Show me how to live (Siva)

Samedi soir. À travers la fenêtre ouverte de sa chambre, le ciel parsemé d'étoiles est parfaitement visible du haut du douzième étage. Encore seule, sans aucune colocataire pour animer ses journées et soirées, c'est à Siva que Théia a sonné afin de passer un meilleur moment que si elle n'avait que pour seule compagnie le son de la télévision. Vêtue d'un pantalon large révélant son irrésistible envie de rester chez elle, Théia regarde la nuit s'emparer petit à petit de Bowen d'un air rêveur. Ses cheveux sont relevés en un chignon brouillon d'où s'échappent quelques mèches rebelles qu'elle n'a cependant pas essayer de dompter. Le dring de la porte retentit, et la jeune cinéaste quitte son matelas trop confortable afin d'aller ouvrir à son invitée. « Hey, » lance-t-elle, souriante. Siva et elles sont deux êtres totalement différents, il est même étonnant qu'elles arrivent à si bien s'entendre. Alors que Théia est assez casanière, vivant de petits plaisirs de la vie comme l'admiration d'un coucher de soleil ou le plaisir d'une virée en voiture, Siva, elle, appartient plus au monde de la nuit. Déjantée, délirante, comme si sa réalité était en tout point différente de la sienne. D'un coté, Théia l'admire. Un peu. Elle lui envie cette facilité qu'elle a à s'amuser, à prendre du bon temps sans se soucier de quoi que ce soit. « Fais comme chez toi, » ajoute-t-elle ensuite avant de fermer la porte derrière elle. Dans l'appartement, il ne reste plus autant de cartons qu'il y a encore quelques jours. Chaque pièce est plus ou moins rangée, sauf deux qui attendent encore la venue de leurs propriétaires. Théia se dirige vers sa chambre, rapidement devenu son endroit préféré, puis s'assied en tailleur avant de lever les yeux vers Siva. « Laisse-moi deviner. Tu vas refuser qu'on reste à l'intérieur, tu vas vouloir me faire sortir et je n'aurai pas d'autre choix que dire oui. C'est ça ? » Bien qu'elles ne se connaissent pas depuis longtemps, Théia a fini par cerner sa personnalité. Malgré leurs innombrables différences, elle a fini par apprécier cette face d'elle. Après tout, une personne capable de la faire sortir de son cocon ne lui ferait pas de mal, à Théia.

Théia aime sortir, mais à sa manière. En petit comité, vêtue de son habituel jeans et d'une paire de converses plutôt qu'avec une robe dans laquelle elle ne se sentirait même pas à l'aise. Et pourtant, Siva pourrait presque réussir à la convaincre. Elle qui semble déjà dans un état second, sûrement qu'elle ne comprend pas la période de fatigue que traverse Théia en ce moment. Déménager, être seule, vivre das le bordel et ne même pas trouver du temps pour soit. Au final, l'arrivée de cette fille tellement plus extravertie dans sa petite vie presque trop plate tombe plutôt bien. Elle sait qu'avec elle au moins, elle ne risque pas de terminer comme une de ces vieilles filles qui finissent par adopter une dizaine de chats pour combler un quelconque manque d'affection. Installée sur son lit, Théia regarde Siva taper dans les mains avec un sourire amusé. Elle a toujours trouvé son accent joli, elle qui n'a que pour seule originalité du sang américain dans les veines. À sa question, la brune fronce le sourcils puis hausse les épaules. « J'sais pas encore, » dit-elle en la regardant sortir de son paquet de cigarette ce que Théia ne s'est jamais permis. Pas spécialement à cause de sa santé, elle sait que son coeur ne risque rien face à une ou deux doses de poisons de temps en temps. Plutôt parce que ça ne l'a jamais intéressée, et qu'elle a toujours préféré l'alcool. « Hum, jupe ? » hasarde-t-elle, même si elle aurait préféré que l'option "pantalon" soit également dans le lot. Théia n'a cependant pas envie de décevoir Siva, alors elle la laisse faire. Elle lui laisse le choix de sa propre tenue, quitte à ce que ça ne lui ressemble pas. Après tout, quitte à vivre, autant le faire jusqu'au bout. Aux paroles maladroites de la blonde, Théia sourit avant de se lever et de se diriger vers elle. « Mon dressing, oui. Je ne sais pas si tu y trouveras quelque chose d'intéressant, » lâche-t-elle avant de suivre du regard la porte que Siva ouvre. Son regard se pose ensuite sur une robe, celle qu'elle a achetée avec sa meilleure amie le jour où elles ont décidé de sortir s'amuser au lieu de s'adonner à leurs habituels commérages. Une robe rouge, courte, décolletée, mais qui n'a plus quitté cette armoire depuis déjà un bon mois.

Petite chose fragile, voilà comment ils l'appellent mentalement. La malade, celle qu'il faut protéger, sur qui ont doit veiller. Avant tout ça, Théia était... Théia. Une enfant rebelle, qui traînait dans les rues et qui écoutait sa musique trop fort. Qui dansait, riait à en pleurer, sauvage et pourtant si amusante à regarder. Elle se souvient encore des courses de caddie sur le parking du supermarché, ou des balades sur le toit des maisons. Sauf qu'un jour, la réalité lui a éclaté en pleine face comme un chewing gum autour de la bouche d'un enfant. Le monde autour d'elle est devenu adulte alors qu'elle, elle est restée coincée au stade d'éternelle adolescente. Ils l'ont traitée comme une infirme et, à force, elle a fini par se sentir comme telle. Puis Siva a débarqué, belle et rebelle comme Théia aurait voulu pouvoir l'être. Siva arrive à réveiller cette flamme joueuse qui animait autrefois ses pupilles, à lui donner l'envie de déployer ses ailes à nouveau. Alors Théia, elle se laisse emporter. Elle lui tend même la main et laisse sa folie prendre soin d'elle. Quand elle se retrouve avec le joint de Siva entre les mains, la brunette ne peut s'empêcher de le détailler avec curiosité. Elle n'a jamais fumé, pas même une simple taffe. Elle ne lance qu'un regard distrait à la robe sortie de son armoire, trop focalisée par ce poison qui se consume lentement entre ses doigts. Suite aux paroles de Siva, elle relève les yeux vers elle et hésite. Le faire ou non, tenter ou pas. Après tout, ce n'est pas ça qui risque de la tuer. Pas juste un. Lentement, elle porte le joint jusqu'à ses lèvres et inspire. Théia sent sa gorge brûler et toussote légèrement, mais pas autant que ce à quoi elle s'attendait. Alors que ses yeux s'humidifient à cause de sa toux, elle détourne le regard et observe la robe. « Je savais que tu choisirais celle-là. » Un sourire étire ses lèvres. Vit Théia, vit bordel. Une seconde fois, elle inspire une plus longue bouffée de marijuana et arrive cette fois à s'empêcher de tousser. « Reprends-ça, » dit-elle avant de tendre son bédot à Siva. Son attention se porte sur la robe qu'elle trouve soudainement encore plus belle que lorsqu'elle l'a achetée. Se fichant totalement du fait qu'elle n'est pas seule dans la pièce, elle retire son énorme pull et lâche ses cheveux qui retombent en vague dans son dos.