We leave, but we never forget (Tyler)

La question de Tyler la laisse dubitative pendant un court instant. En réalité, tout a été si vite pour Théia qu'elle n'est même pas certaine de savoir où elle va. En à peine un an, elle est passée de chez ses oncles et tantes à un petit appartement, puis à une maison partagée avec un presque inconnu. Là, elle ne sait pas ce qu'elle va avoir comme toit. Sûrement un appartement, l'étudiante qu'elle est n'a pas vraiment les moyens pour s'offrir une villa comme celle qu'elle vient de quitter. « J'ai beaucoup farfouillé dans les propositions d'appartement et j'en ai vu un qui m'a bien plu. C'est une colocation à trois, comme ça ça m'évitera de payer tout toute seule. Par contre, je n'ai pas encore rencontré mes futurs colocs vu que je ne les ai tout simplement pas encore trouvés. » Elle rit légèrement avant d'attraper la main de Tyler. En même temps que lui, elle se tourne vers ses amis pour leur offrir un petit geste discret de la main puis se retourne vers Tyler. Elle lève les yeux au ciel. « J'espère bien, » lâche-t-elle, espérant bien que des gens qu'elle ne connait même pas ne lui en voudront pas d'emprunter un vieil ami pour quelques heures. Théia baisse les yeux vers l'horizon et apprécie cette journée ensoleillée qui réchauffe doucement son visage. Même si la neige lui manque de temps en temps, elle a fini par apprécier l'hiver de l'Australie. Elle lui répond sans le regarder. « Pour le moment, oui. Clayton, mon ex-coloc, m'a abandonnée dans son immense maison que je dois ranger et nettoyer toute seule. » Elle soupire en repensant à ça, et à tout le travail qu'il lui a laissé. En réalité, ça ne l'étonne même pas de lui. Il a toujours été trop plongé dans son travail que pour se rendre compte qu'une pièce avait besoin d'être nettoyée. Cela aurait trop lui demander que de nettoyer un peu alors qu'il partait. Soudain, une pensée jaillit dans l'esprit de Théia. Elle lève les yeux vers Tyler et parle sans hésiter. « Dis, tu ne m'as jamais dit pourquoi tu as arrêté ta carrière. » Elle est peut-être trop curieuse, mais elle ne peut s'empêcher de demander.

À sa proposition, Théia se contente de hocher la tête sans répondre tout de suite. Elle regarde devant elle sans pour autant fixer quoi que ce soit, ses deux pupilles perdues dans le vide. Avec la journée qui passe, le vent se lève et soulève doucement ses cheveux en les faisant voler derrière elle. Après un court moment de réflexion, elle finit par entre-ouvrir les lèvres. « Je crois que pour le moment, j'ai besoin d'être seule. Il s'est passé beaucoup dans ma vie ces derniers temps et peut-être qu'un peu de calme me ferait du bien. » Elle adresse un nouveau sourire à Tyler. Il semble s'intéresser à sa petite vie qui lui semble devenue pourtant tellement peu intéressante comparé à ce qu'elle a déjà vécu. Un déménagement, qu'est-ce que c'est que dans une vie ? Rien que des cartons remplis qu'on fait passer d'un lieu à un autre. Théia hausse les épaules. « J'en sais rien. Clayton était... particulier. Il bossait souvent, et je crois qu'il avait un compte en banque assez rempli. On ne parlait pas beaucoup lui et moi, il m'a juste lâché un beau jour qu'il s'en allait. À mon avis, il a eu du travail autre part et c'est tout. » Elle conclut par un haussement d'épaules sans remarquer que l'évocation de Clayton dérange Tyler. De toute façon, si elle s'en rendait compte, elle rigolerait car Clay est loin d'être le genre de garçon à l'intéresser. Théia, elle a toujours préféré les garçons plus fous, ceux qui ont une histoire à raconter.  « C'est juste beaucoup trop grand pour moi toute seule, » dit-elle en riant avant d'ajouter  « J'y suis restée plusieurs mois, presque un an. » Le temps a filé trop vite, Théia se souvient encore trop bien du jour où elle a mis les pieds pour la première fois dans cette immense bâtisse. Et puis, ne voulant pas s'étendre plus longtemps sur elle, Théia parle de Tyler. De sa carrière, et de la raison qui l'a fait abandonner un sport qui semble pourtant encore aujourd'hui lui tenir à coeur. Elle fronce les sourcils à sa réponse.  « C'est tout ? Va falloir être plus convainquant jeune homme. » Elle lâche sa main et croise les bras contre sa poitrine avant de se mettre à marcher à reculons, son regard planté dans celui de Ty.

Tyler a raison, elle aussi trouve ça bizarre d'avoir partagé une maison avec quelqu'un à qui elle n'a pratiquement jamais parlé. Enfin si, quelques mots de temps à autres, mais jamais ils n'ont eu une réelle conversation sur l'un ou l'autre. Elle hoche lentement la tête. « Je n'allais pas refuser un logement gratuit, surtout pas dans une maison pareille. » Elle se met à rire avant de pousser un léger soupir. Et pourtant, contrairement à ce que semble croire Tyler, Clay n'était pas quelqu'un de méchant. Un peu casse-pied par moments, mais jamais il ne lui avait dit quoi que ce soit qui puisse être blessant. Elle le regarde avec un sourcil haussé quand il lui pose cette question qui la faire sourire, amusé par cette demande étrange. « Rien, pourquoi ? Tu crois que c'était un dangereux psychopathe qui renfermait des cadavres dans la cave ? » Encore une fois, Théia rit doucement en regardant devant elle. Puis elle fronce les sourcils. « Une fille comme quoi ? Comment ça ? » demande-t-elle en faisant semblant de le fusiller du regard, souriant toujours. « Mais c'est pas faux. Je ne sais pas si je vais savoir ranger tout mon matériel de tournage dans un appartement. Ça et mes fringues, ça va être du boulot. » Elle soupire. Elle l'écoute ensuite parler de la boxe, hoche pensivement la tête, et se pince les lèvres. Ca doit être difficile de devoir se défaire de sa passion, elle-même ne sait pas si elle en serait capable. Sauf qu'il y a une grande différence entre la réalisation et la boxe. « Je vois, plus ou moins. Et puis, c'est un métier dangereux, je dois t'avouer que je suis soulagée de savoir que tu ne risques plus ta vie sur le ring. » Elle lui offre un petit sourire avant de faire demi-tour, lui tournant maintenant le dos.

Effectivement, la Théia d'aujourd'hui est bien différente de celle d'il y a un an. En même temps, il serait dommage qu'elle aie gardé sa peine de l'époque un an après ce fameux incident. À l'époque, elle avait l'impression de tout perdre. Ses amis, sa famille, sa propre vie. Elle n'était plus qu'un corps vidé d'émotions, ramassé à la petite cuillère par Tyler qui l'a aidée à retrouver le sourire grâce à tout ce temps passé ensemble. Aujourd'hui, même si la blessure est et sera toujours là, Théia se sent mieux. Elle est bien entourée, a trouvé une passion dans le cinéma qui l'aide à penser à autre chose qu'à son état et, surtout, elle arrive de plus en plus à trouver des détails dans sa propre vie qu'elle apprécie et auxquels elle n'a autrefois jamais prêté attention. « Je ne l'oublie pas, » se contente-t-elle de répondre avec un sourire. Car même si Théia est de bien meilleure humeur que l'année passée, elle reste tout de même la même personne. Une fille décalée, un peu étrange, qui parle trop et qui s'émerveille devant n'importe quoi. Une passionnée, une amoureuse de l'art et d'un tas d'autres choses parfois sans intérêt pour certains. C'est comme ça qu'elle est, qu'elle restera, et jamais rien ni personne ne la changera. Même son coeur défaillant fait partie d'elle après tout, elle a réussi à s'y faire malgré toutes les conséquences négatives que cela implique. À la question de Tyler, elle hausse innocemment les épaules. « Je ne sais pas, peut-être, » hasarde-t-elle avant de rire doucement. Même si elle ne le montre pas directement, Théia a toujours été protectrice envers les personnes qui lui tiennent à coeur. Tyler par exemple, elle ne se voit pas le perdre. Il est trop important pour elle, le savoir blessé ou pire la rendrait folle. Après qu'il ne dit devoir partir, elle se retourne d'un geste rapide et plante son regard dans le sien. Elle est étonnée, mais elle se dit finalement que c'est peut-être plus raisonnable pour elle qui a encore tant à faire. « Effectivement, j'ai encore bien du pain sur la planche. » Elle sourit, puis s'approche de lui. « Ça m'a vraiment fait plaisir de te revoir, » dit-elle avant de se hausser sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue, puis de reculer d'un pas.