Dessine moi un mouton [Jax]

Aujourd'hui qu'elle était en vacances scolaires, aujourd'hui qu'elle ne travaillait pas, aujourd'hui qu'elle n'avait l'intention de voir ni Perry ni Chase ni personne d'autres, elle était sortie de son lit spécialement pour se glisser dans un autre appartement. Celui de Jackson. Elle aimait passer du temps là-bas, parfois, à petite dose parce qu’elle savait qu’il était à peu près aussi asocial qu’elle. L’apprivoiser, essayer d’interagir avec lui était quelque chose qu’elle affectionnait particulièrement.
Et puis surtout, elle était capable de se caler dans le coin d’une pièce juste pour le regarder peindre. L’art était quelque chose qui avait toujours passionné Aisling, même si elle était incapable de faire quoique ce soit de ses dix doigts. Son père était un artiste, enfin, il était musicien et il dessinait. Sa mère aussi était musicienne. Mais elle, elle était incapable de toucher et à un instrument de musique, et à un crayon ou un pinceau. Fallait croire que tout ça, ce n’était pas génétique.

La néo-zélandaise s’était donc rendue jusqu’à l’appartement de Jackson et avait doucement poussé la porte qui n’était pas fermée à clef. Elle adorait entrer de façon discrète chez lui, même si ça faisait vachement psychopathe quand même. Mais quiconque la connaissant un tant soit peu n’aurait pas été étonné. Elle se baladait bien avec un couteau dans son sac après tout… Néanmoins, Jackson avait plutôt de la chance parce qu’il devait être l’un des seuls êtres humains sur terre qu’elle n’emmerdait pas à chaque fois qu’elle le voyait.
Le voyant de dos, elle tenta de s’approcher de lui le plus lentement et le plus discrètement possible pour qu’il ne la repère pas.

-Bouh !

Jackson peignait, assis devant sa toile, un très grande toile encore bien blanche, il travaillait depuis les premières lueurs du jour. Celui-ci l'avait réveillé avec ses rayons qui perçaient ses grandes baies vitrées. Il aimait être sortit du sommeil par le jour, c'était une belle façon de commencer la journée. Il s'était préparé un café corsé, s'était douché rapidement et puis avait allumé une clope. Dans le cendrier près de ses pinceaux on ne comptait plus le nombre de mégots qui s'amoncelaient, il fumait, pour se calmer les nerfs et pour repousser le manque. Ce matin il était d'humeur créative. Et puis il avait ce travail à faire pour le casino de la ville, la date limite approchait à grands pas et il n'avait pas bien avancé. Cette création ne le motivait pas des masses, pour cause, ça n'était pas une vrai création, c'était une commande, il avait horreur de travailler de cette façon. Mais on le payait une grosse somme pour cette toile alors il n'avait pas pu refuser, grâce à cet argent il pourrait finir de payer son atelier et il lui appartiendrait enfin, ça serait réellement son chez-lui, sa maison, son antre. Alors cette simple idée le motivait et le galvanisait.
Il avait entendu du bruis dans son dos, c'était léger mais l'ancien drogué avait appris à être à l'affut, juste au cas où. Il ne se retourna pas, quelqu'un qui se voulait si discret, ça ne pouvait être qu'une connaissance, Tahlia, Aisling, il ne savait pas bien, il verrait... Imperturbable, il continuait à peindre. Il entendit un Bouh !derrière lui, il fit mine de sursauter, c'était Ais, ça ne pouvait être qu'elle. Il se retourna vivement, son pinceau bien trop haut, pile à la bonne hauteur, il vint toucher le bout de son nez et le colora en un bleu céruléen qui contrastait avec sa peau blanche. Jax esquissa une sorte de demi sourire. Pardon, tu m'as surpris. Le geste était pourtant parfaitement calculé. Tu veux un café ? Il y en a dans la machine, sers-toi ! Qu'est-ce qui t'amène ? Il n'était pas surpris de la voir débarquer chez lui de la sorte, depuis qu'ils s'étaient rencontré et qu'ils apprenaient à s'apprivoiser, la jolie blonde venait souvent traîner chez lui, elle devait s'y sentir bien. Il aimait sa présence, discrète.

Aisling fut assez contente de son effet quand elle le vit sursauter. Elle ne s'en lassait pas, ne pensant pas une seule seconde qu'il pouvait faire semblant. Néanmoins, le coup de pinceau sur son nez l'amusa beaucoup moins, la faisant reculer d'un pas sous la surprise. Elle grogna, s'essuyant avec ses mains, réussissant surtout à étaler un peu plus la peinture bleue.

-Mais ! Putain j'en ai partout...

La blonde lui lança un regard contrarié, même si c'était elle qui l'avait sursauter elle n'avait pas prévue de se prendre de la peinture sur la figure. Et en plus, lui ça le faisait sourire.

-J'vais croire que tu l'as fait exprès.

Néanmoins, la perspective d'un café déjà préparé lui remonta le moral. Elle esquissa un petit sourire avant de daigner répondre à sa question.

-Rien de particulier. J'avais juste envie de me poser dans un coin et te regarder.

En général, quand elle venait l'observer, elle restait discrète. Déjà pour qu'il accepte sa présence et ensuite pour ne pas le perturber. Elle fila donc à la cuisine pour aller chercher le café et revint quelques secondes plus tard avec une tasse tenue par des mains tachées de peinture bleue.

-Elle est super grande ta toile.

La jeune femme s'assit un peu derrière lui, portant la tasse à ses lèvres tout en admirant ce qu'il avait déjà pu peindre, observant ses faits et gestes. C'était quelque chose qui la fascinait parfois plus que le résultat en lui-même, la manière dont il mettait ces coups de pinceau.

Aisling aurait pu être vexée que Jax lui ait mit de la peinture sur le nez, il ne dit alors rien sur le fait qu'il l'avait bel et bien fait exprès. Elle était susceptible la gamine, mais c'était drôle à voir, voir qu'elle s'en étalait plein sur le visage telle une gosse de 5 ans, boudeuse, ça la rendait sexy, cette mine là, même s'il n'était pas trop dans le trip de sortir avec des filles à peine majeur. Quoi qu'ils avaient déjà couché ensemble, c'était avant de savoir qu'elle n'avait qu'un petit vingt ans... et depuis elle lui traînait dans les pattes. Mais pas comme ce genre de fille qui s'attache à une pseudo romance, non, entre eux tout était clair, une sorte de tendresse étrange s'était installé, ils appréciaient la présence de l'autre, sans se poser de question. Il la regardait évoluer dans son atelier, elle contrastait, entre sa peau si blanche et sa blondeur, une belle immaculée contre son bordel tout de bois brute, de pots de peinture sombres, et puis son mobilier quasiment tout noir. Elle semblait évanescente à se faufiler parmi ses toiles et le reste pour aller se chercher son café. T'as pas cours, toi ? Jax était déconnecté de la réalité, loin de se douter que c'était les vacances scolaires. Lorsqu'elle revint avec sa tasse à la main et ses doigts tâchés il resta à l'observer pendant qu'il tirait sur sa clope puis il se pencha pour attraper la bouteille de White spirit et en imbiba un chiffon qu'il lui tendit. Pour tes mains, ça sent fort mais ça enlève bien les tâches. Il regarda sa toile un instant avant de se tourner vers Ais. Ouais, sacrément grande... et bien blanche. Tu veux être mon model ? Ca m'inspirerait peu-être quelque chose. Il haussa les épaules. T'as faim ? Je crois que j'ai des cookies quelque part. Une petite voisine était venu lui en apporter l'autre jour. Maintenant qu'il était un artiste reconnu le voisinage lui parlait, il n'était tout d'un coup plus le camé infréquentable du coin, c'est fou comme la pseudo célébrité pouvait changer le regard des gens.

Alors qu'elle changeait se pièce pour prendre son café, elle entendit Jax lui demander si elle avait cours. Elle esquissa un petit sourire, amusée par la question. Est-ce qu'il s'inquiétait de son éducation ? Est-ce qu'il lui aurait fait un reproche si elle lui avait dit qu'elle séchait les cours ?

-Je suis en vacances pour l'instant.

Elle lui avait répondu en revenant prés de lui, son café à la main. Elle commença à le boire pendant que lui fumait, ce qui lui donnait pas mal envie d'ailleurs, elle s'en sortirait certainement une un peu plus tard.
Elle posa sa tasse pour prendre le chiffon qu'il lui tendait, grimaçant à l'odeur. Elle le regarda d'un air dubitatif avant de lever les yeux vers Jackson.

-Tu essayes de me délaver les mains ouais...

Néanmoins, elle essuya ses mains avec le chiffon, avant de le reposer. Au moins, c'était parti, mais elle préférait tenir ses mains hors de porté de son nez pour l'instant.
Aisling s'était mise à admirer la toile et fut surprise de la proposition du peintre, le regardant avec de grands yeux étonnés.

-C'est vrai ? Tu veux vraiment que je pose ?

D'un coup, un sourire niais bien trop heureux s'afficha sur son visage. Étrangement, cette idée lui plaisait beaucoup, la flattait aussi un peu.

-Tu dois peindre quelque chose de précis ?

Elle s'intéressait toujours à ce que Jackson faisait, elle ne saurait trop dire pourquoi, juste elle appréciait le regarder peindre.

-Pour l'instant ça va.

Elle déclina l'offre des cookies non sans un sourire. Elle ne mangeait pas beaucoup, mais quand elle aurait faim, un cookie suffirait à la caler.

Il l'observait avec sa tasse de café fumant, il observait beaucoup les gens, Jax, surtout les femmes, c'était son truc, il aimait leur sensualité naturelle, les formes de leurs corps, la façon dont leur chevelure dansait sur leurs épaules, elles était si belles, surtout celles qui ne savaient pas qu'elles l'étaient, c'était une inspiration constante pour son art. Ah les vacances, quelle délivrance. Enfin, moi je séchait toujours les cours alors j'étais un peu constamment en vacances... Ce qui  ne l'avait pas empêché d'être toujours très bon, merci la génétique et son cerveau bien garni. Il aurait pu faire tellement mieux que de finir dans ce trou miteux, mais artiste ça lui collait à la peau, comme drogué, c'était pareil... Il lui avait tendu ce chiffon qui sentait fort l'alcool et avait remarqué sa grimace. Si tu veux rester avec tes mains toutes bleues, libre à toi. Dit-il comme ça, en tirant une nouvelle latte, après tout il n'en avait pas grand chose à faire qu'elle ait les mains tâchées, c'était même plutôt drôle, elle lui ressemblait presque comme ça. Nouvel haussement d'épaules des plus nonchalants lorsqu'Aisling posa sa question, semblait s'illuminer tout d'un coup. Le peu de fois qu'il avait fait ce genre de propositions les filles avaient toujours eu ce genre de réactions, elle se sentaient flattées, belles, tout d'un coup. Pourtant être model c'était chiant, ça impliquait de ne pas bouger et d'obéir au doigt et à l'oeil de l'artiste. Tu serais pas mal ouais. Mais pas pour cette toile. Il lâcha sa clope dans le cendrier avant de souffler doucement la fumée la tête penchée en arrière. Faut que je peigne la ville, Bowen, dans mon style un peu bordélique, c'est pour le casino. Elle déclina la proposition des cookies, lui n'avait pas faim non plus. Il alluma un nouvelle clope, il les enchaînait, il ressentait le manque de son héroïne qui lui piquait la peau alors il essayait de compenser comme il pouvait. Quelques coups de pinceau plus tard, il ne s'était plus intéressé à Ais qui le regardait travailler en sirotant son café, il se détourna de sa toile, d'un coup d’œil en coin il esquissa un demi sourire. Si tu veux poser pour moi il faudra que tu sois nue, t'es d'accord avec ça ? C'était souvent le nœud de l'histoire, les filles voulaient bien être model, jusqu'à un certain point, souvent elles le prenaient, à tord, pour un pervers. Il la testait, cherchait à la titiller. Parce que dans le fond il ne savait pas ce qu'il ferait comme portrait d'elle, même s'il aimait bien qu'elles soient dénudées, ses muses, ça n'était pas une obligation, c'était selon l'inspiration, le feeling.

Aisling esquissa un petit sourire à cette révélation. Étrangement ça ne l'étonnait pas. Après tout, le système scolaire était un moule dans lequel on rentrait, ou non, et les artistes avaient tendance à ne pas rentrer dans ce moule.

-C'est mal. Mais on a déjà dû te le dire.

Contrairement aux apparence, Aisling avait toujours été plutôt bonne élève. Ca n'avait pas empêché quelques frictions avec certains profs', après tout elle avait toujours eu son petit caractère. Mais elle n'était pas du genre à sécher ou bien à ne pas rendre ses devoirs. Elle savait qu'elle devait réussir pour pouvoir faire ce qui lui plaisait.
La blonde avait grogné, à cause de l'odeur du chiffon mais avait fini par s'exécuter, elle n'avait pas particulièrement envie de ressembler à un pot de peinture.
Le haussement d'épaule de Jax et le ton employé ramenèrent bien vite la blonde à la réalité. Il n'était visiblement pas aussi enthousiasme qu'elle. Peut-être qu'il proposait cela à beaucoup de filles après tout.

-La ville ?

Elle regarda quelques secondes la toile puis lança un regard par la fenêtre avant de reporter son attention sur le peintre.

-Tu devrais pas te mettre dans un endroit en hauteur pour pouvoir voir toute la ville ? Peut-être que ça t'inspirerait.

Enfin, elle disait ça comme ça mais elle n'y connaissait absolument rien. Si ça se trouve, il allait lui en vouloir d'avoir émis une idée aussi stupide.
Finalement, elle s'était installée derrière lui, appuyée contre un meuble, sa tasse à la main, le buvant lentement alors qu'elle admirait chaque coup de pinceau, fascinée.
Sa question la tira de sa contemplation. Elle leva son regard vers le sien, arquant un sourcil avant de lever les yeux au ciel.

-Jax, on a couché ensemble.

Sérieusement, elle n'allait pas être gênée de ça. Et puis ceux qui la connaissaient bien savait à quel point elle n'était pas pudique.

-Et même sans ça, ce serait un crime de caché au reste du monde à quel point je suis sexy.

Elle lui envoya un sourire taquin avant de finir sa tasse de café.

Il sourit en baissant la tête à la réplique de la blonde, oui c'était mal, mais il n'apprenait rien à l'école, il s'y ennuyait, il préférait dessiner et s'évader. Ouais, la ville, rien de bien original hein ? C'est pour ça que je suis devant cette satanée toile blanche. Et que je n'arrive pas à la noircir. Il la fixa, interdit, alors qu'elle venait de lui proposer son idée. Visiblement, à sa tête, elle semblait presque gênée d'avoir émit cette suggestion. Il grimaça. C'est une idée. Je pourrais aller en balade sur la falaise, ça m'aiderait peut-être. Après tout quand je peint une femme c'est que je l'ai eu sous les yeux. Il y penserait, même si cette idée impliquait qu'il sorte de son trou, qu'il s'aère la tête. Et Jax n'était pas du genre à faire des promenades de santé, il restait plutôt bien trop longtemps chez lui à tel point qu'il devait surement sentir un peu le renfermé même si personne ne s'en était jamais plaint...
Il passa un moment à peindre, comme si l'inspiration s'était enfin manifesté alors qu'Ais était là à le regarder. Ou peut-être parce qu'inconsciemment il préférait ça à devoir faire la conversation, il n'était pas bon en papotage. Et puis il finit par lui poser sa fameuse question, à laquelle Aisling réagit au quart de tour. Il rit doucement, presque gêné, lui qui voulait la mettre mal à l'aise, elle retournait la situation à son avantage. Ouais, bah tu pourrais en avoir honte, j'sais pas moi, c'est pas parce qu'on a couché ensemble totalement torchés que depuis on se balade nus comme des vers ! Clairement la gamine n'était pas gênée le moins du monde par cette idée, voilà qu'elle chantait ses propres louanges avec fierté. En même temps elle avait raison, elle n'avait pas à rougir de son corps, de ce que Jax se souvenait, il était parfait. Tu serais fière qu'un inconnu affiche un tableau de toi dans le plus simple appareil dans son salon ?! T'es surement celle qui a raison dans le fond ! Il aimerait être aussi libre et insouciant.

Aisling eut un large sourire quand il sembla approuver son idée. Du moins, il ne disait pas qu'elle était idiote. Néanmoins la grimace montrait que ça ne le réjouissait guère. Cette méthode ne devait pas être très en accord avec son mode de vie ou quelque chose comme ça.

-La ville doit moins bouger qu'une femme.

Ca devait en faire un bon modèle quelque part, non ? Ou du moins, un modèle pratique et docile.
Aisling avait trouvé sa question un peu stupide, enfin, la réponse était évidente, à son sens. Néanmoins Jackson semblait avoir un tout autre point de vue. Elle arqua un sourcil quand il lui dit qu'elle pourrait avoir honte. Et puis quoi encore ? Honte d'avoir couché avec lui ? Et pour quelle raison ? Ce qu'elle sentait, c'est que c'était plutôt lui qui avait honte d'avoir couché avec elle, ce qui avait plutôt tendance à la contrarier. Mais elle ne voulait pas se fâcher contre Jackson ou même lui montrer des signes d'agacement.

-Torchés ou pas, je ne regrette pas particulièrement ce qu'il s'était passé.

Elle n'en gardait pas de mauvais souvenirs, elle, bon elle n'en gardait pas tellement de souvenir tout court mais c'était un détail.

-Et même si c'était pas arrivé, je pourrais.

Se balader nue comme un vers. Mais bon, les gens normaux étaient un peu plus pudiques que ça.
Néanmoins, Aisling ne put réprimer un léger rire à l'idée que quelqu'un accroche un tableau d'elle nue dans son salon. Elle n'était pas réellement contre l'idée mais elle avait du mal à s'imaginer que certaines personnes mettaient des tableaux de femmes nues dans des salons.

-Je ne suis pas sûre qu'un inconnu achète un tableau de moi, aussi sexy sois-je.

Posant sa tasse de café au sol, la blonde commença à jouer avec une mèche de ses cheveux.

-Enfin, je crois.

Après tout, il les vendait bien, ses tableaux de femmes.

C’est ça, la ville c’est chiant. Il l’avouait, il n’était pas de ceux qui se plantaient des heures devant le même paysage immobile. Lui il avait besoin de chaleur, féminine de préférence, ou bien de souvenirs, de sensation, d’une pointe d’émotion voir même d’une bonne dose de mélancolie pour peindre et être inspiré. C’était surement pour cette dernière raison qu’il peignait mieux quand il était défoncé, il se laissait entourer de tristesse tout entier et se vautrait dedans jusqu’à en sortir son génis.
Non, il n’avait nullement honte de cette nuit qu’il avait passé avec Aisling, il en gardait un souvenir brouillé mais plutôt agréable, preuve en était qu’elle revenait à loisir squatter chez lui sans qu’il n’en dise rien. Malgré tout il restait un homme pudique qui ne parlait pas de ses conquêtes, qui n’épiloguait pas sur le sujet comme beaucoup pouvaient le faire. Il gardait ça pour lui. Et puis la plupart du temps c’était bien plus simple, les filles il ne les revoyait jamais ! Je ne regrette pas non plus, t’en fais pas. Affirma-t-il en arquant un sourcil. Et puis elle ajouta qu’elle le ferait tout de même, avec ou sans cette nuit. C’est juste que certaines personnes sont pudiques, des femmes surtout. Ouais quoi ! Son raisonnement avait un sens, il avait de l’égard pour elle, Ais pourrait s’en réjouir ou du moins l’en remercier ! Oh détrompe-toi ma belle, il y a des pervers partout ! Pour le plus grand plaisir de mon agent ! Il sourit, amusé. Si je faisais un tableau de toi ça serait un chef d’œuvre, il s’arracherait ! Oui, là il en rajoutait largement. Il se détourna totalement de sa toile pour aller chercher un carnet à croquis, il en faisait peu, mais il appréciait ces esquisses à main levée, faites sur l’instant. Il se posa dans son fauteuil défoncé et regarda la blonde du coin de l’oeil. Allez, déshabille-toi, j’vais voir si l’inspiration me vient. Il était sérieux. Et puis l'idée de changer de sujet lui plaisait, il n'en pouvait plus de son paysage qui n'avançait pas.

A sa conclusion, Aisling se retint de rire. Au fond elle le plaignait et elle compatissait. Il était obligé de faire des choses qui ne lui plaisaient pas spécialement pour gagner sa vie. Ça allait un peu à l’encontre de l’idée qu’elle se faisait du métier d’artiste.

-Heureusement que tu seras bien payé pour ça alors.

C’était la seule compensation que ça pouvait lui donner, et qu’elle pouvait lui rappeler.
Elle aimait le regarder peindre, même si la toile l’inspirait guerre et elle pouvait témoigner que ça se voyait. En effet, quand il aimait ce qu’il faisait, il était dans une espèce de transe et c’était magnifique à contempler, même si elle ne connaissait strictement rien à l’art. Autrefois, c’était son père qu’elle regardait dessiner, mais ce n’était absolument pas le même mouvement, ni la même énergie, la même dynamique.
Quand il affirma qu’il ne regrettait pas, la blonde fut un peu rassurée. Enfin, elle n’avait pas réellement peur, mais elle aurait tout de même pu être assez vexée. Elle eut un petit sourire taquin quand il se justifia en disant que certaines personnes, surtout des femmes, étaient pudiques. Elle n’allait pas le contredire, ce serait de la mauvaise foi, elle savait qu’il avait raison mais elle aimait se vanter que ce ne soit pas son cas.

-Heureuse de voir que tu me considères comme « certaines personnes ».

La blonde prit une moue faussement vexée, au fond elle était juste amusée de la situation. Aisling commença à réfléchir, se triturant un peu les cheveux. Oui au fond, cette histoire de pervers se tenait, même si elle-même se voyait mal exposer le tableau d’un homme nu inconnu dans son salon. D’un autre côté, elle ne se voyait pas exposer celui d’un homme nu qu’elle connaissait non plus. Avoir des photos sur son téléphone c’était une chose, mais un tableau… Enfin, elle ne savait pas ce qui était le « pire », si tenté qu’il y en ait un des deux qui le soit.

-Au moins. J’ai tellement d’amants qui regrettent de ne m’avoir vu qu’une fois aussi…

Evidemment, elle plaisantait. Jamais de sa vie un homme n’était venu toquer à sa porte après une partie de jambe en l’air sans importance. En même temps, elle était assez intelligente pour choisir les hommes qui voulaient la même chose qu’elle : des relations sans lendemain. Elle le regarda se détourner de sa toile un peu intriguée. N’était-il pas censé la finir pour la casino ? Elle eut un sourire à sa demande, elle ne s’attendait pas à ce qu’ils fassent cela maintenant, mais soit. Se relevant de sa position d’observation, posant sa tasse de café dans un coin, elle retira successivement chacun de ses vêtements. Elle se trouvait un peu bête, pendant quelques secondes, nue devant lui. Elle n’avait pas tant que ça l’habitude que ça arrive en dehors de moment de séduction ou carrément de sexe, mais elle avait un bien trop gros ego pour montrer une quelconque trace de malaise.

-Je suis censée prendre une pose ?

Evidemment, la question était un peu idiote mais elle ne savait pas trop laquelle en fait, elle n’était pas mannequin.

Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de l'artiste, il passa une main pleine de peinture encore humide dans ses cheveux, s'il colorait sa tignasse en bleu il s'en moquait parfaitement, il n'était pas à ça près. Un gros chèque ouais. Qui me permettra de payer pour que ce taudis soit enfin mien. Ça motive totalement. Et il ne plaisantait pas, cet atelier, aussi miteux soit-il, il l'aimait d'un amour infini, il y avait vécu tellement, le pire comme le meilleur, c'était chez lui et nul part ailleurs il se sentirait aussi bien qu'ici, c'était une certitude. Il arqua une nouvelle fois un sourcil à l'attention de la blonde qui l'observait. Je te considère comme une femme. C'est déjà pas mal, je pourrais te voir comme une gamine de vingt ans à peine crédible... alors ne chouine pas. Sourire amusé, il l'avait attaquée et connaissant la jeune femme elle prendrait la mouche, susceptible qu'elle était.
C'était amusant de la regarder se creuser la tête, elle était rafraîchissante pour notre homme qui passait la plus part de ses journées seul, enfermé, il appréciait vraiment sa présence lui qui n'était pourtant pas sociable. Lui ne réfléchissait pas beaucoup à ses bêtises, si certains voulaient afficher un portrait de femme nue sans subtilité dans leur salon grand bien leur fasse, il s'en moquait parfaitement. De toute façon ça n'était pas son travail, dans ses coups de pinceau abstraits on devinait des femmes, mais jamais rien de voyeur, il avait horreur de ces portraits crus qui reflétaient trop la réalité, mais après chacun son truc. Bien ! Ce sont des acheteurs potentiels alors, garde-les sous le coude ! Il ne faisait pas non plus ce travail pour l'argent, d'ailleurs avant ces derniers mois où il avait commencé à devenir plus ou moins côté il ne considérait pas son art comme un métier, lui il peignait parce qu'il en avait besoin, c'était une façon de vivre, ça faisait partie de lui, il ne cherchait pas à plaire, il ne cherchait pas la reconnaissance, celle-ci était arrivée toute seule, un peu par hasard. Et il la considérait même presque comme un fardeau... Alors qu'il la regardait se déshabiller, d'abord avec plus ou moins d’intérêt, il se souvint combien elle était belle, pas étonnant qu'elle ne soit pas avare de vantardise, elle pouvait être fière, sa peau semblait si douce qu'il eut l'envie d'y toucher à nouveau, ses courbes si harmonieuses qu'il en fut presque troublé. Non, clairement, elle n'avait rien à cacher et lui ne se cachait pas non plus pour admirer, quitte à passer pour l'un des voyeurs qu'il citait tout à l'heure. Elle semblait gênée, même si elle tentait de ne pas le montrer, il sourit, amusé. T'as qu'à... rester toi-même. Va nous chercher une tasse de café tiens, s'il te plait ! Il avait envie de la voir marcher, il la voulait volatile, légère. Sa main commençait à griffonner un semblant d'esquisse sur sa feuille blanche. Celle-ci se noircirait surement bien plus vite que sa grande toile vide.

Aisling le regarda se bleuir les cheveux avec un petit sourire. Ça lui faisait presque un charme à vrai dire. Elle hocha doucement la tête quand il lui parla de sa motivation. Elle comprenait totalement. Elle n’était pas propriétaire de son appartement et s’en fichait pas mal parce qu’elle n’avait pas réellement décidé où elle passerait le reste de ses jours. Mais pour lui c’était différent, c’était l’endroit où il passait tout son temps, où il vivait sa passion. Et puis en soit, de l’argent, c’était toujours extrêmement motivant, on avait toujours une idée de comment le dépenser.

-C’est cool, faudra fêter ça une fois que ce sera fait.

Néanmoins à sa provocation, elle lui lança un regard noir. Une gamine de 20 ans pas crédible ? Et puis quoi encore ! Bien heureusement qu’il ne la considérait pas ainsi. Mais qu’est-ce qu’il croyait exactement ? Qu’à 20 ans on ne connaissait rien de la vie ? C’était peut-être un peu vrai, quelque part, mais Aisling n’était pas prête à l’admettre, plutôt à lui sauter à la gorge.

-Je t’emmerde Jackson, vraiment.

Et il avait bien de la chance qu’elle l’apprécie assez pour ne pas le frapper.
Ils parlèrent de tableau et la blonde esquissa un sourire quand il lui dit de garder ses amants imaginaires sous le coude. A vrai dire, si l’idée de voir des hommes monter des enchères pour un tableau d’elle nue devait faire fantasmer plusieurs femmes, la néo-zélandaise était loin de cette idée. Elle aurait bien trop l’impression d’être prise pour un morceau de viande.
Alors qu’elle se déshabillait, elle remarqua son regard mais fut plus amusée, et quelque part un peu flattée même si elle ne l’admettrait pas, préférant feindre l’indifférence, que fâchée. Elle ne considérait pas Jackson comme un vulgaire pervers. Et puis de toute façon, ils avaient déjà couchés ensembles alors l’affaire était déjà réglée. C’était peut-être ça d’ailleurs qui la flattait le plus, qu’il soit intéressé alors qu’il a déjà tâté le terrain. A sa réponse, Aisling arqua un sourcil, un peu surprise.

-Si j’étais vraiment moi-même j’irais faire une sieste dans ton lit. Mais va pour le café, par contre si je me brûle, ça sera ta faute.

C’était bien utile, tiens, de lui demander de se déshabiller pour aller faire du café. Néanmoins, elle obtempéra, se rendant à la cuisine pour aller chercher le breuvage, le plus naturellement possible. Aisling se baladait parfois nue dans son appartement, alors ça ne lui faisait pas réellement bizarre, mais c’était tout de même un peu inhabituel que ce soit chez quelqu’un d’autres et en plus sans enjeu de séduction. Revenant vers lui, elle lui tendit la tasse.

-Prends la avant que je ne sois moi-même et que je te la balance à la figure.

Jackson s'imaginait mal faire une pendaison de crémaillère ou ce genre de choses pour fêter sa nouvelle acquisition une fois que son atelier lui appartiendrait. Ca l'obligerait se sociabiliser et il n'en avait pas forcément envie, en plus il n'avait aucune envie de recevoir des cadeaux qui ne lui plairaient pas simplement parce que ses invités se seraient sentis obligés de ramener quelque chose, non tout ça n'était pas pour lui. Mais il pourrait très bien proposer à Aisling de venir prendre un verre, peut-être même qu'il pourrait sortir du champagne pour l'occasion si l'envie lui prenait, ça ne serait rien de bien plus extraordinaire que ça dans tous les cas. Ouais, j'te tiendrai au courant. Il ne put se retenir de rire à l'insulte de la blonde, c'était tellement spontané et sorti du coeur. Il l'avait mérité, grandement. Alors il  ne riposterait pas. Merci. Il se savait chanceux, il savait que, pour une obscure raison, elle ne lui en voudrait pas bien longtemps, c'était presque un jeu entre eux, de s'envoyer des piques, surtout de la part de notre artiste, parce qu'il savait que Ais démarrait au quart de tour, mais si elle était rancunière avec les autres, elle ne l'était pas avec lui, tant mieux, parce qu'il ne supporterait pas qu'elle boude devant lui, il avait horreur que les filles fassent des manières pour si peu. Parce que dans le fond il n'était pas méchant, s'il voulait vraiment l'être elle quitterait l'appartement directement, il savait se montrer cinglant.
Alors qu'elle se déshabillait sans trop savoir où se mettre Jax proposa qu'Aisling aille leur chercher du café, c'était plus pour la voir bouger, pour qu'elle ne se sente pas stupide, plantée quelque part. Ne te brûle pas alors ! Et alors qu'il observait du coin de l'oeil, commençant son dessin, il se sentait enfin inspiré, quoi qu'un peu déstabilisé, finalement il n'avait pas eu de fille nue chez lui depuis un sacré moment. Lorsqu'elle se planta devant lui il ne manqua pas de la reluquer avant de planter ses yeux dans les siens tout en les plissant. Il attrapa la tasse chaude. Merci. C'est toi qui as accepté de poser, je ne t'ai pas forcé alors si ça t'emmerde rhabille-toi et ne me tire pas la tête ! Il dodelina de la tête tout en prenant une gorgée de café, elle l'avait fait bouillir, surement que c'était volontaire, la sale gosse. Il continuait à griffonner, leur pseudo dispute ne changeait rien à son inspiration, il lui dessinai d'ailleurs une moue contrariée qui lui allait très bien, la rendant mutine et sexy. Si tu veux aller te vautrer dans mon lit fais comme chez toi. Endormie tu seras moins désagréable. Bien qu'il serait peut-être pris par l'envie de l'y rejoindre.

Jackson ne semblait pas emballé par l’idée néanmoins il lui promit tout de même de la tenir au courant. C’était plutôt positif, connaissant Jackson. Aisling s’immisçait pas mai dans sa vie, enfin, elle ne lui demandait jamais de parler de lui en fait, mais le fait est qu’elle finissait par se retrouver dans son appartement assez régulièrement. Un jour il allait la mettre à la porte en lui disant qu’elle était trop envahissante.
Aisling ne put s’empêcher de lui faire de gros yeux quand il la remercia suite à son insulte. Elle savait qu’il faisait ça exprès pour l’emmerder encore plus. Mais pour cette fois, elle allait se contenir.
Elle râla mais alla tout de même faire le café. Râler c’était une seconde nature chez elle. En revenant, elle continua d’embêter Jackson qui sembla presque contrarié. Elle lui tira la langue, préférant rester sur le terrain de la gaminerie.

-Tu m’as dit d’être moi-même.

Donc par extension, chiante. En tout cas, elle l’interprétait ainsi. Et puis ça l’aidait à cacher un quelconque malaise. Elle fit bien attention à sa grimace quand il goûta la café, visiblement mauvais. Cette fois elle eut un sourire amusée. Peut-être qu’elle allait un peu loin, qu’il allait finir par lui balancer la tasse à la figure, mais tant pis. Elle tenta un coup d’œil par-dessus son épaule pour voir à quoi ressemblait son esquisse. Elle était curieuse du résultat final. Mais ses mots la sortirent de sa tentative d’espionnage.

-C’est si gentiment proposé…

Alors tout à fait naturellement, elle alla se jeter dans son lit, faisant l’étoile de mer avant de se retourner sur le dos, penchant légèrement la tête sur le côté pour le regarder avant de relever une de ses jambes pour plus de confort.

-C’est presque confortable.