wild spirit - ft. CJ

Tu l'impressionnais. Tu n'avais pas souvent l'occasion d'entendre une fille te dire ça. Tu n'étais pas du genre à parler de toi d'habitude non plus. Tu en avais fait des choses dans ta vie, tu avais voyagé et lors de tes voyages, tu avais toujours agi pour venir en aide à ton prochain. Tu étais un peu du genre scout, te débrouillant avec presque rien. Mais tu ne faisais pas ça pour le mérite ou pour t'en venter derrière, ce qui était la raison pour laquelle tu ne le mentionnais jamais. Tu n'étais pas un vantard. « Juste un ! » Tu esquissais un sourire en posant ton verre sur le bar pour frotter tes mains, tu finissais par glisser la droite dans ses cheveux, passant derrière son oreille avant de la lui mettre sous les yeux, une pièce à l'intérieur. « Faut faire attention de pas trop les accumuler par contre ! » ajoutais-tu en rigolant avant de lui donner la pièce. Tu n'avais pas l'habitude de faire de la magie pour impressionner une fille parce que souvent ce n'était pas le cas. Tu faisais de la magie pour ton plaisir personnel, pour être bon aux anniversaires d'enfants. Tu adorais faire ça lorsque tu voyageais à droite ou à gauche. Surtout dans les pays les moins favorisés, ça apportait toujours un peu de bonheur et de joie et il n'y avait rien de mieux pour toi que de voir un sourire se dessiner sur les lèvres d'un enfant. « Je suis un des facteurs de la ville ! » Tu reprenais ton verre pour le boire d'une traite. Toute cette danse ça t'avait donné soif, tu avais l'impression d'être à sec depuis des jours alors que ton dernier verre devait remonter à une dizaine de minutes tout au plus, lorsque tu avais été invité par Siam. « Et toi ? » demandais-tu en souriant. Tu avais une idée de ce qu'elle pouvait être mais c'était sûrement un gros cliché lié à son physique. Tu verrais bien si la réponse qu'elle te donnerait sera celle que tu t'attendais à entendre.

Il était sympa CJ, il me faisait rire, j’aimais bien ça. En plus, il semblait avoir pleins de secrets, ça me donnait encore plus envie de le connaître. Sans que je ne m’y attende, il révéla son autre talent caché, par le biais d’un tour de magie. Je restais bouche bée avant de me mettre à rire. Je repassais la tête dans ma scène, et pourtant, je ne comprenais pas comment il avait pu faire apparaître une pièce dans sa main. « Attend, c’est pas possible… Comment t’as fait ? » Je me doutais bien qu’il n’allait pas me révéler son secret, j’avais dit ça sans réfléchir, sous l’effet de surprise. « Décidément, je me sens minable, j’ai aucun talent moi. » Je bus une nouvelle gorgée, réfléchissant à une activité que je maitrisais plutôt bien, mais rien ne me venait en tête. J’étais vraiment nulle.
CJ m’avoua ensuite qu’il était facteur, j’hochais la tête avec un petit sourire. Ca lui allait plutôt bien, facteur. « Je saurais sur qui crier si j’ai pas mon courrier alors ! » Disais-je pour le taquiner. « Moi je suis vétérinaire. » Ca pouvait paraître stupide pour ceux qui n’aimaient pas les animaux. Mais j’adorais mon métier, c’était surement l’une des choses qui arrivait encore à me motiver dans la vie, même si certaines journées n’étaient pas très joyeuses à la clinique. « C’est drôle, je suis sure que tu ne m’imaginais pas du tout vétérinaire. » Je lui lançais un sourire complice. Rares étaient les gens qui devinaient mon métier d’un simple coup d’oeil.

Elle te regardait comme si tu venais de lui faire le plus beau cadeau sur terre, avec des yeux d'enfant. Tu trouvais ça amusant et sans plus attendre elle te demandait comment tu faisais ça. C'était un des premiers tours que tu avais appris, celui que tu pratiquais le plus souvent parce qu'il était très facile à réaliser. « Le secret c'est de détourner l'attention ! » Tu n'étais pas prêt à tout dévoiler non plus, mais tu pouvais lui donner la plus grande astuce de magie. Pour réaliser un bon tour, il fallait savoir détourner l'attention, si ça c'était réussi, alors le tour se passait bien. « J'suis sûr que c'est faux. » Tu fronçais les sourcils, c'était idiot de se sentir dévaloriser par rapport à toi. Certes, tu savais faire de la magie et tu pouvais danser du ballet, mais à côté de ça, tu avais pleins de défauts, il y avait pleins de choses que tu ne savais pas faire. La preuve, elle dansait mieux que toi. Pour toi, c'était un talent en soi puisque tu avais tellement l'impression d'être tâche sur la piste. Tu esquissais un grand sourire quand elle t'annonçait s'en prendre à toi si son courrier n'arrivait pas à temps. Ce n'était pas ce qui te dérangerait, au contraire. Tu l'aimais bien Siam, elle était rigolote et très sympa, tu t'entendais bien avec elle. « Si on veut jouer dans le cliché, j'aurais dis barmaid mais j'préfère vétérinaire. » Tu n'allais pas mentir. Tu t'étais basé sur son physique, c'était moche à dire mais au moins tu avais le mérite de le reconnaître. Maintenant que tu savais, tu aimais beaucoup ce qu'elle faisait. « C'est ce que tu as toujours voulu faire ? » demandais-tu avec un sourire en coin.

Détourner l’attention ? Ca ne paraissait pas si difficile. La preuve, je n’y avais vu que du feu. Y avait surement des tutoriels sur internet pour apprendre la magie, d’ailleurs. J’irais regarder ça, un jour ou je m’ennuierais un peu trop. « Je prends en note ! » Répondis-je d’air un malicieux.
Par contre, je soutenais que je n’avais aucun talent. Nulle en dessin, nulle en cuisine, nulle en jardinage… J’étais pas un cadeau, on pouvait même me surnommer Miss Catastrophes parfois… Heureusement pour moi, j’exerçais plutôt bien mon métier. A croire qu’il m’était destiné, même si je voulais, tout au fond de moi, faire autre chose. J’esquissais une grimace lorsqu’il disait m’avoir imaginée barmaid. Mais bon, je ne lui en voulais pas. J’avais pas un physique qui me donnait un air sérieux, j’en avais conscience. J’étais plus du genre cool, « je m’en foutiste » et j’aimais ça. « Très cliché effectivement. Mais je ne t’en veux pas ! » J’étais pas là pour me prendre la tête de toute façon, et puis ça n’avait aucune importance qu’il m’ait prise pour une serveuse. Ca aurait pu être pire encore. Un jour, on m’avait prise pour une stripteaseuse. Moi, stripteaseuse ? Je savais à peine bouger en rythme, alors imaginez un peu en équilibre sur une barre… « Non, pas vraiment. J’ai toujours aimé les animaux, mais je voulais entrer dans la police. J’ai jamais eu le courage de passer les concours… » Foutu manque de confiance en moi. J’haussais les épaules. « Mais assez parlé de moi ! Dis m’en plus sur toi ! »

Elle en prenait note. Tu te demandais si elle allait essayer de se mettre à la magie, à essayer de faire un tour d'illusions. Si c'était le cas, tu voulais bien voir ça. Tu ne lui demanderais pas, tu n'étais pas certain de la revoir rapidement. La vie à Bowen ne semblait être qu'une passade. Tu ne savais pas encore si tu as prévu de rester longtemps. La ville était agréable mais il y avait toujours des vieux démons qui te hantaient. Tu laissais ça de côté, écoutant le jeune femme te raconter son projet de vie. « Pourquoi ? » demandais-tu simplement, pour essayer de comprendre les raisons qui l'avait pu pousser à faire un tel choix. Certes, elle devait être heureuse puisqu'elle travaillait dans un milieu qui lui plaisait mais ce n'était pas son premier choix. Toi non plus tu ne faisais pas le métier de tes rêves. A ce jour, tu ne savais pas quel était ton rêve. Après tu ne voulais pas travailler pour gagner de l'argent, tu devais travailler parce qu'il le fallait. Pour avoir de quoi survivre, pour avoir de quoi payer tes voyages. De quoi profiter de la vie le plus simplement possible. Mais ce n'était pas d'elle qu'elle voulait parler. Elle voulait en savoir plus sur toi. « Dis-moi ce que tu veux savoir ? » Ton regard ne la quittait pas, ton verre à la main, tu attendais qu'elle te pose la première question. Tu voulais bien te dévoiler, lui raconter tout un tas de trucs mais tu ne savais jamais comment aborder les choses, tu ne savais jamais comment tu devais commencer à parler de toi. Tu n'avais rien à cacher, enfin presque rien. Il y avait bien un sujet ou deux auquel tu serais incapable de répondre comme la famille. Un sujet encore bien douloureux et difficile pour toi.

Pourquoi ? Sans le vouloir, CJ me posait une question qui faisait mal. Parce qu’elle me forçait à me souvenir. Me souvenir d’à quel point j’avais été poule mouillée. Parce que bosser dans la police, c’était un rêve, et que je préférais le laisser inaccessible, plutôt que de le voir comme un échec Je ne l’aurais pas supporté. Et si, au contraire j’avais réussi ? Je ne le saurais jamais. Et puis maintenant, c’était trop tard. Je ne pouvais pas planter mon métier de vétérinaire pour un concours que je ne réussirais peut-être pas. « J’ai jamais eu le courage. J’ai trop peur de l’échec… » Je baissais les yeux. Je me haïssais vraiment parfois. Si j’avais réussi ce concours, ma vie serait sans doute bien différente. Peut-être que je serais plus heureuse… Malheureusement, j'avais peu d'amis, mon frère vivait loin et je ne lui avais jamais confié mon projet d'avenir. Ainsi, personne ne m'avait poussé à tenter les concours.
J’étais maintenant libre de lui poser des questions pour apprendre à mieux le connaitre. La première me venant à l’esprit était banale mais je ne voulais pas non plus m’immiscer dans sa vie privée en lui posant des questions indiscrètes. « Ca fait longtemps que tu es à Bowen ? » Moi je n’étais ici que depuis un an, j’avais passé quasiment toute ma vie à Camberra. Rien de très original, ça n’était pas très loin d’ici. « Et sinon… Quel est ton plus grand rêve? » Il n'était pas obligé de dire la vérité si cela le gênait trop. Et puis, qui n'avait qu'un seul rêve ? 

Elle n'avait pas voulu se lancer par peur de l'échec. Tu ne connaissais pas cette peur parce que tu ne te prenais pas assez la tête pour savoir si tu pouvais le faire ou non et si tu ne le pouvais, tu ne te laissais pas miner le moral par ça. « Je crois que c'est la peur la plus paralysante au monde ! » Tu ne la quittais pas du regard, pourtant, quand tu la voyais, tu ne penserais pas que la peur de l'échec puisse la paralyser et l'empêcher de faire ce qu'elle aimerait. « Et aujourd'hui, tu ne voudrais pas tenter le coup ? » La question t'avait brûlé les lèvres. Tu esquissais un léger sourire, peut-être que tu allais enfoncer le couteau un peu plus mais tu voulais juste essayer de comprendre. « Juste depuis quelques semaines. » Tu avais juste quelques trucs à régler en ville, notamment la succession de la maison de la famille. Tu n'avais pas encore planifié ton séjour, tu ne savais pas combien de temps tu allais rester en ville. C'était vraiment une question qui te trotter dans la tête ces derniers jours. « Mon plus grand rêve ? » Tu reprenais ses mots, réfléchissant vraiment à ce qui te fait rêver. Ton plus grand rêve serait sans doute de pouvoir retrouver ta famille au grand complet mais c'était de l'ordre de l'impossible. Alors tu réfléchissais à l'autre rêve que tu avais fait de ta vie. Tout le monde n'avait pas le loisir de voguer et d'aller au grès de ses envies « Je crois que je le réalise en voyageant un peu partout dans le monde.  » Tu te remémorais tous les pays que tu avais pu visiter, toutes les cultures que tu avais découvertes, les langues que tu avais apprises, les plats que tu avais goûté. « Et le tien ? » Peut-être qu'elle bouclerait la boucle en parlant du métier qu'elle aurait aimé faire ou alors peut-être qu'elle te parlerait d'autre chose, de quelque chose qui lui tenait presque autant à cœur.

Il disait vrai. L’échec, ça faisait souvent reculer. Je réfléchissais déjà beaucoup trop à pas mal de choses, mais m’imaginer échouer était totalement rédhibitoire dans mon envie de tenter ma chance. C’était dingue, j’étais vraiment qu’une petite nature en fait. J’aimais pas ma vie, et je faisais rien pour en changer. C’était de ma faute, seulement de ma faute. Tenter le coup aujourd’hui ? « Quand j’aurais le courage nécessaire, je le ferai... » Dis-je avec le sourire. Ca n’était pas demain la veille : je devais encore me débarrasser de quelques démons, comme mes déprimes récurrentes et mon trop gros penchant pour l’alcool. Aucun antécédent, c’était clair. Une fois que je me considérerais comme clean, je tenterais le coup. Et si j’échouais comme je le craignais, c’est que c’était le destin.
Il n’était là que depuis quelques semaines, et moi depuis quelques mois. J’hochais alors la tête. Son plus grand rêve, il avait eu la chance de l’accomplir : voyager partout dans le monde. Il avait vraiment de la chance. Ca me tenterait bien aussi de voyager dans différentes destinations, seulement il me faudrait des mois d’économie. Partir à l’inconnu sans avoir le budget nécessaire me faisait un peu peur, je devais l’avouer. « Beaucoup rêvent de la même chose que toi, peu y arrivent. » Rétorquais-je. Mon rêve à moi… Si seulement il n’y en avait qu’un seul ! En réalité, tout ce qui pouvait m’éloigner de ma vie actuelle, j’en rêvais : déménager, changer de nom, aller vivre chez mon frère… Mais rien ne me paraissait raisonnable, à part tenter ce foutu concours… « Changer de vie. » J’haussais les épaules. « J’vais m’en donner les moyens. J’vais les passer, ces foutus concours. » Je ne savais pas réellement si je me souviendrais de ça demain, si c’était l’alcool qui m’avait faite parler. Mais ce soir là, j’étais déterminée.

Toi qui était venu au bar pour boire et draguer, tu te retrouvais en compagnie de Siam avec qui tu avais une conversation assez franche, tu n'avais aucune raison de lui mentir, tu ne voulais pas lui promettre de belles choses en sachant que tu ne pourrais pas les tenir. Tu n'étais ce genre de beau parler, ce genre de dragueur. L'honnêteté était une chose à laquelle tu t'accrochais et tu t'y accrocherais toujours. « Ce n’est jamais facile de tout plaquer et de tout recommencer ailleurs, il faut pouvoir s’acclimater. » Le dépaysement était une des raisons pour laquelle beaucoup de gens n’y arrivaient pas. Tu avais eu parfois des coups de mous, mais tu savais que tu ne pouvais pas faire marche arrière. Contrairement aux autres, tu ne pouvais pas rentrer chez toi. Tu le pouvais, mais il n'y aurait personne pour t'accueillir. Une des raisons qui te motivaient assez pour surmonter le mal du pays. Puis tu finissais toujours par te faire des amis. « Si jamais tu as besoin de quelqu’un pour te faire réviser, je pourrais te poser toutes les questions nécessaires ! » proposais-tu avec un grand sourire. Tu ne savais pas vraiment à quoi ça correspondait son concours, même si tu avais ton diplôme secondaire, mais derrière ça, tu n'avais jamais commencé de vraies études, incapable de savoir ce que tu voulais faire de ta vie à ce moment là. L'avantage des petits boulots c'est qu'ils ne demandaient pas beaucoup de qualification. Tu n'avais pas l'impression d'être un idiot fini ou un parfait illettré mais tu ne savais pas si tu aurais les capacités pour mais tu étais prêt à te porter volontaire si jamais elle en avait besoin. 

J’hochais la tête, totalement d’accord avec lui. Bon, je n’avais jamais voyagé, seulement de Canberra ma ville natale jusque Bowen. Pas de gros dépaysement, mais beaucoup de changements en perspective, qui avait rendu l’adaptation plutôt difficile. On disait que le temps venait à bout de tous les maux, alors j’attendais, après je ne sais quoi. CJ se proposait pour m’aider à réviser mon concours. Ca me fit sourire, autant de gentillesse de la part d’un quasi inconnu. Il m’avait vraiment remotivée pour le coup. L’alcool aidait aussi à me sentir plus sure de moi certes, mais qu’est ce que cela me coutait d’essayer ? Si ce n’était la perspective d’une nouvelle vie ? « C’est vraiment sympa de ta part. » Lançais-je. Je me rendais soudainement compte que j’avais vraiment joué à la pipelette ce soir. Ca n’était surement pas ce qu’il attendait de la soirée, moi non plus d’ailleurs. Même si ça n’avait pas été désagréable, j’avais été surprise positivement de réussir à me confier comme ça. « Bon… On peut passer à autre chose si tu veux. » Oula, j’étais directe. Surement trop, je ne savais jamais peser mes mots, c’était dingue. « Tu voudrais prendre un dernier verre chez moi ? » Il était tout à faire libre de refuser. Repartir chez lui, continuer la fête ici avec une fille plus intéressante et plus jolie que moi, je ne lui en voudrais pas. Mais je proposais toujours… On ne sait jamais.

La soiée avait été étonnante, plutôt que de boire, de danser, de sourire à une jeune femme en cherchant à la draguer mais pas trop parce que tu n’étais pas un casanova. Tu ne voulais pas te retrouver avec une femme accrochée à ton cou, une femme dont tu ne pourrais pas t’occuper parce que tu avais des difficultés pour tomber amoureux. Alors passer la soirée avec Siam, à discuter de tout et rien, approfondissant sur vos vies à tous les deux. Peut-être qu’il y avait des choses que tu n’aurais jamais dit à d’autres. Elle te proposait de passer à autre chose et tu secouais la tête mais sans savoir quoi faire encore. Elle t’invitait alors à prendre un dernier verre chez elle, ce qui annonçait une fin de soirée plutôt sympathique. « Avec plaisir ! » Tu affichais un grand sourire en essayant de te frayer un chemin avec Siam pour rejoindre son appartement. Un verre à la main, une légère note musical en fond sonore et des lèvres qui se frôlent, qui se cherchent et se trouvent. Une nuit sans promesse, une nuit de délicatesse entre deux adultes voulant profiter de l’un et de l’autre. Une union dans des draps de satin.

PS : je clos