Gone girl (Tamsin)

Commissariat de Bowen. Le début de soirée était calme. Bien trop calme. Tahlia était avachie sur son siège, les mains croisées et les yeux rivés sur le plafond. Qu'attendait-elle ? Un miracle, sûrement. Quand soudain, un collègue interpella son coéquipier. "Bouge-toi mec, y a des gamins qui ont vandalisé le Rosa Parks Theatre. La propriétaire est au courant et elle devrait arriver au plus vite." Tahlia sauta de son siège et courut à hauteur des deux jeunes hommes : "Je viens avec vous !" Les deux garçons savaient pertinemment qu'elle n'avait pas le droit de se rendre sur le terrain - hors cas d'extrême urgence - mais le regard suppliant de la cette dernière les firent accepter, en soupirant. De toute façon, avec Tahlia, ils n'avaient pas le choix. Elle était bien connue pour être têtue comme une mule. Elle grimpa à l'arrière de la voiture, son regard observant le paysage défilant. Il leur fallut moins de cinq minutes pour se rendre sur place. Un jeune couple était présent, témoins de la scène. Les fautifs, quant à eux, s'étaient déjà faits la malle. Alors que ses collègues établirent un premier contact avec les témoins, Tahlia observa les quelques dégâts. Une vitre brisée par une grosse pierre et quelques tags exprimant tout "l'amour" des jeunes envers la police. La jeune femme leva les yeux au ciel, lâchant : "Il faudrait qu'ils innovent un peu, ces petits !" Elle reçut, comme simple réponse, un coup de coude de son collègue qui arracha un regard faussement innocent de la part de la jeune femme. Trêve de plaisanteries ! La propriétaire du théâtre arrivait sur les lieux, très vite prise en charge par l'un de ses collègues. Tahlia, quant à elle, était en train de fouiller dans la boîte à gants, afin de récupérer quelques papiers. Une fois cela fait, elle rejoignit son groupe, son attention détournée par le dossier qu'elle avait en main. Quand elle releva enfin la tête et qu'elle croisa le regard de la propriétaire, la jeune policière se figea, surprise. C'était Tamsin. Cette amie qui était partie, sans laisser le moindre mot. Et accessoirement l'ex de Jackson. Tahlia l'observa le visage neutre, alors que son collègue prit le dossier qu'elle avait en main afin de prendre en compte les témoignages du couple. La jeune femme, quant à elle, décida de montrer l'étendue des dégâts à la propriétaire. Elle commença alors, sur un ton qu'elle tentait de garder professionnel, même si l'on entendait une certaine froideur. Tahlia ne savait pas faire semblant. D'un signe de la main, elle lui montra : "Ce n'est qu'un léger vandalisme : une vitre brisée et quelques graffitis. Nous n'avons constaté aucune trace d'effraction. Cette bande n'était là que pour casser. C'est leur façon de s'amuser. Votre assurance devrait prendre en charge les quelques réparations. Il faudra juste passer au commissariat pour déposer votre plainte."
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Tamsin & Tahlia

Tamsin s'empara de ses clefs de voiture avant de claquer la porte de sa chambre derrière elle. Revenue depuis peu, elle n'avait pas encore pris le temps de se chercher sa propre maison et vivait encore chez ses parents, pour le plus grand plaisir de ces derniers, ravis du retour de la fille prodigue. Molly, sa mère, passa sa tête dans l'encadrement du salon, ouvrant de grands yeux alors que les pas précipités de la jeune femme la précipitaient vers l'entrée. " Tamy ! Chérie ! Que se passe-t-il ? " Surprise, la blonde se stoppa dans son élan, ses mains fébriles cherchant la poignée à tâtons comme elle croisait le regard inquiet de Molly. " Il y a un problème au théâtre. La police m'a appelé. Je dois y aller. " Abandonnant le torchon qu'elle tenait, sa mère fit mine de la rejoindre. " Seigneur ! Je t'accompagne ! " Tamsin secoua nerveusement la tête. Ses traits étaient crispés et il y avait fort à parier qu'elle serait à peine capable de conduire, pour autant, elle n'avait aucune envie d'être secondée par Molly. Autant qu'elle adorait sa mère, elle savait qu'elle ne pourrait s'empêcher de déblatérer durant tout le chemin dans l'espoir de lui changer les idées et elle se sentait incapable de supporter sa logorrhée. " Non, maman, ça va aller. Jenny doit arriver, inutile de la stresser dans son état. " Elle appuya ses affirmations d'un léger sourire. Sa soeur était enceinte de trois mois seulement, une nouvelle qui avait enchanté toute la famille, Tamsin la première. Et comme celle-ci devait venir dîner avec son petit ami, elle préférait que leur mère soit là pour les accueillir. Elle planta un baiser sur la joue de Molly. " Je te tiens au courant, ne t'en fais pas. " Sur ces mots, elle fila à toute allure vers sa voiture.

Le trajet lui parut d'une longueur irréelle, voire cruelle. Alors qu'elle ne vivait qu'à une dizaine de minutes de là, cela lui sembla durer une éternité. Ses doigts tripotaient nerveusement le volant auquel ils étaient accrochés, hésitant entre le serrer à s'en blanchir les phalanges et à le tapoter pour palier à sa nervosité. Arrivée sur les lieux, son coeur fit un bond à la vision des voitures de police garées devant le Rosa Parks. L'agent de police au téléphone avait eu beau s'être montré rassurant, il était tout de même impressionnant de se retrouver face à une telle scène. Descendant de son siège, elle alla à la rencontre du premier uniforme qu'elle croisa. " Je suis Tamsin Blackwell, la propriétaire. " souffla-t-elle tandis qu'elle constatait les dégâts. Des graffitis puériles, une vitre brisée ... Une vague de nausée menaça de la submerger. Ce n'était pas grave, ni méchant au fond. Simplement, quand on savait le temps qu'elle passait en ces lieux, à les remettre en état, à les nourrir de présence humaine après des années d'abandon, cet acte la rendait malade.

On lui posa quelques questions de routine : savez-vous qui aurait pu faire cela ? Avez-vous remarqué des allers et venues étranges ces jours-ci ? Contrarié quelqu'un qui aurait pu vouloir se venger ? A chaque interrogation, elle secouait la tête, l'air perdu dans le vague, comme si son esprit n'était pas réellement là. Les stigmates du vandalisme l'hypnotisaient, en profitaient pour la ramener à de sombres pensées. Une voix de femme avait remplacé celle du policier. Plus que la fraicheur de son ton, ce furent les accents de ce dernier qui lui firent tourner la tête vers sa nouvelle interlocutrice. Passée l'hébétude, comme elle reconnaissait son vis-à-vis, elle se passa une main encore plus nerveuse dans les cheveux. " Oui, une plainte, bien sûr ... L'assurance aussi ... " En avait-elle seulement pris une ? Sans la présence de Tahlia, peut-être aurait-elle pu trouver une réponse. Cependant, ses pensées étaient complètement obnubilée par ces retrouvailles inattendues. " Merci Tahli, merci d'être venue. J'aurais dû t'appeler, je suis désolée ... " Elle mélangeait tout, mangeait même quelques syllabes tellement elle parlait vite. Le double choc la rendait stupide, émotive et la faisait aborder un sujet de front dans un moment plutôt inopportun.
 

Quand une soirée débutait mal, c'était bien parti pour qu'elle soit pourrie jusqu'au bout. Tahlia devrait le comprendre, à force. Elle qui était sortie du commissariat -alors qu'elle n'en avait officiellement pas le droit - se trouvait désormais face à l'un des fantômes du passé. Tamsin Blackwell, qui était donc la nouvelle propriétaire de ce petit théâtre. Depuis quand était-elle revenue ? Mais la question qui lui brûlait surtout les lèvres était : pourquoi un tel retour ? Contrairement à ses apparences, Tahlia était une femme qui s'intéressait à la culture. Elle avait pris connaissance de la notoriété de Tamsin à New York. Elle avait sa place là-bas. Pourquoi était-elle donc revenue dans ce petit patelin qu'était Bowen ?! Seulement, la jeune policière était bien trop fière pour poser ses questions. Ce serait faire le premier pas vers elle, ce qu'elle ne voulait absolument pas. Au-delà de la relation qu'avait eu Tamsin avec Jackson, au-delà de l'amitié entre Tahlia et Jax, Tamsin et la jeune Wates étaient avant tout amies. Ou plutôt : elles l'avaient été. Tahlia n'acceptait pas le fait qu'elle soit partie comme une voleuse, sans un mot. Elle s'était sentie abandonnée et n'ayant jamais eu d'explications, la rancœur n'avait jamais vraiment pu disparaître.

Tamsin semblait tout aussi surprise de la présence de Tahlia. Il était vrai qu'elle était partie avant même que la jeune femme n'obtienne un boulot de flic. Cela faisait combien d'années maintenant ? 4 ans ? 5 ans ? Elles avaient changé et étaient devenues des adultes, mais cela n'allait pas arranger la situation. La blonde semblait nerveuse et Tahlia jubilait. Elle n'était pas méchante à l'origine, mais quand elle avait quelqu'un dans le collimateur, elle se réjouissait de tous les malaises qu'une telle situation pouvait engendrer. Au fond, la jeune Wates était aussi nerveuse, même si son visage ne laissait rien transparaître. Elle restait pro... pour l'instant du moins. Alors qu'elle lui annonça ce qu'elle avait à faire, Tamsin semblait déroutée, tel un oisillon tombé de son nid. Ce n'était certes qu'un peu de vandalisme, mais Tahlia pouvait parfaitement comprendre que cela fasse un choc. Ces gamins s'attaquaient à un lieu où des personnes mettaient leurs efforts en commun pour le faire revivre. C'était un bout de leurs âmes qui était aujourd'hui affecté. Tahlia tenta néanmoins de la rassurer : "Dites-vous que ce n'est pas si grave qu'il n'y paraît. Cela devrait être vite réglé." Cela lui coûtait de rester près de Tamsin, à continuer de faire comme si de rien n'était. Tahlia avait envie de laisser sa place à l'un de ses collègues, mais elle ne le ferait pas. Peut-être pour voir où cette conversation pouvait mener. Curiosité maladive, quand tu nous tiens ! Au fond, elle avait bien fait puisque les prochaines paroles de Tamsin mettaient le fameux sujet sur la table. Tahlia était surprise, elle ne pensait vraiment pas qu'elle allait aborder un tel sujet, à cet instant. La jeune policière se renfrogna, arquant un sourcil qui montrait très bien qu'elle n'était pas convaincue : "Tu aurais dû appeler ? Vraiment ? Au bout de cinq ans, c'est quand même bien de s'en rendre compte, hein. Alors, pas la peine de sortir les jolis mots et les regrets qui vont bien avec, ça t'épargnera du temps et de la salive. Je n'en ai désormais plus rien à faire de tout ça." Tout montrait, en réalité, que cela la touchait encore. Bien plus qu'elle ne le croyait. Tahlia garda ses yeux verts posés sur Tamsin, dans un regard insistant, presque embarrassant. Le malaise, entre elles, était en train de s'amplifier et cela n'était pas prêt de s'arranger, au vue de la question qu'allait poser la jeune Wates : "Il sait que tu es de retour à Bowen ou pas encore ?" Il... Tahlia n'avait pas besoin de le nommer. Toutes deux savaient très bien de qui il était question. Jackson, bien évidemment.
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Tamsin & Tahlia

Tahlia et elle avaient été de si bonnes amies ... Avant. Avant que Tamsin ne décide de filer sans se retourner, de prendre le premier avion, aller simple pour New York. Si sa famille, avec qui elle avait continué à entretenir des relations, avait fini par lui pardonner cet emportement, les choses étaient bien différentes avec les autres. Il fallait avouer qu'elle n'avait pas pris autant de peine avec ceux qu'elle disait considérer comme ses amis. En quittant Bowen, elle n'avait pas seulement fait le choix d'aborder le navire d'un nouveau départ, elle avait aussi coulé par le fond tout ce qui ... Même en pensées, elle peinait à reconnaître qu'elle avait tout simplement abandonné tout ce qui la reliait à lui. La jeune femme ne connaissait pas la demi-mesure, ou alors trop mal, à cette époque. Elle tentait toujours de se pardonner elle-même, alors comment aurait-elle pu reprocher à Tahlia sa réplique revêche ? L'une comme l'autre semblait prise par défaut par cette rencontre inattendue. Et aussi proches qu'elles aient pu être à une époque, elles ne possédaient pas le même caractère. Là où Tamsin faisait le dos rond, observant le bout de ses chaussures, entre pénitence et malaise, la policière prenait le problème à bras le corps et le repoussait un peu plus loin.

Néanmoins, Tam savait que la colère trahissait toujours un intérêt quelconque, une blessure encore à vif. Le contraire de l'affection n'était pas la rage, mais l'indifférence. Elle ne pouvait pas dire l'avoir appris à ses dépends, puisque seuls les personnages qu'elle avait pu incarner avaient vécu les troubles qu'elle avait parfois fait subir aux autres. Non, Tam ne connaissait pas la haine. La hargne, oui. De vaincre. De réussir. Et parce qu'elle avait été modelée par et dans la passion de tout ce qu'elle entreprenait, elle comprenait Tahlia. Oubliant l'objet de sa présence sur le perron de son théâtre malmené, elle évita sciemment le regard de son interlocutrice. Elle n'avait pas le coeur à une confrontation, avec son estomac qui continuait de faire des bonds en tout sens et toute cette peine qui s'abattait sur ses épaules. La mélancolie menaçait de la submerger. Plus encore lorsque Tahlia lui posa la question qu'elle redoutait. Tout comme celle-ci n'avait pas dû s'attendre à son aveu frontal, la blonde n'avait pas davantage anticipé l'attaque. Elle déglutit avec peine, ramenant ses prunelles vers la policière. La simple évocation de Jackson, alors même que son prénom n'avait pas été donné, suffisait à attiser les braises de ses azurs. Lui seul avait le pouvoir de ramener la tempête qu'elle dissimulait au quotidien et ne révélait qu'une fois sur scène.

" Je ne sais pas, Tahli. " répliqua-t-elle après un bref silence pesant. " Je ne suis pas revenue pour ça. Je ... " Elle s'interrompit. Le ton de sa voix n'était ni sec, ni impatient. Il démontrait juste une intense lassitude, à l'image de ses épaules affaissées. " Aucune importance. Tu veux bien ... Prendre ma déposition ? " Le paysage des dégradations lui revenaient de plein fouet et ses lèvres se tordirent légèrement. Un poignard lacérait ses entrailles. Comment avaient-ils pu ? Pourquoi ? Un tourbillon d'émotions délétères envahissait son esprit, aussi, dans ce qu'elle considérait comme une catastrophe, se raccrochait-elle au seul repère qu'il lui restait en cet instant. Tahlia. Laquelle, pauvre petite, ne devait pas en demander tant.
 

Tahlia avait l'impression de revenir quelques années en arrière, quand elle avait compris que Tamsin s'était faite la malle sans le moindre au revoir. La colère qu'elle ressentait ce soir était de la même intensité, même après tant d'années. Tahlia n'avait jamais eu d'explications, elle qui, pourtant, pensait être une bonne amie pour la blonde. Pour autant, la jeune policière n'était pas bête. Elle savait très bien que Tamsin avait coupé tout contact avec elle parce qu'elle était une proche amie de Jackson. Au fond, elle avait bien fait. Tahlia n'était pas du genre à prendre parti, mais il était certain que, dans une telle situation, Jackson passait avant tout. Cela avait toujours été comme ça et cela n'était pas prêt de changer.

Quoiqu'il en soit, ce soir, Tahlia était d'une humeur massacrante, encore plus depuis quelques minutes. Elle était à fleur de peau depuis quelques jours et cette rencontre n'avait décidément rien arranger. La jeune policière attendait le moment opportun pour attaquer, mais Tamsin avait toujours eu le don pour retourner la situation, pour couper l'herbe sous le pied. En dépit des paroles peu tendres de Tahlia, la jeune femme n'avait rien répondu. Fuite ou envie de ne pas attiser la colère de la brune ? La jeune Wates était incapable de répondre. Mais ce n'était pas cela qui allait l'arrêter, puisqu'elle savait très bien où il fallait appuyer pour faire mal. Il avait suffi d'une question, une simple question pour que Tamsin daigne enfin la regarder. Tahlia savait qu'elle avait touché un point sensible. Monsieur Jackson Monroe, le seul et l'unique. Pour autant, ce n'était pas de la méchanceté pure et dure. Non, derrière tout cela, il y avait une réelle envie de préserver celui qui était son meilleur ami. Tahlia n'avait pas envie de le ramasser à la petite cuillère, une nouvelle fois. Mais la réponse de Tamsin ne la convint pas et l'expression de Tahlia le montrait bien. Elle avait le sourcil arqué et les bras croisés contre sa poitrine, ce qui était mauvais signe chez elle : "Tu ne sais pas... vraiment ? Bon... Si tu le dis." Mais les nouvelles paroles de la blonde arrachèrent un rire sarcastique à la jeune femme. "Pourquoi es-tu revenue alors ? Tu avais le monde à tes pieds et tu reviens dans ce patelin perdu ?! Pour le coup, je ne comprends pas trop." Ou plutôt, elle ne voulait pas le comprendre. Tout le monde finissait par revenir à Bowen. C'était comme ça. Heureusement, Tamsin coupa court à la conversation en lui rappelant quand même la principale raison de sa venue. A savoir le vandalisme du théâtre. Tahlia avait presque oublié cela. La jeune policière jeta un regard à ses collègues, dans l'espoir qu'ils viennent à sa suite pour prendre la déposition, mais ils étaient tous les deux occupés. Mince. C'était elle qui allait devoir se la coltiner, cette déposition. Tahlia soupira fortement, sans s'en cacher, rétorquant : "Je suis là pour ça après tout." Elle prit son dossier. En temps normal, cela se faisait au commissariat, sur ordinateur, parce que cela était plus simple. Mais, à cet instant, Tahlia préférait s'embêter avec un papier et un stylo plutôt que revoir Tamsin au commissariat. Elles remplirent d'abord les formalités, à savoir l'état civil de la plaignante, la date et le lieu du vandalisme. Tahlia fit alors un état des lieux des dégâts constatés, avant de se retourner vers Tamsin : "Une vitre brisée et graffitis. Constates-tu d'autres dégâts ?" Le ton de Tahlia était professionnel, mais si on voyait clairement sur son visage que cela était un vrai fardeau pour elle.
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Tamsin & Tahlia

Si Tamsin était déterminée, alors Tahlia était résolue. Celle qu'elle avait considéré - et considérait toujours, même si elle n'avait pas fait grand-chose pour le laisser entendre ces cinq dernières années - comme une amie, ne lâchait jamais rien. Quand elle avait quelque chose en tête, il était très difficile de détourner son attention. Aussi la blonde ne s'étonna-t-elle guère de sa réplique acerbe concernant ... Le concernant. Non, la jeune femme ne savait pas. Elle avait suivi l'ascension fulgurante de son ancien amant, l'avait toujours gardé dans un recoin de son esprit malgré son mariage, avait peut-être, éventuellement, un peu, beaucoup ... Non, un peu, oui, peut-être, pensé à lui. Cependant, elle ne l'avait pas revu depuis son retour. Elle ignorait s'il la savait revenu à Bowen puisqu'elle n'avait pas cherché à rentrer en contact avec lui, tout comme la réciproque était valable. Lui avait du l'oublier depuis longtemps. A l'image de Tahlia. Ou de tous ceux qu'elle avait abandonné derrière elle. Comment leur en vouloir ?

A nouveau, elle ne répliqua pas ni ne releva la mauvaise humeur de la policière. Il fallait dire que son regard ne cessait de fixer les quatre pauvres graffitis et les débris de verre. On aurait dit que le ciel lui tombait sur la tête. Une artiste, une vraie, devait penser la brune, dont l'agacement augmentait à mesure qu'elles s'entretenaient. Elle ne pouvait pas comprendre ce que ces dégâts, aussi ridicules furent-ils, représentaient pour Tamsin. En réalité, ils n'étaient que l'allégorie de ses doutes, de cette petite voix qui lui susurrait vicieusement qu'elle s'était engagée dans une entreprise insensée et qu'elle y perdrait un paquet de plumes. D'ordinaire, elle la balayait d'un revers de la main nonchalant, l'esprit accaparé sur ce que cet endroit serait, ce qu'il deviendrait et non, juste, ce qu'il était. C'est-à-dire, en l'état actuel des choses, une ruine. Dont quelques morceaux étaient encore tombés ce soir.

Tahlia lui demanda si elle constatait d'autres dégradations. Son interlocutrice secoua la tête. Puis, la hocha. Indécise. Perdue. L'allégorie, une simple allégorie ... " Beaucoup plus que je ne le croyais, oui. " répondit-elle finalement, les épaules encore plus affaissées. Elle n'avait pas pris le temps d'attraper une veste en sortant de chez ses parents et l'air nocturne plus clément que celui de la journée la fit frissonner. Bien que ce ne fut pas la seule raison. " Je devais partir, Tahli. Tu sais pourquoi je l'ai fait. Mais je devais revenir aussi. Je n'attends pas que tu comprennes ce que, à cause de moi, tu n'as pas pu suivre et ce qui m'as conduit là. Ni à ce que tu me pardonnes, d'ailleurs. Je suis juste ... Étonnée de te voir si en colère, après tout ce temps. " Je ne pensais pas compter à ce point eut-elle l'audace de penser mais pas la témérité de formuler à haute voix. Pour Tamsin, c'était lui qui comptait avant tout. Elle se doutait que la jeune femme n'accueillerait pas particulièrement chaleureusement son départ ou son retour, néanmoins, elle n'avait pas envisagé qu'elle ait pu la blesser. Dans sa conception du monde qu'ils avaient construit autour d'eux, elle n'était qu'un pion agréable mais aisément remplaçable. Le genre de camarade de partie à qui l'on en voulait de vous lâcher en pleine manche mais une fois le jeu terminé et les gains empochés, on oubliait.
 

Tahlia regrettait sincèrement de s'être incrustée dans cette voiture avec ses collègues. C'était à croire qu'on la punissait encore plus pour ne pas avoir respecté sa sanction première. Car oui, la rencontre avec Tamsin était pire que de rester cloîtrée dans un bureau, à mettre à jour des données pendant des heures et des heures. En temps normal, la policière savait mettre ses soucis de côté. Elle ne mêlait pas sa vie personnelle avec sa vie professionnelle. Pour ce soir, c'était loupé. Elle n'arrivait pas à en faire la distinction. Elle était donc, à la fois, la flic blasée et la jeune femme désagréable. Parfait combo lorsqu'on la connaissait. Tahlia observait son ancienne amie du coin de l'oeil. Elle semblait réellement choquée face à ces quelques dégradations sans gravité. Enfin, sans gravité pour Tahlia. Elles n'avaient pas la même perception de la situation et forcément, cela bloquait. Aussi, quand elle lui demanda si elle constatait d'autres dégâts, la réponse de Tamsin lui fit hausser un sourcil. Ah ces artistes... Tahlia était trop terre-à-terre pour les comprendre. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle était un peu trop radicale avec Jackson, entre autres. "Beaucoup plus que tu ne le croyais ? Ok... Si tu pouvais être un peu plus claire et me dire ce que tu constates de plus, ça m'aiderait bien. Plus vite la déposition sera bouclée et plus vite la situation se réglera, Tamsin." Et plus vite Tahlia partira, surtout ! La situation était cocasse. On avait l'impression de retrouver deux étrangères, extrêmement différentes, qui essayaient de communiquer l'une avec l'autre. Ce qui n'était pas gagné.

Alors que Tahlia avait le regard rivé sur sa déposition, tentant de mener à bien cette entrevue dérangeante, Tamsin eut soudain l'envie de s'expliquer. Elle se foutait d'elle, n'est-ce pas ? Quand Tahlia cherchait les explications, Tamsin se renfermait. Maintenant que Tahlia était professionnelle, elle sortait les grandes explications. Ce qui agaça la policière. Et ses paroles n'arrangèrent pas le cas. Elle écouta avec attention ce que la blonde lui disait. Bien sûr que Tahlia savait pourquoi elle était partie. Parce que Jackson le méritait. Parce qu'il n'avait rien fait pour retenir sa belle. Parce qu'il avait laissé partir un amour sincère au profit de sa saleté de drogue. Pour ça, la jeune Wates comprenait Tamsin. Mais malgré tout cela, elle restait et resterait du côté de Jax. Ce fut toutefois sa dernière phrase qui arracha un rire sarcastique à Tahlia. "Je t'arrête de suite. Si je suis en colère, ce n'est pas parce que tu es partie sans un mot, sans la moindre explication. Bien sûr, je croyais être ton amie, alors oui, ça m'a fait mal sur le coup. Maintenant, je n'en ai plus rien à faire de toi. Ce que tu as vécu et les raisons qui t'ont poussé à revenir ne m'intéressent absolument plus. Je ne suis pas du genre à m'accrocher aux personnes. Surtout quand elles reviennent cinq ans après." La jeune femme haussa les épaules, se fichant royalement des paroles qu'elle avait à l'encontre de Tamsin. Elle n'était pas là pour la ménager. "Ce qui me fout en colère, en revanche, c'est que tu te pointes comme une fleur, et que Jax va finir par l'apprendre. C'est pour lui que je m'inquiète. Tu n'as pas été là ces dernières années. Tu n'as pas vu ce que l'on a traversé. Ce que j'ai traversé pour lui." Pour la première fois, Tahlia évoquait la difficulté de rester auprès de Jackson. C'était égoïste, elle le savait. Mais c'était elle qui l'avait ramassé à la petite cuillère. Plusieurs fois, elle avait eu envie de baisser les bras, d'abandonner, mais elle était toujours restée. Et cela avait fini par affecter la brunette. Intérieurement. Même si elle était une femme forte, elle restait humaine avant tout. Elle avait ses failles et ses faiblesses, bien qu'elle gardait toujours le sourire quand Jax était là. "Il est en train de s'en sortir, tu sais. Ce n'est pas gagné, mais il fait des efforts." Tahlia commençait à avoir le regard humide. Elle était à bout de nerfs. Elle se tut un instant, baissant la tête pour se reprendre. C'était un tout qui se manifestait : des années d'inquiétude pour Jackson, un ras-le-bol au niveau du boulot, une fatigue physique et morale. Forcément, au bout d'un moment, la carapace se fissurait. Elle reprit cependant : "Il ne t'a jamais oublié. Tu es toujours là, dans son coeur et dans son esprit. Il ne le dit pas, mais je le sais pertinemment. Une fille, ça sent ce genre de truc." Un sourire triste s'afficha sur ses lèvres. "Je ne veux pas mêler de votre histoire. Je ne veux pas être l'amie qui vient mettre des bâtons des les roues, en te sortant des pseudos-menaces. Ce n'est pas mon droit, ni mon souhait. Je te demande juste une chose, Tamsin... ne le détruis pas."
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Tamsin & Tahlia

Le rire de Tahlia lui fit l'effet d'une paire d'ongles crissant sur un tableau. La blonde ne put retenir une sorte de grimace dépréciatrice. Pour peu que la policière soit restée la même qu'elle avait quitté cinq ans plus tôt, elle savait parfaitement ce qui l'attendait. Tahlia était de celles qui avaient un caractère bien trempé, les pieds sur lesquels il valait mieux ne pas marcher si on voulait rentrer chez soi un seul morceau d'âme. Elle l'avait vu opérer avec d'autres et jusqu'ici, jusqu'à ce qu'elle prenne conscience des personnes qu'elle avait lâchement abandonné derrière elle, elle n'avait jamais envisager se retrouver à la place de ces pauvres malheureux. Il fallait dire que Tamsin n'était pas vraiment le genre à s'accrocher. Naturellement, elle avait sa petite personnalité, cependant, d'une part, elle savait reconnaître lorsqu'elle était en tort et d'autre part, il restait certaines personnes devant qui elle préférait faire le dos rond. En ce jour et face à la flic, elle se dit qu'elle opterait pour cette position simple.

Surtout que, Tahlia avait toutes les raisons de ne pas la ménager. Alors que la comédienne avait tenté de rester sur le sujet de leur propre lien, occultant celui qui en avait été à l'origine et l'avait nourri, elle resta coite face aux révélations de la brune. Quelque peu de mauvaise foi, il fallait l'avouer. A quoi s'attendait-elle ? Que ces cinq années d'absence avaient été une sinécure pour ses amis ? Elle avait peut-être pris ses jambes à son cou mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Tout le monde n'était pas aussi lâche. Aussi égoïste. Certains, à l'image de Tahlia, avaient tenu leurs positions auprès des affres du quotidien. Parce qu'elle était bien plus forte que Tamsin ne le serait sans doute jamais. Parce que la relation était différente, que ce n'était pas chaque matin qu'elle se réveillait en se demandant ce que lui réservait cette journée, si les démons gagneraient ou non. Et s'ils échouaient, pour combien de temps. Parce qu'elle n'avait sans doute pas eu la bêtise d'envisager un avenir avec un homme qui en était incapable tant il était malade. Pourtant, elle la comprenait. Pourtant, elle se doutait de cet enfer qu'ils avaient traversé. Elle l'imaginait sans peine le porter à bout de bras et parfois, s'effondrer en hurlant sur son impuissance, chaque fois où il replongeait. Elle n'avait tenu que quelques mois, alors comment ne pas être admirative du fait que Tahlia, elle, ait pu supporter ça durant des années ?

Malgré le discours âpre qu'elle lui tenait, la jeune femme fut prise d'une besoin irrépressible de la serrer dans ses bras. Outre l'information d'importance qu'elle lui avait offert, à savoir que Jackson commençait enfin à voir la lumière au bout du tunnel, elle avait surpris le subtil changement dans son regard, tel un miroir. Tahlia était émue. De mémoire, elle ne l'avait jamais surprise perdre son sourire ou sa détermination à toute épreuve. La policière était un roc, un vrai pilier. Aussi, la voir un instant vulnérable brisa quelque chose en Tamsin. Elle redescendit totalement sur Terre. Juste à temps pour recevoir l'estoc finale. Il ne t'a jamais oublié, Ne le détruis pas. Cela eut le mérite de freiner son élan. Elle dévisagea son interlocutrice, interdite. Après tout ce temps ? Après ce qu'elle avait fait ? Non, elle ne voulait pas le croire. Peut-être la sensibilité de Tahlia était-elle encore plus exacerbée qu'elle l'avait cru, au point de mal, très mal interpréter, les signaux ou quoi que ce fut. Il valait mieux. Vraiment.

Loin de s'en laisser totalement déstabilisée, la blonde appliqua une technique de fuite qui, au moins, avait le mérite d'être altruiste. Elle se concentra, non pas sur les potentiels sentiments qui pouvaient subsister dans une liaison depuis longtemps terminée, mais sur la détresse, presque la supplique de l'autre jeune femme. Elle avait peur. Effrayée que le retour de cet ancien amour ne ruine des années d'efforts. Qu'il replonge. Qu'ils doivent tout reprendre à zéro. Elle entendait sa détresse bien davantage que le reste. Cette fois, elle ne se brima pas. Au risque de se faire repousser violemment, elle franchit les quelques pas qui les séparaient et l'attira contre elle. " Je te l'ai dit, Tahli, je ne suis pas revenue pour ça. Je te promets de ne pas mettre à mal tout ce que vous avez construit ensemble. " Elle la serra un peu davantage avant de s'écarter. Elle n'était toujours pas à l'abri d'un mouvement brusque, surtout après cet élan un brin dramatique. " Ce que tu as fait, ce dans quoi tu l'as accompagné ... Je suis très impressionnée. J'espère qu'il sait la chance qu'il a de t'avoir près de lui. " Elle osa un petit sourire, un certain malaise creusant ses joues. " Et je suis vraiment contente de te revoir, même si le plaisir n'est sûrement pas partagé. " Les dégradations du théâtre lui semblaient soudain bien loin. Au moins, on ne pouvait pas lui reprocher sa sincérité, qu'importe qu'elle se fasse moins hargneuse que son interlocutrice.
 

Le professionnalisme de Tahlia n'avait vraiment pas duré longtemps. Son impulsivité et la dimension personnelle de la situation avaient été bien plus fortes que le reste. Et pour le coup, Tahlia n'avait pas su garder sa langue dans la poche. Ses paroles étaient peut-être dures, mais elles reflétaient ses pensées les plus profondes. Tahlia ne parlait pas de leur amitié. La brunette en avait fait le deuil depuis bien longtemps. Mais les deux jeunes femmes avaient une personne en commun. Et cette personne était l'un des êtres qui comptaient le plus dans la vie de Tahlia - êtres qui se comptaient sur les doigts d'une main. Elle parlait de Jackson bien évidemment. Elle aurait pu très bien ne pas le nommer, mais en évoquant son nom, Tahlia voulait mettre les choses au clair. Peut-être qu'elle allait rouvrir de vieilles cicatrices du passé, peut-être même pas encore bien cicatrisées, mais elle s'en contrefichait. Elle n'était pas là pour ménager la blonde, mais pour ménager son ami le plus fidèle.

Et ce qui devait arriver arriva... Tahlia n'avait pas pris assez de recul pour se rendre compte à quel point le combat de Jax contre la drogue l'avait affectée. Elle était, elle aussi, dans le combat et elle avait toujours foncé la tête baissée. Ce soir, elle se trouvait face à l'une des personnes qui avait vécu cette situation. En plein coeur même. Tamsin était simplement partie à temps, avant que cela ne finisse par l'affecter. Tahlia, elle, était restée. Mais elle était aussi à bout de souffle. Et les larmes qu'elle avait dans les yeux, cette supplique qu'elle venait de lâcher le montraient plus que bien. Elle n'était pas du genre chialeuse, loin de là. Mais elle avait aussi droit à son moment de faiblesse. Quand la blonde combla la distance qui les séparait afin de la prendre dans ses bras, Tahlia se raidit quelque peu. ça, en revanche, elle ne l'avait pas vu venir ! Pourtant, elle céda rapidement et se laissa aller face à ce contact rassérénant. Elle serra la jeune femme dans ses bras et laissa quelques larmes couler, quand elle entendit les paroles de Tamsin. Elle savait très bien que les chemins de Tamsin et Jackson allaient se recroiser - c'était leur destin - mais entendre de telles paroles rassuraient la jolie brune. Alors qu'elles s'écartèrent l'une de l'autre, Tahlia murmura un simple : "Désolée". Elle était désolée d'avoir craquer de cette manière. D'un revers de la main, elle sécha la larme qui coulait encore le long de sa joue, haussant les épaules aux nouvelles paroles de Tamsin : "Je ne suis pas certaine. Il doit me prendre pour la reloue de service." Le petit sourire qu'elle afficha sur ses lèvres jura néanmoins avec ses paroles. Au fond, elle se doutait que Jackson ne la voyait pas comme telle. Simplement, elle n'attendait aucun merci de sa part. La voix de Tamsin la ramena à la réalité et ses paroles mirent Tahlia mal-à-l'aise. Elle savait qu'elle n'avait pas été très avenante avec elle. "Excuse-moi pour ce que je t'ai dit tout à l'heure. Je..." On appela Tahlia et la jeune femme se retourna. C'était ses collègues. Ils étaient appelés sur une autre affaire. "Je dois y aller. J'ai tout ce qu'il nous faut. On reprendra contact avec toi rapidement." Elle rassembla les papiers et regarda la blonde. "Rentre bien Tamsin. Et... sache que ça m'a aussi fait plaisir de te voir." Sur ces paroles, Tahlia lui adressa même un sourire avant de tourner les talons et rejoindre ses collègues, pour une nuit qui s'annonçait encore bien chargée.
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