Game Over. (Crystal)

Il est prêt de 23h30 déjà et la soirée a été relativement mouvementée à l’hôpital. Crystal a été sollicité à de nombreuses reprises et pourtant, la soirée ne fait que commencer pour elle presque puisqu’elle est de garde jusqu’au lendemain matin 8h00. A cet instant, elle s’apprête à aller voir le jeune patient qui a été admis quelques heures plus tôt et dont elle est responsable entièrement. Son titulaire le lui a dit : ce patient est son premier vrai patient et c’est elle qui devra faire face à tous les choix le concernant. Il est remonté depuis peu dans sa chambre après avoir été passé scanner et irm suite à son malaise en plein match, car oui c’est un boxeur. On aurait pu connaître patient plus calme pour une première mais on ne choisit pas et puis, de toute façon, Crystal est une future chirurgienne et pour elle, il n’y a pas de cas qui passe avant un autre. Chaque patient est unique. Mais c’est non sans un certain stress qu’elle va tenter de gérer ce patient de A à Z. Le diagnostic a été posé par le chirurgien en chef : sténose spinale. Généralement cette maladie apparaît avec l’âge mais elle peut malheureusement arriver également suite à de nombreux chocs et blessures, comme c’est le cas ici…
Avant d’entrer dans la chambre du patient, elle toque trois coups mais n’attends pas la réponse. Elle s’approche du jeune homme qui est assis sur son lit, passablement énervé. Avec toute la bienveillance qu’on lui connaît, Crystal tente une approche douce « Bonsoir… Comment vous sentez-vous ? La douleur a-t-elle diminué un peu ? » Pour commencer, elle se dit que poser les questions basiques aideront à entamer la discussion avec ce patient que les infirmières ont déjà qualifié de récalcitrant…

Crystal avait été prévenue : ce patient était bougon, sur la défensive, voire agressif. Elle avait déjà vu bon nombre de patients dans ce genre-là. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, cela ne lui faisait guère plaisir et pour elle chaque patient méritait son temps d’attention et sue l’on prenne soin de lui au maximum. Elle n’était pas du genre à enchainer patient sur patient comme de simples fichiers dont on ignore presque le nom. Les fois précédentes où elle avait été confrontée à ce genre de patients, elle n’avait jamais été seule et ce sont ses supérieurs qui avaient géré les choses, mais à présent, c’était à son tour de prendre les choses en main.
Aussi, lorsque celui-ci commença par lui répondre que la douleur n’avait pas diminué, bien au contraire, elle fronça les sourcils. Il avait reçu une bonne dose d’antidouleurs et ils auraient dû avoir faits effet depuis. « Vous n’avez vraiment pas ressenti d’amélioration ? Voulez-vous que l’on essaie avec un médicament un peu plus fort ? »
Le jeune homme enchaîna rapidement en lui faisant comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue et qu’il aimerait d’ailleurs qu’elle s’en aille. Pour accentuer le tout, il lui tourna le dos, lui faisant ainsi bien comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue. Il ne pouvait donc pas la voir mais Crystal ne put s’empêcher de sourire légèrement. On aurait dit un enfant boudeur bien qu’elle sache qu’il en était loin dans son cas. Elle contourna donc le lit pour se retrouver face à lui, profitant ainsi de vérifier que sa perfusion était bien ajustée et surveillant du coin de l’œil le moniteur indiquant les pulsations du cœur de son patient qui d’ailleurs se mirent à augmenter rapidement ce qui provoqua un nouveau froncement de sourcils de Crystal. « Pour commencer, que vous le vouliez ou non, je suis en charge de votre cas et il est donc me devoir de vérifier comment vous vous sentez » commença-t-elle. « Ensuite, on ne va pas y aller par quatre chemins, je vois bien que vous n’êtes pas ravi d’être ici, je le comprends bien ! Mais pouvez-vous me dire qu’elle est la cause de votre si grande mauvaise humeur pour qu’on puisse tenter de calmer un peu les choses ? » Au vue du caractère quelque peu difficile du jeune homme, Crystal s’était dit qu’il valait mieux mettre les pieds dans le plat comme on dit puisque de toute évidence, la méthode douce ne fonctionnerait pas avec lui…

Crystal avait souhaité, dans un premier temps, y aller doucement, calmement, se voulant rassurante, voire réconfortante. Mais le jeune patient n’entendait clairement pas les choses sous cet angle visiblement et se montra dès le début très sec et autoritaire avec la jeune femme. Comme elle s’y attendait, elle ne fut pas surprise et se contenta d’un simple « Comme vous voudrez » lorsque le jeune home refusa tout médicament supplémentaire ou de substitution.
Elle avait ensuite entrepris de vérifier sa perfusion bien qu’il ne s’agisse là que d’un simple prétexte pour le contourner et ainsi lui parler. Qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’il décida de se lever, lui faisant ainsi face, la dépassant d’une bonne tête. Elle aurait pu avoir peur, il faut d’ailleurs avouer qu’au fond d’elle-même, elle n’était pas des plus rassurée mais elle ne laissa rien paraître, ne bougea pas d’un millimètre et ne cilla pas, le laissant ainsi déverser toute la colère qu’il avait accumulée. Elle comprit ainsi – enfin – le pourquoi de son agressivité, de sa colère, de cet air si déterminé et à la fois abattu par l’annonce du diagnostic. Les faits étaient des plus honorables évidemment mais malheureusement, il ne pourrait effectivement jamais accéder à son rêve, à sa promesse… Elle le laissa ainsi terminer sa tirade sans l’interrompre une seule fois. Elle hésita toutefois sur la marche à adopter pour tenter de le calmer tout en lui faisant ressentir qu’elle comprenait ce qu’il éprouvait. Elle finit par le regarder dans les yeux, levant donc la tête vers lui et bien que la manière douce n’eût initialement pas marché, elle voulut retenter à nouveau. Elle n’avait toujours pas bougé et fit enfin un léger pas vers lui pour commencer et, d’une voix la plus douce qu’il soit, finit par lui dire en tendant légèrement le bras vers lui :« Et si vous vous asseyez à présent ? » Elle ne voulait pas le brusquer mais elle savait qu’un tel accès de colère n’était pas bon pour lui, le moniteur s’était effectivement emballé et elle se devait d’arriver à le calmer. Elle reprit : « Je sais que c’est le cadet de vos soucis actuellement, mais c’est mauvais pour vous de rester comme ça, dans votre état… » Elle avait été sincèrement touchée par ses mots, son histoire. Aussi, elle marchait sur des œufs et tout en y en tâtonnant, cherchait à trouver les mots justes pour ne pas le brusquer davantage. « Je ne peux pas dire que je comprends exactement ce que vous ressentez, ce serait vous mentir. Mais je peux l’imaginer néanmoins. Et je ne peux pas vous laisser dire que votre est vie terminée. Vous êtes jeune. » Elle eut l’impression qu’il allait l’interrompre et lui fit les gros yeux en levant le doigt comme une adulte qui veut gronder un enfant. « Laissez-moi finir je vous prie. » Elle essayait de garder un ton des plus calmes qu’il soit « Certes, votre carrière semble des plus compromises malheureusement. Mais d’une part, ce n’est la faute de personne, ni vous, ni nous. » Elle faisait attention aux mots qu’elle employait, réfléchissant bien avant de prononcer chaque phrase. « Et d’autre part, je suis sûre qu’il existe une alternative à tout ça, les matchs, la compétition… Bien que je sois certaine que vous ne vouliez pas en attendre parler pour le moment, n’est-ce pas ? » Elle tenta de lui lancer un timide sourire, attendant de voir sa réaction.

Tout en continuant de parler, Crystal observe d’un coin de l’œil son patient. Il semble se détendre d’ailleurs un peu alors qu’elle-même mesure chacun des mots qu’elle emploie et fasse preuve de la plus grande douceur dont elle est capable. Toutefois, elle constata qu’il tiqua légèrement sur le fait qu’elle lui avait dit qu’il était encore jeune mais ne commenta toutefois pas cette information. Crystal, elle, le reprit tout de même, toujours avec douceur et en lui souriant gentiment « Oui, vous êtes jeune ! Vous ne devez être guère beaucoup plus âgé que moi et vous n’êtes donc, par conséquent qu’à peine au tiers de votre vie. »
Lorsqu’il lui avoua qu’elle avait raison, elle ressenti un faible réconfort, le réconfort de voir, qu’effectivement, il l’écoutait et se rendait compte de la justesse des mots qu’elle employait à son égard. Mais alors qu’elle pensait qu’il allait continuer à s’apaiser petit-à-petit, il se braqua d’un coup au moment où elle lui affirmait que ce n’était ni sa faute, ni la leur. Pour lui, il était le responsable, son corps était le responsable. Cette réaction ne la surprit qu’à demie. En effet, il était fréquent chez les patients atteints d’une quelconque maladie cherchent systématiquement un coupable. Mais il était toutefois assez rare qu’ils désignent leurs propres corps. Crystal ne put s’empêcher d’être une nouvelle fois touchée et émue par ce jeune homme pour qui l’injustice de la vie avait frappé et avait décidé qu’il était temps pour lui de raccrocher de cette passion qui était son leitmotiv au quotidien. « Je ne peux pas vous laisser dire cela… Que ce soit vous ou votre corps, vous n’y pouvez rien… Ce n’est pas en ayant fait plus de ceci ou moins de cela que ça aurait changé quelque chose malheureusement… » Elle tentait de capter son regard, il semblait s’être à nouveau totalement renfermé sur lui-même et sa colère. « Vous a-t-on seulement expliqué réellement ce qu’était votre maladie, ses causes, ses conséquences et les traitements ? »
Le jeune homme finit par lui dire qu’il n’avait pas envie de parler. Il semblait résigné, abattu. Mais qui pourrait et oserait l’en blâmer ? La colère semblait toujours l’habiter mais toute violence semblait l’avoir abandonné, du moins temporairement au moins. Il ne faisait à présent preuve que de lassitude, attendant que Crystal opère les traitements à son égard. Elle se mit alors à vérifier les différents appareillages auxquels il était relié : perfusion, monitoring et tutti quanti avant de reprendre : « Vous savez, vous ne me connaissez pas encore, mais il est hors de question pour moi de rester là à vous regarder dépérir ou que sais-je encore ! Je vais donc terminer ma ronde des admissions de ce soir et repasser vous voir dès celle-ci finie afin que nous continuions cette discussion. Et si vous le souhaitez, je pourrai également vous apporter de la documentation sur votre maladie que je vous expliquerai en détails, cela va sans dire ! » Elle lui sourit de nouveau, se voulant à nouveau rassurante et réconfortante. Elle avait bien vu que pour le moment il ne voulait pas discuter mais elle se disait qu’en lui laissant une petite heure devant lui, il serait peut-être plus apte à l’écouter. Avant de faire le tour de son lit, elle reprit : « Au fait, vous avez mangé ? Vous souhaitez que je vous rapporte quelque chose ? Nourriture ? Boissons ? » Elle savait qu’elle n’aurait pas dû s’impliquer autant, mais elle ignorait pourquoi, ce patient l’avait touché et elle se devait d’aider à améliorer son état.