(angelle) dessine-moi un mouton

Encore une soirée. Et dire que je devrais étudier pour le conservatoire, me voilà encore en soirée. Cette dernière se déroulait sur la plage, au grand air. Donc, je n’avais pas pris mes patins mais était venue avec mes tongs. Vêtue d’une petite robe de plage et d’un chapeau un peu trop grand sans doute, je rejoignis mes amis qui buvaient déjà. Je n’avais pas l’intention de me la coller ce soir. Non pas que j’étais contre l’alcool mais plutôt parce que je ne trouvais pas ça intéressant. Boire sur une plage, vomir dans le sable, glissé sur son vomi. Non merci. La musique dubstep retentissait un peu trop fort et je constatai qu’il y avait de tous les âges aujourd’hui. Du mec de quinze ans qui vient pour boire de l’alcool la première fois et se sentir grand au mec de quarante ans qui cherche à échapper à sa femme. Je ne bouge pas en les regardant évoluer autour de moi. Alors, je suis le mouvement bien que pour moi il ne s’agit pas de musique. Ce n’est jamais que du bruit. Les sons s’enchainent, se ressemblent mais la populace bourrée ne se rend compte de rien. Je décide donc de m’isoler en sautillant pour voir certaines personnes faire la même chose. Rebues de la société. Je n’étais pas trop dans le mood pour m’amuser. J’avouerai qu’une bonne soirée Netflix and chill aurait été plus appropriée que de venir ici où je n’arrivais pas à entrer dans l’ambiance. « Tiens, tiens ça ne serait pas Zoé ? » Je me tourne pour tomber sur une de mes anciennes conquêtes. Je tique au nom Zoé parce que je ne donne jamais mon véritable prénom lorsque j’ai une aventure avec un homme. Ou une femme. Pour cause que je le déleste toujours d’un ou deux vêtements. « Alors, ma poupée, tu m’as pris quelque chose. » A vrai dire, je ne parviens pas à me rappeler quoi. « Et tu vas me le rendre. » Les problèmes, toujours les problèmes. Il m’attrape par les cheveux et je serre les dents avant de cogner dans son ventre. Des abdos. Ah oui, ça me revient. Un débile pas très fûté avec de beaux tee-shirts. Je tente donc de me débattre bien qu’au fond, tout ce charabia fut inévitable pour une voleuse. « Lâche-moi douchbag ou j’te jure que mon mec va te péter les deux dents de devant, grognai-je en le fixant de mon plus mauvais regard. » Du bluff bien entendu mais j’espérai dans le fond que parmi toute la testotérone présente, une espèce de grenouille voulant devenir un beau prince viendra au secours de la belle serveuse. Génial, me voilà donc à me comparer à Tiana de la Princesse et La Grenouille. Des fois, je m’énerve moi-même.

Tu ne sais pas ce que tu fais là. Rectification, tu le sais, seulement tu ne comprends pas comment tu as pu te laisser embarquer. Déjà, tu ne bois pas, cette virée soit-disant en ton honneur s'apparentera donc plutôt à du baby-sitting, à condition de ne pas perdre tes amis dans la foule, ce qui semble déjà fait. Ce n'est pas plus mal, tu vas pouvoir t'éloigner de cette assourdissante musique et de la foule agitée. Le décor, lui, n'est pas pour te déplaire, tu décides donc de t'aventurer sur le sable, lentement, comme si tu découvrais horsehoe bay pour la première fois. Tu n'as pas grand chose d'autre pour t'occuper le temps de faire acte de présence même à distance pour rassurer tes amis quant à ta capacité à sortir de chez toi. Sans doute travailles-tu trop, seulement c'est ce que tu aimes et, sincèrement, tu n'es pas malheureux. Parfois un peu seul, c'est vrai, mais la compagnie d'ivrognes n'est pas nécessairement celle que tu recherches, bien que l'intention soit honorable. Il ne te faut pas errer bien longtemps avant d'être le témoin d'une scène que tu n’apprécies guère. Deux parfaits inconnus, mais tu ne t'arrêtes pas à ce genre de chose. Ta main s'abat sur l'épaule de l'agresseur. « Lâche-la. » Tu n'as pas l'étoffe d'un héros, et certainement pas l'aspect, mais par chance ta taille reste dissuasive. Et, contrairement aux apparences, tu n'es pas dépourvu de force. Tu as été marié, ce n'est pas la première fois que tu t'opposes à un prétendant inconvenant. Car tu supposes que c'est ce dont il s'agit, mais quand bien même te tromperais-tu, tu ne laisserais pas faire. « Qu'est-ce que tu veux ? » Tu lèves malgré toi les yeux au ciel. « Navré, je ne savais pas que tu étais sourd, j'ai dit lâche-la, il faut que je le signe ? » Présentant un assaut, tu recules tandis qu'il lâche la jeune femme. « Ça te regarde pas. » A vrai dire, là n'est pas la question mais soit. « Je crains que tu n'aies tort, puisqu'il s'agit de ma soeur. » Tu es trop... toi pour prétendre entretenir un quelconque autre type de relation avec une inconnue que celui de fratrie. Mais peu importe, du moment que cela fonctionne. Soulagement, tu n'as pas à te battre. Rien ne dit que tu aurais perdu, mais tout de même, la soirée se serait avérée réellement mauvaise. « Vous allez bien ? » Tu t'intéresses finalement à la demoiselle que tu as plus ou moins secourue.

Je savais que tôt ou tard, j’allais tomber sur un ex-prétendant désireux de récupérer son tee-shirt, ses chaussettes ou son amour propre. Tandis que la main du mec se referme sur mon bras, je ne me débine pas. Mon gars, j’ai connu l’enfer, toi tu n’es qu’une simple éraflure. Je lui clame alors que mon mec ne va pas tarder à sortir de nulle part pour venir à ma rescousse. Je regarde un moment le mec, immense qui fixe mon assaillant sans faiblir. Mais ce dernier est aussi têtu d’une mule. Je profite de son incrédulité lorsque le géant clame qu’il est mon frère. Espèce d’idiot, il faudrait être débile pour essayer de distinguer une quelconque ressemblance entre ce mec et moi. Mon pied part d’un coup pour atterrir dans les bijoux de famille du gars qui me lâche instantanément et s’écroule au sol. « Oui, merci. » Je me tourne alors vers le mec qui continue de m’insulter dans toutes les langues. « Précision : superman, j’ai quatre frères et ils sont tous roux. » Puis, je l’attrape donc par son haut, chemise, tee-shirt pour plaquer mes lèvres sur les siennes. Après tout, il fallait bien que je le remercie en bonne et due forme. « Quoiqu’il en soit, si tu veux te la jouer Game Of Thrones... » Je souris avant de voir que les gens sont bien absorbés par la fête. « Je m’appelle Lou-Belle et tu dois avoir un prénom ? Ou dois-je me contenter de Superman ? » J’incline légèrement la tête sur le côté en le fixant et battant de mes longs cils. Poor boy, tu ne sais pas sur qui tu es tombé.

L'idée du frère, c'est ce qui te vient en premier. Non, en second, après tout tu n'es pas complètement inculte, on a déjà vu le plan du soit-disant copain, un parfait inconnu, sauvant la mise. Seulement, tu es de la vieille école, c'est le moins que l'on puisse dire. Et puis elle parait tellement jeune, tu ne sais laquelle des deux inventions paraît la moins crédible en fin de compte. Si l'heure était au débat, tu ne manquerais pas de faire remarquer que ce genre de fille, ou femme, ne sortirait pas avec toi. Tu ne manques probablement pas de charme, mais tu demeures un astrophysicien trentenaire réduit à babysitter ses amis qui pensent sincèrement tenir l'alcool mais que tu devras porter à bout de bras en fin de soirée. « Désolé, c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit », as-tu à peine le temps de préciser avant qu'elle ne t'embrasse. Oui, t'embrasse, comme en remerciement. Ce serait mentir que de dire que ce n'est pas agréable - bien que brutal - mais tu serais presque tenté de lui demander son âge tel le grand-père que tu es intérieurement. « Je... De rien, je suppose. » Tu esquisses un sourire amusé, détaillant la jeune femme, du moins ce que la semi-pénombre te laisse apercevoir de son visage. « Angus. Mais Superman me convient aussi. » Du moment que l'on ne s'amuse pas à écourter ton prénom pour un Gus enfantin, ça te convient. Tu n'as jamais pu supporter ce surnom. « Qu'est-ce qu'il te voulait ? »

Je le regarde tandis qu’il me secourt tel un preux chevalier. Assurément, il est plus âgé. Mais il faut dire que je les apprécie plus âgé. Je prends temps de le détailler tandis que je lui souris. Grand, mince, des cheveux coupés courts mais bien coiffés. Il a un petit air qui fait qu’on a envie d’aller vers lui. Alors, je m’approche doucement tandis que mon pseudo agresseur s’éloigne en pestant. M’insultant de garce ou de salope. « C’est madame salope, dis-je à son intention avant de me tourner vers Superman, pas grave. Mais c’est très peu crédible étant donné tes beaux yeux et la couleur des miens. » Je lui fais un petit clin d’œil avant de me mettre sur la pointe des pieds pour déposer mes lèvres sur les siennes. Non seulement en guise de remerciement mais aussi parce qu’il est très attirant. Un peu comme l’autre mec que j’ai rencontré l’autre soir. Mes mains passent autour de sa nuque, la saisissent tandis que j’écarte légèrement mon visage du sien. « Je préfère Superman. » Un sourire étire doucement mes lèvres tandis qu’il me demande ce que voulait l’autre imbécile. Je me mords doucement la lèvre inférieure avant de totalement me détacher d’Angus. « Eh bien, il se pourrait bien qu’il n’ait pas apprécié que je ne l’ai pas rappelé après… » Je lève les yeux au ciel comme s’il était inutile de faire un dessin, d’apporter des précisions sur le pourquoi du comment. Sans mentionner le tee-shirt bien sûr. « Et toi, Superman, murmurai-je doucement en le fixant dans les yeux. » Mes mains se baladent doucement sur son torse tandis que j’incline doucement la tête la tête. « Tu aimerais que je te rappelle ou pas du tout ? »

Tes lèvres s'étirent légèrement, en toute retenue, alors que la jeune inconnue rectifie les dires de son agresseur lorsqu'il l'insulte. Elle est singulière, la rouquine, et ce bref aperçu de sa personnalité suffit à prouver que tout vous oppose. Tu n'as clairement rien à faire ici, tu serais bien mieux installé dans ton canapé un livre à la main, et une tasse de thé dans l'autre. La plage et la musique dite "de sauvage", cela semble plus son domaine. « On peut faire croire n'importe quoi à n'importe qui avec un peu de volonté. » Et puis il ne faut pas oublier que le type ne paraissait pas vraiment être une lumière. Tu es toujours sur cette pensée lorsque la jeune femme, visiblement bien plus réactive que toi, vient t'embrasser sans crier gare. Une fois remis de tes émotions, tu te permets de l'interroger sur la raison de l'altercation que tu as interrompue, et sans doute la réponse était-elle évidente, il a seulement fallu que, comme à ton habitude, tu mettes les pieds dans le plat. Tu te contentes de hocher la tête pour signifier que tu vois parfaitement où elle veut en venir. Tout du long, elle est demeurée très proche de toi, sans doute trop, et nul besoin d'être un génie pour voir ce à quoi elle joue. « Je... suppose que c'est à toi d'en décider. » Tu prends délicatement ses poignets entre tes mains pour les détacher de ton torse, sur lequel elles se baladent. « Dis moi, je sais que ça ne se demande pas, mais tu as quel âge déjà ? » Un papy. Tu n'as pas dans l'idée de la blesser ni même vraiment de la rejeter, mais il faut dire les choses comme elles sont, tu as dépassé la trentaine et elle semble à peine sortie de l'adolescence.

Certains disent « coup de foudre », d’autres diront le syndrome de la demoiselle en détresse. Je dirai : un peu des deux. Je ne sais pas pourquoi je me retrouve face à cet homme et il y a quelque chose chez lui qui m’attire. Je ne parle pas du gros mot en –a. Merci mais j’ai mes limites et mes croyances. Le mot en –a est un peu comme Voldemort, on ne doit pas prononcer son nom sinon on se retrouve maudit. Je souris à sa remarque, ce sourire en coin dont j’ai le secret avant d’ôter l’immense chapeau que j’avais sur le sommet du crâne. Ainsi, je libère le restant de mes mèches rousses auparavant emprisonnées. « Certes mais tu es bien trop séduisant pour faire partie de ma famille. » Je ponctue ma phrase d’un petit clin d’œil. Puis, je fais un pas en avant pour déposer mes lèvres sur les siennes. Je la sens. Cette électricité que j’ai eu auprès d’Alfie. Plus intense cependant. Une question tourne dans ma tête : s’il me l’avait rendu, est-ce que ce sentiment serait le même ? Je vois bien que je le mets mal à l’aise. Angus. Je vois bien qu’il est un nouveau défi à relever. Et comme un Barney : challenge accepted. « Je pense que je te rappellerai. Tu m’as l’air d’être un gentleman et pas un débile sans cervelle. » La question qu’il me pose ensuite me fait lever les yeux au ciel. Je me rends compte que nous sommes alors dans la pénombre. Le soleil ayant laissé place à l’obscure nuit étoilée. Je lève un moment le regard pour regarder la lune. « Effectivement, ça ne se demande pas. » Je baisse de nouveau les yeux pour rencontrer son regard. « J’ai la majorité internationale. On peut m’éxécuter dans plein de pays. » Je me remets donc contre lui pour passer mes bras autour de sa nuque. « Alors Superman, une Lois Lane dans le coin. Où est-ce que j’ai une chance d’avoir le rôle ? » Après tout, je me fichai pas mal de son âge. Il me plaisait et j’allais tout mettre en œuvre pour le séduire. Bien que je pense être sur la bonne voie.

Lou Belle, elle est attirante, bien sûr. Elle porte bien son nom. Elle n'est pas forcément ton genre, pourtant - il paraît que tu t'associes mieux avec les blondes. Lorsque tu songes, par exemple, à ton ex-femme, elles n'ont en commun que leur charme évident. Pour commencer, tu as épousé une femme de ton âge, dont les centres d'intérêt concordaient avec les tiens, et dont le caractère entre introversion naturelle et extraversion forcée selon l'environnement ressemblait fortement au tien tout en t'apportant une nouveauté. Une ouverture sur le monde. La rouquine paraît plus brute, le genre de femme que jamais tu n'aurais pensé intéresser, et certainement pas celle vers laquelle tu serais allé, de toi-même, sans les circonstances qui vous ont réunis. De toutes manières, tes amis ont beau s'amuser à te faire sortir, tu n'es encore jamais reparti accompagné et ce n'est pas vraiment au programme. Tu ne procèdes pas comme ça, ne recherches pas une relation brève et physique, pas après des années de mariage et avec les plans de fonder une famille que tu as toujours en tête. Tu souris légèrement à sa remarque, elle n'a de toute évidence pas l'intention de lâcher l'affaire. « Je suppose qu'on peut dire ça, oui. En tout cas, je fais de mon mieux pour ne pas l'être. » Un gentleman, oui, sans doute les origines aident-elles, du moins jusqu'à ce que tu ne lui demandes son âge malgré toutes les bonnes manières que l'on t'a inculquées toute ta vie durant. Vingt-et-un ans, tu ne la voyais effectivement pas plus âgée que cela. « Cela fait treize ans que l'on peut m'exécuter dans ces pays », lâches-tu, pour l'information. Cela ne fait visiblement aucune différence à ses yeux, puisqu'elle s'entête à tenter - si ce n'est pas déjà en partie réussi - de te séduire. Sa question mène tes pensées vers ton ex-femme, à laquelle tu songes souvent, et que tu vois beaucoup, mais qui n'est plus ta Lois. Vous le vivez bien, l'un comme l'autre, c'était la meilleure option s'offrant à vous. « Il n'y a plus de Lois depuis maintenant un an », avoues-tu, tes yeux rivés aux siens. Tu ne prends pas la peine de te détacher d'elle, tu n'oses cependant pas la toucher, bien qu'elle ne se gêne pas avec toi. « Qu'est-ce que tu fais seule ici ? A moins que tu n'ais lâché tes amies pour moi. »

Je devrais être en train de bosser. Les examens du conservatoire avaient lieu bientôt et je n’étais pas prête. Ma composition originale n’était pas finie et il faut dire qu’après avoir composé plein de chansons, j’avais le syndrome de la page blanche. Je restai des heures devant ma partition sans trouver mon inspiration. D’habitude, on me parlait du mot en –a mais là, il me faisait défaut. Non pas que les hommes rencontrés n’étaient pas attirants mais il n’était pas comme Angus. J’étais captivée par son regard clair, étonnée même d’éprouver de l’intérêt pour un homme en parfaite opposition avec moi-même. Il semblait plus sage, plus introverti alors que je vis ma vie à cent à l’heure. On ne vit qu’une fois. Nous autres êtres superficiels. Ephémères. Je sens peu à peu des notes s’assembler dans ma tête et j’essaie de réfléchir un peu. Le violon est une sorte de seconde nature pour moi. Je ne peux pas considérer ma vie sans cet instrument qui me provenait de ma famille. Vestige d’un passé trop lointain. J’éclate de rire à sa remarque. Il est drôle, bon point pour lui. « We’ll see. » Après tout, seul l’avenir nous dira si ce mec était un goujat ou pas. Après, je ne sais pas si je m’en offusquerai outre mesure. Il en vient cependant à me demander mon âge et je lui réponds en devinette. Comme le chat du Cheshire. Il en fait de même et le calcul se fait rapidement dans ma tête. « J’ai toujours apprécié les hommes plus âgés. Sans doute dû à ma trop grande maturité. » Et pour cause que quitter le nid familial trop tôt m’a fait mûrir d’un coup. A vivre en dérobant des objets, en jouant de ma musique dans la rue sans état d’âme. Pour la nourriture, c’était un sentiment plus épineux. Je me rapproche donc d’Angus pour glisser doucement mes mains de ses avant-bras, à ses biceps pour atterrir dans sa nuque que je caresse distraitement. Sur la pointe des pieds. « Je dirai bien que je suis navrée, affirmai-je lorsqu’il me raconte le vide de sa vie sentimentale, mais je n’ai pas pour habitude de mentir. » Ouais sauf sur mon viol, mon anorexie et ma cleptomanie. « Je te promets que je ferai une Loïs convenable. » Ouais enfin s’il le veut. Quoique je ne lui laisse pas vraiment le choix. Il me pose la question sur mes amis. J’avouerai les avoir oublier. J’esquisse de nouveau un sourire tandis que la présence d’autrui me frappe de nouveau de plein fouet. « Nan, j’ai délaissé personne, dis-je en secouant la tête, sauf peut-être Amadeus. Mais il s’en remettra. » Après, je ne sais pas si Angus est du genre à faire le lien entre Mozart et moi. « Je suis violoniste. » Et serveuse aussi. Doucement, je me remets sur la pointe des pieds pour venir effleurer doucement ses lèvres. Captivée par son regard. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? »

La conversation de Lou Belle te distrait totalement de ta mission de ce soir, non pas t'amuser comme tes amis le prétendaient, mais bien surveiller. C'est probablement ce qu'ils voulaient dire par "tu pourrais bien trouver une occupation". Ce n'est clairement pas toi, ce type de rencontre, mais tu es désormais assez peu disposé à retourner à ta solitude. Vous n'avez pourtant rien en commun, on pourrait croire que vous n'avez donc rien à vous dire, mais Lou est entreprenante, visiblement décidée à ce que votre rencontre fortuite débouche sur autre chose qu'un adieu en fin de soirée. Là dessus aussi, vous vous opposés. Et, tout à la fois, tu ne serais pas contre le fait de la revoir. Sans doute ne devrais-tu pas penser ainsi, mais l'attirance est bien là, à moins que ce ne soit qu'un sentiment temporaire dû à votre actuelle proximité. Tu souris en l'entendant rire, amusé par le fait de trouver cela adorable. Tout comme par sa remarque - elle a bel et bien l'intention de rester auprès de moi un petit temps, au moins de quoi vérifier tes dires. Ce serait mentir que de dire que l'idée te déplaît. « J'ai un peu la pression, d'un coup. » A vrai dire, tu n'as pas trop à t'en faire, tu ne ferais pas de mal à une mouche, tu ne manquerais pas à ta parole. Tu n'as pas la prétention de te déclarer parfait gentleman, mais tu n'en es pas bien loin. « Et où places-tu la limite d'âge ? » Après rapide calcul, tu sais avoir treize ans de plus qu'elle, et étant qui tu es tu n'imagines pas vraiment le seuil dépasser les quinze ans de différence. Déjà vous d'eux, c'est pour toi presque inenvisageable, tes relations ont rarement dépassé cinq années d'écart et tu te vois mal dans le rôle du vieux playboy. Alors que le sujet en vient justement à ta dernière relation en date, tu suis les gestes de Lou du regard, mal à l'aise à l'idée que l'on vous voit bien que personne ne vous regarde vraiment - ni n'en ait quoi que ce soit à faire. « De toutes manières il n'y a pas de quoi être navré, nous avons divorcé car nous le voulions tous les deux. » C'était plus simple ainsi, vous le vivez tous deux très bien. Elle est pour sa part à nouveau en couple, et toi tu as tes étoiles. Ainsi qu'une prétendante, de toute évidence. « Ce sera aussi à vérifier », remarques-tu quant à son affirmation qu'elle ferait une Lois convenable. Serais-tu en train d'accepter son irruption dans ta vie ? « Violoniste ? C'est passionnant. Je veux dire... J'ai toujours voulu jouer du piano. Ou de n'importe quoi, en réalité. » Tu ne l'aurais pas vue musicienne. Pour tout dire, tu ne la connais pas vraiment, mais ce n'est pas vers le violon que tu l'aurais imaginée se diriger. Quoi qu'il en soit, c'est plutôt une bonne surprise. Tu la laisses effleurer tes lèvres des siennes, conscient qu'il s'agit là plus d'un jeu, peut-être d'une parade. Toujours mal à l'aise, cependant, que vous soyez au milieu de la foule, et surtout que vous ne vous étiez encore jamais rencontrés avant il y a dix minutes. « Je suis astrophysicien. Ou astronome, si je ne fais pas le malin. » Tes lèvres s'étirent à nouveau d'un léger sourire. Tu n'es pas du genre vantard, mais tu as tout de même fait huit ans d'études pour en arriver là. Et puis, à quoi sert un master si l'on ne peut s'en montrer fier.

Tout contre Angus, c’était étrange. Je ne parlerai pas du gros mot mais je pense que l’attirance que j’ai pour lui dépasse de loin la seule attraction physique. Bien qu’il faut le reconnaitre, pour un homme plus âgé et un peu coincé, il était séduisant. Peut-être trouverai-je la serrure qui permettrait de le décoincer ? Et ainsi qu’il se détente. Parce que j’avais l’impression d’enlacer un morceau de bois, ce qui n’a rien d’agréable. Mais alors rien du tout. J’ignore même pourquoi je m’entête et que je me surprends à apprécier sa compagnie. Outre le fait ses yeux captivants, sa coupe de cheveux, son style et son côté chevaleresque. Je lève les yeux au ciel tandis qu’il dit qu’il a la pression. Je me surprends même à rire. Je lui décroche alors mon sourire le plus enjôleur. « Ce n’est pas toi qui est tout près d’un tronc d’arbre à l’heure actuelle. Relax un peu, Superman n’était pas aussi tendu dans mes souvenirs. » Je sais que la plaisanterie pourrait être mal prise mais je n’aime pas tourner autour du pot. Je préfère mettre les deux pieds dans le plat d’un coup. On en vient à parler de nos âges respectifs et je me mordille doucement la lèvre inférieure tandis que sa question s’envole dans les airs. « Le tien, mon petit chat. Tu es ma limite d’âge. » Déclaration pittoresque venant d’un être grotesque. A vrai dire, l’âge, le sexe de la personne n’a pas d’importance pour moi. J’assume tout à fait d’apprécier une personne. Je sens son malaise lorsque j’ai des gestes un peu plus séducteurs. Encore une fois, j’ignore si ça m’attire encore plus ou si ça me met en colère. Sans doute un peu des deux dans le fond. Je choisis –pour une fois- de me taire sur le sujet ex-femme. Je n’ai pas très envie d’en parler à vrai dire. Nous sommes tous les deux sur la plage, au clair de lune. « Crois-moi, tu serais surpris de voir à quel point je suis en détresse. » Ce qui était l’entière réalité. Je me cachai derrière mes parades, mes pirouettes pour cacher mon mal être. D’un côté, ce n’est pas plus mal qu’il ne me prenne pas dans ses bras en retour. Il verrait que je ne suis pas aussi attirante que j’en ai l’air sur le point de vue corporel. Trop grosse. « ça fait dix-sept ans que je me lève violon, que je mange violon et je dors violon. Donc ouais, violoniste et je sais ça surprend toujours quand je dis que je suis au conservatoire. » J’éclate de rire, essayant de reprendre ma bonne humeur et oubliant un instant que je ne suis qu’une poupée fragile. Doucement tandis qu’il me lance avec son sourire ravageur qu’il est spécialiste des étoiles, je viens caresser sa joue. « Tu peux faire ton malin avec moi, ça ne me gêne pas. » Puis, je me colle sur la pointe des pieds pour venir embrasser ses lèvres, espérant ainsi faire tomber les barrières qu’il avait mis entre nous.