Let the games begin (jackson)

Il y a un endroit qui a toujours tenté Alfie mais dans lequel il n'a encore jamais mis les pieds. Un lieu de jeux, un lieu connu pour être une sorte de bulle dans laquelle tu entres avec, comme but, te séparer du monde le temps de quelques heures. Cet endroit, c'est le récent casino de Bowen, ouvert depuis seulement un an ou deux. C'est sur le tas, sans vraiment prévenir à l'avance, qu'Alfie a proposé à Jackson de s'y rendre comme ça, sans raison particulière, juste pour pouvoir se perdre une nuit dans une sorte de mini Las Vegas. En réalité, il ne le lui a pas vraiment proposé, il l'a peut-être un peu forcé. Alfie était déjà en bas de chez Jackson avant même de lui avoir proposé son plan. Heureusement pour lui, son pote aime certainement presque autant que lui les plans arrangés à la dernière minute, et il n'a pas mis longtemps avant de le rejoindre dans sa voiture. Alfie n'a pas beaucoup d'amis masculins en ville, à croire qu'il s'est toujours mieux entendu avec la gente féminine. D'ailleurs, même Jackson, il ne le connait finalement pas tant que ça. Il ne sait pratiquement rien de sa vie, comme lui ne connait pas des masses de choses sur le passé d'Alfie. Ils ne sont pas du genre à se faire des confessions après avoir bu un verre de vin de trop, mais plutôt à faire la tournée des bars et à rire de leurs conneries. Même amis, ils restent des mecs. Tout ce qu'il sait de lui, c'est qu'il aurait parfois bien besoin de quelqu'un pour le sortir voir d'autres paysages, quelqu'un qui le pousserait à vivre. Alfie s'est, depuis peu, attribué ce rôle sans demander la permission. Il apprécie Jackson, même si il ne sait pas vraiment pourquoi. Il est plus âgé, un peu impressionnant, et marrant aussi quand il veut. Sur le chemin, l'habituelle compilation de chansons de rock composée par Alfie lui-même a raisonnée pendant tout le trajet dans la voiture. Vu l'heure tardive, il s'est permis d'aller un peu plus vite que d'habitude. Il arrivèrent au casino vers vingt-trois heures et, pour la première fois de sa vie, Alfie découvre ce qu'est réellement ce genre d'endroit. Un bâtiment gigantesque, de grandes lumières, un tapis rouge. Il tourne la tête vers Jackson. « Bon, ça change des bars au moins. » Plutôt que de passer une énième soirée accoudés à un vieux meuble en bois collant à cause de l'alcool renversé dessus, Alfie a eu envie de sortir un peu de ses petites habitudes. Pas besoin d'être plein aux as pour s'offrir une nuit au casino, si ? Et puis, à ce qu'on dit, il se passe toujours des trucs énormes dans ce genre d'endroit. Peut-être que Jackson et lui sont sur le point de vivre des expériences qu'ils ne risquent pas d'oublier de si tôt. « Je propose qu'on enfile nos costumes de "mecs politiques bourges qui viennent pour oublier leur vie minable", ça te branche ? » Alfie attache les premiers boutons de sa chemise et regarde son ami d'un air faussement hautain. Il aime s'amuser, déconner, faire l'abruti. C'est comme ça qu'il passe la plupart de son temps.

Jackson avait entendu frapper à sa porte ce soir et c'est surpris qu'il avait retrouvé Alfie derrière. Ce dernier l'invitant à sortir, au casino. Notre brun, au départ dubitatif, avait fini par accepter. Il s'était demandé comment il devrait bien s'habiller pour entrer dans un endroit pareil. Après tout, la dernière et seule fois qu'il y était entré, c'était le jour de l'inauguration et au départ il s'y était rendu pour un rendez-vous professionnel avec le Maire pour finalement y rencontre Maxence, mais il ne s'était pas éternisé, de toute façon il ne savait pas vraiment jouer et puis les jeux d'argent ne l'intéressaient que moyennement. Mais bon, si le gamin était d'humeur à jouer aux cartes ou à la roulette, pourquoi pas. Il avait passé une chemise bleue pour mettre ses yeux en valeur, c'était l'une des seules choses qu'il savait concernant le style, essayer de mettre ses soit-disant atouts en avant, et puis un jean foncé et des chaussures habillées, bon c'était sobre mais pas trop plouc, il sortait en ville tout de même. Il attrapa une liasse de billets qu'il gardait au cas où, bon ça n'était pas vraiment l'utilité qu'il comptait en avoir, il pensait plus à un pépin au niveau de sa chaudière ou bien le manque trop pressant qui l'obligerait à se payer une dose, mais c'était une raison comme une autre de la dépenser. Et puis même s'il avait connu des périodes de vache maigre, il était aujourd'hui à l'abri de tout soucis, ses toiles se vendant bien, il avait de quoi voir venir.
En voiture, Jackson ne dit pas grand chose, écoutant distraitement la compil d'Alfie, il appréciait, même s'il se demandait de plus en plus si le choix du lieu où ils se rendaient était des plus judicieux. Une fois arrivés, il ne pu s'empêcher de pousser un soupir en voyant ce bâtiment grandiose. C'est sur qu'on joue plus dans la même cour là. Même s'il n'était pas certain de vouloir jouer dans celle-ci, les bars c'était plutôt sympa dans le fond. Ils entrèrent dans ce lieux qui semblait vraiment impressionner le gamin, Jackson esquissa un sourire à le voir se comporter comme un coq, c'était ce qu'il appréciait chez lui, il ne se prenait pas la tête, vivait l'instant présent et semblait bien dans sa peau, comme si tout devait toujours bien se passer. Ils se connaissaient peu mais ce simple aspect de sa personnalité plaisait à notre brun, ils pouvaient s'amuser ensemble, entre hommes, ils se marraient bien et ça allégeait un peu les épaules de Jax.
Il arqua un sourcil à la proposition d'Alfie avant de prendre un air sérieux. Moi je suis Charles, héritier de la fortune de Papa, je rêve de détrôner le Maire. Et toi, Igor, jeune prodige de la politique. Nous avons de l'argent à perdre et des femmes à conquérir. Il avait pris un ton faussement hautain qui ne lui allait pas du tout. Allons commander un martini, tu veux ? Parce qu'évidemment, dans un casino, on buvait du martini avec une olive !

Puisqu'il n'a encore jamais mis les pieds dans un endroit pareil, Alfie ne s'était pas encore rendu compte à quel point un casino, ça n'a vraiment plus rien à voir avec les bars qu'il a l'habitude de fréquenter. Jackson est sur son trente-et-un, et il n'a pas hésité à le lui faire remarquer pendant le trajet. Alfie, quant-à lui, porte une simple chemise blanche qui ne met en valeur que le fait qu'il n'a pas de kilo en trop. Au final, ce n'est pas son envie de jouer à un quelconque jeu auquel il ne connait même pas les règles qui l'a poussé à faire cette proposition à Jax. C'est surtout sa curiosité, l'envie de savoir ce qu'il peut bien se cacher derrière ces grandes portes. La création de leurs nouvelles identités fait rire Alfie qui hoche la tête en se redressant comme si il était un de ces pauvres types avec un balais dans le cul. « Alors entrons, mon cher Charles. » Alfie n'attend pas sa réponse pour agir. Il entre dans le hall du casino en espérant qu'il n'allait pas les perdre. Les grands bâtiments l'intriguent plus que ne l'impressionnent, c'est pour cette raison qu'il ne pousse pas un grand "waouh" admiratif en découvrant les murs de plus de trois mètres de haut. Alfie vient d'une famille riche, des palaces il en connait. Il n'a jamais vraiment eu l'occasion de visiter d'aussi grands bâtiments vu que ses parents friqués n'étaient que deux cons, mais rien que sa maison équivalait à l'immeuble entier de son appartement. Multiplié par trois. Alfie entend un bruit de foule venant d'une des salles et jette un coup d'oeil à Jackson.  « Le bar doit être par là. On peut se prendre un verre, ou deux. Ou plein, si c'est à volonté. » Parce que passer des heures dans un casino sans être un minimum bourré ou défoncé, ça ne doit pas être bien marrant. Il s'approche du bar, commande deux martinis et, une fois servis, lève son verre en direction de son ami.  « À notre longue nuit, sûrement pleine d'imprévus et de jolies femmes. » Il a lâché sa dernière phrase en croisant le regard d'une brune qui passait à ce moment-là, vêtue d'une charmante robe rouge qui moule ses formes à la perfection. Alfie reste un jeune homme, il ne peut s'empêcher de profiter des jolies vues qu'on lui offre.

Ils n'avaient pas l'air bien à l'aise dans leur costume de mecs bon chic-bon genre tous les deux. Jackson, surtout, qui lui n'était absolument pas de ce milieu là, il avait bien compris qu'Alfie, lui, semblait avoir pas mal d'argent, mais ça ne voulait pas dire grand chose et puis il n'en faisait jamais vraiment allusion, en plus, lui, ça lui importait peu que son pote soit plein aux as, du moment qu'ils s'amusaient. Ses yeux se baladaient sur toute la grandeur du lieu, il ne pouvait s'empêcher de se dire que pour une ville comme Bowen c'était un peu exagéré, lui qui avait grandit à Hollywood et déjà mis les pieds à Vegas dans sa petite adolescence avec sa mère, il avait du mal à imaginer du faste et des paillettes fonctionner aussi bien dans la petite bourgade australienne mais peut-être que ça n'était pas vraiment l'idée, mais simplement celle de distraire ses habitants. Alfie lui indiqua du menton la pièce où tout semblait se jouer, il hocha la tête. Ca ne sera surement pas à volonté mais ce soir on ne compte pas, n'est-ce pas ?! Il haussa les sourcils, même engoncé dans son rôle de gosse de riche il jouait le jeu. Ils s'avancèrent vers le bar et commandèrent donc leurs martini, le pire, c'est que Jax n'aimait pas vraiment ça, en plus, ça n'était pas un alcool assez fort pour qu'ils soient saouls, ou alors il leur en faudra plusieurs, clairement ! Ils levèrent leurs verres avec une mine réjouie. A la notre Igor, à notre nuit de folie et aux femmes qu'il nous reste à cueillir. Ouais, il était un peu mauvais poète à ses heures. Il remarqua le regard appuyé avec lequel Alfie reluquait la brune à la robe rouge. Sourire en coin, il s'amusait l'observer, il semblait avoir tellement d'assurance que lui. Alors ton credo c'est les brunes ? Moi je préfère les blondes, au moins on ne s'arrachera pas les mêmes proies.

Alfie a toujours été très doué pour jouer un rôle. Il a connu le monde des richesses, mais n'y a jamais réellement fait partie. Déjà petit, il a refusé de vivre comme ses parents pour la simple et unique raison qu'il refusait l'idée de finir comme eux. Hautains, sournois, avec pour seule passion la politique. Quand il a plaqué l'Espagne, Alfie a aussi plaqué son héritage légitime. Ce casino, c'est un luxe qu'il n'aurait jamais pensé pouvoir se permettre. Mais après tout, comme le dit si bien Jackson, ce soir on ne compte pas. Les deux trinquent, et Alfie ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire amusé par la réponse de son pote de soirées. Igor, quel charmant nom, presque autant que celui qu'il s'est attribué. Car même si Alfie est loin d'être encore quelqu'un de fortuné, son réel prénom ne peut que trahir ses origines bourgeoises. « Je n'ai pas vraiment de genre particulier, ça se fait plus au feeling, » répond-t-il en appuyant encore quelques secondes son regard sur la brune avant de détourner son attention vers Jax.  « Tu vois, ce genre d'ouverture, c'est le signe que tu vas passer une bonne soirée. T'attends un peu, qu'elle aie bu trois ou quatre verres, puis t'y vas. » Car même s'il n'est pas le roi des dragueurs, Alfie ne peut pas nier le fait que des femmes, il en a connu plusieurs dizaines. Des brunes, blondes, rousses, tant de personnalités pourtant si intéressantes qui ne se sont contentées que d'un allé-retour dans son lit, ou le leur. Il boit une gorgée de son verre avant d'offrir une tape dans le dos de son ami. « Tu ne rentreras pas seul ce soir, » lâche-t-il sans même savoir si Jackson a quelqu'un dans sa vie. Jax et Alfie ne sont pas vraiment le genre d'amis à se raconter leur vie sentimentale respective. Ils boivent, rient un bon coup, et ça en est toujours resté là. Ce n'est pas plus mal après tout, ça fait enfin quelqu'un avec qui il ne risque pas de se retrouver dans une histoire compliquée qui finirait par lui filer la migraine. Non, ça a toujours été simple avec lui. Deux potes, deux sorteurs, et pas de prise de tête.

Il faisait genre, Jax, mais en vrai il était très mauvais en drague, généralement, pour qu'il ramène une fille à la maison, il fallait qu'il soit bien imbibé. De toute façon, en temps normal, c'était un exploit qu'il sorte de chez lui, lui, le solitaire, le gars qui n'était bon qu'à se piquer et à rester bader sur son lit, ce fut son quotidien des années durant, dur pour se trouver des conquêtes donc ! Il sortait réellement depuis peu, il s'était forcé au départ, conscient que ça faisait parti de son combat pour s'en sortir que de rencontrer des gens, de se familiariser avec la foule. Il avait détesté ça les premières fois puis il avait rencontré Alfie ou d'autres et s'était rendu compte que ça pouvait être sympa. Généralement ces rencontres étaient superficielles, ils passaient une bonne soirée mais ne se revoyaient jamais, on ne devient pas ami avec tout le monde, mais avec Alfie ça avait bien accroché et puis ils avaient vraiment sympathisé, comme quoi tout était possible, tout le monde pouvait changer. Ce soir en était la preuve. Il observait le gamin qui cherchait clairement à attirer l'attention de la brunette, il avait une aisance naturelle, bien loin de la maladresse de Jackson. Ouais, tu maîtrises ton sujet je vois. Tu sais, moi, avec ma belle gueule, j'ai pas besoin de ça... Il exagérait à peine, généralement lorsqu'il avait suffisamment de courage il s'en sortait toujours bien. Mais pour l'instant, aucune fille n'attira son attention. Le but c'est qu'elle soit assez saoul pour accepter n'importe quelle proposition ? Avouons que ça pouvait marcher, même souvent, surtout avec un mec comme Alfie, il n'en doutait pas. Bien, mon grand lit me paraîtra moins vide pour une fois ! Et puis une fille à son bras à la roulette ça porte chance mon ami.

Contrairement à ce qu'il peut laisser croire, Alfie n'est pas là pour une bête chasse à la fille. En réalité, il a même tendance à parfois délaisser les bars à cause d'une seule raison qui lui fait l'effet d'un électrochoc à chaque fois qu'il y pense. Une fille aux cheveux châtains, au regard sombre et au caractère de feu. Il a beau essayé de se vider la tête et de ne plus penser à elle en allant voir à gauche à droite, ce petit jeu ne l'amuse plus autant qu'avant. Ça le perturbe autant que ça l'énerve Alfie, jamais aucune fille n'avait eu ce pouvoir sur lui avant elle. Aujourd'hui, il se concentre donc sur Jackson et sur ses envies à lui, sur ce qui pourrait animer sa soirée et lui faire passer un bon moment. Il esquisse un sourire amusé à la réflexion de Jax. « Arrête, j'ai l'impression de passer pour un pervers quand tu dis les choses comme ça. » Ça l'a toujours amusé d'entendre les images qu'ont les autres de lui. C'est à cause de son insensibilité, son handicap dans le domaine des sentiments qui fait qu'il n'arrive pas à s'attacher à une fille qui lui a crée cette image de tombeur aux yeux de tous. Sauf qu'avec d'être un dragueur, Alfie est avant tout un joueur. Il ne chasse pas, ne traque pas sa future proie. Il se contente de croiser le regard d'une fille qui veut s'amuser autant que lui et qui le lui fait comprendre. Enfin, tout ça, ça a fini par devenir de plus en plus rare à cause... d'elle. À sa réflexion sur la chance amenée par la compagnie d'une demoiselle, Alfie ne peut qu'approuver. « Il paraît oui, » dit-il pensivement en songeant à Freja. Il se tourne vers son partenaire pour la soirée. « Sauf que pour le moment, tu vas devoir te contenter de moi. Désolé, je sais que je ne suis pas aussi attirant qu'une jolie brune à la poitrine généreuse. » Alfie esquisse un sourire avant de boire une gorgée de son verre pendant que son regard arpente la salle entière.

La réflexion d'Alfie fit rire notre brun, en effet ça faisait pervers, mais après tout chacun son truc, il ne jugeait pas et puis il avait bien compris le sens de ce qu'il voulait dire. Il observait cette faune bien habillée, ces hommes aux costumes impeccables avec les jolies femmes à leurs bras, ceux qui étaient là en façade, pour faire bien, parce que derrière, sur les machines à sous, il y avait les autres, les accros aux pièces qui tombent, même rarement, ceux qui remplissaient les caisses de la boutique mais qu'il ne fallait pas trop montrer. Ce soir il se sentait comme l'un de ceux là, costumé pour faire bien. Tu l'as ta brune pulpeuse si tu veux, vas l'attraper ! Lui pourrait rester ici, il boirait quelques verres, il irait tenter sa chance au craps éventuellement. Parce qu'il fallait bien qu'il l'avoue, il n'aimait pas les brunes à forte poitrine, lui il aimait les blondes aux petits seins. Il fallait qu'il se l'avoue, il n'avait qu'une blonde en tête, celle qui avait rallumé la flamme qu'il pensait éteinte à jamais. Étrangement l'envie de jouer la comédie ne l'amusa plus. Il finit son Martini, il trouvait ça infecte, pestant intérieurement contre James Bond qui avait clairement mauvais goût. Tu veux voir un truc sympa ? Il avait soudain l'envie de s'aérer, de sortir, mais il ne voulait pas gâcher la soirée et puis il avait vu les plans du casino, il connaissait l'endroit presque par cœur, il était en mesure d'impressionner son acolyte, si celui-ci était partant. Et après son accord il entraîna le gamin dans les méandre du bâtiment, le faisant passer par les coulisses, grimper des échelles. Le Maire m'a offert une visite privée... j'ai bonne mémoire. Dit-il comme pour se justifier avant que l'autre ne le prenne pour un timbré qui voulait l'égorger dans un coin. Et puis ils accédèrent au toit du casino, surplombant la ville.

À la réflexion de Jackson, Alfie n'a pas répondu tout de suite. Il s'est contenté de hausser les épaules, et a lui aussi laissé son regard traîner sur toutes les personnes présentes dans la salle. Ces êtres si distingués, ça lui rappelle ses parents. La bonne image qu'ils se donnaient, leurs vêtements à prix exorbitants, et ce milieu dans lequel Alfie ne s'était jamais senti à l'aise quand il était plus jeune. Être là, tel un caméléon dans son costume de pingouin, ça l'amuse presque. Ça lui donne envie d'agir de manière contraire à eux, de gâcher leur petite soirée bourge parce qu'au fond, il se dit que ce serait peut-être le seul événement un peu mouvementé qu'ils vivront dans leur petite vie. Sauf qu'il se contient. Il reste distingué, car il n'a pas envie de foutre en l'air un de rares moments passé avec son pote. « Bah, elle se trouvera bien quelqu'un d'autre, » lâche-t-il alors que, de toute façon, cette brune est certainement déjà loin. Autrefois, Alfie l'aurait fait. Il l'aurait abordée, aurait trop bu, et ce serait amusé à jouer au crétin comme il a toujours si bien le faire tout au long de sa vie. Et pourtant, il semblerait que la maturité du brun gagne un peu de terrain par rapport à sa stupidité. À la question de Jax, Alfie hoche vivement la tête. Il finit son verre d'une traite, le refile à un serveur qui passe par là, puis suit l'homme qui l'emmène à travers le casino. « T'as une relation privilégiée avec le Maire ? Je t'imaginais pas comme ça Jax. » Il rit, taquin, puis grimpe sur l'échelle avant d'arriver devant une vue de Bowen plus qu'impressionnante. Le toit. Un sourire étire les lèvres d'Alfie alors que son regard se perd quelques secondes dans la contemplation de la ville. Profitant d'être dehors, il sort son paquet de cigarettes, en prend une, puis tend le paquet à Jackson. « J'avoue que c'est plutôt cool, même si je suis pas certain de vouloir savoir pourquoi il t'a emmené ici, » plaisante-t-il.

La réaction d’Alfie ajouta à l’envie de Jackson de s’enfuir d’ici, l’autre ne semblant pas plus que ça attaché à l’idée de serrer la brunette. Alors il lui proposa de le suivre et il sembla partant. Ils étaient donc allé découvrir les derrières du casino, les coulisses, tout ce que les pingouins et les zombies ne voyaient pas. C’était mille fois plus intéressant pour Jackson, cette intrusion clandestine dans les entrailles du bâtiment. Il ne remarqua qu’après coup que sa réplique pouvait avoir un côté louche, il rit à son tour, se sentant con. Tu n’imagines même pas ! Dit-il en haussant les sourcils, surfant sur sa bêtise. Le Maire avec son artiste, gros titre du nouveau billet du blog anonyme de Bowen, bientôt dans le journal local ! Il continua à avancer sans plus rien ajouter, de toute façon Alfie avait bien compris que le peintre plaisantait. Et puis ils accédèrent finalement au toit. La vue fit son petit effet sur le gamin qui resta sans voix un instant. Le jour commençait à baisser sur l’horizon, ils avaient une vision superbe. Si Jax avait été du genre à peindre des paysages celui-ci aurait valu le détour. Mais il s’ennuyait dans ce genre de courant, préférant les portraits, chacun son truc. Malgré tout il appréciait la vue en cet instant. Alfie lui tendit son paquet de clopes, l’ancien drogué en attrapa une avec plaisir, la nicotine avait le pouvoir de l’apaiser un peu, de calmer le manque, même brièvement, c’était toujours ça de prit. Il ne m’y a pas amené, j’ai juste une bonne mémoire photographique, lorsqu’il m’a montré et brièvement expliqué les plans du casino j’ai repéré le toit et j’me suis dis qu’un jour ça serait sympa que j’y fasse un tour, par curiosité. C’est la première fois que je viens ici. Bon je ne pensais pas sérieusement le faire un jour. Mais je suis bien content que tu m’y accompagnes ! Il tira sur sa clope, en appréciant le goût. Alors Alfie, t'es bien ici, à Bowen, tu t'y plais ? Demanda-t-il, curieux, lui qui ne se sentait pas vraiment à sa place ici.

Ça plait aussi au brun, cette petite visite surprise à travers les recoins cachés du casino. Les endroits qu'on ne montre pas, cachés du grand public, le genre de lieu que lui préfère. Au fond, lui-même savait que c'est de cette manière ou d'une semblable que la soirée avec Jackson allait finir, pas derrière un jeu de la salle où ils allaient parier et siroter un cocktail comme tout le monde ici. C'est d'ailleurs pour cette raison que c'est à lui qu'il a proposé cette sortie et non à un autre, parce qu'il savait qu'il allait trouver un moyen de l'épater d'une façon où d'une autre. Alfie rit à sa plaisanterie, mais n'ajoute rien. Il profite de la vue que leur offre maintenant le toit avant de planter sa cigarette entre ses lèvres et de l'allumer. L'effet de la nicotine qui s'empare lentement de sa gorge et ses poumons lui a manqué. Il se tourne vers Jax. « Je suis touché de partager ta première expérience, » dit-il pour plaisanter, sans pour autant être moqueur. La question qu'il lui pose ne fait pas réfléchir Alfie longtemps. Il a déjà tout un discours préparé, ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'on la lui demandait. « Visiblement, ouais. Ça fait déjà deux ans que je suis là, un record pour un type comme moi qui a passé les dernière années de sa vie à voyager de continent en continent. Je crois que Bowen a un effet calmant sur moi. » Il sourit, puis tire une nouvelle fois sur sa cigarette. À la base, Alfie ne comptait pas rester ici. Il songeait à l'Asie, ou aux îles du Pacifique qu'il n'a encore jamais vues. Et pourtant, voilà déjà bien trop longtemps qu'il a posé ses affaires et qu'il n'a plus quitté les terres de l'Australie. « Je te retournerais bien la question, mais je crois savoir que tu penses pas vraiment la même chose de Bowen que moi, non ? » Ce n'est pas vraiment une question, plus une affirmation. Une conclusion qu'il s'est faite lui-même suite aux observations de ses gestes, à l'écoute de ses paroles. Alfie n'est peut-être pas le type le plus attentif aux autres, mais il n'est pas stupide pour autant. « T'irais où, si tu le pouvais ? »

Il souffla sa fumée avec un sourire amusé au coin des lèvres. T'es con ! Mais il avait le mérite de le faire rire, ce gamin. Le regard perdu dans les lumières de la ville, Jax l'écoutait répondre à sa question, il enviait presque Alfie qui semblait s'acclimater n'importe où, peut-être qu'il se trompait, dans le fond il n'en savait rien, mais il avait l'air tellement à l'aise, dans n'importe quelle situation, avec n'importe quel costume, même en jouant la comédie ça semblait crédible venu de lui, un vrai caméléon. Quand tu passes ta vie à voyager. Et même si t'es qu'un gamin... tu ne t'ennuies pas à force de rester dans un endroit ? J'veux dire, Bowen c'est pas bien grand, on en a vite fait le tour... Enfin lui en avait fait le tour. A moins d'avoir quelque chose ou quelqu'un qui t'y retienne. Une fille par exemple... Peut-être que s'il avait été plus courageux, que s'il n'avait pas rencontré Tamsin il serait déjà parti, il n'aurait pas attendu désespérément qu'elle revienne, sa muse. Le jeune homme semblait avoir compris que notre ténébreux n'était pas bien ici, en même temps ça n'était pas difficile à voir, il ne s'en cachait pas. J'y suis depuis mes quatorze ans, j'ai pas choisi de poser mes valises ici. Il haussa les épaules, les souvenirs de sa mère remontaient, comme toujours, mais il savait gérer la mélancolie qui arrivait avec à présent. Bowen c'est très bien pour s'enterrer, pour être au calme, au plus près de la nature. Il voulait s'en convaincre. Il réfléchit un instant avant de répondre à sa seconde question. Tirant à nouveau sur sa clope qui descendait à vue d'oeil. J'sais pas. Je retournerais peut-être aux Etats-Unis, c'est un peu ma maison. Ou l'Europe, pour ses artistes, ça pourrait être intéressant. Et toi, t'iras où quand tu te lasseras de Bowen ? Parce qu'il ne doutait pas que ce jour viendrait, même si ça n'était pas pour aujourd'hui et qu'il s'en réjouissait parce qu'il aimait sa présence par ici.

Alfie n'a jamais été quelqu'un de très soucieux. Il vit avec ce que lui offre la vie, il ne se plaint pas, il prend et il s'adapte. Bowen, ça a été sa destination finale sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Cette ville dégage quelque chose de chaleureux, quelque chose qui lui plaît. Là au moins, il est presque certain que si il le voulait, il pourrait vivre une vie normale. Avoir un job, un chez-lui, tous ces trucs bateaux qu'il s'est toujours interdits jusque là. Et puis, la question de Jax fait soudainement surgir une réponse toute faite dans sa tête, mais qu'il n'est clairement pas prêt à prononcer tout haut. « Je sais pas trop ce qui me retient ici. Je crois surtout que je me voyais mal passer toute ma vie à voyager, fallait bien que je pose un jour mes valises quelque part. C'est tombé sur Bowen. » Il ne ment pas, Alfie a réellement eu le sentiment un beau jour que continuer à voyager serait de trop. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il a rencontré ici plusieurs personnes qu'il ne se verrait pas perdre. Un exploit pour un type comme lui qui, jamais, n'a ressenti le moindre attachement pour quelqu'un d'autre que sa soeur. Et puis, il y a cette fille. Cette beauté aux yeux sombres, au sourire envoûtant, celle qui l'attire et qui le repousse. Non, il ne parlera pas d'elle. Pour lui, il est tout bonnement impossible que cette unique fille arrive à lui donner envie de rester. Alfie écoute Jackson parler afin de se la sortir définitivement de la tête. « Ouais, j'avoue que c'est pas l'endroit idéal pour ceux qui ont une vie un peu plus décalée par rapport à la normale. » Il tire une bouffée de cigarette avant de la recracher vers les étoiles. Et pourtant, Alfie en a vécu des moments dans les bars de cette ville. Bons comme mauvais, mais tout de même inoubliables. À la question de Jax, il plisse légèrement les paupières. « Je crois que je retournerais en Irlande, c'est vraiment un pays qui m'a marqué. Mais bon, je compte pas partir de si tôt, » finit-il avec un regard en coin en direction de son ami.

Il sourit doucement à la réponse de son ami, comme si Alfie était un vieux loup de mer qui avait trop baroudé, alors que ça n'était encore qu'un gamin. Pourtant Jax, qui était légèrement plus âgé que lui, avait clairement cette impression en l'écoutant parler, surement parce que lui avait gâché de précieuses années à enchaîner piqûres sur piqûres, défonce de plus en plus profonde, il s'était enfermé dans son monde cotonneux et n'avait profité de rien, envolé sa jeunesse, envolé les belles années, il s'était réveillé il y a peu, déjà presque trente ans et plus de dix années perdues. Dans sa tête il avait encore l'impression d'avoir la vie devant lui alors que ça n'était qu'illusion, pourtant il ne ressentait pas le besoin de tout rattraper, tant pis, il vivrait ce qu'il aurait à vivre, le reste serait dans une autre vie. T'es encore jeune, t'as toute la vie devant toi pour poser tes valises. Il haussa les épaules. Enfin c'est pas que ta présence me dérange, moi j'veux bien que tu m'tienne compagnie encore un moment ! Le gamin semblait songeur, peut-être qu'il ne lui disait pas tout, mais ils n'étaient pas assez proches pour que Jackson lui tire les vers du nez et puis ça n'était pas vraiment son genre non plus de faire ces choses là. Après tout lui ne parlait pas de Tamsin, sa muse, son illusion, la seule vraie raison qui le retenait ici, comme cette peur de la manquer le jour où elle reviendrait enfin vers lui. Il n'en parlait pas parce qu'elle était son paradis mais aussi son enfer, il ne voulait pas avouer aux autres qu'il y était accro, surement bien plus qu'à sa précieuse drogue. Si t'es surfeur ou chasseur de serpents c'est surement la ville idéale. Merde l'autre jour j'en ai un qui est venu se poser sur ma télé, j'ai horreur de ces bestioles ! Il hocha la tête alors que Alfie se confiait sur ses envies de voyage éventuelles. Ouais l'Irlande ça parait bien, c'est vert, c'est calme, tu peux surement vivre pépère entouré de moutons avec personne qui vient t'emmerder. Je crois que je pourrais aimer moi aussi. Et puis comme pour le rassurer Alfie avait avouer ne pas vouloir partir de sitôt et ça c'était bien, parce qu'il était surement le seul à être capable de le faire sortir de chez lui et avec qui il aimait traîner en ville ou monter sur les toits sans avoir peur de s'ennuyer ou d'être jugé.