Tu es le seul avec qui je veux vivre la fin du monde [Aisran]

Ca faisait déjà plusieurs jours qu’Aisling était dans un état lamentable. Elle passait ses journées roulée en boule dans son lit à alterner entre les pleurs et une vague occupation à regarder des vidéos stupide sur YouTube. Et puis le soir elle buvait, parfois seule chez elle, parfois seule au bar. Ridicule. Pathétique. Voilà ce qu’elle était. La cause ? Chase qui, pour la dernière fois qu’elle l’avait vu était parti fâché de chez elle, et Perry qui l’avait tout bonne abandonnée. Être dans cet état-là à cause de deux hommes la rendait en colère après elle-même. S’attacher c’était vraiment la pire des choses à faire. Elle savait, pourtant, que les sentiments ce n’était pas fait pour elle. Alors pourquoi avait-il fallu qu’elle essaye ? Qu’elle se laisse emporter ? Elle espérait au moins que ça lui servirait de leçon, que son cœur ne cède plus, plus jamais.
Néanmoins, elle ne pouvait se résigner à rester dans cet état et à sécher les cours éternellement. Alors aujourd’hui elle s’y était rendue malgré son fort mal de tête. Elle avait passé la journée à faire acte de présence plus qu’autre chose. Elle était d’une étonnante passivité. Sa prise de notes ne ressemblait strictement à rien. Elle allait devoir se résoudre à demander les cours à quelqu’un.
A la sortie des cours, tout le monde était sorti mais elle était restée là quelques minutes de plus, à réfléchir sur sa vie. Ou à attendre que la tête lui tourne à cause de l’effort de concentration qu’elle avait fait dans la journée, aussi. Finalement, elle passa son sac sur son épaule et sortit de la salle de cours. En sortant du bâtiment, elle leva la tête pour s’orienter et aperçu un visage connu. Elle fronça les sourcils, assez surprise de le trouver là, et pas vraiment en état de connecter pour ses neurones pour comprendre la raison de sa présence. Elle finit par avancer vers lui, d’un pas tranquille, parce que de toute façon elle ne pouvait pas courir ni s’échapper.

-Eh bien, tu viens me chercher à la sortie de l’école maintenant ? T’as peur que je me perde en chemin ?

En réalité, elle se doutait bien qu’il était là parce qu’elle n’avait pas donné de ses nouvelles depuis un bout de temps mais elle préférait jouer à l’idiote.
Il ne fallut d’ailleurs pas plus de temps pour que la terre se mette à trembler. Aisling écarquilla les yeux, ne comprenant pas une seule seconde ce qui était entrain de se passer. Elle était d’ailleurs dans un état tellement déplorable qu’il ne lui fallut pas plus de la première secousse pour qu’elle s’écrase au sol, s’écorchant bras et poignets au passage. Est-ce que c’était sa gueule de bois qui ne passait pas ou bien la fin du monde approchait ?

Voilà déjà de longues heures et de longues journées que tu n'as plus de ses nouvelles. Depuis vos retrouvailles, en fait. Celles-ci ont été mouvementées c'est le moins qu'on puisse dire mais ça a été un vrai bonheur pour toi de retrouver Aisling moralement et physiquement parlant. Même si tu ne l'admettras sans doute jamais, tu as des sentiments puissants pour cette jeune femme. Sentiments que tu ne devrais pas avoir, Ciàran, tu en es bien conscient. Alors, étant sans nouvelles, tu décides de provoquer le destin et d'aller la retrouver à la fin de ses cours. Il ne te faut pas longtemps pour avoir l'horaire complet de sa journée, tu as des contacts même au sein de l'université. Et connaissant sa filière et son année, ça n'a pas vraiment été compliqué pour toi. Bref, te voilà à attendre, tel un petit-ami modèle - ce que tu n'es pas et ne sera jamais - devant l'université guettant toutes les têtes blondes que tu vois. Tu la repères enfin et tu ne peux t'empêcher de froncer les sourcils en voyant son air de déterré. Elle est mal en point, c'est le moins qu'on puisse dire. Et même si elle tente sans doute de le cacher, tu la connais trop bien que pour ne rien voir. « Eh bien, tu viens me chercher à la sortie de l’école maintenant ? T’as peur que je me perde en chemin ? » Tu ne souris pas, trop inquiet face à l'état dans lequel Aisling se trouve. Et alors que tu t'apprêtes à répondre d'un air "dictateur", le sol se met à trembler sous vos pieds. Tu ne réfléchis pas et te rapproches en quelques secondes de la jeune femme mais trop tard, tu la vois s'écraser au sol et quelques écorchures sont déjà bien visibles sur ses bras et ses poignets dans les secondes qui suivent. Tu rattrapes sa tête juste à temps pour que celle-ci ne se cogne pas contre le sol. Instinctivement, tu la prends dans tes bras et l'attires, difficilement, pour la mettre à l'abris. Tu ne vois pas que toi aussi, tu es blessé. Tu ne sens même pas la douleur, d'ailleurs. Tout ce qui compte, là tout de suite, c'est elle. Aisling. « Comment ça va ? » Cries-tu une fois mis à l'abris. Il faut dire qu'autour de vous les gens hurlent et paniquent ce qui fait qu'il est difficile pour vous de vous entendre. Tu examines ses bras et ses poignets, sourcils froncés, l'air inquiet. Tu ne peux t'empêcher de te dire que si tu n'avais pas été là, Aisling aurait sans doute été piétinée par les gens. Cette pensée te donne un frisson que tu prends peine à retenir. « Putain Megane qu'est-ce qui t'arrives ? » Dis-tu, l'air fâché et le ton accusateur. Tu vois bien qu'elle n'est pas dans un état normal et ça t'agaces, tu dois bien l'avouer. Tu es énervé qu'elle n'ait pas fait appel à toi bien plus tôt et qu'elle se retrouve dans un état pareil pour tu ne sais quelle raison.

Il n'a pas le temps de lui répondre, de la gronder sûrement même parce que quand elle le contrarie, volontairement ou non, il ne sait pas faire autre chose que de la gronder. Mais qu'importe, elle commence à avoir l'habitude, même si ça a tendance à la braquer. Bref. La terre tremble. Heureusement que contrairement à elle et son état second, lui a encore des réflexes et il rattrape la tête d'Aisling avant que celle-ci ne heurte violemment la sol, lui évitant sans doute un traumatisme crânien. Alors qu'il la prend dans ses bras pour les emmener dans un endroit plus sûre, la blonde s'accroche à lui de toutes ses forces, indéniablement terrorisée. Les tremblements de terre en Australie, ça court pas les rues d'habitude, et en Nouvelle-Zélande non plus d'ailleurs. La dernière fois qu'elle a eu aussi peur, c'était lors de la tempête, et heureusement ce jour-là, Isaiah était là. A croire qu'elle était incapable de survivre seule.

-Je... Je crois que ça va.

La blonde avait répondu d'une petit voix, malgré le boucan de dehors. La vive monté d'adrénaline lui a quelque peu fait recouvrer ses esprits. Elle inspecte ses mains égratignées qui ont râpé le sol, puis ses poignets. Ce sont des éraflures, rien de sérieux.

-C'est bon, c'est pas grave.

Ce qui était grave en revanche, c'est ce qui se passait dehors et la terre qui tremblait sous leurs pieds. La blonde était loin d'être rassurée, même dans les bras de Ciàran. A sa question, Aisling leva vers lui un regard surprit. Il était en colère contre elle ? Comme ça, d'un coup ? Alors que le sol n'allait pas tarder à s'ouvrir en deux pour les engloutir ? Il avait un sens étrange des priorités.

-Je ne suis pas sûre que ce qui m'arrive soit très important par rapport à ce qui arrive à la ville...

La blonde avant détourné le regard de lui, observant les gens qui se bousculaient, courraient dans tous les sens, puis tombaient... Elle se mordit la lèvre en voyant tout ça. Elle devait aller les aider, faire quelque chose, non ? Elle ne pouvait pas juste rester dans son coin et attendre... Merde, bien sûr que si avant elle aurait fait ça. Est-ce que le côté sauveur de chaton d'Isaiah était entrain de déteindre sur elle ?

-Je... je sais même pas si l'université est bâtie sur des normes anti-sismiques, si ça se trouve elle va s'écrouler...

« Je... Je crois que ça va. » Tu sais pertinemment que ça ne va pas et qu'Aisling dit simplement cela pour te rassurer. Ce qui a le don de t'agacer davantage. Tu as besoin de savoir ce qui ne va pas chez elle même avec tout ce chaos qu'il y a autour de vous. Parce que quoi que tu en dises, son état t'importe plus que celui de n'importe qui au monde. La jeune femme est bien trop importante à tes yeux et ça, ça te fait peur. Ca te ferait presque fuir une deuxième fois, tiens. « C'est bon, c'est pas grave. » Tu fronces les sourcils et réponds du tac-au-tac. « Si, c'est grave. » Tu ne détaches pas ta main de la sienne, préférant la sentir en sécurité au creux de ta main. Tu prends finalement le temps de regarder autour de vous et c'est là que tu vois à quel point la ville part en couilles. Ce tremblement de terre affole les habitants plus que ça ne pourra jamais t'affecter, toi. Il faut dire que tu as habitué à ces cas d'urgence. Pas forcément face aux catastrophes naturelles mais face aux dangers. Et ce n'est plus quelque chose qui te fait peur. Le simple fait de savoir Aisling à l'abris, auprès de toi, est suffisant. « Je ne suis pas sûre que ce qui m'arrive soit très important par rapport à ce qui arrive à la ville... » Il est vrai que la situation est délicate mais tu ne t'imagines pas une seconde quitter la jolie blonde pour aller aider les autres. Tu aurais trop peur qu'il lui arrive quelque chose en ton absence. Sa sécurité avant tout, c'est tout ce qui compte. Tu t'en veux d'être si protecteur et attentionné avec elle. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça ne te ressemble pas du tout, Ciàran. Tu n'es pas un bisounours, loin de là et pourtant, à cet instant précis, tu te comportes comme tel. Et tu dois bien l'avouer, tu détestes ça. « Je m'en fous des autres. » Rétorques-tu, sèchement. Tu veux qu'Aisling te parle mais elle ne semble pas résolue à le faire et ça t'énerve encore davantage. Et tu ne vas pas prétendre te soucier des autres alors que ce n'est pas le cas. Tu n'as pas la prétention d'être un héros, toi, tu serais plutôt le méchant de l'histoire. « Je... je sais même pas si l'université est bâtie sur des normes anti-sismiques, si ça se trouve elle va s'écrouler... » Tu regardes autour de vous, arpantant le bâtiment. Tu cherches le moindre signe de fissures mais tu n'en trouves pas. Alors certes, le sol tremble mais le bâtiment ne semble pas sur le point de s'écrouler. « Je pense que ça devrait aller. De toute façon, où irions-nous si ce n'est ici ? » Demandes-tu. À proximité, il n'y a pas grand chose si ce n'est de la verdure. Et puis, face à un tremblement de terre, aucun bâtiment ne fait le poids. « Puisqu'on est coincés ici pour un bout de temps, tu vas me dire ce qui ne va pas ? » Demandes-tu en prenant un air sévère, bien décidé à faire parler la jeune femme.

Aisling avait levé les yeux vers lui en entendant sa réponse. Il s'inquiétait pour rien, ce n'était que des égratignures, elle aurait pu se retrouver dans une situation bien pire, surtout s'il n'avait pas été là... Elle avait toujours du mal à le reconnaître quand elle était dépendante de quelqu'un mais avec Ciàran c'était différent. C'était tellement évident qu'elle ne pouvait pas le nier en fait.

-Je n'aurais qu'à mettre des pansements.

Elle se défendait comme elle pouvait, essayant de ne pas l'inquiéter. Il avait déjà assez de raison comme ça d'être en colère contre elle.
Elle avait planté son regard dans le sien, nullement étonnée quand il lui dit qu'il se fichait des autres. Il y a quelques mois, elle aussi. Elle aurait dit qu'il s'agissait de sélection naturelle et rien de plus. Elle se serait réfugiée dans un coin et attendu que ça passe. Mais aujourd'hui les choses avaient changé, elle avait elle-même un peu changé et elle se sentait coupable de rester à l'abris dans les bras de Ciàran en regardant les autres courir partout, affolés. Si elle n'était pas aussi mal et déconnectée de la réalité, elle serait certainement entrain de faire une crise de panique à l'heure actuelle.

-Je ne vaux pas mieux que les autres.

Elle était même loin de là. Elle ne faisait que blesser ceux qui l'approchaient. Peut-être que si elle mourrait aujourd'hui ça résoudrait bien des problèmes. Enfin, elle n'en était pas encore à vouloir se jeter sous un arbre. Mais soudain cette pensée fit monter en elle une vif angoisse. Et Perry ? Et Chase ? Et Isaiah ? Est-ce qu'ils étaient à l'abris ? Est-ce qu'ils avaient quelqu'un pour veiller sur eux ? Elle serra la mâchoire, espérant réellement que oui, c'était le cas.

A sa question elle haussa doucement les épaules. Il n'avait pas tort. Elle ne savait pas non plus où ils auraient pu fuir, elle ne savait pas grand chose il faut dire. Elle n'était pas au meilleur de ses capacités, loin de là. L'air sévère de Ciàran ne lui fait pas vraiment peur, elle en a l'habitude. Néanmoins elle sait que ça ne sert à rien d'être plus butée que lui, il finira par gagner, tôt ou tard. Alors elle se met à serrer sa main dans la sienne, elle a trop peur qu'il s'en aille, lui aussi. Qu'il l'abandonne une deuxième fois. Elle n'est pas sûre d'avoir la force de s'en remettre cette fois.

-Les deux hommes dont je t'ai parlé. Je ne les vois plus.

Elle ne savait pas s'il imaginait la douleur que lui causait ces mots. Entendre ça de sa propre bouche ne faisait que rendre les choses plus réelles. Et ça faisait mal. Mais lui, ça ne pouvait que le rendre heureux.

En présence d'Aisling, tu as beaucoup de mal à te reconnaître. Certes, tu restes froid et distant mais ça ne t'empêche pas de ressentir énormément de choses que tu détestes. Cette jeune femme te déconcerte, te rend presque... gentil. Et c'est tout sauf ce que tu es. Alors oui, peut-être que tu exagères un peu mais en présence de la jolie blonde, tu as l'impression de perdre tout contrôle sur ta vie. Et Dieu sait que tu as besoin de tout contrôler. Perpétuellement. « Je n'aurais qu'à mettre des pansements. » Tu lèves les yeux au ciel, lassé de tant de bêtises. Il lui faudrait davantage que des pansements pour panser ses blessures. Mais tu préfères laisser couler, mettant cet affrontement sur le dos de l'état déplorable d'Aisling. Tu lui signifies finalement que tu t'en fiches pas mal des autres et de ce qu'il se passe autour de vous. Et tu n'as jamais été plus sincère. Tu n'es pas quelqu'un qui se soucie des gens qu'il ne connaît pas. Toi, tu préfères t'en tenir à tes proches même si ces derniers sont peu nombreux. « Je ne vaux pas mieux que les autres. » Tu soupires, une nouvelle fois agacé. Tu n'aimes pas les gens qui pleurnichent ou qui s'apitoient sur leur sort. Et là, t'as un peu l'impression que c'est ce que Megane est en train de faire. Et ça, ça ne lui ressemble pas tellement. Ce qui te fait dire qu'elle doit être vraiment au plus bas pour se comporter comme tel. « Tu penses que si tu ne valais pas mieux que les autres, je serais là à m'entêter à te faire parler ? Non, Aisling. » Réponds-tu, le ton autoritaire. Tu peux paraître dur par moment mais c'est ta façon à toi de lui remonter le moral. Et tu ne connais pas d'autres manières de toute façon. Tu l'obliges finalement à parler de ses maux et pour une fois, la jeune femme t'obéit. « Les deux hommes dont je t'ai parlé. Je ne les vois plus. » Si ça ne tenait qu'à toi, tu aurais déjà un sourire au coin des lèvres, triomphant. Mais tu n'en fais rien parce que tu vois que derrière son masque, Aisling souffre beaucoup. Et une personne extérieure ne le verrait sans doute pas mais toi si. Parce que tu la connais cette jeune femme au regard azur dans lequel tu pourrais te noyer. Oui, tu as l'impression de connaître chaque facette de son âme et de son corps. Et d'une certaine manière, c'est un accomplissement dont tu es fier. « Je t'avais dit qu'ils ne te méritaient pas. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Demandes-tu, en prenant soin de garder un air détaché, comme si cette situation ne t'enchantait pas tant que ça. Au fond, tu es persuadé que c'est eux qui ont merdé dans l'histoire. Pas elle. Parce qu'à tes yeux, Aisling ne peut pas être la méchante. Le méchant, ça a toujours été toi.

Aisling leva les yeux vers le regard dur de Ciàran en entendant ses mots. Elle se mordit l'intérieur de la joue, tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, c'est ça ? C'était peut-être ce qu'elle aurait dû faire, parce qu'elle savait bien que ce genre de remarque était quelque chose qu'il n'appréciait pas. Elle détourna le regard, loin de chercher l'affrontement.

-Toi c'est pas pareil. T'as pas les mêmes valeurs que le commun des mortels Ciàran.

Et c'était relativement indéniable. Mais la blonde était loin de lui faire un reproche. Ces valeurs hors du commun lui permettait de l'apprécier et même si par moment elle avait comprit qu'il valait mieux pour sa santé qu'elle s'éloigne de lui, elle savait maintenant qu'elle tenait bien trop à lui pour ça.

Bon gré, malgré, la blonde avait fini par se confier. Elle avait un peu de la réaction de Ciàran, vis à vis d'elle et vis à vis d'eux. Peur qu'il se fâche, peur qu'il soit heureux, aussi. Elle ne voulait pas qu'il le soit, pas tout de suite, pas alors qu'elle avait déjà atteint le fond de son trou.

-C'est de ma faute.


Elle n'avait pas pu s'empêcher de commencer par ça. Les yeux baissés, elle avait remonter les genoux, posant son menton dessus, tenant toujours la main de Ciàran dans la sienne.

-Je crois que Perry n'a pas vraiment apprécier constater qu'il était loin d'avoir l'exclusivité, et Chase... J'ai pas vraiment bien réagit quand il m'a dit qu'il s'attachait.


Elle aurait peut-être dû lui mentir, trouver une vérité qui l'arrangerait mieux mais elle n'en avait pas le courage, pas avec les litres d'alcool qu'elle avait ingéré, pas avec le chaos qui régnait à l'extérieur et auquel elle jeta un léger coup d’œil.

« Toi c'est pas pareil. T'as pas les mêmes valeurs que le commun des mortels Ciàran. » Tu es bien obligé d'hocher la tête, avouant par la même occasion, qu'Aisling a raison. Certes, tu n'es pas comme tout le monde et tu as une philosophie de vie bien à toi. Mais ça ne t'empêche pas de voir à quel point la jeune femme a de la valeur que ça soit à tes yeux ou aux yeux d'autres personnes. Il n'y a qu'à voir le nombre d'hommes qui lui tournent autour pour s'en rendre compte. Mais sans que tu ne saches réellement pourquoi, Aisling n'est pas prête à l'admettre. Et c'est comme cela depuis que tu la connais. « C'est pas faux mais c'est pour ça que tu m'aimes, non ? » Demandes-tu, taquin. La jolie blonde ne t'a jamais clairement dit qu'elle t'appréciait de n'importe quelle manière qu'il soit. Toi non plus, d'ailleurs. Ce ne sont pas des choses que vous dites facilement, tous les deux, et vous ne vous le direz sans doute jamais. Bien trop orgueilleux et renfermés pour ça. Tu poses finalement la question qui te brûle les lèvres depuis ton arrivée ; qu'est-ce qui ne va pas chez elle ? Et bien vite et pour ton plus grand plaisir, tu as la réponse. « C'est de ma faute. » Aisling baisse la tête et ne remarque donc pas que tu lèves les yeux au ciel, encore une fois. Mais tu ne le lui fais pas remarquer, préférant la laisser continuer ses explications. « Je crois que Perry n'a pas vraiment apprécier constater qu'il était loin d'avoir l'exclusivité, et Chase... J'ai pas vraiment bien réagit quand il m'a dit qu'il s'attachait. » Tu fronces les sourcils lorsque tu vois la jeune femme te jeter un léger coup d'oeil. A croire qu'elle a peur de n'importe laquelle de tes réactions. Oui, tu peux réagir excessivement mais devant son état, tu ne parviens pas à te montrer trop dur avec Megane. Tu soupires, avant de prendre la parole : « C'est normal pour Perry, moi-même je déteste l'idée qu'un autre homme te touche. Alors lui, qui est sans doute amoureux, tu dois le comprendre, non ? » Avoues-tu, sincèrement. C'est bien la première fois que tu lui fais une telle confidence et tu ne sais pas réellement pourquoi mais tu le fais. Peu importe les conséquences. « Et pour Chase je ne suis pas étonné qu'il s'attache. C'est impossible de ne pas le faire mais il n'y a que toi pour ne pas le remarquer. Qu'est-ce que tu lui as dit ? » Ajoutes-tu, finalement en haussant les épaules. Même si tu ne supportes pas très bien le fait qu'Aisling ait d'autres hommes dans sa vie, tu vois à quel point cette situation la ronge. Alors, tu finis par ajouter, sur le ton de la plaisanterie : « C'est dommage, tu devras finir tes vieux jours avec moi. » Au fond, tu espères mieux pour elle. Parce que finir sa vie à tes côtés est loin d'être la vie rêvée qu'une femme puisse avoir.

Le mot amour était un peu tabou dans le langage d'Aisling en ce moment, et ce même si on l'employait sur le ton de la plaisanterie. Néanmoins, elle finit par lever ses yeux bleus vers lui, tentant de lui esquisser un sourire. Elle ne voulait pas qu'il s'inquiète encore plus.

-Entre autre.

Elle était dépendante de lui pour bien trop de choses. Ca lui donnerait certainement le tournis de les lister alors elle préférait ne même pas y penser.
Amoureux ? Non, Perry n'était pas ça, enfin... Elle n'en avait aucune idée. C'était lui qui avait voulu qu'ils soient un peu plus que des gens qui se voyaient de temps en temps pour baiser. C'était à cause de lui qu'ils en était arrivés là mais à aucun moment il ne lui avait dit qu'il l'aimait. Elle par contre, elle se souvenait bien avoir voulu prononcer ces mots pour l'empêcher de partir, mais ils étaient restés coincer dans sa gorge, de peur que ce ne soit pas réciproque. Que Ciàran n'apprécie pas que d'autres hommes la touche n'avait rien d'une révélation, il avait toujours été comme ça et elle vivait avec. De toute façon, elle n'aimait pas non plus qu'il soit touché pas d'autres femmes, même si elle était beaucoup moins expressive que lui sur la question. Néanmoins, la réaction de Ciàran l'étonnait. Habituellement ils parlaient peu de sentiment et de tout ce qui y ressemblait de prés ou de loin mais visiblement aujourd'hui il avait décidé de briser une première couche de glace.

-Je le comprends parce que je n'aime pas ça non plus. Je l'ai vu draguer un homme dans un bar une fois et j'étais jalouse... J'ai pas l'habitude de ça. Je peux pas gérer.

Allant de surprise en surprise, cette fois il s'attaqua au cas de Chase. Elle se mordit la lèvre alors qu'il lui disait qu'il était impossible de ne pas s'attacher. Il racontait vraiment n'importe quoi, tout ça c'était de la folie c'était... C'était juste elle qui jouait avec les sentiments des autres, qui blessait, montre qu'elle pouvait être.

-Je sais plus, je crois que je lui ai dit de sortir.

La blonde finit par monter une main contre sa joue, essuyant une larme qui couler avant de la mettre dans ses cheveux. Cette scène était tellement floue, elle s'était sentie tellement stupide. Ca non plus elle ne savait pas le gérer.
Alors qu'il essaye de détendre l'atmosphère, Aisling finit par lever les yeux vers lui, approchant ses lèvres des siennes pour les séquestrer pendant quelques secondes, glissant une main contre sa nuque.

Pour toi aussi, l'amour a toujours été un sujet tabou. Tu n'as même jamais dit "je t'aime" à qui que ce soit. Pas même à ta mère et pourtant, tu l'as regretté une fois qu'il était trop tard. Néanmoins, ça ne t'empêche pas de garder tes sentiments isolés et rien que pour toi. Avouer tout sentiments serait un signe de faiblesse, à tes yeux, alors tu ne dis rien. Tu ne fais que parler de tout ça sur le ton de l'humeur, c'est bien plus simple. « Entre autre. » Tu souris, sincèrement, appréciant qu'Aisling le reconnaisse. Même si elle aussi, elle a beaucoup de mal à dire ce qu'elle ressent. C'est sans doute pour cela que vous vous entendez si bien et que vous êtes si liés. Si fusionnels. Tu avoues finalement à la jeune femme que tu peux comprendre la démarche des deux "hommes de sa vie". Tu peux comprendre leur point de vue même si ça t'écorche la gueule d'avouer qu'ils ont raison. Et en passant, tu lui fais bien comprendre que tu n'aimes pas ces relations charnels qu'elle partage avec eux. Mais tu n'as pas ton mot à dire, de toute façon. « Je le comprends parce que je n'aime pas ça non plus. Je l'ai vu draguer un homme dans un bar une fois et j'étais jalouse... J'ai pas l'habitude de ça. Je peux pas gérer. » Jalouse n'est pas une caractéristique commune chez Megane. Bien au contraire. Lorsqu'on est jaloux c'est qu'on aime. Et habituellement, la jeune femme est comme toi, elle fuit tout sentiment. Ce qui te fait comprendre qu'elle aime Perry plus qu'elle ne le devrait. Et sans doute bien plus qu'elle ne t'aime toi. Et au fond, ça fait mal. Mais tu ne le montreras pas, comme toujours. « C'est parce que tu l'aimes. » Affirmes-tu d'un son et franc. Tu ne poses même pas la question connaissant déjà la réponse. Même si Aisling sera sans doute trop orgueilleuse pour l'avouer. Ou tout simplement parce qu'elle aurait peur de ses sentiments. Mais toi, tu le sais, tu la connais trop bien. Tu l'interroges finalement sur ce Chase qui t'inspire bien moins que Perry sans réellement savoir pourquoi. « Je sais plus, je crois que je lui ai dit de sortir. » Charmant, penses-tu. Et avant que tu ne puisses répondre, tu sens la main de la jolie blonde se poser contre ta joue et ses lèvres se blottir contre les tiennes. Ce à quoi tu réponds sans plus tarder, sentant votre baiser enflammer ton propre corps. Tu ne contrôles plus ce que te procures Aisling. C'est bien trop fort, bien trop sincère. Et ça, ça te fait peur. Tu te retires finalement doucement de ses lèvres, plongeant ton regard au plus profond du sien, posant une main sur sa cuisse. « Fichu tremblement de terre. » Dis-tu en faisant référence au fait que s'il n'y avait pas tout ce bordel autour de vous, Aisling serait déjà nue.

Aisling n’était pas vraiment préparée à parler de la situation, et encore moins de ses sentiments à Ciàran. Ce n’était pas lui qu’elle se confiait en temps normal. Mais aujourd’hui il était là, et c’était la fin du monde alors plus rien n’avait d’importance. Non, vraiment plus rien. A son affirmation, elle baissa les yeux. Toute bouleversée qu’il le dise, que ça puisse franchir les lèvres de quelqu’un. Ça devenait réel, non ce n’était pas ce qu’elle voulait…

-Comment est-ce que tu peux dire ça aussi calmement ?

Aisling avait calé son menton sur ses genoux, des larmes commençant à se frayer un chemin sur ses joues, lentement mais sûrement.

-A ta place j’aurais été hors de moi.

Rien que l’idée qu’il puisse aimer quelqu’un la rendait malheureuse et pourtant il n’y avait jamais eu de contrat de ce type entre eux, de contrat d’exclusivité, de contrat qui parlait de sentiment, non, rien de ça. Mais elle serait incroyablement jalouse s’il tombait amoureux de quelqu’un.
La blonde était rarement celle qui initiait l’action, sauf à quelques occasions particulières. Mais là c’était plus fort qu’elle, elle avait besoin d’être rassurée, besoin d’être contre lui, besoin de sentir qu’il était là et qu’il serait toujours là. C’était indescriptible. Alors que leurs lèvres se quittaient et qu’il plongeait son regard dans le sien, elle ressentit un vif frisson, accentué par la main sur sa cuisse. Geste auquel elle répondit par un léger sourire. Elle n’avait pas vraiment l’intention que ça dégénère. Il était si facile de se perdre dans le regard de Ciàran, surtout quand il arborait ses yeux là. Doucement, elle vint caler sa tête contre son épaule avant de glisser son souffle chaud jusqu’à son cou, tout près de son oreille.

-J’ai besoin de toi.

Les fois où elle l’avait avoué dans sa vie se comptait sur les doigts d’une main, si tenté que ce soit déjà arrivé un jour. Mais dans cette situation de crise elle devait se rendre à l’évidence. Personne ne la comprenait mieux que Ciàran, sûrement parce que personne ne la connaissait mieux que lui.
Un nouveau bruit, quelque chose qui tremble, quelque chose qui s’écrase, pas sur eux fort heureusement mais ça a pour effet de faire se blottir Aisling un peu plus contre Ciàran. Elle ne veut pas tourner la tête, voir ce qu’il s’est passé, elle a bien trop peur de ce que ça pourrait être.

« Comment est-ce que tu peux dire ça aussi calmement ? A ta place j’aurais été hors de moi. » Tu réfléchis un moment à la question, te perdant dans tes pensées. En réalité, tu ne sais pas comment tu fais pour te montrer aussi froid et distant avec Aisling. À l'intérieur, tu as juste envie d'aller frapper Perry jusqu'à ce qu'il ne puisse même plus toucher la jeune femme. Plus jamais. Mais l'avouer serait avouer que tu ressens plus de sentiments que tu ne le penses pour Aisling et ça, c'est hors de question. Tu ne peux pas tomber amoureux de cette chevelure blonde et de ce regard à la fois pure et incandescent parce que tu l'exposerais à ce gros bordel qu'est ta vie. Alors, tu préfères ne rien montrer et lui faire croire que ça ne t'atteint pas. Mais là, tu n'as pas le courage de lui mentir, pas cette fois. « Je suis hors de moi. Mais je t'ai promis de ne pas leur faire de mal. Et au fond, même si je déteste l'idée qu'un autre homme puisse profiter de ton corps chaque jour de sa vie, au moins, tu m'oublierais. Et ce serait mieux comme ça du moins pour toi. » Affirmes-tu, ton regard blottit au plus profond du sien. Tu ne sais pas si tu t'es déjà montré aussi sincère une fois dans ta vie. Et encore moins avec Aisling. Mais elle a besoin d'entendre les choses et au fond, toi aussi, tu as besoin de les dire à haute voix pour les rendre réelles. Lorsque la jeune femme vient se blottir contre toi, tu ne peux repousser son geste. Est-ce parce que vous vous trouvez dans une situation désespérante à cause de cette fin du monde ? Ou est-ce tout simplement parce que tu en as envie ? Tu n'en sais rien mais en tout cas, tu prolonges cette étreinte, caressant de la main son visage. « J’ai besoin de toi. » Tu souris, ironiquement, sans même qu'Aisling puisse le voir. Pourquoi ? Parce que ce qu'elle ne comprend pas, c'est que c'est toi qui a besoin d'elle. Tu as besoin d'Aisling dans ta vie plus que n'importe quoi d'autre mais tu es incapable de lui dire ou même de lui faire comprendre. C'est elle qui régule ton existence et qui la rend moins tragique et moins triste. Mais la jeune femme n'en a pas conscience et tu trouves ça dingue. Dingue qu'elle ne voit pas à quel point elle te change... en bien. « Arrête de dire n'importe quoi. Tu étais bien mieux avant que je revienne. » Réponds-tu, sûr de toi. Alors que tu prononces ces mots, tu entends quelque chose s'écraser non loin de vous. Tu tournes violemment la tête et vois quelqu'un en dessous. Trop tard, tu ne peux rien faire pour cette personne mais toi, tout ce à quoi tu penses, là, tout de suite, c'est protéger Aisling de cette vision d'horreur. « Tu connais bien l'université ? Je pense qu'on devrait peut-être bouger d'ici, ça ne semble plus très solide. »

Le regard d'Aisling scruta quelques instants le sien. Elle ne savait pas trop ce qu'elle y cherchait. Peut-être une trace du mensonge. Elle n'aurait pas pensé une seule seconde qu'il veuille l'éloigner de lui et ça lui faisait peur, ne serait-ce que le fait qu'il y pense. Inconsciemment elle s'était davantage blottie contre lui avant de baisser les yeux, essayant d'intégrer ce qu'il venait de lui dire. Qu'il était jaloux, ça elle le savait déjà. Qu'il lui dise ouvertement c'était déjà autre chose, en général il lui faisait juste comprendre.

-J'espérais à peine que tu respectes cette promesse.

Elle n'allait pas lui mentir. Elle le connaissait colérique et impulsif. Elle se doutait que si un jour il les croisait, ce qui elle l'espérait n'arriverait jamais, il ne pourrait pas s'empêcher de les bousculer au moins un peu.

-Et je ne pense pas que ce soit possible, que je t'oublie.

On disait toujours qu'on n'oubliait jamais son premier amour, et si entre Ciàran et elle ce n'était pas de l'amour, c'était tout de même trop fort pour qu'elle se contente de passer au-dessus. Ce n'était pas une histoire de première fois romantique ou ce genre de chose, parce que sa première fois était loin d'être romantique, et ça lui allait très bien. Certaines filles voulaient le faire avec l'amour de leur vie, enfin, de leur vie du moment. Ou avec le capitaine de l'équipe de basket, mais ça c'était plutôt dans les séries. Elle, à ce moment là, elle avait choisi sa vie, il lui manquait juste l'amour.

Blottie dans ses bras, les yeux fermés, elle le laissa caresser sa joue non sans ressentir un certain frisson. Ce geste était inhabituel chez Ciàran, et il était tout aussi inhabituel qu'Aisling apprécie ce genre de choses. Mais aujourd'hui elle avait besoin d'être rassurée, cajolée même parce qu'elle ne savait plus où elle en était. Elle allait répondre, protester à ses mots mais quelque chose tomba dans un bruit assourdissant, déstabilisant totalement la blonde. A sa question, elle hocha la tête positivement, se levant de leur cachette pour se diriger vers l'intérieur des bâtiments. En se retournant, Aisling aperçu la victime. Comme paralysée, elle fut incapable de bouger pendant quelques secondes. Elle ne pouvait rien faire, rien, c'était déjà trop tard. Ca pourrait être n'importe qui, quelqu'un qu'elle connaissait, qu'elle appréciait, comme un parfait inconnu. Quelque chose, enfin, la fit bouger. En courant, elle se rendit jusque dans le hall avant de regarder un peu autour d'elle sans savoir où aller. Enfin, ses yeux se posèrent sur Ciàran. Elle se ne souvenait pas quand est-ce qu'elle avait eu aussi peur pour la dernière fois.

-Si tu n'étais pas parti, j'aurais moins souffert.

Ses paroles lui étaient revenues en mémoire et, même si elle n'avait pas su comment prendre son retour, maintenant elle se rendait compte de toutes les conneries qu'elle avait faites durant son absence.