agréable rencontre - MATT&EMMA

En effet, nous n'avions pas spécialement beaucoup de temps pour apprendre à faire connaissance. Mais je n'avais jamais dit que je voulais savoir tout d'un coup, c'était gâché le plaisir de se revoir par hasard, quelque part en ville. Sans compter que savoir tout d'un coup, ce n'était pas très amusant. Je préférais découvrir petit à petit, tout comme la dernière fois j'avais pu un peu cerner son caractère. Aujourd'hui, j'avais découvert quelque chose de nouveau chez elle. Cette façon de fermer son visage à l'entente d'un mot, je ne savais pas encore ce qui se cachait derrière cette réaction et j'étais toujours intrigué. Je voulais toujours savoir pourquoi son sourire avait si vite disparu, pour finalement revenir peu après comme si rien ne s'était passé. Mais je n'étais pas dupe, loin de là. Mon métier d'avocat m'avait donné un grand sens de l'observation et de perspicacité. Un jour ou l'autre, je saurais ce qui s'était passé dans sa tête, bien que honnêtement je ne voulais pas non plus qu'elle m'avoue tout. Je ne la connaissais pas du tout et je ne savais même pas si nous pouvions nous considérer comme des amis.

-On peut toujours commencer en effet, je n'ai jamais dit que je voulais tout savoir tout de suite, mademoiselle.

Je mangeais tranquillement mon hamburger, savourant cette nourriture qui descendait jusqu'à mon estomac, le contentant définitivement. Ce que ça pouvait me faire du bien de manger enfin ! Je pris mon soda, buvant une gorgée puis la regarda à nouveau, évitant de trop fixer ses yeux. Je savais que si je continuais à la regarder dans les yeux, j'allais m'y perdre à un moment et je ne voulais pas lui montrer que ses pupilles me faisaient quelque chose. Je me concentrais sur ses paroles pour ne pas me laisser piéger, évitant ainsi de me plonger dans l'océan de ses yeux.

-C'est tout à fait normal, je comprends. Dites-moi, qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

Je reconnaissais très vite William dans les mots qu'elle utilisait pour décrire les enfants. Je ne pouvais que comprendre son envie de les guérir et les aider. Personnellement je n'aurais jamais pu me lancer dans ce métier, il y avait ce bon côté de voir les enfants souriant, adorable et bien d'autres qualificatifs. Mais il y avait le côté sombre également, celui qu'on n'aimait pas du tout. Envoyer un enfant à la morgue devait être terrible. Je ne concevais déjà pas l'idée de tuer un enfant, quand j'entendais ces histoires de meurtre, ça me dépassait toujours. Même lorsqu'il s'agissait d'un père envers son enfant, je ne pouvais pas imaginer et ce par n'importe quel prétexte. J'adorais mon fils, je l'aimais totalement et je ne me voyais pas lui faire du mal. Même une fessée ça allait trop loin pour moi, je refusais de voir des larmes dévaler ses joues. Envoyer un enfant à la morgue devait être terrible, surtout quand on faisait tout pour qu'il n'y arrive jamais.

-C'est quelque chose qui doit être difficile à gérer, je l'imagine assez bien. Du moins j'essaye, puisque je n'ai pas votre expérience.

Je terminais mon hamburger, essayant de chasser ses images néfastes de mes pensées. Je bus une nouvelle gorgée de mon soda puis m'attaquait à nouveau à mes frites. Je souris amusé à sa question, voyant qu'elle la posait enfin. En général, les gens que je croisais le demandait plus vite. J'avalais ma frite après l'avoir mâchée un instant puis reprit d'un ton amusé.

-Je ne suis pas australien en effet. Je viens d'Angleterre. Mais ça fait quand même deux ans que je suis ici ..

Je mangeais tranquillement mes frites, regardant par moments ses yeux, à d'autres moments la vitre. Tant que la discussion continuait, je n'avais aucune raison de me plonger totalement dans l'océan de ses yeux. Rester concentré sur autre chose m'aidait, regarder par la fenêtre également. J'observais par moment des passants, j'avais même pu apercevoir un homme offrir une rose à une femme, surement sa copine. La romance existait encore de nos jours apparemment, moi je n'étais pas comme ça. Je n'aimais pas user de ce côté matériel qu'étaient les cadeaux. Pour moi l'amour ne devait pas se résumer au superficiel, même si par moment une fleur pouvait faire plaisir à une femme. De toute façon, pour ce point là il fallait déjà savoir si la femme en question aimait ce genre d'attention. Pour l'instant, je ne m'occupais que de mon fils, alors je me fichais assez bien de la romance. Je terminais mes frites, prenant mon soda pour le siroter à mon aise tout en l'écoutant. Je souris amusé à sa question, au moins elle avait remarqué ce détail sans aucune difficulté. Et puis elle avait surtout une bonne mémoire pour avoir retenu l'âge de mon fils. William ne devait pas se faire oublier très facilement à mon avis, il était tellement adorable. Je sortis la paille de ma bouche et rétorqua doucement.

-Ce n'est pas à cause de lui, plutôt grâce à lui en fait. Il a.. si je peux m'exprimer de cette façon, donner un nouveau départ à ma vie.

C'était ce que je pensais en tout cas, sans entrer dans les détails. Pour moi, il avait donné le coup de feu de départ. Celui qui m'éloignait de ses parents qui me tapaient sur le système depuis des années. Et puis j'avais eu mon diplôme en poche, je n'avais pas d'attache réelle. Oh bien sur, j'avais des amis là-bas, mais rien qui m'aurait réellement retenu en Angleterre.

-Je vois ça, mais même si je n'avais rien dit, je pense comme vous. Je me garde le droit de répondre ou non. Par contre, il y a une question que je me pose depuis tantôt, je ne sais pas si vous y répondrez mais je tente.. vous avez parler d'orphelinat tantôt et puis soudainement vous avez été.. plus froide, plus distante.. Vous avez un passé avec un orphelinat ?

Je m'étais promis de ne pas fouiller dans sa vie, c'était vrai. Cependant elle m'offrait l'opportunité de poser des questions et tout comme elle, j'étais plutôt franc et curieux. Le fait est que je m'intéressais réellement à elle, pas juste pour meubler la discussion, mais bien parce qu'elle m'était sympathique et d'une agréable compagnie. Sitôt les premières phrases dites, il n'y aurait plus eu grand chose pour meubler une conversation si je ne cherchais pas à approfondir. Il était vrai que j'aurais pu poser des questions plutôt banale pour commencer mais savoir qu'elle était sa couleur préférée ou son plat favoris ne m'était d'aucune utilité pour le moment. Et puis je n'aimais pas poser des questions de ce genre, quand je pouvais avoir les réponses juste en observant la personne en question. Si j'étais amené à la revoir, encore une fois, j'étais certain que j'apprendrais encore de son caractère ou de sa personnalité sans devoir la questionner. Après tout, j'avais un grand sens de l'observation. Cette qualité n'allait pas m'aider en revanche pour ce sujet qui m'intriguait beaucoup. Comment pouvait-on se fermer si vite à l'entente d'un mot? J'étais certain que je n'aurais pas du poser la question, mais parfois ma spontanéité me jouait des tours. Bien que de toute façon, elle avait toujours son droit de véto, elle aurait même pu crier "Joker" que j'aurais tout de suite compris qu'elle ne souhaitait pas en parler. Sa façon de fuir mon regard me démontrait qu'elle hésitait à y répondre, peut être même qu'elle choisissait les mots qui ne me blesserait pas tout en refusant d'y répondre. Je gardais néanmoins mon regard fixer sur elle, avec hâte de savoir ce qu'il se passait en cet instant dans sa tête. Je devais avoir une personne fascinante devant moi, pour être si avide de réponses. J'eus un léger sourire lorsqu'elle commença à parler, ayant le sentiment d'avoir gagné.

- Oh.. et j'imagine que vous n'avez pas du voir beaucoup de choses agréables pour avoir fait cette tête là tantôt..

Je n'avais jamais visité un orphelinat et j'avoue que l'idée ne me plaisait guère. Je ne savais même pas à quoi ressemblait ce genre d'endroit. Je crois que je me sentirais réellement triste, si je voyais tout ces visages d'enfants, qui n'attendent que des parents. Peut être qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient là en fait, peut être que pour eux c'était tout à fait normal de rester dans cet endroit. Seuls les plus âgés devaient comprendre ce qu'ils attendaient, comprendre aussi lorsqu'un de leurs amis s'en allait définitivement. Je grimaçais légèrement, regardant alors les passants. C'était peut être pour cette raison qu'ils étaient souriant, si ils savaient la vérité, je ne pense pas qu'ils auraient été si heureux. Et si elle disait que l'orphelinat était un lieu horrible, je ne pouvais que la croire. Les paroles qui suivirent me fit un grand froid dans le dos. Imaginer mon fils dans un orphelinat me donnait même des sueurs froides. Quand je le voyais si souriant, si adorable, je ne pouvais pas imaginer des horreurs pour lui. C'était tout simplement impossible pour moi. Quand je pensais à lui, je ne voyais que le bonheur au creux de ses mains, à l'avenir merveilleux que je me promettais de lui offrir. Si je ne l'avais pas accepté, il aurait été un de ses visages souriant que Emma aurait vu lors de ses visites. Je soupirais doucement, je n'étais pas un lâche, du moins c'est ce qu'on pouvait penser en effet. Néanmoins, je n'avais même pas réfléchis à l'idée de l'abandonner. Il était un très beau bébé à l'époque, l'idée de m'en débarrasser ne m'avait même pas effleuré. Et puis peut être qu'entendre mon père rabâcher sans cesse "la chair de ma chair", j'avais pensé qu’effectivement il était mon fils et je n'avais aucun droit de l'abandonner. Je posais mon soda sur la table et la regarda à nouveau.

- Il a de la chance en effet, il a un père. Il n'a peut être pas de mère mais c'est déjà bien qu'il ait un père, un toit... En fait, il a tout sauf une mère.. donc en effet il a beaucoup de chance comparé à ses enfants dans les orphelinats.