[intrigue] plage & marshmallows + maxence

La ville avait organisé une soirée sur la plage où j’avais longuement hésité à aller. J’avais finalement décidé de délaisser mes livres pour mieux m’y rendre. Un maillot de bain avec une robe légère par dessus pour profiter de la soirée. Tous les visages me semblaient inconnus et ça me faisait bien peur d’un côté, mais c’était rassurant de l’autre. Je craignais de passer ma soirée toute seule bien longtemps et de m’ennuyer profondément. Les amis criaient, jouaient s’éclaboussaient, chantaient. De mon côté, je m’étais un peu mise à l’écart des groupes qui semblaient déjà se connaître, mais suffisamment proche du feu pour être capable de bien voir mon livre. Oui, j’avais décidé de délaisser mes livres de sciences pour prendre un roman et tout simplement m’installer près du feu pour mieux lire. Peut-être trouverais-je quelqu’un avec la possibilité de socialiser. Je relevais le regard de mon livre pour regarder autour de moi et me surprendre avec le regard d’un homme sur moi en tombant presque du même coup. « Vous m’avez surpris. » lui soufflais-je toujours le cœur battant toujours effrayée. Il semblait grand, il paraissait bien. Je refermais mon livre pour mieux parler avec mon interlocuteur ou au moins lui donner les informations justes en ce qui me concernait.


 

N’ayant aucunement l’intention d’aller se baigner, ou encore d’aller chanter autour du feu, Maxence avait lui aussi beaucoup hésité à se rendre à cette petite fête à la plage. Il se disait que ce genre d’événement, contrairement à d’autres, allait sans doute attirer davantage des participants dans leur début de vingtaine. Maxence était donc persuadé qu’il n’y trouverait pas sa place. Toutefois, comme il était à Bowen pour quelques jours étant donné qu’il ne siégeait pas au tribunal de toute la semaine, le jeune homme trouva bien vite ses journées longues. C’était ça le problème de travailler aussi souvent dans une autre ville : il n’avait pas beaucoup de temps pour se tisser des amitiés dans sa ville natale. Et puis, les gens de son âge étaient occupés avec leurs petites familles. Le trentenaire soupira donc en fermant la télévision et en consultant l’heure sur sa montre. Il était à peine vingt-deux heures, il n’avait aucunement sommeil et pas du tout l’envie de plonger la tête dans ses dossiers ou dans une quelconque lecture. C’était ce qui avait occupé sa journée entière, après l’entraînement quotidien. Dans un élan d’impulsivité, donc, Maxence prit la route vers la plage et trouva bien vite un rassemblement autour du feu, et autour du bar. Il hésita un moment, après avoir fermé ses phares. Il regardait de loin la situation, analysant si ça valait la peine de se mêler à la foule ou pas. Déjà, une bataille avait été déclenchée entre deux femmes, et ça ne lui tentait aucunement d’être mêlé à ce genre de situations. Heureusement, cela sembla se terminer assez vite, et les autres groupes semblaient calmes pour leur part. Quelques personnes étaient près du feu, seules. Maxence se dit qu’au pire il ferait comme ces gens, ou alors il essaierait de tenir compagnie à l’une de ces âmes solitaires. Le juge sortit donc de sa voiture, laissant ses souliers et ses chaussettes derrière, se dirigeant vers le feu. Il avait finalement troqué son éternel chemise, cravate et pantalon propre pour un chandail bleu marin et des shorts beiges. Il s’arrêta devant une jeune femme qui semblait légèrement plus âgée que les autres, je dis bien légèrement, et qui avait la tête plongée dans un bouquin. C’était mignon, de venir à un tel rassemblement et d’y lire. Ça lui ressemblait tout à fait. Les yeux de la jeune femme balayaient encore la page de gauche à droite, alors il attendit un moment, qu’elle change de page ou qu’elle termine son chapitre, bref il attendait le bon moment pour s’annoncer. La brunette le surprit par contre en prenant conscience de sa présence avant qu’il ne puisse se présenter. « Je suis désolé, ce n’était pas mon intention. » Il sourit et s’assit à côté d’elle, sans vouloir s’imposer, mais pour cesser de la regarder de haut. Ce n’était pas une position agréable pour discuter. « Je ne voulais pas interrompre votre lecture. Rien de pire que de ne pas avoir le temps de terminer sa phrase. » Il lui sourit. « Qu’est-ce que vous lisez ? » Demanda-t-il en penchant la tête, tentant de lire la couverture.


 

« Je suis désolé, ce n’était pas mon intention. » Je lui faisais un petit sourire compatissant, presque prête à reprendre ma lecture. Le jeune homme s’assoyait près de moi à une distance respectable. « Je ne voulais pas interrompre votre lecture. Rien de pire que de ne pas avoir le temps de terminer sa phrase. » Je lui rendais son sourire en hochant la tête positivement. « Ou lorsque quelqu’un nous parle au même moment et qu’on relit la même phrase huit fois sans réellement la comprendre alors qu’elle est d’une simplicité désarmante. » Je lui adressais un sourire, il semblait visiblement bien connaître ce par quoi je traversais.« Qu’est-ce que vous lisez? » Désemparée par sa question, je fermais mon livre en conservant la page à laquelle j’étais rendue avec ma main. « Fifty Shades of Grey. Je sais que c’est ridicule et que ça fait mille ans que c’est sorti, mais je devais le lire d’une façon ou d’une autre pour me faire ma propre opinion. Anastasia n’est qu’une idiote jusqu’ici et ... » Je réalisais soudainement que je parlais trop et je m’arrêtais net pour mieux repartir sur une nouvelle base. « Et je m’appelle Dakota, à qui ai-je l’honneur de trop parler en cette charmante soirée? » Je lui adressais un sourire suite à un petit rire timide.   

« Ou lorsque quelqu’un nous parle au même moment et qu’on relit la même phrase huit fois sans réellement la comprendre alors qu’elle est d’une simplicité désarmante. » Maxence rigola. Oui, c’était exactement cela. Il vivait souvent cette déplaisante situation, le pire étant lorsqu’il avait la tête dans les dossiers concernant ses procès. Toute sa concentration devait y être et, pourtant, certaines personnes arrivaient parfois à lui faire perdre son focus. « Oui, dans ces moments-là, la meilleure chose à faire est de cesser la lecture, je crois … » Dit-il en souriant. « Comme en ce moment. » Affirma-t-il étant donné qu’il avait légèrement fait intrusion dans la bulle de la jeune femme, sans prévenir. Pourtant, Maxence respectait bien l’intimité des gens. Toutefois, comme il s’agissait d’une fête et que la demoiselle s’était quand même assise au bord du feu, entourée d’une panoplie d’autres personnes, le juge s’était dit qu’elle ne trouverait pas la paix recherchée lors de la lecture d’une livre de toute façon. Il lui demanda donc ce qu’elle lisait, et la réponse le prit au dépourvu. « Fifty Shades of Grey. Je sais que c’est ridicule et que ça fait mille ans que c’est sorti, mais je devais le lire d’une façon ou d’une autre pour me faire ma propre opinion. Anastasia n’est qu’une idiote jusqu’ici et ... » Maxence souriait, charmé par cette jeune femme qui se laissait dire tout ce qui lui passait par la tête. Lui n’était pas du tout comme ça. Il était trop réfléchi. « Et je m’appelle Dakota, à qui ai-je l’honneur de trop parler en cette charmante soirée? » Maxence se redressa légèrement les épaules ; sa mère lui avait toujours dit à quel point une bonne posture était plus attirante. « Je m’appelle Maxence. Enchanté Dakota. » Il baissa de nouveau les yeux vers la couverture de son livre. « Je vais vous faire une confidence, mais vous devez promettre de ne le dire à personne … » Elle acquiesça à sa demande. Maxence se rapprocha juste un peu plus d’elle, un petit sourire en coin. « … J’ai vu le film. » Chuchota-t-il avant de rire. « Et c’était de mon plein gré. Par contre, j’ai regretté. » Avoua-t-il. « Ce Christian Grey est tellement contrôlant que ça en devient ridicule. » C’était trop caricaturé, trop exagéré ; Maxence se moquait de la plupart des scènes. « Mais je me tais. Je ne voudrais pas vous spoiler sur un tel chef d’œuvre. » Il sourit.

 

Alors que je discutais avec lui des aléas de la vie, il riait avec moi de bon cœur, sans doute. « Oui, dans ces moments-là, la meilleure chose à faire est de cesser la lecture, je crois... » Je le regardais avec un sourire aux lèvres alors qu’il ferait exactement ça. Je mettais mon marque-page dans le livre pour mieux le refermer et écouter mon interlocuteur. Suite à sa question que je répondais en long et en large, il souriait et m’écoutait presque trop sagement. Il se redressait et je ne tardais pas à en faire autant.  « Je m’appelle Maxence. Enchanté Dakota. » « De même, Maxence. » Il regardait toujours mon livre alors que je me demandais ce qu’il éprouvait envers la saga culte. Il me disait qu’il allait me faire une confidence, surprise mais amusée, j’avais hoché la tête avec un grand sourire. Il se rapprochait de moi, était-ce une tactique de drague? Sans doute pas, enfin, peut-être. C’était trop tôt pour juger la situation. « ... J’ai vu le film. » « C’est ça votre grande confession du siècle? » m’exclamais-je avec amusement et un petit rire. Il riait de bon cœur et poursuivait en me disant que c’était de son plein gré et qu’il avait regretté. « Sérieusement? Ne vous avisez pas de me spoiler, je vous en voudrai, si vous le faites! » lui dis-je presque avec un index en l’air le menaçant. Il poursuivait avec sa perception de Grey et j’hochais la tête de nouveau. « Ridicule, vous dites? Le contrat que Grey propose à Anastasia, qui doit être durement travaillé, selon le dominant, toujours est rempli de failles, j’en suis persuadée! Un avocat trouverait certainement quelque chose à redire pour poursuivre les fesses de Grey. Et bien que je ne sois pas rendue bien loin, j’en conviens, je suis persuadée que les deux vont se marier et avoir des enfants. C’est toujours comme ça que ça se termine... Autrement, ce livre ne serait pas un best-seller! » J’étais encore partie dans l’un de mes délires et pourtant, j’étais bien loin d’être avocate. Le métier dans le domaine du droit ne m’intéressait pas outre mesure. « Le contrôle est quelque chose d’intéressant dans certains domaines. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire dans la sphère du couple, de l’intimité, de l’amour et de la luxure....  Dans le cadre du BDSM, le contrôle est pertinent, notamment avec l’usage d’un safe word. Et sachez que pour votre information, un best-seller n’est pas forcément un chef d’œuvre, mais je constate que vous le considérez comme tel. » concluais-je finalement en regardant Maxence avec un fin sourire. Il devait être abasourdi des connaissances obscures d’une chercheure en biologie. « Vous êtes originaire de Bowen? » lui demandais-je sagement en me disant que détourner la conversation vers lui ne serait pas une mauvaise chose.  

Le juge éclata de rire quand Dakota lui demanda si c’était vraiment ça, sa grande confession du siècle. Il hocha la tête en haussant les épaules. « Je ne suis pas un homme de secrets. » Avoua-t-il en secouant légèrement la tête, un charmant sourire au visage. Il lui expliqua toutefois que s’il s’en cachait, c’était parce qu’il n’avait pas été traîné de force pour regarder ce film. « Motus et bouche cousu. » Dit-il pour assurer à son interlocutrice qu’il n’allait pas lui révéler les détails croustillants – ou pas – du livre. C’est alors que la jeune femme se lança dans une explication très élaborée sur le contrat que Christian Grey avait proposé à Anastasia, prétextant que même si elle n’était pas avocate – ce qui fit sourire Maxence considérant son propre emploi -, elle était persuadée qu’il comportait de nombreuses failles. Le trentenaire hocha la tête. Il ne pouvait même pas placer un seul mot pour acquiescer à la chose, car Dakota passait d’une critique à l’autre sans vraiment s’arrêter. Elle en avait dedans, en tout cas. « Oh, ça je ne saurais même pas vous dire, il vous faudra lire les deux autres livres pour le savoir, j’imagine. » Parce que si ses souvenirs étaient bons, il s’agissait d’une trilogie. Dakota allait-elle prendre du temps pour continuer la lecture des prochains livres ? Lui doutait du fait de voir les films, mais sait-on jamais. Dakota reprit la parole pour, cette fois, parler du contrôle dans un couple, avant de finalement lui lancer une pique quant à la différence entre un chef d’œuvre et un best-seller. Au moins, elle s’arrêta après ça, lui permettant au moins de se défendre. « Ne connaissez-vous donc pas le sarcasme ? » Lui dit-il avec douceur et un sourire en coin. Il avait évidemment mis l’emphase sur le mot chef d’œuvre, tout à l’heure, justement pour souligner le fait que c’était loin d’en être un à ses yeux. « Si tous les best-sellers devaient être des chefs-d’œuvre … god help me. » Dit-il dans un rire. C’était bien de discuter avec Dakota, elle avait de la conversation. Un peu trop, peut-être, mais Maxence s’y habituerait. C’était déjà mieux que de discuter avec une femme qui ne s’intéressait à rien sauf à comment le morceau de vêtement porté à ce moment précis l’avantageait. La demoiselle lui demanda alors s’il était originaire de Bowen. « Oui. J’y suis de moins en moins, maintenant, parce que je travaille à Brisbane donc je ne suis ici que lors de mes congés mais pour moi, ce sera toujours ici ma maison. » La preuve, à Brisbane, il résidait dans des hôtels. Il n’avait pas l’envie de s’y acheter ou de s’y louer un logement, car il savait que peu à peu, il délaisserait Bowen pour finalement ne plus y venir. « Et vous ? » Lui renvoya-t-il alors.

 

« Je ne suis pas un homme de secrets. » Je le regardais franchement avec un sourire en coin. « Vous n’avez jamais menti à votre mère concernant l’endroit où vous étiez? » Ce devait être le mensonge le plus habituel de toute l’histoire des mensonges. Il venait de m’avouer avoir regardé un film, mais l’avait-il apprécié? Selon ses dires, ça semblait plutôt moyen... comme le livre, selon mon humble avis. « Oh, ça je ne saurais même pas vous dire, il vous faudra lire les deux autres livres pour le savoir, j’imagine. » J’arquais un sourcil, mais il se prenait pour qui, Maxence? Ne connaissait-il pas la réputation des livres américains? Une fin à l’eau de rose. « Ne connaissez-vous donc pas le sarcasme? » Je prenais la couleur rouge pivoine et je ne cherchais même pas à me justifier. Il poursuivait quand même, ce qui me donnait une chance de me reprendre. « Effectivement, je partage votre pensée. Il ne suffit qu’à penser à Twilight pour comprendre le tout... Mais je préfère connaître le sujet avant de me prononcer. » Je décroisais mes jambes pour mieux les croiser dans l’autre sens. Il me disait donc qu’il était originaire de Bowen, mais qu’il travaillait à Brisbane, c’était quand même une bonne route. « Woah. Vous faites beaucoup de route, Maxence. Que faites-vous dans la vie? » lui demandais-je, un brin curieuse à savoir ce qui pouvait lui faire faire autant de route. « Et vous? » « Je viens tout juste d’arriver en Australie... » lui confiais-je donc, sachant probablement que mon accent devait le mettre sur la piste de mes origines. Ça ne faisait que quelques jours que mon avion ait atterri et déjà, j’avais construit mon bureau pour avancer ma thèse. C’était ma première sortie officielle à Bowen, mais avait-il besoin de le savoir à tout prix?   

Dakota lui posa alors une question qui le plongea dans une profonde réflexion. Avait-il déjà menti à sa mère concernant l’endroit où il était ? « Honnêtement, c’est une bonne question. » Il réfléchit un court moment, pour ne pas la faire attendre pour une question qui au fond, n’était pas aussi existentielle. « J’en doute. Je ne dis pas que je suis un saint, mais … je n’ai jamais eu quoi que ce soit à cacher à mes parents. » De ce côté-là, c’était la vérité. Mais d’affirmer qu’il n’était pas un homme de secrets et ce dans toutes les sphères de sa vie, c’était un mensonge. Après tout, rien qu’avec Eleanor, Maxence comptait essayer de vivre une sorte de relation secrète. Il l’avait déjà fait avec Artémis, et ça s’était plutôt mal terminé, d’où ses réticences actuelles à retenter le risque. Bref, ils continuèrent à parler du bouquin que Dakota lisait, et elle dériva sur Twilight. « D’ailleurs, Fifty Shades of Grey n’est-il pas inspiré de Twilight ? » Demanda Maxence, les sourcils froncés par intérêt. Il se moqua tout de suite de lui-même, et il chercha à justifier cette connaissance : « Je lis beaucoup, y compris les colonnes art et littérature du journal. » Il n’y avait aucune honte à cela, après tout. Dakota le questionna finalement sur ses origines, et dans sa réponse, Maxence parla évidemment de Brisbane, qui était actuellement un peu comme sa ville d’accueil. Cela entraîna des questionnements chez la trentenaire. « C’est bien de la route, comme vous dites … Heureusement, je le fais en avion, sinon je ne pense pas que j’aurais le courage de faire tous ces kilomètres en voiture, aussi souvent … » Elle lui demanda ce qu’il faisait dans la vie. « Je suis juge, à la Cour suprême qui se trouve donc à Brisbane. » Il esquissa un léger sourire. Avant de la questionner sur son emploi, Maxence lui posa d’abord la même question de base, soit ses origines. Dakota lui apprit qu’elle venait tout juste d’arriver en Australie. « Oh, vraiment ? De quelle nationalité êtes-vous ? » C’était toujours intéressant de rencontrer des gens provenant d’autres pays. « Et qu’est-ce qui vous amène en Australie, à Bowen surtout ? » Une petite ville comme une autre.