Girls just wanna have fun (Bérénice)

Théia n'a jamais eu beaucoup d'amies. Des amis, elle a des tas. Des gays, des hétéros, des geeks, des racailles. Elle a toujours préféré traîner avec des garçons plutôt que des filles, sans même pouvoir expliquer pourquoi. Peut-être car ils sont plus faciles à vivre, moins prise de tête, et qu'ils ne risquent pas de faire une crise pour une histoire de vernis. Puis, il y a eu Bérénice. Enfin, Nice. Entre elles, ça a été le coup de foudre, et Théia a directement eu l'impression de la connaître depuis bien plus qu'une journée le jour où elle se sont rencontrées totalement par hasard. En manque de présence féminine, elle a donc proposé à son amie d'aller se balader dans les rues de Bowen, sans but. Elle ne compte pas vraiment faire les boutiques comme le font toutes les filles lorsqu'elles sortent entre copines, mais plutôt passer du temps avec sa Nice, et peut-être s'amuser avec accoutrements ridicules qu'elles n'achèteront jamais. Théia aperçoit son amie qui arrive dans l'autre sens, et ne peut s'empêcher de sourire en la voyant. « Salut toi ! » dit-elle en s'approchant d'elle pour lui coller un bisou sur la joue. « Comment vas-tu ? » Elle se met en marche au ralentit, attendant avec impatience d'apprendre les nouveautés dans la vie de Nice. Elle qui n'a rien vécu de bien intéressant pour le moment, elle espère pouvoir entre dans sa part de nouveaux potins croustillants dont elles pourront rire sur le trajet.

Sortir lui fait du bien, surtout avec une amie comme Nice. Pas de prise de tête, pas de plan drague foireux, juste quelques heures avec une personne que Théia porte dans son cœur. Les bras de Bérénice autour d'elle la débarrassent de toute cette solitude qui a fini par s'accumuler au fil de ces dernières semaines et elle se sent tout d'un coup plus légère, comme si un lourd poids venait de s'envoler de ses épaules. « Oh, pas tant que ça tu sais. » La vie de Théia n'a jamais été particulièrement intéressante, si on oublie les nombreuses visites à l'hôpital. Elle ne sait d'ailleurs même plus si elle a parlé de ce détail à Nice, c'est un sujet qu'elle n'aborde que très rarement. « Ah si ! J'ai emménagé avec un type, du genre fils de riche avec un balais de le cul. Mais au fond, il est sympa, et je ne paie presque rien alors qu'il vit dans un palace ! » À force de rester avec des garçons, elle a fini par adopter un langage assez cru, pas toujours raffiné pour une demoiselle de son âge. Elle passe en revue les différents magasins d'un rapide coup d'oeil avant d'à nouveau porter son attention sur Nice. « Et j'ai revu ce garçon si charmant à qui j'avais vaguement parlé il y a deux mois, tu sais, CJ. Il ne s'est rien passé évidemment, mais bordel il est charmant, » ajoute-t-elle en riant. « Et toi ? »

Sa réflexion fait rire Théia. Clayton ne lui a jamais prêté le moindre centime, et elle n'oserait jamais lui demander quoi que ce soit. Non pas qu'il lui fasse peur, il a trop une tête d'enfant pour pouvoir impressionner qui que ce soit. Juste qu'elle a sa fierté, et qu'elle n'aimerait pas pousser dans la générosité. Le fait qu'il lui loue son palace est déjà pas mal, elle vit plutôt bien pour une étudiante sans boulot ni parent grâce à lui. Lorsque Nice lui annonce qu'elle connaît CJ, Théia sent son visage s'empourprer. Elle regarda ailleurs pour ne pas que son amie le remarque. « Si tu peux éviter de lui dire ce que je viens de t'avouer en pensant que tu le connaissais pas plus que de nom, ce serait vraiment cool ! » dit-elle avant de se mettre à rire. Même si elle n'a jamais vraiment ressenti quoi que ce soit pour CJ, elle a toujours eu une très légère attirance pour cet homme bien trop inaccessible pour elle. Comme tous ceux pour qui elle a craqué, d'ailleurs. La révélation de Nice la fait ouvrir de grands yeux et Théia se place face à elle, marchant à reculons. « Et tu ne me dis ça que maintenant ! » Elle joint ses mains l'une contre l'autre et regarde Nice avec tout l'intérêt du monde. « Raconte-moi, dis-moi à quoi il ressemble. Je suis sûre que tu peux réussir à le faire aimer les relations sérieuses, regarde-toi ! » Elle s'emballe, comme à chaque fois qu'elle parle de possibles relations concernant ses amis. Théia a toujours apprécié jouer les Cupidon, s'occuper de ce qui ne la regarde pas et arranger des couples alors que sa propre vie amoureuse est bien plus que ridicule.

Elle écoute attentivement ce que lui raconte Nice, rit quand elle lui dit qu'il a cuisiné du canard, s'étonne quand elle lui avoue qu'ils se sont embrassés. « Et c'est rien ?! » s'exclame-t-elle en ouvrant des yeux ronds. Les dernières paroles de son amie la font soupirer, et elle secoue négativement la tête avant de se remettre à marcher droit. « Pas toi, Nice. T'es pas du genre à fréquenter un garçon qui ne te veut que pour coucher à toi, tu vaux mieux que ça. Quand il te lâchera, tu seras malheureuse et c'est qui qui devra réparer ton petit cœur brisé ? » Théia se pointe du doigt. « C'est moi ! Alors si il n'est pas prêt à changer pour toi, tu ne devrais pas te lancer dans cette histoire. » Dit la fille qui ne s'est toujours intéressée qu'à des hommes inaccessibles, parfois en couple, parfois trop vieux, parfois même complètement accro à la drogue. « Après, si tu me dis que tu sais ce que tu fais, je ne vais pas te dire ce que tu dois ou ne dois pas faire. T'as le droit de t'amuser, mais fais juste attention. » Elle la regarde avec un petit air de chien battu. « Je ne voudrais pas que ma Nice soit triste à cause d'un crétin. »

Peut-être a-t-elle parlé trop vite. Ca a toujours fait partie de ses nombreux défauts, déblatérer un flux important de paroles sans même prendre la peine d'y réfléchir. Théia voit bien que Nice les prend mal, et la froideur de ses paroles lui confirme qu'effectivement, elle a bien été vexée. Théia se froisse. Même si elle sait qu'elle ne devrait pas se mêler de ses affaires, elle n'a dit que pour son bien. Elle a toujours fait passer le bonheur des autres avant le sien, et ça l'agace que ses paroles censées empêcher à Bérénice de souffrir soient si vite balayée d'un t'emballe pas. « Wow, c'est bon, désolée de m'en faire pour toi. » Elle la regarde croiser les bras du coin de l’œil et se retient de soupirer. Ce que Nice lui dit ensuite lui donne envie de lâcher qu'elle est naïve, que ce genre de type ne change pas pour une petite de vingt ans. Sauf qu'elle se retient, sachant très bien que cela risquerait de blesser son amie. « Si tu le dis, tant mieux hein. » Théia est encore vexée, elle ne la regarde pas et continue de marcher, son attention se perdant sur les différents magasins à coté desquels elles passent.

Théia ne lui en veut pas vraiment. Elle se dit qu'à sa place, elle aurait certainement réagi de la même manière. On a toujours du mal à accepter d'être critiqué pour quelque chose sur lequel on n'a aucun contrôle, comme ses sentiments pour quelqu'un. Elle aurait du être plus compréhensive, mais elle a encore une fois parlé sans réfléchir. Alors qu'elle s'apprête à s'excuser, c'est Bérénice qui lui demande son pardon. Théia la regarde sans la moindre once de colère dans le yeux. « Et je n'aurais pas dû m'emballer comme ça. » Elle retrouve son sourire lorsque Nice enroule son bras du sien, et Théia la serre doucement contre elle avant de reprendre sa marche. « Allez, on oublie ! Puis tu sais quoi ? T'es tellement belle et géniale que non seulement ce type va tomber à tes pieds, mais au moins un dizaine d'autres en plus ! » Son sourire s'agrandit un peu plus, et son attention se pose sur un magasin qui, elle le sait, vend quelques beaux vêtements pour des prix totalement abordables. « D'ailleurs, on sortirait bien ce soir ! On va toutes les deux s'acheter une jolie robe, et on va se faire toutes belles, rien que pour nous et pas pour des stupides garçons. » Théia se tourne vers Nice et la regarde d'un air suppliant.

À elle non plus, c'est pas trop son truc. Se faire remarquer par les garçons, porter des robes, tout ça. Théia a longtemps vécu comme un garçon manqué, avec sa bande de potes et ses délires parfois ridicules. Elle ne s'est jamais vraiment intéressée plus que ça aux garçons, comme eux se sont rarement intéressés à elle au cours de sa vie. Théia, ça a toujours été la bonne pote. Celle avec qui tu fais un concours du plus gros mangeur de burgers, celle qui ne te critique pas de passer ta journée affalé dans un canapé parce qu'elle fait pareil. Sauf que ces temps-ci, elle a été prise d'une envie de changer ses petites habitudes. Elle ne veut pas être spécialement remarquée, mais elle veut prendre du bon temps. Être jolie, danser, se sentir bien. Elle ne risque pas de se retrouver tous les soirs en boîte de nuit, mais quelques sorties dans des bars de temps en temps ne seraient pas de trop. « Promis ! Je ne t'oblige même pas à acheter une robe, je sais que tu leur portes autant d'amour que moi avec le rouge à lèvres. Eurk. » Elle s'arrête devant la boutique et se tourne vers son amie. « Mais tu sais ma Nice, je crois que toi comme moi on a besoin d'être un peu chamboulées. » Théia lui sourit, et pousse la porte du magasin.

La réponse de Nice la remplit de joie. Théia a toujours eu tendance à être trop impulsive, trop extravertie, et parfois même trop excessive dans ses réactions. Et puis, elle est tellement ravie de pouvoir passer un peu de temps avec Bérénice qu'elle ne peut s'empêcher d'exprimer son enthousiasme. Elle aussi porte son attention sur les robes présentes dans la vitrine, avant de croiser le regard de sa meilleure amie lorsque celle-ci lui propose d'entrer. Elle n'a même pas le temps de répondre que Nice attrape déjà sa main et l'emmène à l'intérieur à la recherche de la robe parfaite. D'un oeil curieux, Théia regarde les différents modèles présentées, pas toujours très attirants pour être sincère. Nice lui en montre d'ailleurs un d'eux, le genre de robe qui irait parfaitement pour un carnaval. La brunette ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire amusé. « Tu sais ce que j'aime toi ! Mais j'aurais peur de trop attirer l'attention tu comprends, tu as aussi droit à ton quart d'heure de gloire. » Elle regarde autour d'elle et tombe sur une combinaison digne des années quatre-vingt, pleine de paillettes et au pantalon pattes d'éléphant. Théia décroche le ceintre et le tend en direction de Nice. « Avec ça par exemple, tu serais ma-gni-fique ! » dit-elle en appuyant bien sur chaque syllabe.