Devan&Sasha ☾ Call me if you need me.

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Sasha & Devan

“The best way to find yourself is to lose yourself in the service of others. ”

"Sasha ! T'as reçu un appel. Apparemment c'est très urgent. Le type au bout du fil semblait désespéré de trouver quelqu'un ce soir." Ma soeur débarque dans ce qui me sert de chambre, à moitié endormie déjà mais néanmoins toute excité par cet appel. Elle brandit son téléphone d'une air victorieux et fait trembler toute la caravane en sautillant sur place avant de se jeter sur mon lit pour se coucher à côté de moi tout en me donnant les détails de ce premier job australien. Apparemment un grand classique, un évier capricieux qui à décidé d'inonder la pièce. Et ça fait bien mon affaire. Ma petite annonce a visiblement enfin fini par payer et tant mieux parce que ma réserve de cash commence à se vider dangereusement... Au pays de Galles j'avais une réputation dans le quartier et quiconque avait besoin d'un petit service pensait immédiatement à m'appeler. Le boulot était facile et assez récurant que pour me permettre de vivre. Mais ici... Personne ne me connait, et personne ne sait que j'existe. Toute ma réputation est à refaire et mon carnet d'adresse est à nouveau vide... Ce coût de fil est donc clairement une bénédiction, un départ et je partage l'enthousiasme de ma soeur, attrapant son visage dans mes mains pour déposer un baiser glorieux sur son front.

Je suis cependant un peu déconcerté par l'heure tardive et me demande bien qui a tant besoin que son évier soit réparé alors que la nuit commence déjà.
Mais tout me parait plus clair quand elle m'explique que la demande vient d'un chef cuisiner et que la fuite se trouve dans son restaurant. Restaurant qui doit bien sûr pouvoir être fonctionnel pour son service de demain... D'où l'urgence. C'est typiquement le genre d'endroit où c'est toujours problématique de faire appel à des professionnels car l'idéal est bien sûr de régler le soucis lorsqu'il est vide. C'est à dire entre l'heure de fermeture et d'ouverture... Ce qui fatalement mène à un service de nuit. Heures où les employés déclarés sont tranquillement en train de se coucher avec leur femme et n'ont absolument plus l'intention de décrocher leur téléphone professionnel et où seul les officieux comme moi acceptent encore de se déplacer.
Ne pouvant pas me permettre de faire le difficile et refuser un premier boulot simplement parce que j'ai plutôt la tête à aller dormir, je me dépêche de me lever pour me rhabiller. Je remets rapidement mes cheveux un peu en ordre en passant mes doigts, fourgue un bonbon à la menthe dans ma bouche et passe un peu de déo histoire de me rafraîchir un minimum.
Emportant ma boîte à outils nécessaires à la plomberie, cigarette au bec et adresse en poche, j'enfourche une vieille moto d'occasion, qui me sert temporairement de transport le temps que je me retrouve une voiture qui me fait rêver, et part vers ma nouvelle mission sans attendre.

Arrivé devant le restaurant, j'hésite un instant avant d'aller frapper. A chaque fois que je me rend chez un client, et particulièrement un nouveau, j'ai cette boule au ventre rien qu'à l'idée de devoir dire bonjour... Ouvrir la bouche me terrifie tellement que j'ai déjà pensé à me faire passer pour un muet... Mais je suis plutôt mauvais menteur alors l'idée est vite tombée à l'eau.
J'appréhende toujours la réaction de ceux qui découvrent que je suis bègue. Quand ils réalisent, ça se voit toujours dans leurs yeux. Surprise, incompréhension, moquerie et malaise, parfois apitoiement. C'est difficile d'imaginer à quel point le simple fait du buter sur des mots peu pourrir la vie de quelqu'un. Et pourtant., quand on voit passer cette même expression dans les yeux de chaque personne à qui on s'adresse, sans exception depuis qu'on a apprit à parler, chaque regard finit par blesser et épuiser un peu plus et on se sent inévitablement comme un objet de foire. Impossible de se sentir normal quand personne ne vous a jamais regardé comme si vous l'étiez...
Je respire, tente de surmonter mon stress. Il faut que je travaille alors je n'ai pas le choix... Je dois subir les regards pour remplir le portefeuille, c'est comme ça. Tant pis si ça me détruit à chaque fois un peu plus.
Trouvant enfin le courage de lever ma main, je frappe quelques coups sur la vitre de la porte. Attendant dans l'anxiété que le chef de cet endroit vienne m'ouvrir.

Quand celui-ci ouvre la porte je décide de garder la bouche fermée. Je tente d'esquisser un sourire en guise de bonjour, ou plutôt bonsoir, en levant ma boîte à outil pour lui signaler qui je suis. Avec un peu de chance il comprendra sans que j'ai besoin de parler et prendra lui même l'initiative.
Je me glisse alors dans l'ouverture, me montrant prêt à le suivre.
Observant l'homme, je suis surpris de me retrouver face à un chef de cette allure... Clairement, l'Australie est un pays qui surprend. Je suis pas sûr que dans ma ville natale un jeune tout tatoué aurait pu finir à son poste...

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sasha ∞ devan

« Réponds… bordel. » Devan était à deux doigts de péter un câble. Aucun des plombiers de cette ville ne semblait vouloir décrocher son téléphone pour venir l’aider. Et forcément, il y avait toujours un problème quand personne n’était présent pour le résoudre. Le voyant faire les cents pas dans sa cuisine, son patron l’y rejoignit pour lui donner congé, mais Devan refusa, ne supportant pas de laisser sa cuisine dans un sale état. C’était peut-être un peu con mais ce lieu représentait beaucoup pour lui, c’était plus qu’un travail. C’était une passion, quelque chose qui lui avait permis de se sortir de la merde. Alors quand tout n’allait pas comme il fallait il s’énervait et perdait patience. Heureusement qu’il se contenait devant son patron et devant les autres employés en général, mais c’était souvent la guerre dans sa tête. Devan était colérique, on n’y pouvait pas grand-chose. « Ca va aller… Vous n’avez qu’à rentrer, je fermerai le restaurant. Il me reste un numéro à appeler, prions pour que ce soit le bon. » Ce n’était pas la première fois qu’on lui laissait les clés, qu’il restait seul le soir. Son patron lui faisait confiance malgré son passé un peu tumultueux. Bien sûr, ç’avait pris du temps mais il était assez fier de savoir qu’on comptait sur lui maintenant. « Ca marche. » lui répondit-il avant de lui souhaiter bon courage et de le laisser seul.

Hallelujah ! Le dernier numéro était le bon. Devan était peut-être un peu réticent quant à appeler ce garçon car il n’avait jamais entendu parler de lui et qu’apparemment il venait d’arriver à Bowen. Mais il n’avait pas vraiment le choix… et rien que pour accepter de se déplacer en pleine nuit il lui devait énormément. D’autant qu’il pouvait comprendre que ce ne soit pas facile de se faire une toute nouvelle clientèle. Quand Devan avait remplacé le chef cuisinier de ce restaurant, ce dernier avait eu un coup de mou, moins de clients. Mais au fil du temps il s’était fait sa place, sa réputation, peut-être que ce Sasha Whyte tentait de se faire la sienne. S’il pouvait l’y aider autant que lui l’aiderait à réparer son évier, ce serait bête de ne pas sauter sur l’occasion.
Il espérait cependant se calmer avant qu’il n’arrive. Devan ne voulait pas l’accueillir avec un regard assassin parce que ses compères étaient tous des faignants. Alors il prit sur lui, inspira profondément et tenta de relativiser.

Quittant la cuisine un peu plus détendu, il se posa à une table du restaurant d’où il pourrait voir le type arriver, une bière en main pour s’empêcher de s’agacer un peu plus. Il avait de toute façon fait de son mieux pour empêcher la fuite de dégénérer mais sa cuisine était malgré tout devenue une pataugeoire, Devan ne pouvait plus y faire grand-chose.
Les quelques coups à la vitre le sortirent de sa rêverie. Il se redressa, laissa sa bière sur la table et alla ouvrir au garçon, un sourire sur les lèvres. « Bonsoir ! J’vous remercie mille fois d’être venu, je sais pas ce que j’aurais fait sans vous. D’ici une heure il aurait fallu rejoindre la cuisine à la nage ! » Devan fut assez dérouté par son silence mais il préféra ne pas s’en formaliser. Après tout, il était là pour faire son boulot, probablement pas pour se faire des potes. Il lui montra la cuisine du doigt et le laissa passer devant… non sans regarder ses fesses SANS FAIRE EXPRES bien sûr.
« Je suis vraiment désolé de vous faire venir si tard. Mais c’est la cata, je sais pas du tout régler ce genre de problèmes. » Il se gratta la nuque. « En fait, j’m’appelle Devan. » Et il lui tendit la main sans trop savoir si l’autre la lui serrerait. Il avait l’air… Assez anxieux, en retrait. Devan allait essayer de le mettre à l’aise au possible mais il avait plus l’impression de le saouler qu’autre chose, ça n’avait rien d’agréable.

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Sasha & Devan

“The best way to find yourself is to lose yourself in the service of others. ”

Si j'ai bien remarqué une chose en un mois, c'est que les gens sont clairement différents ici. D'une certaine façon on sent qu'ils vivent au soleil. Leurs visages sont moins tirés, moins ternis par les vents froids, moins tracassés par la pluie et l'hiver. Même leur accent est plus pétillant. Ça me rend envieux. Envieux des gens normaux et à l'apparence heureuse. Encore plus qu'au Pays de Galles.
J'aimerais être aussi léger qu'eux, insouciant et plein d'entrain. Mais je ne suis qu'un être effacé et éteint. Preuve en est lorsque le chef m'accueille avec bonne humeur et humour. Quand je devrais rire ou tout du moins laisser échapper un petit ricanement enjoué, tout ce que je suis capable de donner comme réaction c'est un miniature sourire poli et forcé. Je ne sais même plus comment rire et pourtant ce n'est pas l'envie qui manque. Loin de là. J'ai envie de rebondir sur sa boutade et de même de relancer quelque chose, pourquoi pas. Réagir, faire rire. Mais la gêne me pétrifie complètement. Ça me bouffe et au fond de moi je suis brisé de ne jamais m'autoriser à m'exprimer. J'ai l'impression de me transformer en statue petit à petit. La seule différence que j'ai avec elle c'est que je marche au final...
Dès que j'ai envie d'étirer mes lèvres un peu trop ou d'ouvrir la bouche pour partager mes pensées, je suis rappelé à l'ordre par mon subconscient. Je vis la dictature de mon propre esprit.

C'est donc en restant fidèle à mon éternel attitude d'asocial que je me dirige silencieusement vers la cuisine. Ressassant dans ma tête un bon nombre d'insultes à mon égard sur mon incapacité à faire un effort...
Si au Pays de Galles j'ai pu lancer ma réputation grâce à mes connaissances d'enfances, ou connaissances familiales, je me rend bien compte qu'ici ça ne sera pas aussi facile. Je n'ai personne pour expliquer les raisons de mon renfermement. Personne ici ne connait mon passé, mon parcours, et si au début ça me rendait plus léger, maintenant que je dois enfin faire mes preuves, professionnellement parlant, je me rend compte que c'est aussi un désavantage.
Sans explications, je passe juste pour un trou de cul froid, voir psychopathe... Je m'en rend bien compte. Personne ne risque de me recommander si je passe pour un mec louche. Il faut vraiment que je maîtrise et surpasse auprès de ce gars. Quitte à passer le reste de la semaine au fond du lit dans la honte.

Une fois arrivé sur le lieu du désastre, je me rend compte de l'ampleur du problème. Finalement peut-être qu'il n'essayait pas de faire une blague... L'eau est partout et continue de s'étaler. L'arrivée n'a pas été coupée visiblement et effectivement, le mot employé par le chef est le bon. C'est la cata ! Je vais clairement pas pouvoir régler ce soucis en cinq minutes. Une opportunité peut-être de prouver que je suis un bon travailleur qui sait faire face à toute situation...
Mais alors que je suis toujours en train de balayer la cuisine inondée du regard, il finit par se présenter et mon sang se glace alors... Difficile de garder la bouche fermée dans ce genre de cas. Clairement la courtoise réclame une réponse... Mon coeur palpite. Dans le fond je ne sais pas ce qui m'effraie le plus, devoir parler ou sa main tendue. Je la regarde un peu effaré. Je n'aime pas qu'on me touche, c'est comme ça, c'est quasi phobique. Alors c'est plus fort que moi, je ne la serre pas... Je choisis de l'ignorer et je sais que je n'améliore pas mon cas en prenant cette décision. Encore moins quand, dans mon malaise, j'oublie alors même l'étape présentation. Car quand je décide d'enfin utiliser mes cordes vocales c'est pour directement demander. "L...L'arr...r" Je ferme les yeux. Concentres toi Sasha ! Le stress n'aide vraiment pas mon bégaiement... "L'arriv...ée d'd'd'eau?" J'évite de croiser son regard. Et voilà c'est fait, il sait: je parle comme un handicapé... En plus de me trouver probablement asocial, il doit à présent sûrement me trouver pitoyable.
Si seulement j'avais pu dire 'Enchanté, moi c'est Sasha. Pas de soucis, je suis là pour ça.' Une phrase. Une seule... avec un sourire...Je ne me serais pas senti aussi misérable. Mais je ne suis qu'un incapable.

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sasha ∞ devan

Si Devan avait fait de son mieux pour calmer sa colère peu avant l’arrivée du plombier, histoire de rester agréable et de ne pas s’en prendre à un pauvre innocent, il trouvait finalement ses efforts ridicules. Ce gars-là n’avait clairement pas envie de faire connaissance ni même de décrocher un pauvre mot. Aussi, quand le cuisinier se présenta il se retrouva face à un silence pesant et de plus en plus agaçant. D’accord, il était tard et il y avait probablement des gens beaucoup moins sociables que lui – encore qu’il ne pensait pas l’être énormément… Mais bon sang, c’était si difficile que ça de dire ne serait-ce que bonjour ? Il se sentit totalement ridicule quand l’autre ne serra pas sa main, et croisa finalement les bras sur son torse. Sur tous les plombiers de cette ville il était tombé sur le moins poli… Bordel, autant choisir de travailler avec des animaux dans ce cas-là ! Au moins il n’y avait pas de présentations à faire, pas de mains à serrer, ils se fichaient bien qu’on les considère ou non, eux.
Puis finalement, alors que Devan ne s’y attendait plus, il ouvrit la bouche. D’accord, ce n’était pas pour lui donner son prénom mais c’était un bon début, au moins il n’était pas totalement muet.
Le cuisinier fut peut-être un peu surpris de l’entendre s’exprimer de la sorte, mais pas vraiment choqué. Il comprenait un peu mieux pourquoi le plombier n’avait pas voulu lui parler avant, les gens bègues complexaient souvent à propos de leur problème – bien qu’il ne comprenne pas vraiment qu’on puisse juger les gens là-dessus. Devan avait beau être un gros con parfois, avoir fait quelques magouilles étant plus jeune, il n’était pas tant du genre à juger les autres. Qu’un gars ait quelques boutons sur le visage, qu’un autre ait quelques kilos en trop ou que ce type-là ait de la difficulté à parler… Qu’est-ce qu’il en avait à faire ?

« Elle est juste là. » lui dit-il en montrant l’arrivée d’eau. Il aurait voulu lui dire autre chose, comme n’aie pas peur de me parler, j’vais pas te manger mais Devan se retint juste à temps. Inutile de l’embarrasser davantage… « Je crois que je vais essayer d’apprendre les bases de la plomberie, ça m’évitera de vous déranger à une heure pareille la prochaine fois… » Car clairement, il le dérangeait. Devan aurait voulu le mettre à l’aise, qu’ils passent un bon moment ensemble malgré le travail pharaonique qui attendait le garçon. Faire oublier à ce type qu’il était tard. Mais son humour à deux balles et son sourire ravageur ne suffisant pas… Il eut une autre idée. « Il doit rester quelques bières pas loin… Je peux peut-être vous en sortir une, vous m’avez l’air pas mal tendu… » Il hésita un instant puis rajouta : « Vous savez, moi j’m’en fous si vous bégayez. Du moment que vous faites votre boulot correctement… Promis, si ça peut vous mettre à l’aise, je ne poserais plus que des questions où on peut répondre par oui ou non. » Même si du coup, la conversation n’allait pas être des plus intéressantes… peut-être qu’il pouvait juste se taire, aussi. Il leva même les mains en l'air. « Plus de poignées de main sauvages, non plus. »

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Sasha & Devan

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Il est beau mon nouveau départ...
A peine une main tendue que déjà je suis pétrifié. J'avais décidé de changer en venant en Australie, mais ça me semble mal barré. Combattre mes mauvaises habitudes s'avère plus compliqué que prévu. Si j'osais parler je pourrais au moins prétendre être germophobe, là j'ai juste l'air d'un snob...
Je le vois dans ses yeux qu'il est choqué et agacé par mon attitude. J'aurais tellement préféré naître muet plutôt que bègue, au moins j'aurais eu la bonne excuse.
Finalement j'arrive à prendre assez sur moi même que pour briser le silence. Je sens que je n'ai plus le choix sinon il va vraiment finir par se vexer.
C'est dur, mais au moins, c'est fait.
J'ai toujours trouvé que dévoiler mon handicap devant des gens de ma tranche d’âge était plus difficile. Même si ça peut paraître stupide comme résonnement. C'est probablement parce qu'ils représentent la vie que j'aurais pu avoir si je n'étais pas né comme ça, si je n'avais pas laissé les moqueries d'enfances m'atteindre autant. J'ai honte de leur dévoiler mon infériorité. Ils me font encore plus réaliser à quel point je suis un raté, et à quel point je me suis laissé sombrer au point de ne pas avoir de vie... Comme des couteaux qu'on retourne dans mes plaies. Je ne peux pas m'empêcher de me comparer à eux et ça fait mal.
Comme ce chef... Jeune homme visiblement très confiant. Je donnerai tout pour être comme lui... Oui, je suis jaloux de tous ces gens qui vivent mieux que moi.
Je pourrais vendre mon âme pour une journée dans la peau d'un type normal, qui n'a pas à se soucier d'être regardé de travers. Qui n'a pas à être parano au moindre regard ni à avoir peur du contact humain.
Ma soeur me dit souvent que je suis le seul à faire de mon bégaiement un obstacle, qu'il n'y a que moi qui me met des bâtons dans les roues et que si je voulais je pourrais avoir une vie normale malgré mon 'petit problème'. Elle est mignonne de vouloir m'aider, mais je crois qu'elle ne comprend pas ce que des années passées à subir les rires et injures des autres peuvent faire au mental. C'est plus fort que moi, la peur est gravée dans mon être.

C'est cette peur qui me fait baisser les yeux alors que j'ai réussi à dire mes premiers mots au prénommé Devan. Parce que j'ai peur de voir son regard, d'y voir la moquerie retenue. Ou presque pire, la pitié.
Alors tête baissée je me rend jusqu'à l'arrivée d'eau pour la fermer... Et là, j'entend la remarque que je redoutais. Celle qui insinue qu'il ne prévoit déjà plus de faire appel à mes services. Bien joué Sasha, 3 minutes que tu es là et tu as déjà tout foutu en l'air... Je soupire discrètement. Merde !
J'ai envie de le corriger, le rassurer en disant que ça ne me dérange pas, confirmer la chose d'un grand sourire. Mais je reste juste baissé sur l'arrivé d'eau à m'en vouloir.
Quand il propose une bière je fais tout de même l'effort de me tourner à moitié, hochant la tête pour accepter l'offre, un petit sourire tendu et interdit pour le remercier. Mais mon sang se glace aussitôt. Il ajoute cette phrase, celle qui comporte le mot interdit que je ne supporte pas d'entendre de la bouche d'un autre. Celle qui souligne la reconnaissance de mon handicap. Bien sûr je sais bien que personne ne peut l'ignorer, mais j'ai toujours du mal quand quelqu'un confirme qu'il sait.
Je suis presque prêt à me vexer et pourtant, quelque chose m'empêche de réagir comme d'habitude. Ses mains en l'air, son ton léger quand il plaisante sur mon attitude étrange. Je ne perçois ni moquerie ni pitié. Bien sûr ma parano vient me titiller un peu pour essayer de me souffler qu'il est en réalité ironique et qu'il se fout de ma gueule, mais je l'ignore bien vite. Parce que c'est plus qu'évident que ce n'est pas le cas. Il a l'air sincère. Et c'est bien la première fois que je me retrouve face à quelqu'un qui à vraiment l'air de s'en foutre que je bégaie... Parce que d'habitude, ceux qui veulent le prétendre, pour être gentil, ne peuvent pas s'empêcher d'avoir cette pointe de pitié qui me vexe plus qu'autre chose. Mais ici, rien de tout ça. Pas de jugement. Et ça me perturbe d'être regardé comme si je n'avais rien à me reprocher. Je me rend compte qu'il comprend pourquoi je suis si silencieux, et il n'a pas l'air de m'en tenir rigueur. Il tourne même ça à la plaisanterie. Une plaisanterie amicale et non moqueuse. Ça me fait sourire cette fois. J'arrive à détendre assez les coins de ma bouche pour même laisser échapper un petit rire maladroit.
Une boutade, un regard normal, la sensation est terriblement agréable et je me détend un peu.
Les Australiens sont vraiment différents il faut croire.

L'arrivée d'eau bien coupée, je me relève pour me diriger vers l'évier sur lequel je pose ma boîte à outil. "Sa..." Je marque une pause pour me concentrer. Allez Sasha, tu n'as visiblement rien à craindre face à lui. Mais les mauvaises habitudes sont difficiles à évincer malgré tout... On n'efface pas une peur de 25 ans en un regard. "Sasha." Je fini par parvenir à lâcher. Esquissant un petit sourire. "Et ça me d....d...dérange p...pas d'....d...d'êt...être l..à." Je m'étonne moi même en sortant une phrase bonus que je considère comme longue. Sur un ton presque détendu, accompagné même d'un sourire. Un étrange sentiment de fierté m'envahit. C'est bien Sasha, lâche toi. Nouveau pays, nouveau départ, nouveau Sasha.

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sasha ∞ devan

Devan s’apprêtait à s’éclipser pour aller chercher les bières quand Sasha ouvrit une nouvelle fois la bouche. Il arqua un sourcil, intrigué et surtout très content de l’entendre dire son prénom. En réalité, il le connaissait déjà car c’était celui de l’annonce. Mais il se sentait un peu comme privilégié, et puis sa voix avait une certaine mélodie, mélodie qu’il devait mémoriser car il ne l’entendrait pas souvent ce soir-là. Pourtant, il rajouta une phrase et le sourire de Devan s’agrandit. Il nota l’effort considérable que cela devait lui demander et s’en trouva même très flatté. « Tu as une très jolie voix. » Ca, c’était sorti tout seul. Il avait laissé derrière lui l’idée de draguer le beau plombier car ce dernier paraissait froid et surtout insensible à ses tentatives d’approche, mais maintenant qu’il connaissait la raison… Et puis surtout, quitte à le mettre mal à l’aise, s’il pouvait essayer de lui redonner un peu confiance en lui, s’il pouvait l’aider à se détendre un peu – en plus de la bière. Juste lui faire comprendre qu’il ne se moquerait pas de lui et qu’il trouvait ça même assez craquant. C’était certes un handicap, mais son propre frère étant handicapé, il savait qu’il ne fallait pas juger là-dessus et tout simplement faire avec au possible. « Ca me rassure alors. Si j’avais pu faire autrement je l’aurais vraiment fait mais tout ce que je risquais de faire c’était de noyer le restaurant entier. Du coup j’aurais dû faire appel à un maître-nageur, ça aurait été la merde tu vois ? » Son humour n’était pas toujours très bon, Devan le reconnaissait volontiers. Mais ça faisait son charme non ? « Je vais chercher les bières, j’arrive. »

Il quitta le plombier quelques secondes pour ramener deux bières, lui en tendant une assez rapidement. « C’est peut-être pas très prudent d’offrir de l’alcool à celui qui répare mon évier. Mais si tu fais une bourde, ça te donnera une bonne raison de revenir… » qu’il dit avec un petit sourire. Que le beau garçon revienne dans sa cuisine lui ferait assurément très plaisir alors il ne se gênait pas pour lui dire. De toute façon, ça n’était pas avec une bière qu’il allait finir bourré, le Sasha… « Bon, comme promis, je cherche des questions auxquelles tu pourrais répondre par oui ou non. » Car il n’était définitivement pas décidé à rester silencieux. Devan c’était quelqu’un qui aimait parler, faire connaissance avec les autres. Et puis il y avait toujours cet objectif de le mettre à l’aise – non pas dans son lit, je vous vois venir. Il se hissa sur son comptoir et le regarda un moment. De dos il était vraiment pas mal. « J’ai cru comprendre que tu venais seulement d’arriver ici ? Ca te plait l’Australie ? »

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Sasha & Devan

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Une jolie voix ? Je reste perplexe, pas certain de ce qu'il convient de répondre. Ce n'est clairement pas habituel d'entendre ça et surtout, c'est assez étrange. Surpris, je jette un coup d'oeil autour de moi. D'abord pour vérifier qu'il ne parle pas à une tierce personne que je n'aurais pas vu. Mais surtout pour m'assurer que personne ne se cache dans un coin à pouffer de rire alors qu'il est en réalité en train de se jouer de moi. Je fronce les sourcils, toujours pas certain que cette remarque soit innocente même si ma rapide inspection me confirme que nous ne sommes que deux dans cette cuisine. "M...Me...Merci ?" Je finis par dire d'un ton hésitant. Mais le doute persiste... Est-ce qu'il se moque de moi ? Ou, pire, est-ce qu'il se sent obligé de me complimenter parce qu'il a pitié de ma timidité ? Toujours est-il que cette remarque me laisse méfiant. Même si le garçon me parait plutôt de bonne foi, je ne veux pas sauter sur des conclusions trop hâtives. Il pourrait finalement se révéler être comme tous les autres.

La blague sur laquelle il enchaîne est si nulle que je ne peux retenir un petit sourire. Parfois c'est la stupidité de la vanne qui la rend tout simplement drôle. Mais c'est surtout plutôt amusant de voir à quel point il semble essayer de détendre l'atmosphère. Si maladroitement que s'en est presque attendrissant.
J'hoche la tête alors qu'il part chercher les bières puis profite de son absence pour commencer à examiner la tuyauterie de l'évier. Pour cela pas le choix, je dois me coucher sur le sol mouillé...
Je retire alors ma veste pour ne garder que le simple t-shirt blanc que je porte en dessous et après avoir inspiré, je m'allonge le dos dans l'eau froide pour me glisser sous les tuyaux. Je sens tout mon corps se crisper alors que ma colonne encaisse le choc thermique.
Je repère la fuite assez facilement mais avant que je ne puisse y toucher, Devan revient déjà avec les bières.
Je me laisse à nouveau glisser pour sortir de sous l'évier et prendre celle qu'il me tend, en buvant immédiatement une longue gorgée rafraîchissante. L'anxiété m'a pas mal asséché la gorge et je n'avais pas réalisé à quel point ça m'avait donné soif. D'un signe de tête je le remercie avant de sourire à sa remarque.
Je pense que j'ai du parvenir à me rattraper au moins un peu pour qu'il parle déjà de me faire revenir. Le comprendre me ravi et m'aide à me détendre. Je suis sur la bonne voie et mes efforts paient, ça m'encourage. "Je f..fffer...ais p.p.pas de bou...bourde." Je lui assure l'air confiant, joignant un clin d'oeil avant de remettre mon dos sur le sol mouillé et explorer à nouveau les tuyaux. Si il y'a bien une chose que je sais faire, c'est ça, et je suis sûr de mes capacités. Son évier sera réparé ce soir, c'est certain.
Je fourgue alors une petite lampe de poche en bouche pour m'aider à y voir clair et ça, ça ne risque pas de faciliter la communication déjà difficile...
Muni d'un outil, je commence à réparer la fuite. Le visage caché sous le meuble de l'évier, je sais qu'il ne peut pas me voir sourire alors que son initiative me touche. Je trouve ça plutôt amusant et retire brièvement ma lampe pour pouvoir lui répondre. "Oui et ou...oui." Je ris un peu en rentrant dans le jeu.

Je décide alors de sortir de sous le meuble une fois de plus pour changer d'outil, et c'est là que la catastrophe arrive. Ne voyant pas vraiment derrière moi, mon coude heurte la bouteille de bière que j'avais laissé au sol et cette dernière vient se briser en milles morceaux. Je lâche un juron alors que tout de suite, embêté par ma maladresse, je cherche à ramasser le verre. Initiative plutôt stupide de ma part car dans mon stress je m'y prend comme un pied et ne fait pas attention. Le premier bout que je saisis entaille immédiatement ma main, assez profondément et déjà le sang coule. " J...j...e s.s.su..is.... Je .... su...suis... déso..o.o.lé" j'essaie de dire tant bien que mal, mon embrassement rendant ma prononciation encore plus difficile. Me frottant le front de ma main libre j'observe ma blessure, ne sachant pas très bien ce qu'il convient de faire et me sentant profondément honteux.

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sasha ∞ devan

Devan avait eu peur d’ennuyer Sasha avec ses questions. De l’empêcher de faire son travail. Mais le garçon semblait plutôt réceptif et répondit à ses deux questions par un oui. Le cuisinier sourit et but quelques gorgées de sa bière tout en réfléchissant à un autre moyen pour faire connaissance. Devan avait bien sa petite idée… Mais il n’était pas sûr que ce soit le genre de Sasha. Allez, arrête de penser avec ta queue putain. Très bon conseil. Mais c’était aussi l’avantage qu’il y avait à être célibataire : on pouvait faire ce qu’on voulait avec qui on voulait. Pas de limites à respecter, pas de tentation interdite. On était libre.
Alors qu’il réfléchissait – ou qu’il envisageait le beau plombier un peu moins habillé, d’accord – un bruit de verre retentit et le ramena sur terre. Devan se redressa et regarda les morceaux de bouteille étalés par terre avec une grimace. Il posa sa bouteille, descendit de son comptoir et le temps de se mettre au même niveau que Sasha l’accident s’était déjà produit. Il observa un moment la main du garçon puis leva les yeux vers lui quand ce dernier s’excusa. Le pauvre… il avait l’air profondément mal. Comme s’il s’attendait à ce que Devan l’engueule. Au fond, ça n’était que de la bière et du verre cassé. Il aurait sans doute râlé si on lui avait cassé son équipement, son four, un truc dans le genre. Mais là il n’y avait vraiment aucun drame. « Fais-voir ? » Il se saisit de sa main pour observer la blessure. Devan n’était pas le plus doué des infirmiers mais il n’allait pas le laisser paniquer tout seul ! « C’est peut-être pas la peine d’appeler les urgences hein… Tiens, viens t’asseoir je vais chercher la trousse à pharmacie. » Ils étaient obligés d’en avoir une par ici, des accidents de ce genre arrivaient assez souvent. Il se releva, aida Sasha à faire de même et l’installa sur une chaise dans la salle tout en évitant soigneusement les bouts de verres restants.

Il lui fit un petit sourire pour l’encourager à se détendre et fila chercher ce qu’il fallait pour soigner la plaie. Devan revint très vite vers lui, prenant une chaise à côté pour s’asseoir en face et reprendre sa main. « Fais pas cette tête va, ça a pas l’air très grave. Et puis ça arrive à tout le monde. » Ca aurait très bien pu lui arriver à lui aussi. Mais dans les mêmes circonstances Devan aurait fait le fier et aurait absolument refusé qu’on le soigne – quitte à se vider de son sang. « Désolé si jamais je te fais mal mais il faut désinfecter. » Il fit la moue et commença à s’occuper de sa plaie de façon peut-être un peu brusque.
Devan se sentait souvent inutile à la société, aux autres. Son métier n’avait rien de très important et on pouvait se passer de lui assez facilement. Alors jouer à l’infirmier c’était tout nouveau mais ça lui plaisait assez – du moment qu’il ne faisait pas de conneries. « Je présume que t’es du genre maladroit, du coup. » qu’il dit avec un petit sourire, se moquant gentiment. Il voulait surtout lui faire comprendre qu’il ne lui en voulait pas, et tant pis s’il n’arrivait pas à finir son boulot ce soir, il ferait avec. Un accident, ça pouvait arriver. Devan lui rendit sa main après y avoir mis un bandage. Il le regarda longuement. « Ca va aller ? Comme je suis pas médecin tu jetteras un œil à la plaie quand même, histoire que ça n’empire pas. »

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