two minds and all the places they have been (adilyn)

Plus les minutes passaient et plus elle voulait y croire au fait qu'elle pouvait pardonner à Maxence. Même si ce n'allait pas être au bout d'une soirée, peut-être qu'en lui parlait un peu plus, elle allait se rendre compte qu'il n'était pas qu'un connard, qu'il avait aussi un cœur et une bonne conscience, même avec son métier. « C'est déjà un bon début, essayer. »  Lui lançant un clin d'oeil, elle reprenait. « Je vais redoubler d'effort, si ça peut vous faire plaisir, alors. »  Disait-elle entre deux rires. Ils continuaient la conversation autour du manque de bruit dans la maison du trentenaire puis, elle en découvrait un peu plus sur le lui ; travailleur et maniaque, ça lui volait presque un sourire. L'infirmière s'en fichait un peu du ménage chez elle, enfin, avant l'arrivée de la petite, après tout, toute la journée elle est contrainte à des respects d'hygiène alors arrivée dans sa maison, la première chose qui lui venait à l'esprit n'était sûrement pas le ménage. « En effet … À part un collègue non-bordélique, il n'y a rien à faire. »  Puis quel collègue venant de Brisbane voudrait déménager dans une ville comme Bowen, le nombre d'habitants était ridicule à côté et, il s'ennuierait bien vite. D'ailleurs, parfois, elle s'ennuyait un peu des grandes villes ou même de ses voyages. Rester sur place après deux ans de voyage non-stop, ça lui fait un vide. « Hm … Vous c'est différent. »  Avouait-elle en baissant de nouveau la tête, un peu honteuse de ses paroles. Ils ne se connaissaient pas, mais avant ce soir, elle n'avait pas plus envie de le connaître. Si elle avaitpu l'éviter, ça aurait été plus bénéfique à ses yeux. « Mais, d'un point de vue, oui, vous êtes une nouvelle connaissance et ça me fait plaisir d'en savoir plus sur un de mes sauveurs. » C’est comme ça qu’elle le voyait, comme un détestable sauveur, comme une personne qui aurait pu être sympathique s’il n’avait pas été parmi les jurés.

Bien entendu, Adilyn savait ce que c'était d'entretenir des relations. Après ses études, elle-même n'avait pas beaucoup été à Bowen avant février, passant la plupart de son temps ailleurs ou à Brisbane après celles-ci. Puis, après son retour, la grande blonde n'avait fait aucun effort pour revoir ses amis, en voyant que deux sur un tas. Elle a tout simplement peur de dire qu'elle ait fait de la prison s'en même s'en rendre compte. Alors, elle préfère ne voir personne et parfois prétexter être absente ou encore en voyage. Adilyn lui lançait un regard compréhensif avec un sourire. « Bowen a vraiment l'air d'être une ville qui vous tient à cœur, alors … je n'ai pas à juger où vous devriez être. »  Même si quelques minutes avant, elle était prête à dire le contraire. « Mais oui, c'est la vie. »  Elle n'avait pas de conseil à lui donner, elle était très mauvaise pour être donneuse de leçons. « Puis, d'une part je vous comprends, j'ai aussi négligé mes amis et … peut-être même ma famille quand je suis partie il y a trois ans. »  Elle pensait trop à son bonheur à cette époque et elle ne voulait pas revenir à Bowen pendant un temps, après avoir retrouvé son copain dans les bras de son amie, cette ville la dégouttait.  « Mais, faut croire que les voyages me plaisaient trop pour que j'arrête d'en faire et, je ne pensais appeler personne par ici. Donc, on doit être un peu pareil sur le point, même si vous … c'est votre travail et moi les voyages. »    D’une part, ses voyages l’aidaient pour son travail puisqu’elle faisait des stages, ce qui lui prenait encore plus de temps. Elle le regardait prendre un troisième verre, si elle en avait pas pris autant, elle lui aurait fait un commentaire mais elle se retenait en se pinçant les lèvres quelques secondes.

Maxence hocha la tête quand Adilyn lui assura qu’elle allait redoubler d’efforts. Il était satisfait, oui. « Bien. Ça me ferait plaisir, oui. » Il lui sourit. Après tout, tous les hommes ne cherchaient pas à ruiner les mariages ! Au contraire, Maxence ayant déjà ruiné le sien, il préférait se tenir loin de ces unions pour le moment. Il en avait assez fait de son côté. Maxence commenta ensuite la proposition d’Adilyn concernant l’éventualité d’avoir des colocataires, qui n’était pas envisageable pour lui, en fait. « Oh, et vivre avec un collègue ? Non merci ! » Maxence rigola. Il s’entendait bien avec la plupart des juges, mais il était bien le plus jeune de tous. Les autres étaient dans la cinquantaine voir la soixantaine. Il était très rare d’avoir des juges dans la trentaine dans une Cour suprême. Maxence avait été un cas unique, sans vouloir le vanter. Quand Adilyn mentionna être venue pour faire de nouvelles connaissances, mais être tombée sur lui à la place, le juge le prit un peu personnel. Il n’était pas vexé, mais il la questionna à savoir si ce n’était pas ce qu’il était, justement. Une personne avec qui faire connaissance. À ses yeux, c’était ce qu’ils étaient en train de faire. Mais non, pour elle, c’était différent, dit-elle. « Ah bon ? » Demanda Maxence, qui n’était point d’accord. Elle s’expliqua, changeant en quelque sorte sa réponse mais sans pour autant rejoindre l’opinion du jeune homme. Bon, au moins ça lui faisait plaisir d’en savoir plus sur lui, c’était déjà cela de gagné. « Oh, ne m’appelez pas comme ça, s’il-vous-plaît. » Dit-il, gêné d’être considéré comme un sauveur. Il esquissa un sourire pour ne pas avoir l’air trop bête dans sa réponse, mais il ne voulait tout simplement pas être vu de la sorte. Ce n’était pas le but de son boulot d’être vu comme un héros lorsqu’il déclarait quelqu’un coupable ou non. « En tout cas, ça me fait plaisir d’en apprendre plus sur vous aussi. » Ajouta-t-il en toute sincérité. Plus il en connaissait sur elle, plus il l’appréciait.

Maxence parla finalement de sa solitude, sans doute assez vaguement puisqu’il réalisait à quel point il n’était pas vraiment à l’aise par rapport à celle-ci. Il s’en voulait, à quelque part, d’avoir mis de côté sa vie sociale pour sa carrière. Au fond, son boulot ne lui amenait rien d’autre que la stabilité et le succès. Des amis, un entourage, une femme, cela aurait pu lui amener le bonheur, le confort, le rire, le plaisir. Adilyn partagea à son tour une tranche de sa vie, lui racontant qu’elle avait négligé sa famille et ses amies en partant il y a trois ans. « Vous êtes partie où, pour y faire quoi ? » La jeune femme lui parla alors de ses voyages, ajoutant que ceux-ci lui plaisaient trop pour arrêter d’en faire. Maxence hocha la tête suite à sa comparaison. Il avait vu dans ce sujet une opportunité de laisser de côté la conversation sur la solitude et de se tourner vers quelque chose de plus joyeux. Pour lui, en tout cas. « Quels endroits avez-vous visités ? Je trouve que voyager est tellement enrichissant. » Dès que Maxence pouvait prendre ses vacances, il planifiait la visite d’un nouveau pays. Alors si Adilyn pouvait lui partager quelques expériences, anecdotes ou belles aventures, il en serait ravi.

Pourquoi pas ? Après tout, ils allaient être absents de la maison en même temps, peut-être qu'ils auraient les mêmes horaires de boulot donc il n'y allait pas avoir de bruit pendant ce temps. Elle ne se posait pas plus de questions, il invitait chez lui qu'il voulait et, s'il voulait rester seul ce n'était pas le problème de la blonde. « D'accord, d'accord. »  Elle esquissait toujours le même sourire, un peu timide mais amusé car, elle ne se sentait pas forcement à l'aise à côté d'un Juge et, encore moins à côté de celui-ci. Finalement, s'il pouvait éviter de ramener un collègue à Bowen, ce n'était pas plus mal. La question de l'homme n'arrangeait en rien son bien-être, elle ne savait pas quoi lui répondre ; certes, une nouvelle connaissance mais, ils se connaissent déjà du point de vue d'Adilyn et, le peu qu'elle connaissait lui suffisait. Le mot sauveur semblait le déranger, Adilyn ne comprenait pas vraiment, c'était lui qui l'avait sorti de prison et, même si c'était son travail, elle ne pouvait être que reconnaissante puis ce surnom semblait être parfait pour la situation. « Laissez-moi vous appelez comme je le sens. »  Son rire refit surface. « Vous préférez être appelé Monsieur le Juge ? »  Elle roulait des yeux buvant une nouvelle gorgée de sa boisson. Elle détournait son regard quand il lui disait qu'il était ravi, également, jetant son regard à l'opposé de Maxence. 

Adilyn se remémorait petit à petit ses voyages et regrettait d’être assise sur ce tabouret au lieu d’être dans des lieux inconnus avec des cultures différentes, un dépaysement total. Voyager lui manquait, peut-être que quand Xavier récupérait Abygaël, elle repartirait. De toute façon, son métier ne lui tient plus vraiment à cœur après l’accident de décembre, alors elle pourrait de nouveau tout quitter, famille et amis, pour retourner dans ces lieux si passionnant. « Je liais le plaisir de voyager seule avec l’utile de faire des stages autour du Monde pour voir différente manière de traiter certaines maladies. » Et d’en apprendre des nouvelles qui ne se développent pas en Australie. Il semblait s’intéresser à elle, d’un coup, de ses voyages, ça lui faisait plaisir, elle adorait parler de ce moment de sa vie, celui où tout allait bien ou le seul problème était de savoir quel était le pays suivant sur sa liste. Aujourd’hui, elle ne se reconnaît plus, elle a l’impression de ne plus être la même personne d’être devenue trop sage et inquiète à cause de la prison et trop calme à cause de son rôle de seconde mère. « J’ai commencée par la Bolivie, mais c’est le seul pays de l’Amérique du Sud que j’ai visité, après je suis remontée avant de prendre l’avion vers l’Asie puis l’Europe. Enfin, j’ai posée mes pieds partout finalement. »  Concluait-elle avec un doux rire. « J'aimerais bien retourner en Amérique du Sud, ceci dit, je n'ai pas l'impression d'avoir vu tant que ça et la culture est intéressante, bien que questions santé, ce n'est pas top. »  Elle savait qu'il y avait des pays où il ne fallait pas poser les pieds là-bas, mais elle ne comptait pas aller dans des endroits dangereux cette aventurière-ci. « Et vous donc ? Vous voyagez souvent ? »  S'il trouvait ça enrichissant, ce n'était pas pour rien, il avait dû en faire, après si c'était pour le plaisir ou le boulot, ça ne regardait que lui, même si la blonde avait évoqué ses stages.  

La jeune femme n’accepta pas son refus d’être considéré comme un sauveur et elle lui ordonna de la laisser l’appeler comme elle le sentait. Maxence arqua un sourcil, amusé par autant d’autorité de la part de la jeune femme, et but une gorgée de son verre alors qu’elle lui demandait s’il préférait être appelé Monsieur le Juge. Il secoua la tête avec un sourire. « Un simple Maxence suffirait, vous savez. » Il hésita avant de continuer, et finalement ajouta : « Mais j’ai l’impression que ça deviendrait trop personnel. J’ai l’impression que malgré toutes ces questions, vous gardez vos distances. » Il ne voulait pas se montrer trop insistant, mais il voulait certainement comprendre pourquoi Adilyn agissait de la sorte. À chaque fois qu’il faisait un pas vers l’avant, elle en faisait deux vers l’arrière. Pourtant, lorsque c’était elle qui posait les questions et choisissait les sujets, elle se montrait plutôt intéressée, même à lui. Maxence était confus devant de telles contradictions.

Concernant les voyages, la jeune femme se montrait bien moins mystérieuse. Comme si ces expériences n’étaient aucunement en lien avec tout le reste. Comme si ces escapades étaient encore aujourd’hui un échappatoire imaginaire. Elle s’envolait avec ses souvenirs. Elle lui parla de ses stages autour du monde pour constater les différentes médecines. La Bolivie, l’Asie, l’Europe. Maxence l’écoutait avec un sourire, et hocha la tête quand elle parla de retourner en Amérique du Sud. « Oui, et bien que ce soit un continent plus récemment exploité que l’Europe, l’Amérique du Sud a son lot de paysages naturels magnifiques et une histoire bien à elle aussi. » Pour sa part, Maxence n’avait jamais eu la chance de seulement mettre les pieds sur ce continent. « Quel endroit vous a le plus marqué entre tous ? Au niveau médical ou au niveau culturel. Ou les deux. » Maxence aurait pu la questionner toute la soirée, et si Adilyn démontrait autant de passion tout au long de ses récits, il continuerait. C’était une belle façon d’apprendre à connaître ses valeurs et sa personnalité, tout en générant ce magnifique sourire sur son visage.

À son tour, Adilyn questionna Maxence sur ses voyages. Il sourit, se replongeant dans ses propres souvenirs. « Souvent, non. Quand j’étais aux études, je partais à tous les étés, pour fêter la fin de l’année scolaire. J’ai surtout été en Europe et en Asie. Le seul pays africain que j’ai visité c’est le Maroc. » Avoua-t-il. Il ne savait pas s’il serait capable d’amener quoi que ce soit aux pays plus pauvres, ni s’il aurait le courage d’affronter toute cette pauvreté. Ce n’était pas tout le monde qui avait la force d’aider comme Adilyn. « Depuis que je suis juge, je fais des voyages plus courts, quand viennent mes vacances. Je vais surtout dans les grandes villes touristiques puisque je n’ai jamais vraiment le temps de visiter ailleurs. » Il aurait eu envie de repartir comme lorsqu’il était jeune, mais le temps et les opportunités lui manquaient.

Maxence donc, ça remplaçait le sauveur, l'horreur, le juge. Juste Maxence, le détestable Maxence. Que pouvait-elle dire à sa remarque ? Elle n'avait rien à répondre, sa conscience l'interdisait de s'approcher de quelqu'un qui était de proche ou de loin lié à son problème et, même si son cœur essayait de dire qu'il était un homme sympathique son cerveau, lui, l'associait au mal. « Je ne sais pas ce que vous attendez de mes pensées. Vous ne me donnez qu'une soirée pour changer l'image que je me suis faite de vous pendant plusieurs mois. C'est trop peu. »  Il lui fallait bien plus que quelques minutes autour d'un verre dans un bar pour lui faire changer d'avis, il pouvait même jouer un double-jeu avec elle, juste pour se racheter un peu. « J'essaye de vous dissocier du pire moment de ma vie, mais vous étiez là, Maxence. Vous êtes parmi ceux qui connaissent de trop ma vie sans que moi, je vous l'ai dictée. »  D'une part, dans son métier, elle connaissait aussi la date de naissance, l'emploi ou bien même des liens de famille entre plusieurs patients, mais c'était différent. Elle était certaine que lui en savait un peu trop, qu'il avait fouillé dans sa vie pour l'innocenter.  

Cette conversation semblait avoir mis une barrière entre elle et Maxence, du moins à ses yeux et, même si elle parlait beaucoup de ses voyages, elle ne savait pas vraiment s'il était sincère dans ses réponses, ça pouvait sans doute l'énerver de parler avec une personne qui ne l'aimait pas tant que ça et, elle pouvait le comprendre. « Pas faux, je préfère les vues qu'elle offre plus que les buildings et autres bâtiments construits en masse. »  Il s'intéressait de nouveau à elle, d'un côté ça lui faisait extrêmement plaisir, et l'ancienne Adilyn rougissait encore qu'un homme le fasse, de l'autre, elle pensait que c'était juste histoire d'avoir de la conversation, ce qui n'était pas faux. Elle même ne savait pas si elle voulait juste parler ou bien s'intéresser à son sauveur. « Je vous aurais bien dit Bolivie, encore, parce que c'était mon premier voyage. Mais j'ai beaucoup aimée le Japon et quelques petits endroits dans la nature de la Chine. »  L'Asie remportait haut la main dans son cœur, rien qu'en parlant de ce continent, elle voulait y retourner dans la minute. « Pour la santé, c'est différent et intéressant partout, je ne saurais pas donner de jugement, car ce qui est bon là-bas peut-être mauvais chez nous et inversement. »  Elle ne savait pas si c'était clair, mais c'était son ressenti, elle ne pouvait pas juger les gens et les techniques. À son tour, elle l'écoutait parler, elle souriait en l'écoutant. Pour la première fois dans la soirée, elle se sentait plus qu'intéresser par ce qu'il disait. « C'est dommage … Peut-être qu'un jour vous aurez plus de liberté donc vous verrez plus de choses. »  Elle l'espérait pour lui.  

Elle avait raison. Elle avait remis Maxence à sa place et ce dernier se sentait tout d’un coup assez mal à l’aise. Il était vrai qu’avec les dossiers qu’on avait fournis aux juges afin de prendre une décision éclairée, Maxence connaissait des détails de la vie d’Adilyn que celle-ci aurait sans doute préféré garder pour elle-même. Ou alors choisir à qui en parler. Être dans un procès, en tant qu’accusé, c’était de vivre une intrusion dans sa vie privée. D’avoir un tas de regards braqués sur soi, et des gens qui pointaient du doigt d’un regard sombre, aussi. Sans même connaître la vérité. Maxence ne ressentait pas tout cela, lui, du haut de son banc. Il était de l’autre côté, protégé, alors que la personne assise devant lui était mise à nue, vulnérable plus que jamais. Ne dépendant que du verdict que le coup de son gavel appuyait. « Je sais. Je suis désolé. Je pense que c’est difficile pour moi de me mettre à votre place, parce que même si j’étais là, j’étais aussi loin de ce que vous viviez. » Il n’avait pas le choix, en même temps, de se dissocier à son tour des sentiments des accusés. S’il laissait l’empathie prendre le contrôle sur lui, il serait constamment biaisé, et ce n’était pas une qualité à avoir quand on était juge. Maxence avait donc eu besoin qu’Adilyn le remette à sa place, oui, parce qu’il ne réalisait pas à quel point le fait qu’il sache tout de son histoire pouvait avoir un impact intimidant sur la jeune femme devant lui. « Mais vous savez, je ne m’attends pas à ce qu’une seule soirée change l’image que vous avez de moi. Mais je suis content que vous me laissiez la chance de me montrer sous mon vrai jour. » Affirma-t-il, avec un mince sourire, parce qu’il se sentait encore un peu con d’avoir autant insisté.

Malgré cela, ils continuèrent à discuter, abordant toutefois des sujets moins lourds afin d’éviter que la tension augmente. Les voyages, c’était léger, ça faisait rêver, ça faisait sourire. Rien de mieux pour alléger l’ambiance un peu. Maxence partageait l’opinion d’Adilyn concernant les constructions humaines versus les paysages naturels. « Moi aussi. Certains bâtiments sont beaux, c’est certain, mais ça ne battra jamais la beauté de la Terre à son état naturel. » Appuya-t-il avec un sourire, attrapant son verre pour en boire quelques gorgées pendant que la jeune femme répondait à sa question concernant son plus beau souvenir. « Le Japon et la Chine, c’est pas trop bondé ? C’est toujours ça qui m’a un peu freiné dans mes envies d’y aller, et pareil pour l’Inde. J’étouffe quand il y a trop de gens. » Partagea-t-il. En même temps, de nos jours, il y avait du monde partout. C’était difficile de visiter un endroit touristique sans qu’un tas de touristes bloquent la vue. Adilyn lui parla ensuite des différences dans la médecine, qui pouvait tout autant être bonne ou mauvaise selon les cultures. Tout était relatif, au fond, dans ce monde. « Oui, je comprends. Comment on appelle cela, quand quelqu’un croit toujours que ce que sa culture fait est la vérité absolue … l’ethnocentrisme, c’est ça ? » Demanda Maxence avec un sourire. Ses notions d’anthropologie et de sociologie étaient bien loin dans sa mémoire. Ce fut alors à son tour de parler de ses voyages, et Adilyn se trouva navrée qu’il ne puisse pas voyager davantage depuis qu’il était juge. « Oh oui, croyez-moi, si je suis encore aussi en forme à me retraite, je partirai. » Il sourit, et termina son troisième verre. Il allait sans doute s’arrêter ici, ça valait mieux.

Adilyn avait l’impression d’avoir dit quelque chose de mal, quelque chose qui faisait douter Maxence et, même si elle n’avait fait que dire ce qu’elle pensait être la vérité, elle regrettait. Elle ne voulait pas le blesser, le faire culpabiliser ou encore même le voir partir, préférant lui laisser une chance de remonter le peu d’affection qu’elle avait pour lui. Au fond, elle ne sait pas ce qu’elle veut vraiment, Adilyn est totalement perdue et, avec les verres qu’elle s’est enfilée, ça ne l’aide pas à se concentrer sur ses envies. Il finissait par répondre et, le malaise que ressentait déjà l’ex-prisonnière ne fit qu’augmenter. Cette fois-ci, elle ne préférait rien répondre, laisser passer même si elle gardait toujours le doute que tout ce qu’elle lui racontait ce soir, il le savait déjà depuis des lustres. « Vous me demandez de vous juger plus tard, dans ce cas. » Une plaisanterie de plus, pour essayer de rendre ce malaise moins réel.

La blonde commençait à parler de ses voyages, les étoiles dans les yeux, se remémorant de ses meilleurs moments, des beaux passages de sa vie, ceux qu'elle aimerait revivre chaque fois. Mais également ceux qui l'aidaient à s'évader un peu, pendant qu'elle était en prison, rien que cette pensée la faisait frissonner. Tout semblait lui ramener à ce mauvais passage. Elle acquissait de la tête, après la prise de parole de Maxence, la Terre cache des secrets magnifiques, la jeune femme est ravie d'en avoir vu certains, mais regrette de ne pas en avoir vu plus. Peut-être que son voyage aurait dû durer plus longtemps, elle n'aurait pas été engager dans cet hôpital pas net. Adilyn buvait encore quelques gorgées, avant d'arriver à la fin de son verre. Cette soirée n'était vraiment pas bonne et, elle aurait pensée que ça serait pire avec l'arrivé du Juge, mais finalement, ça n'a fait que rehausser le niveau de la soirée. « Ça dépend vraiment des villes que vous visitez, j'ai été dans des petites villes très agréables, j'm'y serais presque vue là-bas dans une dimension où je saurais parler le japonais et le chinois. »  Encore une fois, elle riait. Elle s'y sentait à l'aise dans ses pays, mais les langues étrangères, ce n'était pas vraiment son fort, avec le temps peut-être qu'elle apprendrait à parler une de ses langues et qu'elle finirait sa vie là-bas. « J'irais peut-être à Okinawa plus tard, pour espérer vivre jusqu'à cent ans. » La mort est ce qu'elle redoute le plus, elle aurait préféré mourir que d'aller en prison, elle ne voulait pas terminer sa vie, elle sait qu'elle a encore le temps, mais Adilyn a l'impression que même avec le temps qu'on lui offre, le Monde lui cacherait trop de mystère, la femme curieuse qui est en elle veut tout savoir, trop savoir. « Il me semble, mais je crois avoir trop bu pour être certaine de quelque chose. »  Puis, elle reprenait son verre pour en finir son contenu. Raconter ses histoires et sa vie, pourquoi pas, mais elle ne se sentait pas capable de réfléchir et chercher au plus profond d'elle une signification ou un mot. « En forme ou non, je viendrais taper à votre porte pour que vous profitiez de cette beauté. »  Son rire reprit de plus belle en poussant son verre vide au milieu du comptoir. La blonde n'allait pas boire plus, elle se demandait encore comment elle allait rentrer, sa conscience lui disait de ne pas conduire et, elle allait l'écouter pour une fois. Lançant un regard et un sourire à Maxence, la jeune femme hésitait à lui dire au revoir trouvant ça dommage d'arrêter une conversation comme ça, pour une fois que ces deux-ci s'entendaient bien. Elle saisissait la serviette de table dans ses mains, puis elle jetait un coup d'œil au numéro, toujours avec un sourire aux coins des lèvres.

Maxence haussa les épaules quand Adilyn parla du moment où elle devrait le juger. « Il faudrait bien que vous vous fassiez une opinion sur moi un jour ou l’autre. Bowen est une petite ville, nous nous recroiserons sans doute. » Une opinion basée sur ce qu’elle avait appris de lui et non pas sur ce qu’elle se faisait comme image, cela dit. Ce n’était pas juste que Maxence soit tout simplement mis dans le même panier que les autres juges juste parce qu’il en était un. En fait, c’était injuste que chaque juge soit vu de la même façon par Adilyn, pas seulement lui. Ils étaient tous des êtres humains différents, avec leurs propres personnalités, et seulement une profession en commun. Ça ne faisait pas d’eux des robots tous plus semblables les uns que les autres.

Ils parlèrent donc des voyages, sujet beaucoup plus léger et dans lequel Maxence se sentait beaucoup plus à l’aise, même s’il n’avait pas du tout les mêmes expériences qu’Adilyn. Elle en avait vu, des pays. C’était assez impressionnant à cet âge, car même s’ils n’étaient plus dans leur jeunesse d’antan, ils avaient encore toute une vie devant eux, et la jeune femme avait voyagé bien plus que bon nombre de retraités. Elle lui parla alors des grandes villes versus les petites villes de l’Asie, puisque Maxence venait de lui parler de ses inquiétudes quant à la densité de la population en Chine, au Japon, en Inde, etc. « Ah oui, j’imagine que dans les petites villes, il est difficile de parler anglais avec les habitants ! » Assuma Maxence, par simple déduction logique. Adilyn lui parla ensuite d’Okinawa, cette île où les gens avaient une plus longue espérance de vie. Le juge rigola. « En espérant que ce ne soit pas dû à l’hérédité, sinon, vous êtes foutue quand même. » Répondit le trentenaire en rigolant.

Ils parlèrent alors d’ethnocentrisme, si tel était le terme, mais Adilyn ne semblait pas être plus certaine que Maxence. Sans doute avaient-ils trop bu à présent pour se lancer dans de telles discussions aux termes sociologiques. « Moi aussi. » Affirma-t-il en rigolant, et pourtant, il avait toujours son verre à la main. Le juge ne se laissait que très rarement aller de la sorte, mais la présence d’Adilyn l’avait sans doute rendu nerveux, parce qu’il avait continué de boire dans l’espoir de se mettre un peu plus à l’aise. Ça commençait à porter fruit. Maxence parla de sa retraite, et Adilyn mentionna qu’en forme ou non, elle viendrait cogner chez lui pour l’emmener profiter de la beauté du monde. Il sourit. « J’en serais ravi. Je vous attendrai. » Répondit-il d’un ton semi-rêveur, semi-touché par ses paroles. Ils arrivèrent finalement à un silence qui annonçait la fin, les deux ayant terminé leur verre et aucun ne semblant en commander un nouveau. Maxence inspira, avant de lâcher : « Je crois que c’est assez pour ce soir. Si vous voulez, je vous raccompagne. À pieds ou en taxi, bien sûr. » Il n’allait certainement pas conduire dans cet état, et il n’aimait pas trop l’idée de laisser Adilyn rentrer seule de son côté non plus. Surtout quand elle parlait de ces gens qui la suivaient, c’était inquiétant.

Du temps, ce n’était pas ça qui lui manquait en ce moment, mais pas assez pour se faire une opinion concrète de Maxence parce qu’elle ne savait pas qui elle devait écouter, son cœur ou bien sa conscience. Ils se recroiseraient et, à ce moment-là, elle se ferait un avis sur lui, bien qu’il était bien parti pour changer, la blonde ne voulait pas s’avancer et lui donner un espoir ; bien que ça ne devrait pas changer la vie de l’homme si Adilyn l’apprécie plus qu’autre fois. Un simple clignement de yeux pour lui répondre et changer de conversation vers un sujet qui semblait les intéresser tous les deux. Peut-être plus la blonde que le brun, mais quand elle commençait à en parler, ça ne finissait jamais, du moins, quand en présence de ses amis. Avec Maxence c’était différent, jamais elle ne parcourrait des anecdotes plus personnelles, la femme se concentrait sur la santé. Le sujet qui lui avait fait quitter la ville et ses amis pour prendre le large et voir d’autres horizons, découvrir des manières de faire et d’être différentes. Ce qui la faisait vibrer autrefois. Quand elle évoquait ses voyages, il y avait toujours une certaine lueur dans ses yeux, elle rêvait complètement, voulant retourner dans tous ces beaux pays pour une seconde fois. « Une chance que je sois un minimum gestuelle. » La qualité de savoir parler avec les mains, bien que parfois ça semblait absurde, c’était une manière d’échapper aux pires des soucis et des malentendus pendant ses voyages. Ce que rajoutait le juge fit éclater de rire Adilyn. « Le côté positif des choses serait que j’aurais terminé ma vie en vacance. » Rajouta-t-elle toujours un rire aux bords des lèvres. La femme n’avait pas fait des recherches sur la raison de la longue vie des habitants d’Okinawa mais supposait que c’était grâce à un mode de vie spécial, qu’il fallait sans doute appliquer dès l’enfance alors, dans tous les cas, Adilyn était foutue, oui.

Les deux disaient avoir possiblement trop bu pour parler d’un sujet plus profond dans les connaissances. La blonde ne voulait pas vraiment utiliser ses mémoires et ses connaissances, ce soir, tout était de côté pour laisser place à la boisson. Les verres fini, le silence entre les deux jeunes gens la rendait mal à l’aise ; les silences, ça n’a jamais été son truc, elle trouvait toujours quelque chose sur quoi rebondir, mais la situation était plus délicate. Et, bien qu’elle avait fait un léger pas en avant en oubliant sa querelle intérieur pour se détendre un peu en présence de l’homme, ils n’étaient pas amis. Ils n’étaient que deux personnes qui s’étaient rencontrés dans de mauvaises circonstances. Alors qu’elle ouvrait la bouche pour annoncer son départ, Maxence la devançait pour lui proposer de la raccompagner, si elle le voulait. Ses joues se colorèrent instantanément, puis elle sortit un rire nerveux, prenant ça pour une blague avant de comprendre qu’il était sérieux. « Je ne voudrais pas vous dérangez, rentrez chez-vous et je ferais de même de mon côté. » Un de ses doigts s’enroulait dans une mèche de ses longs cheveux, exprimant son malaise. « C’était une agréable soirée, Maxence. » Elle se levait de sa chaise, léger sourire aux lèvres, gênée. Puis elle sortait du bar, sans attendre une réponse de Maxence. Elle allait marcher un peu, ça allait lui changer les idées, puis même si ce n’était pas la porte à côté, ça lui laisserait plus de temps pour se faire un avis sur lui. Elle se retournait quand même, dans l’espoir de le voir se diriger vers elle. Son cœur semblait prendre le dessus.

Maxence hocha la tête avec un rire quand Adilyn mentionna sa chance d’être gestuelle. Dans un pays étranger, où personne ne parle la même langue que soi, le langage des signes réinventé demeurait effectivement l’avenue la plus simple. « Mimer des trucs en lien avec la santé, ça doit pas toujours être facile. » Maxence s’imaginait déjà un tas de trucs, genre Adilyn en train de mimer d’avoir la diarrhée, mais ce n’était pas très classe comme pensée, alors il ne la partagea pas avec sa compagne de bar. Après tout, le juge avait toujours conservé un certain sérieux, et même si l’alcool ingéré faisait en sorte que ses réflexions vagabondaient un peu plus qu’à l’habitude, il avait encore assez de contrôle pour ne pas faire un fou de lui. Surtout pas devant Adilyn. Ils parlèrent finalement de cette île où les gens vivaient plus vieux, et Maxence souligna que si c’était plutôt héréditaire, Adilyn ne pourrait rien faire face à son triste sort. « Ah oui, ça c’est sûr que c’est déjà une plus belle fin que d’autres. » Répondit Maxence quant au fait de finir sa vie en vacances. S’il pouvait mourir sur une île paradisiaque, lui aussi prendrait cette chance. C’était mieux que de mourir sur son banc des juges. Là où il se serait épuisé toute sa vie. Rien que de penser à ça le démoralisait.

Alors plutôt que de parler de la vie et de la mort, surtout alors qu’il avait beaucoup trop bu pour une seule soirée, Maxence mentionna que ce serait assez pour lui. La soirée tirait à sa fin, de son côté. Libre à Adilyn de rester ou non, mais il proposa quand même de la raccompagner, au cas où. Après, à elle de choisir si sa soirée ne faisait que commencer ou si, comme lui, elle allait rejoindre son lit. Son lit à elle. Et lui le sien. Même si, à ce stade-ci, les pensées de Maxence pouvaient se mêler à ses fantasmes, il ne se laissa pas trop longtemps voguer vers ces eaux-là. Rougissant légèrement, sans que l’homme ne comprenne trop pourquoi, Adilyn lui assura qu’elle ne voulait pas le déranger, qu’ils feraient mieux de rentrer chacun de leur côté. Puisqu’elle le lui ordonnait presque, Maxence hocha la tête, baissant les yeux un moment vers son verre vide avant de se lever, enfin. « Comme vous voulez. » Adilyn, se levant à son tour, lui offrit un beau sourire en lui affirmant que ça avait été une agréable soirée. Maxence sourit à son tour, s’apprêtant à lui dire que le plaisir avait été partagé, mais la belle demoiselle avait déjà poursuivi son chemin vers la sortie du bar. Maxence resta là un moment, perturbé. Troublé. Parce que la confusion se mêlait au désir. L’incompréhension s’emmêlait à ce sentiment agréable que le sourire d’Adilyn avait laissé dans sa mémoire. Et alors, sans trop réfléchir, il accéléra le pas une fois sur le trottoir, poursuivant la silhouette d’Adilyn. « Attendez, Adilyn ! » Elle se retourna, et il la rattrapa en quelques pas de course. Il recommença à marcher d’un pas normal une fois arrivé à sa hauteur. « Laissez-moi au moins vous reconduire jusqu’à chez vous. Avec vos mystères concernant toutes ces personnes qui vous suivent jusqu’à Bowen, vous m’avez inquiété. Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose sur le chemin du retour. » Dit-il, un mince sourire aux lèvres. Il la suppliait presque.

Elle riait en s'imaginant devoir mimer pour la santé. « Généralement, mes patrons parlaient anglais, sinon ils ne m'auraient pas comme stagiaire, la conversation serait beaucoup trop … difficile. »  C'était plutôt rassurant de se dire qu'elle n'était pas débarquée de nulle part, puis qu'ils n'acceptaient pas de stagiaire qui ne savait pas s'exprimer. Elle n'aurait simplement jamais décroché un stage avec des signes. Son prochain but était d'apprendre quelques langues, du moins une autre, plus internationale que l'anglais, comme le chinois ou le russe. Mais, Adilyn et les langues, c'est très difficile à lier. Alors, quand elle parlait de l'île japonaise, elle se retenait de rire en s'imaginant essayer de parler japonais, si elle disait que sa vie allait se finir en vacance, ça n'allait pas vraiment être le cas, si elle serai obligé de se couper la parole. Par chance, elle finirait muette et n'aurait plus à se soucier de ce problème. « Mourir dans la ville où l'on est né, c'est bien aussi. »  Puis, elle se rendait compte que cette conversation allait un peu trop loin, elle ne voulait pas parler de la mort alors qu'elle avait été soupçonnée d'avoir ôté la vie de quelqu'un. Mais l'alcool lui faisait toujours dire n'importe quoi et, ses conversations changeaient toujours à cause de cette raison. 

La conversation se terminait et faut dire qu'elle avait bien trop bu pour se trouver un sujet de conversation qui tenait la route. Alors, au lieu de sortir des âneries devant le Juge, elle préférait s'en aller, pour le bien de tous. Il proposait de la raccompagner, offre qu'elle déclinait sans vraiment réfléchir, avec tous l'alcool qu'elle avait bu et sa relation avec les hommes après plusieurs verres, il ne fallait mieux pas qu'il vienne. Elle s'en allait en lui lançant des belles paroles, n'en attendant pas plus de lui. Prenant la porte, elle fut un peu déçue de l'avoir rejeté, elle avait laissé parlé sa conscience alors que son cœur était totalement en désaccord. Se retournant une première fois, elle était assez déçue de voir personne marcher en sa direction, ce ne fut qu'en entendant son nom qu'un sourire s'installait sur son visage. « Je pense que ces personnes agiraient plus de jour … pour se faire voir. »  Elle se retenait de dire d'autres choses, parce qu'elle aurait vite fait de dire qu'il devait plus s'inquiéter sur ce qu'il pouvait lui arriver à lui. La blonde secouait la tête, enlevant ses pensées malsaines, regrettant son dernier verre, mais voulant un autre pour encore plus oublier. « Je me répète peut-être, mais ne vous inquiétez pas trop pour moi, vous finirez vite dans un cercueil sinon. »  Un rire ponctuait sa phrase. Toujours en revenir à ce sujet l'épuisait, à croire qu'elle ne savait que parler de ça. « Enfin, ça me fait toujours plaisir d'avoir un chevalier à mes côtés, la nuit. »  S'il pouvait la défendre d'un mal invisible ce soir, ça ne pouvait qu'être positif, elle continuait d'avancer car, sa maison ne se situait pas à cinq mètres et elle a hâte d'être chez elle. 

« J’avoue. Je n’y avais pas vraiment songé. » Avait avoué Maxence en rigolant, se trouvant un peu stupide tout d’un coup. Qui prendrait une stagiaire qui ne parle aucunement les mêmes langues qu’eux ? Ce serait totalement incohérent. Beaucoup trop difficile, comme le disait Adilyn. Cette dernière mentionna finalement, après les îles japonaises, que de mourir dans sa ville natale était tout aussi bien. Maxence hocha la tête. « Êtes-vous née ici, Adilyn ? » Maxence l’avait sans doute lu dans ses dossiers, et il aurait dû retenir l’information, mais il en lisait tellement. Des gens provenant de partout en Australie, et ailleurs. Adilyn avait beau être un cas spécial, à ses yeux surtout, cela n’empêchait pas qu’il ne connaissait pas tous les détails de son dossier. Et puis, même si c’était le cas, ce serait injuste qu’il ne s’intéresse pas à elle, sous prétexte de tout savoir. Maxence savait fort bien qu’il ignorait l’essence-même d’Adilyn. Des mots sur du papier, ce n’est aucunement l’histoire d’une personne. Maxence voulait apprendre à la connaître, elle. Pas ses informations de base.

Ce serait sans doute pour une autre fois, cependant, puisque tous les deux décidèrent que cette soirée tirait à sa fin. C’était sans doute mieux ainsi. Maxence n’avait pas bu autant d’alcool depuis bien des années, et à se souvenir de ses jeunes années d’étudiant universitaire, il ne jugeait pas bon de continuer sur cette lancée. Surtout pas en compagnie d’Adilyn, auprès de qui il désirait améliorer son image. Dans tous les cas, peu importe si la jeune femme lui avait dit de ne pas la raccompagner ou pas, Maxence ne pouvait la laisser seule. Au diable l’image qu’il projetterait alors aux yeux d’Adilyn, le juge s’était trop inquiété pour elle ce soir au courant de ses vagues discours pour la laisser rentrer seule par une pareille heure. Il la rattrapa donc après quelques secondes d’hésitation, mais pas assez pour que la jeune femme ait pris énormément d’avance. En quelques pas plus rapides, il était à ses côtés de nouveau. En un sens, ça l’apaisait. Autant pour elle que pour lui, au fond. « Pour se faire voir ? C’est plutôt le contraire, habituellement. Pourquoi ces personnes chercheraient-elles à se faire voir ? » Maxence utilisait son incompréhension dans le seul but de soutirer davantage d’informations à Adilyn. Plus elle se dévoilait, plus il se rongeait les ongles à l’idée que quoi que ce soit lui arrive. Ils n’avaient aucun compte à se rendre, mais Maxence avait l’impression de ne pas en avoir terminé avec elle. Comme s’il était incapable de passer à autre chose, maintenant qu’il la savait dans la même ville que lui. Et maintenant qu’il savait qu’elle n’était pas sortie du bois, même si elle était sortie du système judiciaire. « C’est à vous de ne pas vous inquiéter pour moi. Et puis, si je devais m'en soucier, vous me diriez pour quelles raisons, non ? » En réalité, Maxence ne saurait certainement pas se défendre s’il s’agissait de personnes bien plus fortes et expérimentées que lui. Il avait beau s’entraîner comme un malade, il n’avait jamais eu à faire à des criminels autrement qu’à la cour. Et dans ces rues, son maillet et sa robe ne lui étaient d’aucune utilité. Les deux adultes marchèrent un moment, parfois en silence, parfois en parlant de ce qui leur passait par la tête. Cela faisait déjà bien des coins de rue qu’ils traversaient. « J’commence à douter que vous habitez véritablement à Bowen. » Mentionna-t-il, en rigolant.

« “Made in Bowen”, oui. »  Ou produit bien de la maison, bien qu'elle ait plus été fabriquée à Brisbane avant que sa mère remonte seule jusqu'à Bowen, sa ville natale pour en faire celle de sa fille. Et possiblement, ceux de ses petits-enfants, si jamais un jour lointain, elle se trouverait un homme qui pourrait accepter avoir des enfants. Mais, ce n'est pas ce qui la frappait l'esprit, c'était plus le fait qu'il lui pose la question. Parce que pour elle, tout était déjà acquis, ce qu'elle lui disait n'était qu'un résumé de son dossier, qu'une partie de sa vie qu'il connaissait déjà. Son sourire devenait plus gênée, ses joues viraient vite au rouge quand il s'intéressait à elle. Puis peut-être qu'il s'intéressait trop à elle et qu'elle n'y avait pas l'habitude, c'est pour ça qu'elle aurait décidé de fuir plutôt que rester boire des verres dans un bar. Dans tous les cas, lui ne semblait pas vouloir en reprendre un, alors ça aidait la jeune femme à faire son choix, celui de partir, avec un simple sourire et ses joues pourpres. Et même si son âme saignait encore de ne pas avoir accepté qu'il la raccompagne, parce qu'elle ne savait pas ce qu'elle voulait de lui, sa conscience allait un peu mieux. Jusqu'à ce que son cœur prenne totalement le contrôle et que l'envie de l'avoir à ses côtés, du moins pour la route, soit plus intense. Elle aurait presque fait marche arrière pour aller le traîner, mais il apparaissait à ses yeux comme un héros. Sans doute qu'elle s'emballait de trop, mais l'alcool n'aidait pas à son mental. Et même si le sujet de conversation ne lui faisait pas tant plaisir, c'était elle qui l'avait cherché en lui disant que les gens qui voudraient lui faire du mal n'agirait qu'en journée. « Si la personne a un gros secret et que celui-ci pourrait changer la vision que tout le monde a d'elle … Il vaut mieux le crier haut et fort pour qu'on vous admire et qu'on vous dise combien vous êtes un héros parce que vous avez éloignés les autres d'une possible meurtrière. Vous voyez ? »  Même si elle ne l'était pas, elle était persuadée que Maisy irait déformer ce qu'elle était vraiment. Cette femme était difficile à cerner, Adilyn aurait dû s'apercevoir dès le début qu'elle n'était pas nette, pourtant elle l'a fait rentrer dans cette salle et maintenant, elle sert plus de cobaye humain que d'infirmière. Quand il se mettait à parler des sujets, la blonde fuyait alors son regard, se concentrant sur les maisons qui défilaient sous ses yeux. « Certaines personnes préfèrent jouer à leur avantage pour garder un secret. »  Presque honteuse de lui avouer à demi-mot qu'une personne se servait d'elle pour faire des tests. Rien de bien grave, si ce n'est que tous les mois elle devait se faire une piqûre pour le bien d'une camé. Il était même possible qu'elle ait encore une marque tellement elle s'est acharnée la dernière fois, pour faire apparaître ne serait-ce qu'une veine et qu'elle a fait ça à l'aveugle, puisque la vue de son propre sang la faisait tourner de l'œil. Puis, elle avait beau se remuer la tête, se retourner l'esprit, chercher des solutions, ça reviendrait toujours au même, son passage en prison ressortirait et, alors elle verrait qui resterait auprès d'elle. Mais sûrement pas Abygaël et, c'est une des seules raisons du pourquoi elle ne veut que rien soit dévoilé. Elle fût soulagée qu'il change de sujet, sa question faisait rire la blonde. « On est sans doute passé devant. » Ajoutait-elle entre deux rire.  « C'est au bout de la rue, vous n'avez plus beaucoup à endurer. »  Et le fameux bout de rue venait vite, justement. Puis plus elle s'avançait vers l'entrée, plus son cœur se serait à l'idée de l'abandonner. Mais, elle remettait ça sur le coup de l'alcool, encore, parce qu'elle avait toujours trop tendance à aimer les gens. Sans doute qu'elle regretterait tout faits et gestes le lendemain, quand elle sera consciente de quelque chose. Et c'est ça qui lui faisait le plus mal, être tirailler entre l'envie d'apprécier quelqu'un pour ce qu'il était et l'idée de le détester parce qu'il en savait trop malgré lui. Parce qu'au fond, Maxence lui avait redonné le sourire ce soir, il faisait battre son cœur sans qu'il s'en rend forcément compte mais, ses idées se chamaillaient de trop. Elle regrettait leur rencontre dans de mauvaises situations, pourtant, ça allait être compliqué un bon moment. « Hum … Merci pour cette soirée, Maxence. »  Elle l'avait sans doute déjà dit, c'est juste sa position d'adolescente qui faisait surface. Puis, elle ne partirait pas tant qu'il n'avait pas bougé un pied pour faire demi-tour. 

C’était fou, quand même, de vivre toute une vie au même endroit, et de ne jamais voir certains visages. Maxence ne restait pas toujours caché dans son bureau de travail, durant son adolescence et sa vie de jeune adulte. Il sortait le soir, il allait courir ou marcher dans le jour, il explorait et il profitait de la plage et du plein air. Pourtant, il ne se souvenait pas avoir croisé Adilyn une fois dans sa vie. Certes, vous me direz qu’il ne s’en souviendrait probablement pas s’il l’avait croisée avant l’âge de dix ou quinze ans. Les visages changent et la mémoire s’efface peu à peu. Sauf que depuis une dizaine d’années, les deux n’avaient sans doute pas changé à ce point-là, et pourtant, la première fois qu’il avait croisé ce magnifique regard, c’était au tribunal. Maxence n’avait jamais vu Adilyn auparavant, alors qu’ils déambulaient dans les mêmes rues, jour après jour, nuit après nuit. Et ce n’était que maintenant, après toute cette histoire, qu’il en venait à la croiser au hasard. Si seulement il avait pu la rencontrer avant, bien avant. Malheureusement, le hasard ne fait pas toujours bien les choses, contrairement à la croyance populaire. Cependant, peut-être que la vie lui donnait une seconde chance auprès de cette jeune femme, puisque lorsque Maxence se décida à la suivre dans les rues sombres de Bowen, elle ne refusa plus le raccompagnement. Si elle l’avait encore détesté à ce point, à la fin de cette soirée, Adilyn aurait poliment refusé de nouveau sa proposition. Il savait qu’elle avait un caractère assez fort au moins pour ça. Le juge ne tarda pas à la questionner de nouveau sur ces personnes qui cherchaient à se faire voir avant d’agir. « Oui, je vois … Mais … Adilyn, si c’est en lien avec le procès … vous avez été acquittée. Vous êtes innocente. Libre. Entre une décision de la justice et des accusations en l’air, croyez-vous vraiment que les gens croiront les secondes ? » Certes, Maxence pouvait comprendre que le fait d’être au centre de telles accusations affectait grandement une réputation et mettait un grand frein à une vie sociale, oui ça il pouvait le concevoir. Cependant, Adilyn n’était pas cette meurtrière dont elle parlait, alors pourquoi donc s’en faisait-elle autant avec ce secret ?

Maxence changea toutefois de sujet, encore une fois, parce qu’il sentait bien qu’il ne saisissait pas tout à fait l’ampleur de la situation et qu’Adilyn n’était pas prête à en dévoiler davantage. Comme il ne voulait pas terminer la soirée sur une note négative, il préféra taire la chose pour le moment, quitte à revenir à l’assaut plus tard, une autre fois. La jeune femme lui apprit que sa maison se trouvait au bout de la rue. « Oh, vous vivez dans un quartier très beau, tranquille et familial. Avez-vous une petite famille, en vrai ou en tête ? » Osa-t-il demander. Il ne se souvenait pas avoir lu qu’Adilyn était mère de famille, mais qui sait. Certaines choses pouvaient lui échapper, ou sortir de sa mémoire. Ils arrivèrent finalement devant sa maison, et Maxence aurait eu envie qu’elle l’invite à prendre un thé ou un café, rien que pour continuer à lui parler, apprendre à connaître cette femme pour de vrai, pour de bon. La connaître entre les lignes de son dossier. Tout ce qu’il ne pouvait pas voir, tout ce qu’il ne pouvait pas savoir, à moins qu’elle n’ose le lui révéler. Adilyn était un mystère pour Maxence, un mystère qu’il voulait résoudre lentement, se faisant lui-même languir. Malheureusement, Adilyn le remercia pour cette soirée, et attendait qu’il s’éloigne. Maxence n’était pas du genre à s’inviter, surtout pas à une pareille heure, après tout ce qu’ils s’étaient dit. « Merci à vous, Adilyn. J’espère sincèrement vous croiser de nouveau, par hasard, comme ce soir. C’était une agréable surprise. » Il resta là un moment, la regardant avec un sourire, hésitant à retourner chez lui ou à attendre qu’elle rentre. Comme s’il s’accrochait à un mince espoir que tout ne s’arrêterait pas là, pas maintenant. Sauf qu’ils soutenaient le regard l’un de l’autre, attendant tous les deux un miracle, peut-être. Alors Maxence hocha la tête, les lèvres pincées, et tourna sur lui-même pour retrouver le sentier qui le ramènerait au trottoir. Une fois arrivée en bordure de la rue, il tourna une dernière fois la tête vers Adilyn, lui souriant.

Elle parlait de Maisy sans jamais prononcer son nom, comme s'il était interdit à prononcer, comme si elle voulait la protéger d'un éventuel problème alors qu'elle aurait sans doute vécu plus normalement si cette femme ne mettait pas ses nerfs à rude épreuve ; lui disant qu'elle pouvait faire du mal à la petite si elle le voulait et, ça c'est ce qu'elle redoutait le plus sans doute. Si cette femme devait s'en prendre à quelqu'un ce serait certainement plus Adilyn qu'une petite innocente. « Je ne peux pas contrôler la réaction des gens, ils vont croire ce qu'ils entendent, parce qu'ils sont peu à chercher le fond des histoires et la vérité. »  C'était toujours comme ça et, même si Adilyn se disait pas faire partie de ces personnes, si on lui annonçait qu'une personne aurait fait de la prison pour meurtre, mais que celle-ci se défendait en disant que c'était une erreur judiciaire, elle ne saurait pas qui croire. Tout le monde défend ses intérêts, même sa meilleure amie lui faisait la tête maintenant qu'elle avait appris son histoire, parce qu'elle avait osée le dire qu'à une personne, celle à qui elle faisait sans doute le plus confiance. Mais ça à briser une amitié, une belle. Maxence pouvait dire ce qu'il voulait, il était bien le seul à avoir été là quand Adilyn a été jugé innocente, il est un des seuls à savoir qu'elle a fait de la prison. Et, même si elle ne veut pas que les autres soient au courant au risque de lui tourner le dos. Lui, était le seul à savoir son histoire au complet, pourtant, il ne la rejetait pas, il la voyait comme une humaine pas un monstre. Puis, bien qu'elle disait ne pas vouloir l'aimer à cause de son rapprochement avec son histoire, elle devait accepter qu'elle ne se sentait qu'elle-même qu'en compagnie de cet homme, ça lui faisait du bien. Perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendu compte que la route s'était passé plus rapidement. La question de Maxence rendait pour une énième fois les joues de la blonde d'une couleur plus rosé. « Je n'ai pas de petite famille pour le moment, non … Vu ce que je vous disais tout à l'heure, je préfère attendre d'avoir trouvé quelqu'un de bien pour fonder une famille. »  Son imagination lui faisait encore défaut en s'imaginant un passage de vie en compagnie de l'homme. Elle regrettait son verre de trop, encore une fois. « Mais oui, le quartier est tranquille si on enlève le fait que j'habite autour de commère. » Disait-elle en riant, parce qu'elle adorait les rumeurs et les potins, bien qu'elle avait toujours peur que ça tombe sur elle, un jour. Arrivée devant la porte d'entrée, elle attendait, le cœur bouillant et les yeux pétillants, qu'il se passe quelque chose. Mais la blonde n'osait pas bouger le petit doigt, laissant ses pensées l'emporter pour créer une petite histoire pendant qu'elle bredouillait deux ou trois mots. Elle lui aurait bien proposé de rentrer à l'intérieur, ce n'était pas l'envie qui lui manquait, mais elle ne trouvait pas les mots et elle ne savait pas quoi inventé pour qu'il accepte d'entrer, dans tous les cas. « J'ai aimé découvrir un peu plus sur vous ce soir … »  Un sourire timide sur les lèvres, elle n'osait pas vraiment le regarder dans les yeux, parce qu'elle ne supporte pas ne rien pouvoir faire pour le retenir rien qu'un peu, quelques secondes tout au plus. « J'espère vous recroisez vite. » Ils n'allaient pas rester longtemps se regarder dans les yeux sans rien faire, mais quelque part, elle était déçue, déçue qu'il fasse demi-tour pour rejoindre la route. Elle se mordait la lèvre un peu plus fort à chaque pas qu'il faisait, se sentant bête de ne pas l'avoir retenu. Quand il jetait un dernier regard vers elle, son cœur tambourinait, elle n’osait pas bouger, encore, pour rentrer chez elle. « Maxence ... » Elle s’approchait de lui, essayant de le rattraper rapidement puis elle n’attendait pas pour poser ses lèvres sur les siennes. Sa main passait doucement dans les cheveux de l’homme. Quand elle venait à se défaire de lui, elle plantait son regard dans les iris azur de Maxence. « Je ne peux pas vous laisser partir comme ça. » Parce qu’elle en avait envie, parce qu’elle ne voulait pas écouter sa conscience ce soir. Sans même pensé que sans doute, l'envie n'était pas réciproque.