You weren't suppose to find out | Naterina

[19:03:45] Rina: je te laisse, je dois y aller!
[19:03:51] Nat: okay! On se parle plus tard?
[19:04:17] Rina: heu je sais pas si j'aurais le temps de repasser ce soir. Mais si oui, bien sûr
[19:04:23] Nat: pas de soucis :) à plus!
[19:04:30] Rina:

Rina se déconnecte et je décide d’éteindre mon ordinateur par la même occasion. Je suis à jour dans mes réponses, personne n’ait connecté sur la chatbox et j’ai besoin de me dégourdir les jambes. Ça doit faire pas loin de deux heures que je discute via skype et je commence à avoir mal à la tête. Mes parents sont au théâtre, Anna ne vit plus à la maison, je suis seul, c’est l’heure du dîner, mon ventre se tort de douleur tant j’ai faim; il ne m’en faut pas plus pour me décider à attraper ma veste et à rejoindre le centre ville direction le fast-food le plus proche, après quoi j’irais sans doute rejoindre quelques amis. […]

Vivant à proximité du dit fast-food, j’y suis en moins de cinq minutes. J’avale mon menu en quatrième vitesse et envoie un sms à mon meilleur ami qui me propose de le rejoindre chez lui. Je suis en chemin quand je crois reconnaître la silhouette de… Katerina. Mon corps se raidit, j’ai la gorge sèche. Fais chier! C’est toujours la même rengaine avec elle. Je la vois et je perds mes moyens. J’en ai marre. Le pire dans tout ça, c’est que je suis raide dingue d’une fille qui ne me regarde même pas. Dans le genre pathétique… Et puis qu’est-ce que je suis en train de faire là? Sérieusement? Je suis sérieusement en train de la suivre? Depuis quand mes jambes se mettent-elle à avancer sans mon consentement? Si elle s’en aperçoit elle va me prendre pour un malade mental. Surtout qu’elle a l’air sur ses gardes. Qu’est-ce que c’est que cet accoutrement? Ça ne lui ressemble pas se de cacher comme ça! Ma curiosité piquée au vif, je décide de continuer ma filature et ma course s’arrête devant… un cabaret. Je fronce les sourcils, relativement surpris. Je me demande ce qu’elle vient faire ici. Allons voir ça d’un peu plus près.

Un peu plus tard dans la soirée.
Je lève une main hésitante et frappe à la porte de sa loge. Je crois que je ne réalise pas très bien ce qui vient de se passer. Je suis tombé de haut et on ne peut pas dire que le spectacle m’ait plus. Quand je pense à tous ces pervers qui la reluquaient de haut en bas, ça me met hors de moi. « Entrez! Nathan?! » Sans même la saluer, je referme la porte. « C’était quoi ça? On peut savoir pourquoi tu te déhanches devant des gros dégueulasses?! » je demande en serrant les poings. Si je suis en colère contre Katerina? Pas vraiment. Elle est majeure et vaccinée, je n’ai aucun droit de regard sur sa vie; mais ça me tue qu’elle s’abaisse à ce genre de choses. Elle vaut tellement mieux que tout ça.

Katerina me tourne le dos et me demande ce que je fais là. Son ton est froid et elle me toise d’un air que je n’apprécie pas. J’ai comme l’impression d’être le fautif dans toute cette histoire, mais qu’elle n’inverse pas les rôles: c’est elle qui secoue son postérieur pour distraire une bande de gros porcs sans ambition, pas moi! « Est-ce que quelqu'un sait où tu es? Tes parents? Anna? » Je lève les yeux au ciel. Elle se paye ma tête? Je n’ai plus dix ans et en ce qui me concerne, je n’ai strictement rien à me reprocher. « Et toi, quelqu’un sait que tu es là?! » je lance sur un air de défi avant de faire un pas vers elle et de la forcer à me regarder. Avant de me donner des leçons, elle ferait bien de me regarder en face. Converser par miroir interposé, ce n’est pas pour moi! « Je ne suis plus un gamin Katerina! Et je n’ai aucun compte à te rendre; toi par contre tu vas m’expliquer ce qui se passe! Ma sœur est au courant?! Quelqu’un sait ce que tu es là? D’ailleurs qu’est-ce que tu fais ici?  » Je la ferme enfin. Je sais, je parle trop. A dire vrai, je suis anormalement loquace ce soir. Moi qui étais à peine capable de la saluer hier encore, je crois que je viens de franchir un capte. Bien sûr, j'ai du mal a soutenir son regard et je regrette déjà de m'être montré aussi abrupte avec elle, mais c'est trop tard. Je relève la tête vers elle et je constate qu'elle n'a pas bougée. Elle me fixe toujours, l'air hagard. « Excuse-moi. Je suis vraiment désolé de t'avoir crié dessus. Je sais bien que ça ne me regarde pas. Tu fais ce que tu veux de... ton temps libre, mais Anna est ma soeur et... bref. Je suis désolé, je n'aurais pas dû m'emporter » je conclus en affichant une mine franchement désolée.

Pour toute réponse, Katerina se racle la gorge et se laisse tomber sur sa chaise. Elle a vraiment l’air désemparé et je ne sais pas quoi faire pour la rassurer. Tout ce que je sais c’est que je n’aurais pas dû la ramener et commencer à lui faire la leçon. C’était une mauvaise idée de la suivre, j’aurais mieux fait de passer mon chemin. Mais il est trop tard pour revenir en arrière, elle me déteste probablement à l’heure qu’il est. « Ne t'excuse pas. C'est moi qui suis désolée. Je n'aurais pas dû te parler comme ça. Mais je... S'il te plait, ne dis rien à personne à propos de tout ça? » ajoute-t-elle en relevant la tête. Sa demande sonne comme une supplication et je me mords inconsciemment la lèvre inférieure. Je ne sais pas quoi faire. « Le problème c’est que je ne peux pas cacher cela à Anna. C’est ma sœur, ta meilleure amie. Pourquoi tu fais tant de mystères? N’êtes vous pas censées TOUT vous dire? » je demande en faisant un pas vers elle, avant de m’agenouiller à sa hauteur. Nous ne sommes pas suffisamment proches pour que je me permette de lui prendre la main ou de caresser sa joue, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Si j‘étais un peu moins timide, j‘essaierai surement; mais je ne suis pas certain de pouvoir essuyer un rejet - pas de sa part en tout cas. « Et si tu me disais ce qui se passe? Écoutes, je sais bien qu’on n’a jamais été très proches toi et moi: tu me considères comme un gamin casse pied et sans intérêt je sais, mais… justement ce sera peut-être plus facile qu‘avec Nana, tu ne crois pas? »

« Mais enfin, Nathan, qu'est-ce que tu raconte? Bien sûr que non je ne te considère pas comme un gamin! Au contraire! » C’est à mon tour de faire les gros yeux. Au contraire? Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire au juste? J’ai peur de comprendre. Je me sens rougir et tourne la tête un court instant, histoire de lui cacher le sourire incroyablement niais qui vient de se dessiner sur mon visage. Manquerait plus qu’elle comprenne que j’en pince pour elle! « Enfin je veux dire... Heu... C'est toi qui ne m'aime pas! » Silence de mort, elle baisse la tête. Moi? Je suis resté complètement interdit. Où a-t-elle été chercher un truc pareil? Elle est tombée sur la tête ou bien…? « Pardon?! Mais je n’ai jamais rien eu contre toi. C’est toi qui passes ton temps à me rejeter. Enfin, je veux dire tu t’es toujours débrouillée pour me faire comprendre que je dérangeais alors, quand tu viens à la maison, je m’arrange pour ne pas être là ou bien je reste au sous-sol. Je ne veux pas te vexer, mais t’as une drôle de façon de me fixer. Un peu comme si tu me prenais de haut ou que le simple fait de me croiser te dérangeait. Après faut pas t’étonner si je n’ai pas forcément envie de te parler. Enfin bref… » j’ajoute en me raclant la gorge. « De toute évidence on s’est tous les deux monté la tête » Je tente un sourire, mais mes lèvres ne font guère mieux que de se tordre dans une grimace horrible. Si j’ai encore perdu une occasion de me taire? A votre avis?

La pièce est à nouveau silencieuse. Katerina me fixe, complètement sidérée par mes propos; quant à moi je guette une éventuelle réaction. Rien. Pendant quelques minutes, il ne se passe strictement rien. Puis, elle éclate de rire. C’est à mon tour de faire les yeux ronds. Qu’est-ce qui lui prend? Elle a pété un câble? Je la fixe l’air incrédule et attends une explication qui ne vient pas puisque mademoiselle Rosebury peine à retrouver son calme. Je me gratte le haut du crâne, hésite à rire aussi, mais abandonne cette idée quand elle hoquette un « Dé… désolé ». Je lui adresse un sourire tout ce qu’il y a de plus rassurant. Un peu étrange comme réaction, j’en conviens; mais il n’y a pas de quoi en faire une histoire. « Excuse-moi. Je ne suis pas complètement folle, hein, c'est juste que là... c'est un peu trop pour moi. Je sature. D'abord tu découvre mon secret, et maintenant j'apprends que, contrairement à ce que j'ai cru pendant toutes ces années, tu ne me déteste pas... Bref. Ça fait beaucoup ». Et qu’est-ce que je devrais dire? J’ai passé les trois quarts de mon temps à la fuir et à écouter des musiques déprimantes dans mon sous-sol, parce que j’étais persuadé que la fille dont je suis fou amoureux, c’est-à-dire ‘elle’, me détestait. Je pense être le plus à plaindre dans tout ça, mais je n’aurais pas la bêtise de le lui faire savoir. Surtout que je ne suis même pas certain d’être amoureux - au final. Bien sûr elle me plaît et je perds tous mes moyens devant elle, mais ça ne veut strictement rien dire, pas vrai ? … A qui je veux faire croire ça? « T’en fais pas. Je comprends ce que tu ressens. C’est assez invraisemblable comme histoire. Quand je pense qu’on aurait pu être amis… » Ce n’est peut-être pas trop tard, me crit une petite voix désagréable. « Maintenant qu’on a mis les choses au clair » j’ajoute en me raclant la gorge « il va falloir qu’on règle tout ça. Je veux dire… ton secret. Je n’ai pas envie de te mettre dans l’embarras, je suis sincère, mais tu ne peux pas me demander de mentir à Anna. C’est ma sœur, je ne peux pas faire ça. Rectification, je ne veux pas faire ça. Je refuse même de l’envisager tant que tu ne m’auras pas dit ce que tu fais ici. Ou plutôt pourquoi tu danses pour ces... Tu m'as compris».