Les amies de mes amis sont mes amies ❧ Callie.

Kyle avait appelé Julie un peu plus tôt dans la journée pour lui annoncer que Callie, l’une de ses amies, était en ville. Il voulait qu’elle garde un œil sur elle et qu’elles fassent connaissance ; d'après ses dires, la jeune femme n’avait aucun proche à Bowen. La jolie blonde avait accepté cette mission avec grand plaisir. Elle était toujours prête à rendre service à ses amis et elle se mettait à la place de Callie : débarquer dans une ville où l’on ne connaissait personne ne devait pas être la chose la plus facile qui soit. Kyle lui avait appris que la jeune femme serait dans un café du centre-ville en début d’après-midi et c’est à cet endroit que Julie avait décidé d’aller à sa rencontre. Elle ne savait pas encore quelle tactique adopter : devait-elle aller directement vers elle et se présenter comme une amie de Kyle ou au contraire, l’observer discrètement et attendre le moment opportun pour faire connaissance de manière détournée, sans lui raconter qu’elle était en quelques sortes envoyée par leur ami commun ? Elle n’en savait rien. C’était la première fois qu’elle faisait ce genre de chose.

Décidant finalement d’improviser et d’y aller au feeling, Julie se rendit au café en question dans l’espoir d’y trouver Callie. Fort heureusement, la description de Kyle était très complète et elle n’eut aucun mal à la reconnaître : grande, brune, les traits fins, la silhouette élancée… Bref, elle la repéra sans mal et l'observa pendant quelques secondes, essayant de trouver une approche qui ne la ferait pas fuir. Elle n'aimerait sans doute pas qu'on lui dise que Kyle lui avait trouvé un chaperon - ce qui était tout à fait compréhensible - mais elle ne se voyait pas s'installer à sa table et commencer une conversation sans avoir l'air d'une folle. Elle soupira doucement et se dirigea vers le comptoir pour commander un café. Elle préférait attendre encore un peu avant de se lancer. Une tasse de café bien chaud lui éclaircirait sans doute les idées !

Et paf. Sans même qu'elle s'en rende compte, Callie avait renversé sa tasse sur elle. Du café chaud. Très chaud. Qui avait fait une énorme tâche sur son chemisier. Elle qui cherchait une entrée en matière pour engager la conversation, elle était servie ! Malgré tout, elle n'était absolument pas furieuse. Il était clair que la jeune fille ne l'avait pas fait exprès et qu'elle était sincèrement désolée. Et puis, ce n'était qu'un peu de café. Pas de quoi en faire toute une histoire. « Je suis désolée... J’ai... Enfin je... Je suis d'une maladresse... Vraiment... Je... » Julie esquissa un sourire amical, la trouvant parfaitement adorable. Elle haussa les épaules d'un air détaché et attrapa le torchon qu'elle tenait de les mains. « Relax ! Ce n'est pas grave du tout, ne vous en faites pas. Ce n'est que du café et puis, ce chemisier est super vieux, il est grand temps que je m'en achète un nouveau. Ce sera une bonne excuse pour le faire ! », plaisanta-t-elle, le sourire aux lèvres. En fait, ce bousculade était très bien tombée : elle n'avait plus à se torturer l'esprit pour savoir si oui ou non elle devait dire à Callie qu'elle était là parce que Kyle le lui avait demandé. À présent, elle pouvait prétendre que leur rencontre était tout à fait due au hasard - ce qui était un peu le cas, de toute façon.

Julie n'avait jamais eu peur du ridicule. Elle n'était pas le genre de personnes à monter sur les tables ou à parler incroyablement fort en public pour attirer l'attention, mais le regard des autres ne la gênaient pas plus que cela. Elle avait bien évidemment remarquer que la plupart des clients du café s'étaient tournés vers elles à l'instant où Callie l'avait percutée, mais elle s'en fichait pas mal. Cela pouvait arriver à tout le monde, non ? Qui pouvait prétendre ne jamais avoir été maladroit en public ? N'être jamais tombée dans un parc bondé ? Ne jamais avoir rien renversé dans un café ou un restaurant ? Ne jamais avoir trébuché dans la rue ? Personne. L'erreur était humaine et la maladresse de Callie la rendait vraiment attendrissante. Julie ne pouvait pas lui en vouloir une seule seconde. « Laissez-moi au moins vous offrir votre consommation, c'est la moindre des choses que je puisse faire. » En temps normal, Julie n'aurait pas accepté. Mais là, elle sentait qu'elle devait s'asseoir sur ses principes. La jolie brune avait vraiment l'air de s'en vouloir et se racheter en lui offrant une boisson l'aiderait probablement à tirer un trait sur ce fâcheux incident. Elle se contenta donc d'acquiescer d'un hochement de tête avant d'accompagner Callie à sa table. L'occasion rêver de faire plus ample connaissance !

Elle s'installa en face de la danseuse, posa sa tasse de café sur la table, et regarda autour d'elles. Certaines personnes étaient encore en train de les dévisager et elle mourrait d'envie de leur crier d'aller se faire voir. Sans rire, ce n'était pas l'événement de l'année ! Soupirant doucement, elle reporta son attention sur Callie lorsqu'elle prit la parole. « Je vous en rachèterai un et par pitié ne discutez pas, je me sens assez mal comme ça. Je suis de base assez maladroite et au lieu de déposer mon livre, j’ai préféré lire en marchant, ce qui franchement était d’une idiotie pas croyable et là, comme je suis gênée, je parle non stop alors je vais me taire. » Julie esquissa un sourire amusé. Loin d'elle l'idée de se moquer de Callie, bien au contraire ! Elle trouvait sa timidité et sa gêne assez touchantes, en réalité. Elle avait l'air d'être une gentille fille. Le genre de fille avec qui on a envie de devenir amie. « Je vous assure que ce n'est rien, pour le chemisier. Vous n'avez pas à vous sentir mal, vous ne l'avez pas fait exprès et puis, ça arrive à tout le monde. Je suis super maladroite moi aussi, alors je n'ai pas le droit de vous en vouloir », assura-t-elle avec un clin d'oeil. Elle attrapa sa tasse et avala une gorgée de café avant de poursuivre. « Comment tu t'appelles ? Enfin, on peut se tutoyer ? » Quelques années devaient les séparer, tout au plus. Et Julie ne se voyait pas vouvoyer une jeune femme qui avait sensiblement son âge. Surtout pas après ce qu'il venait d'arriver !

Sa tactique semblait marcher. La jeune femme semblait se détendre au fil de la conversation, oubliant la maladresse dont elle avait fait preuve quelques minutes plus tôt. « Oui, bien sûr qu’on peut se tutoyer. Je m’appelle Callie Rose mais tout le monde m’appelle Callie. Et toi ? » Julie eut enfin la confirmation qu'elle n'avait pas commis d'erreur et que cette ravissante métisse était bien l'amie dont Kyle lui avait parlé. Non pas qu'elle en doutait jusque-là, mais il restait toujours une possibilité pour qu'elle se soit trompée. « Callie Rose ? C'est super joli », dit-elle très sincèrement, un sourire aux lèvres. « Moi c'est Julie. Ravie de faire ta connaissance ! » Elle lui adressa un sourire, ravie de voir qu'elle acceptait de discuter avec elle - et qu'elle semblait bien moins stressée. Elle ne saurait pas dire si c'était à cause de ce que Kyle lui avait dit ou non, mais Julie semblait percevoir une sorte de soulagement sur le visage de Callie. Comme si elle était rassurée de parler à quelqu'un. Ce qui n'était pas étonnant, d'ailleurs ; être seule dans une ville qu'on ne connait pas ne devait pas être très épanouissant...

Lorsqu'elle lui demanda si elle était originaire d'ici, Julie hocha la tête. « Oui, je suis née et j'ai grandi à Bowen. Et toi ? Je n'ai pas l'impression de t'avoir déjà vue par ici, je me trompe ? » Elle savait très bien que Callie n'était pas d'ici, puisque Kyle le lui avait dit. Mais elle ne voulait pas le lui dire. Elle voulait faire sa connaissance naturellement, par elle-même et discuter naturellement, comme elle l'aurait fait avec n'importe quelle inconnue. Dire qu'elle ne l'avait jamais vue à Bowen n'était pas un mensonge, qui plus est ; c'était une petite ville et même si elle ne pouvait pas prétendre connaître tout le monde, elle voyait toujours les mêmes têtes. Les gens avaient leurs habitudes, ils se rendaient aux mêmes endroits aux mêmes heures, faisaient les mêmes choses chaque jour... Callie aurait sans doute marqué son esprit si elle l'avait croisée auparavant.

«Je ne suis pas d’ici, non mais de Paris. Ma grand-mère a sa maison ici mais elle n’est quasiment jamais là. » Paris ? Whoa. Elle venait de loin. Julie avait toujours rêvé de visiter la France et de faire un voyage à Paris. L'une de ses amies lui avait dit, une fois, que même une fille comme elle pourrait tomber sous le charme de la ville et devenir une jeune femme éperdument romantique. Elle demandait à voir. Elle ne voyait pas comment une ville pouvait réussir à changer quelqu'un, mais pourquoi pas ? C'était la ville de l'amour, après tout. « Généralement quand je viens ici, je ne reste pas longtemps. Je dors soit chez ma grand-mère, soit à l’hôtel, soit chez un ami. » La blondinette hocha la tête, un sourire aux lèvres. « Bowen doit te changer de Paris, j'imagine... Tu es ici pour combien de temps ? » Elle mourrait d'envie de lui demander pourquoi elle était là, dans cette petite ville sans prétention, mais elle ne savait pas si elle en avait le droit. Elle ne voulait pas non plus paraître indiscrète ou passer pour la commère de service, celle qui veut tout savoir sur tout le monde et qui raffole des potins.

«Et tu n'as jamais voyagé ? Je veux dire, tu n'as jamais quitté Bowen ? Ne le prends pas mal hein, c'est juste que quand je rencontre une fille qui a une vie totalement différente de la mienne, je me pose automatiquement des questions. » Julie ne perdit pas son sourire. Elle n'était pas du tout gênée par les questions de Callie, bien au contraire. « Ne t'inquiètes pas, y a pas de mal », dit-elle gentiment en jouant avec sa tasse. Elle était elle-même du genre curieuse alors elle ne pouvait la blâmer de s'interroger sur sa vie ! « Non, je n'ai jamais quitté Bowen... Quand j'étais au lycée, je rêvais de me casser d'ici, de partir à l'autre bout du monde. Et puis j'ai réalisé que finalement, l'autre bout du monde ne serait peut-être pas mieux. J'adore Bowen, c'est là que je me sens chez moi et je ne crois pas que je pourrais être aussi épanouie ailleurs. C'est là que j'ai mes amis, ma famille, mes repères... On forme une vraie petite communauté et ça, c'est vraiment génial. Cela dit, je ne serais pas contre un petit voyage à l'étranger de temps en temps ! », précisa-t-elle en riant un peu. « Mais avec mon boulot, c'est assez compliqué de trouver du temps libre, malheureusement... Tiens, d'ailleurs, tu fais quoi dans la vie ? Tu es ici pour des raisons professionnelles, peut-être ? »

Julie hocha simplement la tête quand son interlocutrice lui avoua qu'elle ne savait pas exactement pour combien de temps elle était à Bowen. Elle n'avait pas envie de se montrer trop intrusive en lui posant des questions déplacées auxquelles elle n'aurait sans doute pas envie de répondre.« Je suis danseuse. Je fais partie du corps de ballet de l’opéra de Paris. J’espérai devenir danseuse étoile avant mes vingt-cinq ans mais on dirait que la vie en a décidé autrement. » Bizarrement, sa réponse ne l'avait pas du tout surprise. Avec un corps élancée et gracieux comme le sien, elle ne pouvait être que danseuse. Et pour Julie, qui était incapable de coordonnées ses mouvements lorsqu'elle essayait de danser, c'était tout bonnement admirable. « J’ai eu un accident il y a quelque temps et quand je partie, les médecins ignoraient encore si je pourrai refaire de la danse en tant que professionnel. » L'admiration avait laissé place à un sentiment de gêne. Pas parce que Callie se confiait à elle - elle était d'ailleurs bien placée pour savoir qu'il était parfois plus facile de parler de ses problèmes à un parfait inconnu qu'à un proche ! - mais parce qu'elle avait devant elle une jeune femme dont les rêves avaient été brisés, et qu'elle ne savait pas quoi faire, ni même quoi dire pour essayer de la réconforter. Marquant un temps de pause, elle regarda la jolie brune avec attention. « Je suis sûre que tu le pourras », dit-elle alors, un sourire aux lèvres. Et elle était sincère. Parfois, il valait mieux ignorer les médecins et leur charabia. Elle était sûre qu'avec de la volonté et de la persévérance, la jeune femme parviendrait à danser à nouveau. Et puis, elle refusait de tomber de le piège facile des discours plein de compassion et de pitié. Elle aurait pu lui dire qu'elle était désolée, lui poser des questions sur les circonstances de cet accident qui avait tout remis en cause, mais elle n'en avait pas envie. Elle était persuadée que Callie n'avait pas besoin de cela et qu'elle voulait entendre des paroles encourageantes. Du moins, c'est ce que Julie aurait aimé si elle avait été à sa place. « Au passage tu pourras peut-être m'apprendre quelques pas », reprit-elle d'un ton léger pour ne pas laisser le silence s'installer. « Je suis super nulle... Je n'arrive pas à faire bouger mes mains et mes pieds en même temps, c'est une véritable catastrophe », avoua-t-elle en riant.

« Quand tu veux, je t’offre un cours de danse. » Satisfaite par sa réponse, Julie lui adressa un sourire radieux. Cela laissait présager qu'elles allaient se revoir et c'était une bonne chose. Elle était venue ici parce que Kyle le lui avait demandé, mais maintenant qu'elles commençaient à faire plus ample connaissance, elle devait avouer qu'elle appréciait beaucoup Callie. Elle correspondait tout à fait au genre de personnes avec qui elle était généralement amie. Une fille simple, sympa, qui ne se prenait pas la tête pour des trucs futiles et inintéressants. « Et sinon, un petit ami dans ce paysage australien ? » Aouch. Julie se raidit sans même s'en rendre compte. Plus le temps passait, plus elle se demandait si elle n'était pas allergique à l'amour. Certains sont allergiques au chocolat, aux chats ou à la poussière, pourquoi d'autres ne le seraient-ils pas aux sentiments et aux relations amoureuses ? « Non, je suis libre comme l'air », avoua-t-elle. « Enfin, disons que je n'ai pas de "petit ami" officiel. » Autrement dit, elle profitait de la vie et prenait ce qu'il y avait à prendre, sans jamais s'attacher à personne. Elle s'amusait et prenait du bon temps quand elle en avait envie, mais les "je t'aime" et les relations durables, ce n'était pas du tout son truc. « Et toi, tu es toute seule ? On dit que les français sont super mignons, c'est vrai ? », demanda-t-elle avec une pointe de curiosité dans la voix. Elle avait toujours entendu du bien des français mais comme tout le reste, elle demandait à le voir pour le croire. On lui avait souvent dit qu'ils étaient beaucoup plus beaux, plus romantiques, plus doués pour les relations amoureuses et qu'en plus, ils étaient de meilleurs amants que les autres. Ce qui était légèrement suspect, d’ailleurs. Mais Callie allait sans doute pouvoir l'éclairer et lui donner un avis objectif.

« Ils sont super mignons c’est vrai mais je suis célibataire. Les histoires de coeur avec un mec incapable de se tenir ne serait que le temps d'une soirée loin de moi, très peu pour moi. » Julie se mit à sourire, ravie d'enfin tomber sur une jeune femme qui partageait son point de vue. La plupart de ses amies passaient son temps à lui dire qu'elle était incompréhensible, que sa vision des choses n'étaient pas la bonne et qu'elle n'avait aucun droit de dire que les relations amoureuses étaient impossibles puisqu'elle n'était jamais restée plus de trois semaines avec la même personne. Callie et elle semblaient être sur la même longueur et cela la soulageait. Pour la première fois depuis longtemps, elle n'avait pas l'impression d'être anormale, de ne pas se fondre dans la société ni d'être parfaitement étrangère aux filles de sa génération. « Et puis, tu sais les français ne sont pas les plus mignons, j’aime bien les espagnols » Les Espagnols, vraiment ? Julie nota dans un coin de sa tête de rajouter l'Espagne aux pays qu'elle aimerait visiter, puis elle adressa un sourire amusé à la jolie métisse. « C'est un véritable atout, de voyager. Tu peux comparer les mecs du monde entier ! », dit-elle en riant. « Je ne connais que des Australiens, alors forcément... » Elle ne pouvait pas dire si les Espagnols étaient mieux que les Anglais ou si les Français étaient plus doués en drague que les Italiens. Elle n'avait qu'un seul point de comparaison : les garçons de Bowen. Mais ils n'étaient pas si mal et elle était heureuse de venir d'une petite ville comme celle-ci. « Je crois que là dessus, toi et moi, on a la même vision des choses. » Julie hocha la tête, l'air soulagé. Elle était sincèrement contente d'avoir trouvé quelqu'un qui partageait son ressenti. « Tu ne peux pas savoir comme je suis contente ! », s'exclama-t-elle en souriant. « En général, quand je dis que je préfère profiter de ma jeunesse au lieu de me caser et que je ne crois pas une seule seconde aux belles histoires d'amour, les gens me prennent pour une dingue... C'est rassurant de voir que je ne suis pas la seule ! » Savoir que toutes les filles ne courraient pas après le prince charmant était rassurant. Callie semblait avoir la même opinion qu'elle au sujet des histoires d'amour et cela ne ferait que renforcer leur complicité naissante. « Je suis ravie que ton café ait atterri sur mon chemisier », plaisanta-t-elle avant de prendre sa tasse pour la porter à sa bouche et avaler une gorgée de café. Ce malheureux incident lui avait permis d'apprendre à connaître Callie, et elle était loin d'être déçue ! Elle espérait qu'elles pourraient rester en contact après cette conversations improvisée.