Everything is gonna be alright (Thiago)

Cinq heures. Cinq heures déjà que la ville entière est plongée dans le chaos. Cinq heures passées à fuir la réalité, à essayer de se dire que non, rien de tout cela n'a pu réellement arriver. La terre qui prend vie, le sol qui se sépare en deux comme si l'enfer s'ouvrait en face d'eux, prêt à les engloutir tous. Heureusement pour lui, Ezra n'a pas subi trop de dommages contrairement à certains dehors, encore là-bas. Il a du sang séché sur la tempe, sa chemise en déchiré et sale, mais il n'a pas encore eu l'occasion d'aller se changer. L'eau ne coule plus, les lumières ne s'allument plus, et il a été forcé de remplir sa maison encore intacte de bougies qui font danser les ombres des objets partout autour de lui. Ezra est assis sur le sol, devant son canapé. Dans ses bras, Lana tremble. Elle pousse des petits gémissements qui brisent le coeur de son maître. Elle semble si innocente, et si effrayée. Elle ressent la peur d'Ezra, son incompréhension, son sentiment d'incapacité. Lui, il a le regard perdu dans le vide. Il écoute les bruits de dehors, les alarmes des voitures, les gens qui pleurent d'avoir perdu un ou plusieurs proches. Il a l'impression qu'en lui, son âme s'est envolée. Il n'est plus qu'un corps, un tas de muscles fatigués qui n'a plus envie de bouger. Alors que sa main caresse machinalement la tête du chiot, des coups rapides à sa porte d'entrée attirent son attention vers le hall. Il fronce les sourcils. Sans dire un mot, il se lève en forçant Lana à quitter sa place, puis marche silencieusement jusque là. En ouvrant, son visage se décompose petit à petit. « Thiago. » Il a prononcé son prénom dans un murmure presque imperceptible. Elle est là, devant lui, vivante. N'y croyant pas, Ezra se doit de la prendre dans ses bras pour vérifier qu'elle n'est pas qu'un mirage.

Cinq heures depuis que la ville est dans ce chaos. J’étais dans mon hôtel tranquillement à faire du yoga... En fait, j’étais dans mon hôtel à Sydney puisque c’était où tout se déroulait. Les premiers essayages pour les maillots et tout le reste. On testait le poul de cette nouvelle campagne quand ma patronne entrait en trombe dans l’endroit où j’étais. À voir son regard, rien n’était bon. « Thiago? Veux-tu vérifier que ta sœur va bien? » « Hier, elle se portait bien. C’est Ezie... » ricanais-je doucement alors que je savais pertinemment que tout allait bien. Camille me regardait avec ce regard trop sérieux dont elle seule avait le secret... « Quoi? Elle a téléphoné? » dis-je inquiète. « Il y a eu un séisme à Bowen. » « QUOI? » « On reprendra la préparation la semaine prochaine. » Avait dit Camille alors que mon téléphone était maintenant le centre de mon attention. Après m’être assurée qu’Ezekielle était toujours en vie. Je savais ce qui se passait, c’était plus fort que moi. « Commande moi un billet pour Bowen, maintenant. Fais ce que tu dois faire, mais je le veux maintenant. »

Je préparais mon sac à dos en vitesse grand V et j’étais partie une heure au maximum après. Trois heures plus tard, mon avion attérissait à Bowen et je me précipitais. C’était déjà le pur chaos. J’avais couru jusque chez Ezra parce que moi, j’allais bien. Je cognais à répétition sur la porte, le cœur battant. La porte s’ouvre et je lui saute dans les bras rapidement en le serrant dans mes bras. « Dieu merci. » soufflais-je en le serrant un peu plus fort. Après avoir repris plus ou moins mes esprits, je le regardais droit dans les yeux pendant un court, mais fort moment. Je l’embrassais soudainement en le serrant de nouveau contre moi. J’ai eu peur. Très peur. Je tremblais entre ses bras, mes jambes devenaient comme de la guimauve.  

Il est soulagé de la voir. Quand il a senti les murs de la bibliothèque trembler, Ezra s'est empêché de sortir du bâtiment pour comprendre ce qu'il se passait là dehors. Il a vu la panique, la peur dans le regard des gens, et plutôt que d'aider, il a fui. Il a préféré se cacher dans un endroit qui lui paraissait éloigné du danger des secousses, sa propre maison. Sauf qu'évidemment, il ne sait pas qui est blessé, ou même mort. La première personne a qui il a pensé, ça a été Thiago. Il ne savait pas qu'elle était hors de la ville justement aujourd'hui, il l'imaginait déjà coincée sous un tas de pierres, les jambes broyées, et il s'en est rongé les ongles jusqu'à sang. La voir là, ça lui fait l'effet d'un poids qui s'envole de ses épaules. Sa gorge se serre, mais il se retient de laisser les larmes couler sur ses joues. Il ne peut pas craquer, pas devant elle. Dans sa poitrine, son coeur explose. Il la serre contre lui, enfouit son visage dans ses doux cheveux qui sentent merveilleusement bon. Il profite de sa présence, savoure le fait de la voir saine et sauve. Il y a tant de monde pour qui il pourrait encore s'inquiéter, mais Ezra préfère d'abord être heureux qu'elle en particulier soit toujours là. Lui aussi recule son visage pour la regarder et, étrangement, ce baiser ne le surprend pas autant que ça l'aurait fait en temps normal. Il ferme les yeux, se laisse aller, puis pose ses mains sur les joues de Thiago avant de ré-ouvrir petit à petit ses paupières. « Entre. » Il la relâche, se décale un peu pour qu'elle puisse rentrer, puis regarde dehors quelques secondes la pagaille qu'à crée le tremblement de terre. Il en a le ventre noué. Une fois à l'intérieur, Ezra attrape la main de Thiago et l'emmène jusqu'au canapé du salon pour s'y installer. « Je crois que tu réalises même pas à quel point je suis content de te voir, » dit-il en se mordant la lèvre inférieur.

Il me serrait doucement contre lui et moi je l’étouffais presque. J’avais eu peur, si peur. Être loin, c’est l’enfer. C’est de vivre l’ignorance que je ne vis pas très bien. Le baiser partagé me fait pétiller. Ses mains sur mes joues que j’attrape pour les serrer doucement, m’assurer qu’il soit bien réel. « Entre. » Je hochais la tête et je m’exécute alors qu’il s’éloigne légèrement. Je l’attendais en me tassant légèrement, comme si je n’étais pas au bon endroit. Il attrapait ma main et m’emmenait vers le fauteuil où je m’assoyais en tailleur. « Je crois que tu réalises même pas à quel point je suis content de te voir. » Je lui faisais un grand sourire en rattrapant sa main. « C’est moi qui est contente de te voir. J’avais peur de te retrouver sous un tas de décombres. » avouais-je un peu gênée alors que je réalisais que quelques instants plus tôt, j’avais posé mes lèvres sur les siennes. Je rougissais un peu alors que mon regard se relevait vers le sien jusqu’à ce que le chien sur le sol monte sur le canapé. Je l’attrapais doucement pour la tirer vers moi, la serrer puis la caresser. « Shhhh. » susurrais-je au canin qui gémissait doucement. « Tout va bien, Lana. » lui dis-je alors que je relevais le regard vers son maître. « Tu crois qu’on pourrait aller aider des gens? » lui demandais-je en me demandant s’ils accepteraient de l’aide de notre part. Néanmoins, c’était Lana la plus importante à l’heure actuelle. Lana et mon aînée pour qui je me rongeais intérieurement... « J'ai peur pour ma soeur. » confiais-je.  

Cette histoire le perturbe, le chamboule, le fait agir comme si il n'était plus lui-même. La fin de Bowen, la fin de l'Australie, ou carrément la fin du monde ? Ezra n'a pas peur, il n'arrive d'ailleurs pas à mettre de mot sur ce qu'il ressent actuellement. Un mélange d'incompréhension, de colère contre l'injustice du monde, et un sentiment d'inutilité encore plus grand que d'habitude. Sauf que voir Thiago devant lui, aussi effrayée qu'un petit oiseau égaré, ça lui donne l'impression qu'il peut au moins faire quelque chose de positif pour une fois dans sa vie. Être là pour elle, la protéger. Ce n'est que quelques secondes après ce fameux baiser que le cerveau d'Ezraël semble se remettre en marche, et qu'il réalise enfin ce qu'il vient de se passer. Mal à l'aise, il baisse les yeux et se mordille nerveusement la lèvre. « J'ai eu de la chance, contrairement à certains. » Les images sont encore encrées dans sa tête, la vision de plusieurs personnes essayant de s'échapper de cette apocalypse. Puis lui, ne faisant rien, fuyant comme le lâche qu'il est. Il regarde Lana se blottir contre Thiago alors qu'un noeud lui noue la gorge. La question de Thiago lui fait lever les yeux vers elle quelques secondes avant qu'il ne se perde une nouvelle fois dans la contemplation du vide. « J'en sais rien, » soupire-t-il. « Je vois pas vraiment ce qu'on pourrait faire. Je suis pas médecin, toi non plus, alors à part les faire paniquer encore plus on ne servirait à rien. » Il plante finalement son regard dans celui de Thiago. « Et puis, c'est dangereux là-dehors. » Il n'a pas envie qu'elle soit blessée. Il préfère la savoir ici, en sécurité, au chaud. Quand elle parle d'Ezekielle, Ezra hoche silencieusement la tête. « Tu as essayé de l'appeler ? » demande-t-il, même si il sait très bien que la réponse sera "oui". Il est nerveux, il ne sait quoi lui dire pour la rassurer.

« J’ai eu de la chance, contrairement à certains. » Je hochais la tête positivement, il avait bien raison. J’avais vu des drames avant d’arriver, des familles déconstruites, des amis en larmes et presque en sang. Des gens sans conscience sur le sol, du personnel médical qui ne sait plus où donner de la tête. À mon envie d’aller aider les gens, il me dit qu’il ignore tout ça, que nous n’avions pas de formation. « Les premiers soins, sauver des gens des trucs qui sont tombés... Réclamer du personnel médical pour les réelles urgences. » dis-je en le regardant les grands yeux, plein de bonnes volontés. On ne servirait à rien selon lui et c’était dangereux. Mes épaules dressées se rebaissaient comme par déception. Comme si j’espérais un peu trouver ma sœur de cette façon. Ezra ne tardait pas à me demander si j’avais essayé de l’appeler. J’avais hoché la tête positivement, j’avais même envoyé un texto. Un peu mal à l’aise je soupirais doucement. « Je pense que je vais lui envoyer un courriel. » lui dis-je en caressant le chien d’une main et de l’autre, je me jetais dans l’écriture d’un courriel à ma sœur lui disant de me contacter ASAP pour me confirmer qu’elle était vivante. J’envoyais mes cheveux vers l’arrière en tremblant malgré moi sous le regard du chien qui semblait soudainement bien triste. Je voulais dire que j’avais peur, mais il le savait déjà. Ça n’aurait été que répéter ce que je savais déjà. Je me mordillais les lèvres. Je relevais le regard vers lui alors que mes yeux s’embuaient d’eau. « J’le supporterai pas s’il lui est arrivé quoi que ce soit. » admis-je ouvertement à Ezraël. J’admettais moins ouvertement que s’il lui était arrivé quelque chose, à lui, je serais devenue folle. « On fait quoi? » demandais-je à mon ami, mes iris bruns rivés vers les siens. Je n’avais aucune envie d’écouter un film ou une série, aucune envie de faire du yoga. Puis, je tentais de me ressaisir alors que j’étais en position faible. « T’as faim? T’as mangé? » demandais-je en me levant d’un bond, faisant presque sursauter Lana du même coup. Je l’attrapais sous le bras et je me dirigeais vers la cuisine en regardant les armoires une à une en me demandant ce que je pouvais bien cuisiner en sachant qu’Ezraël n’avait pas encore répondu à la question posée.
 

Voir le monde s'écrouler devant ses yeux l'a fait se sentir encore plus inutile que d'ordinaire. Il a été incapable d'aider, incapable de sauver une vie, ou d'au moins éviter à quelqu'un d'être blessé. Les tourments par rapport à toutes ces vies perdues rongent Ezra de l'intérieur, et cela se voit à ses yeux perdus dans le vide. Il essaie de se concentrer sur Thiago, sur sa soeur dont elle n'a pas de nouvelle, sauf qu'il ne peut s'empêcher de ressentir cette douleur égoïste qui brûle en lui et qui l'empêche d'être totalement concentré. Il se dit que la vie n'est pas juste, il se demande pourquoi lui aurait le droit de vivre plus qu'une autre personne. « Oui, fais ça, » dit-il en se perdant dans ses pensées pendant qu'elle commence déjà à écrire son courriel. Lui, il garde le regard rivé sur le sol. Ses doigts jouent nerveusement avec le tissu du canapé avant de venir tapoter le portable dans sa poche. Il ne peut s'empêcher de penser à des personnes comme Lou, Freja, ou encore Devan. Il espère que ce dernier est en vie et il aimerait l'appeler pour s'en assurer, mais Thiago le tire encore une fois de ses pensées en l'obligeant presque à se lever. Il titube une fois debout, manque de trébucher, mais finit par se redresser en la regardant faire d'un oeil curieux. « J'ai un peu l'estomac noué en fait. » Sauf qu'il n'arrive que trop bien à lire la détresse dans le regard de Thiago. Elle a besoin de se changer les idées, de faire quelques choses pour pouvoir ne plus penser à tout ça. Il finit par lui sourire. « Mais j'ai de quoi faire des pâtes carbo, si ça te dit. C'est pas vraiment un plat super gastronomique par contre. » Son sourire se transforme en rire léger, un peu forcé, mais qui veut la rassurer. Il sort quelques ingrédient du frigo puis se tourne vers Thiago. « Tu comptais.. faire quelque chose ce soir ? » demande-t-il timidement.

Il me supporte alors que je suis en train de lui envoyer un courriel. Ma dernière piste de solution, ma dernière chance de savoir ma sœur vivante après ce bon nombre de décès. Je tremble à la simple idée de la perdre. Puis, lorsque je relève mon regard vers lui, je le vois être nerveux, je le sens nerveux. Je préfère me diriger vers la cuisine où je me maîtriserai convenablement. Même le canin décide de me suivre. Ou plutôt je la force à me suivre. Ezraël me dit qu’il a l’estomac noué. Je hoche la tête positivement. « Moi aussi. » lui confiais-je en m’ouvrant doucement. J’ouvre le frigo à la recherche de légumes, de crème, de trucs déjà fait que je pourrais modifier. Je sors des trucs un peu dans le désordre comme si c’était le but de m’inspirer. Je me tourne vers lui lorsqu’il parle et je remarque son sourire du même coup. Il m’apaise et je me sens moins crispée. Je lui rends son sourire. « Les pâtes carbo c’est parfait, t’inquiètes pas pour ça. La haute gastronomie ne m’intéresse pas plus que ça. » Il devait le savoir après tout, on sortait de temps à autres et je pensais être assez simple avec les différents repas. Je regarde tout ce que j’ai sorti, puis je remarque quelques légumes sortis relativement inutilement. Je me demande ce qu’on peut en faire. « Avec des brocolis vapeur. » dis-je comme pour structurer mon plan mental. « Tu comptais... faire quelque chose ce soir? » J’arque un sourcil. « Des pâtes carbo avec des brocolis cuits à la vapeur ? » risquais-je alors que je m’étais déjà installée dans sa cuisine. Après tout, ma réponse était évidente! Non? J’avais pris une teinte plus rosée à sa question. Je sortais une planche à découper puis un couteau. « J’ai pas envie de te laisser seul, ce soir. Ni Lana, d’ailleurs. » confiais-je en baissant le regard vers le sol où la petite chienne grimpait une patte sur moi pour attirer mon attention. « On pourrait... Cuisiner des biscuits pour chiens? Je connais une recette maison qui peut être géniale. » Évidemment, le chien n’était que diversion après tout. Mais Lana m’aidait à ne pas discuter ce baiser, plus tôt donné. Lana m’aidait aussi à ne pas penser à ma sœur. Je commençais à couper les brocolis, puis l’oignon. J’allais même râper du fromage bientôt. Je mettais de l’eau dans un chaudron que je glissais sur le poêle et je partais la cuisinière. Mes yeux rivés vers les brocolis, je parlais enfin. « Je suis désolée pour... Enfin, tu sais pour quoi. » C’était encore délicat de parler du baiser... Il me donnait encore des frissons, mais si je n’en parlais pas, Ezra n’allait certainement pas l’aborder.
 

Enfin, il arrive à se concentrer sur elle. Il tente tant bien que mal de mettre de coté ses remords, ses pensées morbides par rapport aux personnes qu'il apprécie et qui pourraient être... mortes. Ezra se vide l'esprit au maximum. Il regarde Thiago, s'attarde sur ses longs cheveux blonds qui retombent dans ses dos et s'envolent dans les airs à chacun de ses mouvements. Il se focalise sur son regard effrayé, ressent le besoin qu'elle a de faire quelque chose pour s'occuper et ne plus penser elle non plus. Il veut l'aider. Il veut la soutenir, lui faire comprendre qu'elle n'est pas seule. Il ne veut plus la voir pleurer, il veut voir un sourire étirer ses jolies lèvres et ses joues se creuser en deux fossettes. Il voudrait la prendre dans ses bras, lui faire comprendre que même si le monde va mal, le leur se portera toujours bien. Il voudrait qu'elle soit heureuse, sa petite Thiago. Pourtant, il se sent incapable de faire quoi que ce soit. Ezra la regarde s'agiter dans tous les sens, sortir des légumes et autres condiments d'un air nerveux. Sa réponse à la question qu'il a posée quelques secondes plus tôt lui tire un sourire amusé. « Quel beau projet de soirée, » dit-il en essayant de détendre un minimum l'atmosphère. Il ne parlait pas vraiment de nourriture et s'apprête à lui dire, mais elle répond trop vite que pour qu'il ne puisse prendre la parole. Ses mots le font sourire, et il baisse le regard vers Lana quand elle l'évoque sans pour autant la regarder vraiment. Ezra se concentre toujours sur Thiago, sur ce qu'elle lui dit. Même en panique, elle reste la personne la plus gentille et la plus douce qu'il ne connaisse. « C'est moi le mec dans l'histoire, moi qui suis censé te protéger. » Son sourire s'étire un peu plus alors qu'il croise les bras contre son torse. Ezra n'a jamais vraiment été capable de tenir son rôle de protecteur. Il a toujours été faible, celui qu'on sauve avant qu'il ne se noie. Et pourtant, ce soir il aimerait inverser les rôles. Il veut montrer à Thiago qu'il n'est pas qu'un garçon lâche, sans courage. Il préférerait qu'elle se sente en sécurité ici, avec lui. « Tu la gâtes trop, » dit-il après qu'elle n'aie proposé de faire des biscuits pour son chiot. Et puis, alors qu'il s'avance vers elle pour l'aider à faire quelque chose, elle évoque ce qui a jusque là été évité. Le baiser. Même si il l'avait voulu, Ezra n'aurait pas pu l'oublier. Il y pensait lui aussi, mais il n'a pas osé en parler. Prenant son courage à deux mains, il se tourne vers elle et prend une de ses mains dans la sienne. Ezra plante son regard rempli de tendresse dans celui de Thiago. « Hey, sois pas désolée. Moi je le suis. Pour ta soeur, pour ce bordel qu'il y a autour de nous. Mais je veux que tu saches qu'ici tu ne crains rien, et que tu peux rester autant de temps que tu veux. » Il sourit. « Et puis, ça m'a pas vraiment dérangé. Que tu m'embrasses. » Cette fois, il baisse le regard et se met à rire doucement, nerveusement.

« Quel beau projet de soirée. » « Attends, je ne t’ai pas encore parlé de la vaisselle! » commentais-je en lui adressant un sourire taquin, allant même jusqu’à lui tirer la langue. Et puis, je parlais de son chien naïvement. « C’est moi le mec dans l’histoire, moi qui suis censé te protéger. » Je secoue la tête négativement.« C’est pas une histoire de sexe tout ça. » Je lui faisais un sourire, en bonne féministe que j’étais, le sexe ne m’importait que très peu lorsqu’il était question de réconfort. Comment exprimer le tout, maintenant? C’était la personne qui en avait besoin qui nécessitait d’être protégée et le reste n’avait que très peu d’importance. Et puis de toute façon, au final, c’était pour moi cacher mes faiblesses. Ma peur, mais Ezraël était lui aussi une des mes faiblesses. « Tu la gâtes trop. » Et avec un sourire enfantin, je m’abaissais sur le plancher et je prenais le petit chien en lui parlant comme on parle à un bébé. « Et toi, tu crois qu’on te gâte trop? » lui demandais-je en la caressant et lui donnant des bisous. « Tu crois que tu deviendras un gros chien? » Le chiot n’allait certainement pas me répondre... Je la redéposais sur le sol, je me lavais rapidement les mains pour me mettre à l’ouvrage, mais non. Ezra se tournait vers moi et prenait ma main. Son regard m’enivrait, me faisait frissonner. J’avais même la chair de poule qui se promenait sur moi, au fil de ses mots. Je ne devais pas être désolée, lui l’était. Je secouais la tête négativement. « Tu n’y es pour rien. À moins que tu aies des supers pouvoirs... Et encore. » Je lui faisais un petit sourire timide. Il me mettait néanmoins en confiance et je hochais la tête à son offre. Il commentait aussi le baiser en disant que ça ne lui avait pas vraiment dérangé, je souriais doucement. Un peu comme lorsqu’on se sent, une fois pardonné : timide, mais bien. Le cœur léger. Je caressais sa main doucement. « Ah non? » demandais-je naïvement en résistant à l’envie de lui demander s’il avait envie que je recommence. Je regardais autour de nous et j’allais me remettre à l’œuvre pour les pâtes. « Tu veux bien faire cuire les pâtes s’il-te-plaît ? » demandais-je donc gentiment alors que je m’affairais à faire revenir la viande avec l’oignon. Après tout, le brocoli reposait gentiment dans la marguerite et n’attendait que de bouillir. On aurait bientôt un véritable festin. Je regardais autour de moi et je me mettais à fouiller pour les ingrédients... Oui, ceux pour Lana. « Ça prend une banane, du beurre d’arachides, des flocons d‘avoine, du persil et de la farine de blé entier. » Je prenais naturellement le relais de la cuisinière pour qu’il me trouve les ingrédients nécessaires.  

Il rit de sa réponse, appréciant son humour malgré la situation. Petit à petit, Ezra arrive à se détendre. Il se sent plus à l'aise, il n'a plus peur, comme si la présence de Thiago agissait sur lui comme un calmant. Il la regarde se pencher vers Lana, son petit chiot qui semble elle aussi avoir retrouvé une joie de vivre qu'il lui connait très bien. Il aime tellement son chien, Ezra. Il pourrait s'occuper d'elle pendant des heures, jouer avec elle jusqu'au petit matin tant sa capacité à ne jamais être fatiguée l'amuse. Et puis, elle est adorable la petite. Avec ses grosses pattes rondes, sa truffe toute rose et sa couleur caramel. Pour rire, Ezra attrape les pattes avants de Lana puis leur faire battre l'air. « Nourris-moiiii, » dit-il en prenant une voix de bébé avant de rire doucement, se redressant pour faire face à Thiago. Il lui prend la main, sans trop savoir pourquoi, sans même s'en rendre compte tout de suite d'ailleurs. « Non malheureusement, je n'en ai pas, » Il garde sa main dans la sienne pendant quelques secondes, ressent la caresse de son pouce contre le dos de sa main telle comme une bulle de douceur qui les enveloppe tous les deux. Il la regarde pendant de longues secondes sans parler, profitant simplement du calme qui règne chez lui contrairement à dehors. Vient ensuite cette histoire d'échange de lèvres. Parler du baiser ne le met pas mal à l'aise, au contraire. Ça le fait justement sourire sans raison. À sa question, il se contente de secouer négativement la tête. Il ne sait pas quoi dire de plus, il n'a pas non plus envie de laisser sous-entendre que recommencer ne le dérangerait pas. Alors, il se focalise sur sa demande. Ezra lâche la main de Thiago et s'occupe des pâtes qu'il fait chauffer dans une grande casserole remplie d'eau. Il hoche la tête à chaque ingrédient qu'elle lui cite, les sortant un à un en peinant parfois pour se rappeler où il a bien pu les mettre. « Tu sais, si tu commences à faire du charme à son estomac, elle va vouloir que tu reviennes plus souvent ici. » Son regard jongle entre le chien et Thiago alors qu'il pose le beurre d'arachides sur le plan de travail.

Je le vois rire, sourire un peu même. Et ça m’apaise parce que je sais que j’dois pas me tracasser. De toute façon, je le sais : Ezekielle est encore en vie. Je la sens encore vivante. Mon détecteur de sœur est encore fonctionnel. Je me retourne vers le frigo et je vois Lana qui bouge les pattes, un peu comme une marionnette et la voix d’Ezra. « Nourris-moiiii. » « Avec plaisir! » Je m’approche du chien pour lui donner un bisou et je reçois une léchouille en retour. Sa main vient trouver la mienne et docilement, je la lui laisse. Ezra me confirme être un simple mortel et je hausse les épaules gentiment. « Ça va, de toute façon, on risque rien si on est deux humains! » Je lui tire la langue gentiment en sachant maintenant que le baiser ne l’avait pas effrayé. Pas trop, tout du moins. Je le mets sur le cas des pâtes alors que je m’occupe de trier les autres aliments. Les biscuits pour chiens prennent forme plus rapidement que notre repas, étrangement. « Tu sais, si tu commences à faire du charme à son estomac, elle va vouloir que tu reviennes plus souvent ici. » Je mélange tout, me retrouvant avec une pate que je mets sur une plaque et que je glisse au four. « 20 minutes et Lana pourra me supplier de revenir. Ou ce sera toi, je ne sais pas trop. » Je lui adresse un clin d’œil taquin et je me mets à concocter notre repas. Une vingtaine de minutes plus tard, je sors les biscuits, les pâtes sont presque prêtes. Tout concorde. « Il reste plus qu’à attendre que ça refroidisse. » Que je dis à Ezraël en m’approchant de lui. Je le tourne vers moi en lui tapant doucement sur l’épaule et je l’embrasse de nouveau. Avec plus d’assurance, cette fois. Je caresse sa joue et je me blottis dans ses bras rapidement. « Ça ne t’embête pas trop de recommencer? » lui demandais-je les joues rosées, les yeux pétillants gardant une certaine proximité, prête à recommencer à son signal.  

Des fois, Ezra aimerait avoir des super pouvoirs. Lui qui n'a jamais vraiment été capable de trouver sa place dans ce monde en tant qu'humain, il lui est arrivé de s'imaginer avec un quelconque don, pouvant sauver le monde entier et régler la misère du monde en un simple claquement de doigt. Enfin, il se sentirait utile, il n'aurait plus l'impression de n'être qu'une personne de trop sur cette Terre. Et pourtant, il n'est effectivement qu'un simple mortel. Banal, sans grand intérêt, du moins c'est ainsi qu'il s'est toujours vu. Il sourit à la réponse de Thiago sans rétorquer, baissant les yeux sur leur préparation. Plus ils passent de temps en cuisinant, et plus il commence à avoir faim. Lana aussi visiblement, l'odeur de ses gâteaux semblent déjà lui faire effet vu la façon qu'elle a de remuer frénétiquement la queue, tournant en rond à coté d'eux. Ce qu'elle lui dit ensuite le fait relever les yeux vers elle, et Ezra se met à sourire en se mordillant légèrement la lèvre. « Sûrement les deux, » répond-il en haussant innocemment les épaules. Après tout, Ezra apprécie beaucoup la présence de Thiago, il ne voit donc pas pour quelle raison il ne lui demanderait pas de venir à nouveau. Les cookies sortis du four le font presque saliver. Il se tenterait bien à un, mais Thiago ne lui en laisse pas le temps. Il sent son coeur s'emballer quand elle vient l'embrasser et, ne sachant pas quoi faire tout de suite, il reste bras ballants et souffle coupé. Sa question le fait sourire et rougir par la même occasion. « Au contraire, ça me plairait beaucoup. » Sans réfléchir plus longtemps, Ezra s'approche d'elle et vient déposer ses lèvres contre les siennes. Pour amplifier le baiser, il glisse une main dans sa nuque et l'autre au creux de ses reins pour venir coller son corps au sien. Il ne sait pas si ce qu'ils font est bien, il n'a plus vraiment la tête à penser à tout ça pour le moment. De toute façon, il n'a pas envie de s'arrêter. Il aime sentir la chaleur de son corps, la douceur de sa peau, pour rien au monde il ne voudrait être autre part.

« Surement les deux. » avait-il répondu alors que je riais doucement en tentant d’effacer les mauvaises pensées de mon esprit. Je souffle sur un cookie pour chien que je tends ensuite à Lana qui semble approuver cette recette. Je remercie le ciel pour ce genre d’astuce le temps de quelques secondes. Mes pensées négatives sont de plus en plus lointaines alors qu’Ezra prend à son tour les devants pour m’embrasser davantage. Est-ce à cause des gâteries pour le canin? Je m’assure que rien n’est sur le point de crâmer d’un œil. Puis sans retenue, je reprends les baisers et de fil en aiguille, on s’embrasse, on se caresse doucement. On ne dépasse jamais les limites, mais on s’amuse, on rit, on s’affectionne de longues heures durant. J’crois même qu’on s’est endormis sur le canapé les doigts entremêlés... On repassera une autre fois pour les pâtes!

FIN.