tears for fears /yeah really/ ▬ edward l.

rriver sans encombres à l'aéroport, voilà tout ce qui importait Olivia ce jour-là. Le coffre du taxi était empli par ses valises, tout comme la banquette arrière côté conducteur. Elle ne comptais pas revenir, du moins pas avant au moins six mois. Voire un an. Il lui faudrait du temps. Oksana était sa vie, sa chair, son sang. Et elle venait de mourir, quelques jours à peine auparavant. Mort subite du nourrisson. Du moins, elle l'espérait. Elle l'avait tenue dans ses bras quelques heures à peine avant le drame, pour la rendormir après un violent cauchemar. Et Asriel n'avait pas bougé. Il l'avait simplement regardée avec des yeux larmoyants, au matin. Olivia était certaine qu'il pensait que c'était de sa faute si Oksana les avait quittés d'une façon inexpliquée et inexplicable. Immédiatement après la programmation de l'enterrement, Olivia avait séché ses larmes le temps de passer un coup de fil à une amie qui habitait à Brisbane, lui demandant de l'héberger quelques temps, et lui précisant qu'elle allait quitter Bowen sans rien dire à personne. Qu'il le fallait. Qu'elle en avait furieusement besoin. Qu'elle ne pourrait plus supporter le regard d'Asriel. Il le fallait.
Le taxi arriva à l'aéroport à l'heure prévue. Ses quatre gros sacs dans les mains, Olivia s'empressa de pénétrer dans l'aéroport de Bowen. Vite, faire le check-in, et s'engouffrer dans la salle d'embarquement avec son sac à main. Trop de monde pouvait la voir, ici, et prévenir Asriel du lieu où elle se trouvait. Elle le savait, il devait être en train de la chercher. Elle était partie discrètement à la fin de l'enterrement d'Oksana, quand tout le monde avait le dos tourné pour présenter ses condoléances au père. Elle avait réussi à s'éclipser discrètement, prétextant une trop forte envie de pleurer pour faire face à tout le petit monde. Mais, c'est en retenant ses larmes qu'elle était partie du cimetière, et montée dans le taxi qui l'attendait à l'abri des regards, pour passer chez elle récupérer ses sacs, et s'en aller vite.
Elle repéra l'enseigne de la compagnie aérienne chez qui elle avait réservé son vol, et s'y dirigea en faisant claquer ses escarpins noirs sur le carrelage de l'aéroport. Soudain, en passant devant le comptoir des litiges de bagages, elle s'arrêta net. Tête baissée, malgré ses yeux pleins de larmes elle avait vu glisser un stylo quasiment sous son pied, ce qui, si elle ne l'avait pas remarqué, aurait pu lui causer une mauvaise chute. Au même moment, un homme se baissa juste devant elle pour le ramasser.

e jeune homme qui venait de se baisser devant Olivia la força à lever la tête. Elle aperçut un sourire sur son visage, et s'empressa de lui répondre par le même sourire histoire de ne pas passer pour une folle furieuse larmoyante. Il s'excusa et récupéra sa valise pendant qu'elle s'éloignait. Elle se dirigea en trottinant vers le comptoir de check-in lié à la compagnie aérienne qu'elle avait choisie, puis s'approcha de la dame de service. Elle donna son nom de réservation, et tout de suite la dame lui demanda sa carte d'identité. Olivia se saisit de son sac, mais malheureusement ne trouva pas ses papiers. Elle retourna son sac sur le sol, et se désola de ne pas voir sa petite pochette qui contenait son permis de conduire, son passeport ainsi que sa carte d'identité. Soudain, elle se rappela qu'elle l'avait laissé dans la corbeille qui se trouvait dans l'entrée, lorsqu'elle avait quitté l'appartement qu'elle partageait avec Asriel. Elle y avait posé ses clefs et ses papiers le temps de rassembler ses bagages, et en repartant avait récupéré seulement les clés. Rageant, et au bord de la crise de nerfs, elle se releva vers la dame en s'excusant, qu'elle allait revenir bientôt. Son avion ne partait que deux heures plus tard, mais il fallait qu'elle se dépêche et qu'elle rentre récupérer ses papiers avant qu'Asriel ne rentre du pot d'enterrement auquel il avait été forcé de participer, et auquel l'absence d'Olivia avait déjà dû se faire remarquer.
La jeune blonde récupéra tous ses bagages, les accrochant à ses bras fins, et repartit en direction de la sortie. Elle ne se préoccupa pas des gens qui l'entouraient, les bousculant sans vergogne, ne s'en excusant même pas, et fonça vers l'allée des taxis. Elle accéléra en voyant une voiture libre se garer, et commença à s'installer sans même prendre la peine de mettre ses sacs dans le coffre. Soudain, un homme l'interpella en mettant son bras entre elle et la porte, ce qui la força à relever la tête. Elle reconnut celui qui avait fait tomber un stylo devant elle, mais cette fois, elle n'avait aucune envie, et aucune force, pour lui faire un sourire. Il lui lança qu'il avait vu le taxi avant elle et qu'il était plutôt pressé, mais quelque chose dans son regard changea et il retira son bras. Sans se poser de questions, Olivia s'engouffra dans le taxi, s'asseyant presque sur l'un de ses sacs, les autres trônant autour de ses pieds et entre les deux sièges, le second étant à présent occupé par l'homme qui était monté à sa suite dans le taxi. Sans s'en préoccuper, elle donna au chauffeur l'adresse de son domicile, suivi de près par l'homme, et le véhicule se mit en route.
Instinctivement, et sentant les larmes lui monter devant tant de malchance, elle tourna la tête vers la fenêtre. Un mouchoir entra dans son champ de vision, ce qui la fit renifler, en le saisissant. Elle tourna ses yeux vers l'homme qui venait de baisser la tête en signe de paix, ou pour lui indiquer que le mouchoir lui était offert de bonne grâce, elle ne saurait le dire. Il lui demanda ensuite ce qui lui arrivait, et Olivia fondit en larmes, sans retenue.

- Ma fille vient de mourir. Je dois partir. Je viens de quitter son enterrement sans même laisser de mot à mon fiancé, qui doit certainement me chercher partout au pot que nous avons organisé avec une partie de la famille... Et je n'ai même pas prévenu ma soeur, je suis une mauvaise soeur...

Elle se moucha bruyamment et respira profondément.

- Désolée. Ce n'est pas dans mes habitudes d'être aussi expansive. Mais j'ai oublié mes papiers à la maison, et je dois les récupérer avant que mon fiancé ne rentre du pot. Sinon il risque de me demander des explications, et je n'ai pas encore prévu de lui en donner.

livia se sentit particulièrement touchée lorsque l'homme qui partageait son taxi lui prit la main. Elle eut un frisson en le sentant y déposer un baiser, et s'en voulut de s'être mouchée aussi bruyamment. Il avait l'air d'un gentleman, mais son visage laissait transparaître tout de même une certaine froideur. Il s'agissait sûrement d'un homme à l'extrême politesse. Peut-être même manipulateur.
Olivia leva les yeux vers lui lorsqu'il lui rendit sa main. Elle renifla avant de lui répondre :

- On ne sait pas. Mort subite du nourrisson, sans doute. Je ne vois aucune autre explication.

L'homme tenta alors de la rassurer, et Olivia s'efforça de ne plus laisser couler aucune larme. Il fallait qu'elle soit forte, au moins tant qu'elle n'était pas seule. Elle aurait tout le loisir de se laisser aller en arrivant à Brisbane, chez l'amie qui allait l'accueillir. Elle l'avoua d'ailleurs à son voisin de taxi lorsqu'il lui demanda où elle comptait aller.

- J'ai un avion pour Brisbane, dans une heure et quarante-cinq minutes d'ailleurs.

Elle se tourna légèrement vers le chauffeur et lui adressa d'une vive voix :

- Ne pouvons-nous pas aller plus vite ? N'oubliez pas que vous devez me ramener de nouveau à l'aéroport lorsque nous serons arrivés chez moi.

Elle vit le chauffeur hausser les épaules tout en acquiesçant et se tourna de nouveau vers l'homme.

- Je veux faire mon deuil tranquillement. Au fait, je m'appelle Olivia. Nous parlons depuis quelques minutes et je ne connais pas votre nom. Elle prit une grande inspiration avant d'ajouter "Vous ne semblez pas quelqu'un de grossier, vous êtes plutôt poli je trouve."

e petit tête à tête improvisé dans le taxi était en train de calmer Olivia. Le noeud qu'elle avait dans la gorge depuis le début de la journée commençait doucement à se dissoudre, et elle respirait presque normalement. Cet homme n'avait aucun rapport avec Oksana, Asriel, Bowen et sa vie actuelle, ainsi que les drames qui la composaient, et cela lui faisait un bien fou. Elle récupéra la main qu'elle avait laissée sur son genou et se la passa doucement dans les cheveux. Ils étaient doux, et sentaient bon le parfum qu'elle avait mis ce matin-même. L'homme se déclina sous le nom d'Edward. Olivia tourna ainsi la tête vers lui, et trouva que cela lui allait bien. Il avait l'air vraiment très riche et distingué.

- Parce que vous avez une attitude que je ne saurais définir, qui ne va pas avec votre apparence. Pardonnez-moi si je me trompe.

Le taxi arriva dans la rue qu'elle occupait avec Asriel. Elle jeta un regard apeuré aux alentours, tentant de se rendre compte du nombre de voitures qui auraient pu appartenir à des personnes qui voudraient passer la soirée avec Asriel chez eux, mais il n'y avait aucun véhicule qu'elle connaissait, à part ceux des voisins. Quelques secondes plus tard, le taxi se gara devant son domicile. Olivia descendit en vitesse sans un mot, son trousseau de clés à la main. Elle ouvrit la porte de la résidence, puis monta sans reprendre sa respiration jusqu'au troisième étage. A part ses talons qui claquaient sur le carrelage des escaliers, il n'y avait aucun bruit. Elle tendit l'oreille lorsqu'elle arriva devant leur porte, mais il régnait un silence mortel dans toute la résidence. Rassurée, Olivia ouvrit la porte et récupéra sa pochette à papiers dans la corbeille en osier de l'entrée. Elle s'arrêta quelques instants sur le seuil de l'appartement et soupira en jetant un dernier regard à ce qui était sa vie passée. Elle referma la porte, résignée, et se dépêcha de redescendre avant de foncer vers le taxi. Elle en profita pour récupérer tous ses sacs et les lancer dans le coffre, avant de s'installer de nouveau dans l'habitacle. Elle boucla sa ceinture et entendit Edward lui demander si elle avait tout ce qu'il lui fallait. Elle tourna la tête vers lui et acquiesça avec un sourire. L'homme décida d'aborder le sujet du travail.

- J'ai prévenu l'hôpital oui. J'ai prétendu que j'avais besoin de temps pour me remettre du deuil de ma fille, ils n'ont pas trop posé de questions. J'étais infirmière. Ca va me manquer, mais je n'ai pas le choix. Avec cette absence, je ne pourrai certainement pas y retourner si je décide un jour de revenir.

La jeune blonde soupira. Le taxi avait redémarré, et retournait vers l'aéroport. Olivia espérait qu'Edward ne lui en voudrait pas trop d'avoir monopolisé ainsi le trajet. Elle allait certainement en avoir pour pas mal cher, mais au fond, elle s'en fichait.

- Je suis originaire de Perth, à l'ouest. Vous connaissez ? Et vous, d'où veniez-vous avec votre avion ?

livia se trouva subjuguée par le geste de l'homme, lorsqu'il tourna quelques secondes son regard vers la fenêtre. Il fallait se l'avouer, il était très beau, et très charmeur.

- Je ne veux pas m'avancer... mais vous avez l'air très sûr de vous.

En revenant de son appartement, Olivia fut un peu décontenancée que le dénommé Edward évoque la relation qu'elle pouvait avoir avec son compagnon. Olivia et Asriel étaient un couple heureux, du moins jusqu'à il y a quelques jours, avec le décès de ce qui avait été le réel fruit de leur amour. Ils étaient fiancés, ils étaient heureux, ils formaient une famille, et à présent tout avait été brisé par un coup du sort.

- Oui notre couple est solide. Du moins... j'espère qu'il le restera après mon absence, si toutefois je décide de revenir. Je ne me suis pas encore vraiment décidée, je ne sais pas si j'aurai la force. Ces derniers jours, après la mort de notre fille, j'ai vu des choses dans son regard que je ne pensais jamais voir.

Olivia s'efforça de ne pas se replonger dans ces douloureux moments, où la situation à la maison était très spéciale, et où le silence faisait passer le bruit pour un amateur. C'était pesant, et vraiment insupportable. C'était en partie pour cela qu'Olivia avait décidé de se rendre à Brisbane.
Le regard tourné vers la fenêtre, elle vit du coin de l'oeil Edward attraper quelque chose dans la poche intérieure de sa veste. Elle n'y prêta pas attention jusqu'à ce qu'il lui adresse la parole.

- Je ne sais pas quand je reviendrai.

Elle sourit quand il lui dit qu'il aimerait la revoir. Elle tourna alors la tête vers lui et lui sourit. Il était en train de lui tendre sa carte, avec certainement ses coordonnées dessus. Olivia s'en saisit, y jeta un oeil et la rangea dans son sac à main qu'elle avait gardé à ses pieds.

- Merci infiniment. Vous semblez également très sympathique, ça a été un plaisir de bavarder avec vous.

Ils arrivèrent devant l'aéroport, et le taxi s'arrêta. Olivia jeta un regard de remerciement au chauffeur en lui tendant un billet, et ouvrit la portière avant de se tourner vers Edward.

- Vraiment un réel plaisir, monsieur Edward Lockwood. En espérant vous revoir bientôt.

Elle lui tendit sa main afin de serrer la sienne mais il déposa un baiser dessus, ce qui fit rougir la jeune femme qui, dans un dernier sourire, referma la porte du taxi. Elle se saisit de tous ses sacs dans le coffre et trottina jusqu'à l'entrée de l'aéroport, le coeur un tout petit peu plus léger que lorsqu'elle en était sortie une heure avant pour retourner chez elle chercher ses papiers.