ! Elle lui offrit un nouveau sourire des plus encourageants.

Elle semblait enclin à ne pas te parler d'elle. Et ça ne te dérangeais pas dans le fond, tu l'avais encouragée un peu à se libérer d'un poids mais elle ne voulait pas. Tu n'allais pas insister, ça ne se faisait pas en soi. Tu devais être un peu plus respectueuse. Alors tu répondis dans un élan de spontanéité. « Très bien, alors un jour, quand je serais plus à l'aise, je t'inviterais à manger un morceau et tu auras le temps de m'en dire plus. » Tu avais souris. Tu te trouvais même très drôle. Tu n'aurais jamais l'audace de l'inviter et encore moins de la forcer à te parler d'elle. Ce n'était pas du tout envisageable et tu ne savais pas comment tu avais pu sortir de tels propos. Tu te sentais limite gênée. Pourtant, ton sourire, lui semblait resté accroché à ton visage. Comme si tu étais heureuse. Tu avais l'impression de pouvoir enfin vivre librement, sans aucune pression. « Pour le moment c'est un début, c'est sûr, je me vois bien avoir un appartement pour moi. » Tu avançais doucement, la suivant bien comme il faut. Tu ne voulais pas risquer de la perdre, quitte à accélérer le pas, parce qu'elle avait une meilleure dynamique que toi. Bien qu'à se rythme là, tu allais vite être essoufflée. « Alors, par quoi commençons-nous ? » Tu repris avec un léger sourire. Si tu avais été moins inconnue pour elle, ça aurait été le moment parfait pour lui attraper le bras et l'emmener avec toi en faisant des messes basses et en rigolant doucement. Mais tu n'étais pas assez familière pour avoir ce genre de geste avec ta soeur, alors avec une connaissance à peine, même pas en rêve.

Sara sourit à la réponse de la blonde, Ayda envisageait l'idée de l'inviter à discuter autour d'un repas, les deux jeunes femmes ne semblaient pas des plus à l'aise avec les confessions et les nouvelles rencontres et alors que Sara faisait un pas en arrière, se cachant derrière des excuses peu convaincantes pour ne pas parler d'elle, Ayda, elle, faisait un pas vers elle. Ce n'étaient peut-être que des paroles en l'air, peut-être ne se reverraient-elles jamais, mais dans le fond ça n'était pas bien grave, elles partageaient un moment aujourd'hui, c'était déjà ça. On fera comme ça, oui, ça sera avec plaisir ! L'idée qu'Ayda vive au motel dérangeaient Sara, c'était tellement impersonnel et en même temps, lorsqu'on arrive dans une nouvelle ville c'est peut-être un passage obligé, au moins pour commencer. Ca viendra vite, je n'en doute pas. Ca ne coûtait rien d'encourager l'étrangère à se sentir à l'aise dans cette nouvelle vie. Sara ne se rendait pas compte qu'elle marchait vite, peut-être était-elle trop enthousiaste pour que la blonde la suive, celle-ci semblait nettement plus angoissée et elle demanda à Sara par quoi commencer. Sa question la laissa perplexe, c'était vraiment la première fois qu'elle allait chercher du travail ? Elle ne semblait pas prête du tout. Tu n'a jamais fait ça avant, c'est ça ? Elle fit une petite moue avant de lui sourire. Bon, voilà comment ça va se passer. Tu entres dans la boutique, avec le sourire, c'est la première impression qui sera la plus forte. Tu te présente, tu parle doucement, sans stresser, tout ira bien, ton prénom, ton nom, et puis tu explique que tu arrives ici et que tu cherches du travail, tout simplement. Pas besoin de grand discours. Si c'est positif, tu proposes ton CV, sinon, tu remercie la personnes et tu t'en vas. Sara n'avait jamais vraiment cherché de travail, du moins pas dans un commerce, mais elle imaginait que c'était la meilleure façon de faire, être polie, souriante, concise, ça ne devait pas être bien méchant. Maintenant vas-y ! Elle croisa les doigts pour Ayda.

Peut-être oui. Tu ne savais pas. Tu espérais la revoir, lui permettre de profiter d'un repas que tu lui offrirais, lorsque tu aurais trouvé un boulot, que tu te sentirais plus à l'aise. Parce qu'elle ferait partie de ceux grâce à qui elle a réussi. De ceux qui ont été gentils et accueillants avec elle. Bienveillant même. Elle était vraiment pas obligée de faire tout ce qu'elle faisait pour toi. Comme t'expliquer comment faire. Elle avait eu l'air d'hésiter un instant, mais en écoutant tous ses mots, tu avais compris ce qu'il te restait à faire. « Très bien. » Tu pris une grande inspiration pour te donner un peu de courage, pour t'aider à te lancer. Tu lui affichais un sourire avant de disparaître dans la boutique. Tu y restais cinq ou six minutes. Tu n'avais pas eu le sentiment d'être aussi longue. En ressortant, tu attendis d'être complément à l'extérieur pour laisser ta joie exploser. « J'y ai laissé un CV ! » avais-tu dis doucement. Tu ne serais peut-être pas rappelé, mais au moins tu avais fait la première étape. Il ne te restait qu'à répéter ça un nombre incalculable de fois et tu finirais pas trouver un petit truc. Tu la regardais, tu hésitais presque à la prendre dans tes bras, mais tu préférais les croiser contre ta poitrine, tu n'étais pas à l'aise avec les câlins. « Merci Sara, merci du fond du cœur ! » Tu t'étais sentie obligée de lui faire une petite révérence stupide. Mais c'était comme ça que ça fonctionnait. Par une révérence. Maintenant que tu étais lancée sur ta piste, tu ne voulais pas la déranger plus longtemps, elle avait sûrement mieux à faire que te suivre dans chacune des boutiques qu'elle avait entourée sur ta carte.