shoes in my hand + duncan

Je traîne mes sandales dans une main lasse avec le coucher de soleil derrière moi. Un paysage presque trop rêveur pour être réaliste. J’envoie mes cheveux vers l’arrière naturellement et je continue d’avancer. Je viens de terminer ma séance de yoga quotidienne et je m’apprête à retourner à l’hôtel où je séjourne. Bientôt, je retournerai à Sydney pour les séances photos et les défilés des nouvelles collections dont je suis l’égérie. Je réalise que le temps passe si rapidement, que tout me semble si court, rien ne dure bien longtemps. Je soupire et je m’arrête pour m’assoir le regard perdu dans l’eau. J’ai l’impression de vivre dans une illusion, un mode de vie qui n’est pas mien. Je relève le regard et je vois un homme sortir de l’eau se diriger vers moi. Je me retourne et je vois une serviette non loin, ça doit être la sienne. Je me lève, je la prends et je me dirige vers lui pour la lui apporter. À moins d’un bras de distance, je lui tends la serviette en question avec un petit sourire sans le moindre mot et je retourne à mon endroit pour regarder le coucher de soleil le regard toujours un peu perdu à travers chaque vague qui s’emporte.  

J’avais gentiment hoché la tête suite à son remerciement en lui laissant un sourire au passage. L’homme ne tardait pas à me rejoindre en me disant finalement que j’étais perdue dans mes pensées, j’avais opiné en ce sens. « C’est effectivement un signe de réflexion, voir même de nostalgie. » lui avouais-je avec un fin sourire alors qu’il continuait en se traitant de connard ce qui me faisait pouffer de rire. « Connard est un bien trop grand mot pour être utilisé dans ce contexte. » J’aurais préféré le terme compagnie ou s’il avait insisté, il aurait pu me dire qu’il était insistant ou je ne sais quoi, j’aurais sans doute approuvé. Il s’appelait Duncan. « Thiago, enchantée également. » Je replongeais mon regard vers l’eau quelques instants. « Rien ne te manque, parfois? » lui demandais-je un peu curieuse en allongeant mes jambes et en prenant l’occasion de m’étirer par le fait même. D’un côté, je le connaissais à peine, de l’autre c’était une vraie question. Peut-être ne serait-il pas honnête ou complètement froid, je me disais que de mon côté, je serais plus distante, ce qui me poussait vers une confession. « Je suis américaine... » lui dis-je finalement en haussant les épaules comme pour chasser toutes ces ondes, surtout celles de mon copain actuel qui me préoccupait.  

« Connard est utilisé dans tous les contextes. » « Dans ceux qui le requiert, absolument. Dans le cas présent, je ne vous considère pas comme tel. » lui avouais-je le regard léger. À ma question, il semblait légèrement désarçonné, mais il y répondait. Il parlait de ma passion première, de mon métier. Puis de son ancienne copine, quoi que... et de son père. Il me retournait la question.   « Mes parents, je crois. Le pays, les endroits routiniers... Un homme aussi, je crois. » lui avouais-je à lui avant de me l’admettre à moi-même. Est-ce qu’il me manquait? Peut-être un peu, oui. Et avec toute la suite des évènements, j’en étais pas certaine. « La distance ne simplifie pas les choses, parfois. » Il me questionnait davantage en me disant que les américaines n’aimaient pas les petites villes, je pouffais de rire. Il me connaissait, sans même le faire.  « Je n’ai rien contre les petites villes. Je n’ai rien contre mon contrat qui se déroule en Australie. » Je lui adressais un clin d’œil, très clairement amusée.  « Jugeons alors. » dis-je simplement comme pour lui prouver que ce jugement, son jugement ne m’importait que peu dans ce contexte.  « Le jugement est si facile à avoir, mais jugez au moins sur quelque chose de pertinent, Duncan. » lui suggérais-je. Je tourne le regard vers lui à la sonnerie qu’il raccroche.  « Vous auriez pu le prendre. » soulignais-je comme si je n’étais pas grand chose ou quelqu’un qui en valait la peine. Dans le milieu où j’évoluais, j’avais appris rapidement à me moquer de ce genre de choses. À l’inverse, ma mère me faisait des gros yeux lorsque je prenais des appels à table. Avec Ezekielle, je me doutais que ce serait différent.