Told you I'll be here forever (Jax)

Tahlia avait pris une semaine de congés. Depuis le séisme, elle ne s'était pas arrêtée. La boulangerie de ses parents avait été grandement endommagée et elle n'avait pas vraiment eu le temps de passer du temps avec eux, pour sauver ce qu'il y avait à sauver. Toutes les unités de police avaient été réquisitionnées afin d'assurer la sécurité à Bowen. Elle avait donc enchaîné les heures sans le moindre répit. Jusqu'à ce que son corps lui dise stop. Son chef lui avait ordonné de s'arrêter. Pour une fois, elle l'avait écouté. Mais en vraie pile électrique qu'elle était, elle n'était pas restée à l'appartement, affalée sur le canapé. Au contraire, elle avait aidé ses parents à la boutique. Jusqu'à ce matin où son père s'était approché d'elle, le regard humide, muet comme une carpe, se contentant de serrer sa fille dans ses bras. Tahlia savait qu'il voyait sa vie entière partir en fumée. Cette boutique, c'était toute leur vie, c'était des années de sacrifice et de vie de famille mise de côté. Pourtant, ce matin, il semblait prendre du recul sur la situation et avait ordonné à Tahlia de profiter de sa journée. D'aller voir des amis. De se changer les idées. A cet instant elle se rendit compte qu'elle avait besoin de voir son meilleur ami. Elle n'avait pas revu Jackson depuis l'épisode au commissariat. Tahlia avait dû réparer les pots cassés et tenter de retrouver un peu de crédibilité auprès de certains collègues et de sa hiérarchie. Au fond, cela lui avait quand même profité parce qu'elle avait fini par retrouver Elliott, qui se trouvait être un grand soutien pour elle. C'était un mal pour un bien, finalement.

Après lui avoir passé un coup de fil, Jackson lui proposa de passer à l'atelier. Elle avait décidé d'y aller à pied afin de s'aérer l'esprit et de faire le point sur tout ce qu'il s'était passé depuis la dernière fois. Tahlia avait revu Tamsin, entre autre. Jackson ne savait pas qu'elle était au courant du retour de l'artiste prodigue. Tout comme elle ne savait pas que Jackson était aussi au courant du retour de Tamsin. Sur ce coup-là, la communication faisait défaut. Elle arriva enfin devant l'atelier et tapa à la porte. Après de longues secondes, elle prit la peine d'ouvrir et de passer la tête à travers l'encadrement de la porte. "Jax ?! C'est moi !" Elle prit l'autorisation d'entrer et d'avancer au sein de la grande pièce, encombrée par tout son matériel. Elle avança doucement, jetant un oeil sur les toiles, jusqu'à s'arrêter sur une grande toile. Tahlia se posa devant et se surprit à l'observer. La toile n'était pas encore terminée, mais elle avait attiré à son regard. Et pourtant, Tahlia faisait partie de ces personnes qui avaient du mal à trouver les significations cachées et véhiculées par l'art. Mais cette toile la laissa sans voix, éveillant en elle des sentiments étranges. Elle entendit des bruits de pas derrière elle. Elle ne prit pas la peine de se retourner parce qu'elle savait que c'était Jackson. Elle souffla doucement : "Jackson... Cette toile est magnifique !" On sentait l'émotion dans sa voix, preuve qu'elle avait réellement les nerfs à fleur de peau, ces derniers temps.
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Tahlia & Jackson

Jackson avait tenu parole et il n'en était pas peu fier. Il y avait cette monumentale toile dans son atelier, dont il ne savait pas encore vraiment comment il allait faire pour l'extraire d'ici ni pour la faire transporter, mais ça c'était une autre histoire, ce qu'il savait c'est qu'il l'avait pratiquement terminée, il restait quelques touches de couleurs ça et là à rajouter et le travail serait accompli, l'oeuvre achevée. Il avait eu cette commande de la part du maire de Bowen, une toile géante à accrocher dans le hall d'entrée du casino, il avait accepté comme on accepte un défi. Pourtant le travail ne l'inspirait pas, un tableau sur le thème de la ville, point. Lui qui ne peignait que des portraits. Il s'était creusé l'esprit durant des semaines, des mois, pour essayer de sortir de son travail habituel, il était allé sur les hauteurs de la ville pour s'en inspirer, comme Aisling lui avait conseillé. Et puis petit à petit il avait trouvé l'inspiration, Bowen by night dans les vapeurs de l'été, un tableau sombre et lumineux à la fois, loin de sa zone de confort pourtant on reconnaissait sa patte. Il avait presque achevé le travail et il en était satisfait, c'était la première vraie commande qu'on lui faisait, habituellement les gens achetaient ses œuvres après qu'elles eut été faites, juste parce qu'elles plaisaient, là c'était différent, c'était un défi et il l'avait relevé. Durant ces quelques mois il s'était prouvé à lui-même qu'il était capable de tenir parole et même son combat pour se sevrer de la drogue lui avait paru presque plus surmontable au fil du temps. Et puis la récompense en valait l'effort, celle-ci arriverait bientôt, une fois qu'il aurait rendu son travail et qu'on le paierait pour celui-ci. D'ailleurs Tahlia venait de l'appeler et il trépignait d'impatience de lui annoncer la nouvelle, il allait mettre une bouteille de champagne au frais, juste pour l'occasion. Et aussi parce qu'il était content de revoir sa meilleure amie. Voilà des semaines qu'ils ne s'étaient pas revu, pas depuis leurs retrouvailles au poste de police, lors de cette soirée peu reluisante. Ce soir Jackson comptait bien faire table rase de ce passé et aller de l'avant, tant de choses changeaient pour lui en ce moment, son travail, son état, sa vie en général et il ne voulait pas que Tahl soit mise de côté, c'était en partie à elle qu'il devait tout et ça il ne l'oubliait surtout pas. Après le coup de fil il prit la peine de faire le tour de ses placards pour voir s'il avait de quoi la recevoir correctement. Quelques chips, quelques gâteaux à picorer... La bouteille qu'il mit au freezer, ça n'était pas bien reluisant mais ça ferait l'affaire, au pire ils commanderaient des pizzas. Il passa devant un ancien tableau qu'il connaissait trop bien, sur lequel il avait passé des heures à jeter sa peine lorsque Tamsin était parti, il l'avait tenu loin de lui durant des années, jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à ce qu'il le ressorte de sa cachette poussiéreuse et qu'il lui redonne un peu d'éclat et quelques touches de couleur pour le rendre plus heureux... Parce que sa muse était de retour, depuis lors il l'avait laissé traîner, l'air de rien, dans son salon.
Il n'entendit pas qu'on pénétrait dans son antre, il devait clairement apprendre à fermer sa porte à clef, maintenant que ses œuvres valaient quelque choses, mais c'était un mauvais réflexe dont il n'arrivait pas à se dépêtrer. Alors qu'il retournait vers sa cuisine il remarqua la tête brune en pleine contemplation de sa grande toile. Il se cala contre une poutre métallique pour l'observer un instant jusqu'à ce qu'elle prenne la parole et puis qu'elle se retourne vers lui. Merci, c'est à cause d'elle que je ne sors plus d'ici depuis des jours ! Je dois la rendre pour la semaine prochaine. Il s'approcha d'elle et piqua une bise sur sa tempe. Comment tu vas Tahl ? Et tes parents ? Elle avait le regard brillait et les traits tirés, il savait pour le tremblement de terre, heureusement lui n'avait pas été touché mais il savait que la boutique de la famille Wates était en plein centre-ville.

Tahlia avait toujours été admirative du travail de Jackson, même si en temps normal, elle ne comprenait rien à l'art. La fée qui s'était penchée sur son berceau avait probablement oublié de lui donner une telle sensibilité. Pourtant, les toiles de Jax avaient toujours fini par la dérouter. Certains diraient qu'elle manquait d'objectivité parce qu'il était son meilleur ami et qu'elle ne pouvait qu'être derrière lui, mais Jackson commençait à se faire un nom dans le milieu. Cela rassurait donc Tahlia sur sa possible subjectivité. Mais cette toile, cette toile-là semblait marquer un tournant dans la carrière de Jackson. En s'éloignant - peut-être volontairement - de son ami, elle avait l'impression d'avoir raté un épisode. Pour une fois, elle n'avait pas été là et cela lui causa une certaine inquiétude. Il n'avait quand même pas replongé ?! Oui, Tahlia craignait toujours le pire. Le moindre changement éveillait un tas de soupçons chez la brunette et la faisait culpabiliser. Ce n'était pas un manque de confiance en lui, au contraire, c'était juste la peur de le voir perdre de nouveau une bataille contre un adversaire bien trop rude. Cette pensée la mina davantage, mais heureusement, l'arrivée de Jackson la fit sortir de ses pensées.

En se tournant vers lui, elle se surprit à l'observer attentivement, à le sonder de son regard perçant. L'inquiétude qu'elle avait ressenti quelques secondes auparavant sembla pourtant s'atténuer. Il avait bonne mine. Il avait, certes, quelques cernes mais cela ressemblait davantage à un manque de sommeil, qu'à un mauvais trip dû à l'héroïne. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme quand elle entendit les paroles de Jackson. Il devrait rendre cette toile la semaine prochaine. "La rendre ? Attends... C'est la toile que tu devais faire pour le Maire ?" Il lui en avait parlé brièvement. Elle se souvenait d'ailleurs du fait qu'il était complétement désorienté face à cette demande particulière. Parce que cela le changeait de ses habitudes. Cela le poussait à le sortir de sa zone de confort. Et au fond, Tahlia savait que c'était bénéfique pour Jax. C'était l'occasion de lui montrer ce qu'il valait et qu'il n'avait pas besoin de sa fichue drogue pour être inspiré, pour produire une telle merveille. Il fallait se rendre compte qu'il était un vrai artiste et non pas un pantin adroit de ses mains, manipulé par une drogue destructrice. C'était une belle opportunité. Alors qu'il s'approcha d'elle et qu'il l'embrassa sur la tempe, Tahlia se planta face à lui et l'étreignit un bref instant. Ce n'était pas dans leurs habitudes, puisque ces deux-là étaient aussi affectueux que des poissons rouges. Mais à cet instant, elle avait juste besoin de son meilleur ami, d'avoir un semblant de réconfort qui lui permettrait de se rebooster. Quand elle le relâcha, elle lui jeta un regard désolé, haussant légèrement les épaules : "Je vais bien. Mes parents, quant à eux, tiennent le coup, même s'ils ont vu tout le travail d'une vie partir en fumée en quelques secondes seulement. Je ne sais pas s'ils pourront rouvrir la boulangerie. Il y a eu pas mal de dégâts. Mais comme je n'arrête pas de le dire, on est encore là. D'autres n'ont pas eu cette chance." Il y avait eu des pertes et de nombreuses vies brisées. Pour Tahlia et sa famille, ce n'était que matériel. "Et toi, comment vas-tu ?"
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Tahlia & Jackson

Son regard qui le sondait, ces yeux qui cherchaient. Jackson savait parfaitement ce que Tahlia cherchait sur son visage, tout signe de rechute, un œil un peu vitreux, vide, une paupière qui tremble, un teint terreux ou huileux. Elle l'avait connu sous ses pires aspects, elle savait ce à quoi la défonce ressemblait. Et il ne pouvait pas lui en vouloir de se montrer prudente ou suspicieuse, pas après tout ce qu'ils avaient vécu par le passé. Mais il soutenait son regard, presque fier de se montrer sous un jour meilleur que ceux qu'elle avait vu de lui, parce qu'il était parfaitement clean et qu'on pouvait dire qu'il allait bien. Oui, celle-là même. Celle pour laquelle j'ai failli m'arracher les cheveux ! Dit-il en observant le tableau qui s'imposait à côté d'eux. Finalement il en était plutôt content, même s'il était parfaitement différent de son travail passé, il voulait bien admettre que ce fut une belle aventure que chercher à se dépasser. Il avait puisé dans des ressources qu'il ne pensait pas avoir, il avait fait des recherches, il avait douté, il en avait usé des pinceaux et fais des mélanges foireux, il en avait passé des nuits blanches à se dire qu'il n'aurait jamais du accepter, pour finalement se relever au milieu de la nuit et jeter des coups de pinceau rageurs... et de coup de pinceau en coup de pinceau, l'inspiration était venue. Il avait abattu un véritable travail de titan, même s'il ne le réalisait pas encore totalement. Il était allé au bout de son contrat et c'était la meilleure récompense, parce que quelques mois plus tôt il n'aurait jamais pu ne serait-ce qu'y songer.
Il s'était approché d'elle pour lui piquer ce bisou des plus affectueux, pour celui qui n'était absolument pas tactile, avant de s'inquiéter pour elle et sa famille. Elle l'étreignit doucement et il en fut tout renversé, restant une seconde les bras ballants, il finit par les refermer sur elle. Si Tahlia fondait de cette façon contre lui c'était qu'elle avait besoin de son ami, qu'il lui apporte un peu de chaleur. Et donc l'heure devait être grave, d'un coup, la bouteille qui refroidissait au freezer lui paraissait presque déplacée, il pensait à son petit bonheur alors que d'autres avaient tout perdu, qu'il se sentait bête. Le regard qu'elle lui lança en disait long et ses mots ne firent que confirmer ce qu'il craignait. Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? J'aurais pu aider, faire n'importe quoi ! En vérité il ne savait pas bien à quoi il aurait pu servir, aider à déblayer les décombres ? Au moins la soutenir... pour les nombreuses fois qu'elle l'avait fait pour lui... mais ce soir elle était là et il allait être présent pour sa meilleure amie. Moi, tu sais, j'habite loin du centre, j'ai ressentit les secousses, mais à part quelques pots de peinture renversés, rien de méchant. Lui n'avait pas de famille, personne à déplorer, personne pour qui s'inquiéter. Cette tragédie avait endeuillé la ville, pourtant lui s'en sentait parfaitement détaché. Mais peut-être qu'elle ne faisait pas référence au séisme, juste à lui, à sa vie. C'était toujours plus simple de parler le moins possible de lui pour Jax.

Jackson avait compris que Tahlia s'était mise à l'observer, dans le but de chercher le moindre signe de rechute. La jeune femme s'en voulait d'agir de cette manière. Elle agissait comme un flic à la recherche d'indices, c'était bien le cas de le dire ! Ce n'était pourtant pas un manque de confiance en lui, mais une peur qui mettrait sûrement beaucoup de temps à disparaître et qui laisserait quelques doutes subsister. Elle fut rassurée en percevant le regard fier de son ami. Leur relation était si forte qu'ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Le sourire qu'elle eut sur les lèvres démontra à quel point elle était heureuse pour lui. Le coeur plus léger, Tahlia put reprendre sa contemplation de la toile. Jackson lui confirma que c'était bien celle que le Maire avait commandé. La jeune femme recula de quelques pas, afin d'avoir une vue d'ensemble, tournant la tête vers son ami. "Pourquoi ? Tu n'étais pas inspiré ?" Elle s'arrêta un instant, songeuse, avant de reprendre doucement : "C'est vrai que c'est différent de ce que tu fais habituellement, mais je trouve que ce style te va bien. Et je suis ravie de voir que tes cheveux ont survécu à cette toile. Ce serait dommage de finir chauve avant l'heure." Trait d'humour un peu stupide, mais c'était du Tahlia tout craché. Pourtant, elle reprit rapidement son sérieux, quand elle déclara, avec sincérité : "Je suis fière de toi, Jackson." Elle ne le disait pas souvent, mais c'était ce qui donnait davantage de valeur à ses paroles. Aujourd'hui, il était important qu'elle le lui dise. Pas seulement pour le travail qu'il venait d'accomplir, mais pour le combat qu'il menait chaque jour. Tahlia était celle qui le remuait parfois abruptement, et, paradoxalement, elle savait aussi le ménager avec douceur et tendresse. Ses sentiments à fleur de peau la dirigeaient encore plus dans cette voie-là puisqu'elle vint se blottir dans les bras de Jackson, quand il s'approcha d'elle. Pour une fois, elle baissait les armes. Ce geste était surprenant, aussi bien pour elle que pour lui. C'était instinctif. Elle n'attendait pourtant pas de retour de la part de son ami, lui qui était si peu tactile et en retrait. Le fait qu'il ait rendu son étreinte fut une vraie bouffée d'oxygène pour Tahlia. Il l'apaisait. Comme toujours. C'était ce qu'il lui fallait, après des jours et des jours durant lesquels ses nerfs furent mis à rude épreuve. Quand elle lui confirma que la boutique de ses parents était détruite, Jackson lui demanda pourquoi elle ne l'avait pas prévenu. Tahlia haussa les épaules, ne sachant pas vraiment pourquoi elle n'avait appelé personne. "Je ne sais pas, Jax. Peut-être parce qu'il n'y avait plus rien à faire." Elle savait qu'il serait venu, si elle l'avait appelé. Il était l'un des rares en qui elle avait le plus confiance. Il était le frère que la vie n'avait pas voulu lui donner. Mais elle l'avait mis à l'écart. Parce qu'il avait mieux à faire qu'à perdre de l'énergie pour une boutique qui ne renaîtra pas de ses cendres. Alors qu'elle lui retourna la question, Jackson fit son Jackson. Comprenez par là qu'il en disait le minimum. "Tu me rassures..." souffla-t-elle. Il allait bien et c'était ce qui comptait le plus pour Tahlia. Cela aurait pu lui suffire. Nuance : cela lui aurait suffi, en temps normal. Pourtant, alors qu'elle marcha au sein de l'atelier, son regard se perdant sur les différentes toiles, elle lança : "Qu'est-ce que tu me racontes de beau ?" Soit, elle avait réellement besoin de rendre l'atmosphère plus légère. Soit, elle essayait de lui faire cracher le morceau. Un morceau qui s'appelait Tamsin, peut-être. La deuxième solution semblait être la plus plausible, surtout lorsque l'on connaissait Tahlia et son manque de tact.
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Tahlia & Jackson

Elle était loin l'époque des courses poursuites avec la justice, on sentait que le vent tournait pour Jackson et sous certains aspects ça n'était pas pour lui déplaire, il avait aujourd'hui une vie dont il pouvait être fier. Et même s'il n'était pas guéri de tous ses démons, même s'il lui arrivait encore de se réveiller en nages au beau milieu de la nuit, par le manque, par cette angoisse constante qui grondait toujours en lui et qui ne le laisserait surement jamais tranquille, il tenait bon. Il jeta un œil sur cette toile qu'il connaissait par cœur à présent et qu'il en avait même marre de voir au milieu de son atelier. On peinait à croire qu'il avait eu du mal à trouver l'inspiration quand on la voyait trôner fièrement, quasiment achevée, mais ça n'était pourtant pas gagné d'avance. J'ai besoin de peindre avec mes tripes tu sais... Il avait besoin de ses muses. Alors un tableau de la ville, c'est pas forcément un sujet qui m'emballe. Et puis Bowen c'est pas vraiment chez moi, c'est juste un asile pour le pauvre orphelin que j'suis. Elle le savait, Tahlia, que son ami ne s'était jamais senti chez lui dans cette ville, dans ce pays, qu'il avait toujours le manque de son Amérique natale, même s'ils savaient tous les deux qu'il n'y retournerait surement jamais. Mais j'ai sorti quelque chose... de pas si mal, alors. Il haussa les épaules pour conclure sa phrase, ne sachant trop quoi ajouter, il n'aimait pas parler de son travail de tout façon. Comme un réflexe il passa la main dans ses cheveux, il avait encore une bonne tignasse, il ne s'inquiétait pas pour ça. Chauve j'aurais beaucoup moins de succès c'est certain ! Ajouta-t-il en souriant bêtement. Elle avoua être fière de lui et un rictus qui pouvait ressembler à un sourire se dessina sur les lèvres du peintre, gêné, comme toujours, lorsqu'on lui manifestait de l'attention. Je sais. Il savait surtout qu'il n'avait pas le droit de la décevoir...
Le désarroi de la brune était palpable et Jackson ne savait pas comment la soulager de cette peine. En soi ça n'était que du matériel, aucun des membres de sa famille n'était en danger, pourtant c'était tout, ils avaient perdu une vie de labeur, un commerce ça n'était pas rien, ça faisait parti de soi, c'était comme si Jax avait vu son atelier et toutes les œuvres qu'il chérissait partir en fumé, c'était inconcevable, parce qu'inestimable. Et lui resta sans voix, il n'y avait rien à ajouter, Tahl avait tout dit, il n'y avait plus rien à faire Alors il tenta de répondre d'une voix plus enjouée, rendre la situation moins dramatique, parce que de son côté tout allait bien. Mais il savait que cette réponse ne suffirait pas à la jeune flic qui, évidemment, cherchait à en savoir plus que ça. Il la regardait, observait ses mouvements, ses regards alors qu'elle se baladait dans l'atelier, s'arrêtant pour étudier des toiles qu'elle connaissait déjà, celle qui représentait sa muse favorite par exemple. Il roula des yeux, sachant pertinemment où la conversation allait les mener, mine de rien elle n'était pas vraiment subtile. Prenant son courage à deux mains il soupira lourdement et puis se dirigea vers sa cuisine pour sortir la bouteille du froid, après tout, même s'il n'avait pas vraiment le droit de célébrer son petit bonheur devant celle qui avait tout perdu, il était d'avis qu'un peu de bulles leur ferait du bien, ça aiderait à faire passer les choses. Il attrapa deux coupes de son service dépareillé et les posa sur le bar. Tamsin est revenu. Mais j'imagine que tu le sais. Voilà, c'était dit, la bombe était lâchée, puisqu'aucun des deux ne voulait s'en charger il avait pris les devants et maintenant elle pourrait exprimer le fond de sa pensée, parce qu'il savait qu'elle avait un avis sur le sujet, elle en avait toujours un concernant cette fille et tout ce qu'elle signifiait pour lui, pour eux. Et pas des plus tendres. Il n'attendit pas sa réponse, ni que son regard avide de détails se pose sur lui pour faire sauter le bouchon et verser le Champagne dans les verres.

Bowen, ce n'était pas chez lui. Cette phrase était toujours hautement difficile à entendre pour Tahlia. Elle se sentait impuissante face à cela. Elle savait qu'elle ne pouvait pas combler ce manque. Personne ne le pouvait ici. Il n'était pas chez lui, c'était bien vrai. "Le climat australien te va quand même bien au teint." tenta-t-elle, avec un trait d'humour, même si elle n'était pas convaincue par ses paroles et que cela se ressentait parfaitement. Elle leva les yeux au ciel quand il qualifia son travail de "pas si mal". Venant de Jackson Monroe, c'était déjà une avancée considérable, lui qui détestait parler de son travail. Raison pour laquelle Tahlia n'enchérit pas, se contentant de lui adresser un léger sourire et profitant de l'instant pour le taquiner sur sa chevelure si parfaite. Face à cette réponse, Tahlia l'observa, songeuse. Puis elle répondit, sur un ton léger : "Oh tu aurais encore du succès, j'en mettrai ma main au feu. Les yeux bleus, mon chou, les yeux bleus ! ca fait tout oublier, même la chute de cheveux !" Elle se mit à rire, reprenant sa contemplation de la toile. Contemplation qu'elle conclut d'une belle façon en lui rappelant qu'elle était fière de lui. Jackson semblait gêné, comme à chaque fois qu'elle le complimentait. C'était à se demander si, un jour, il cesserait de l'être avec elle. Ce fut au tour de Tahlia d'être gênée. Evoquer la perte du commerce de ses parents était difficile. Elle pouvait craquer à tout instant. Mais elle se l'interdisait, comme à chaque fois qu'elle en voyait des vertes et des pas mûres. Et elle en avait vu, Tahlia, durant sa courte vie. Il valait mieux passer à un autre sujet. Pas sûre que ce sujet-là soit meilleur, mais c'était mieux que rien. Elle jeta un coup d'oeil à Jackson qui la suivait du regard. Il la connaissait mieux que quiconque. Il devait se douter que Tahlia tentait de le faire parler. Est-ce qu'il allait le faire ? Cela était une toute autre histoire. Et pourtant... L'artiste la prit au dépourvu en évoquant directement Tamsin. La subtilité de Tahlia était décidément inexistante. La brunette s'arrêta, se retourna face à lui et croisa les bras contre sa poitrine, le regard rivé sur lui. "Oui, je suis au courant. Je l'ai vue par hasard. Je suis intervenue après une dégradation qui a eu lieu à son théâtre." Et les retrouvailles avaient été rudes, se retint-elle de lâcher. Elle avait adoré Tamsin. Elle avait été son amie. Mais aujourd'hui, la jeune blonde ne lui inspirait que de l'indifférence, là où quelques années auparavant, c'était encore de la colère qui la submergeait. Enfin, c'était ce qu'elle croyait. Tahlia lâcha un long soupir, un poil mal-à-l'aise. Maintenant qu'ils avaient évoqué le sujet, la brune ne savait pas comment enchaîner sans faire de maladresse. Parce qu'elle savait que la relation entre Jax et Tamsin n'était pas réellement terminée et parce qu'elle savait que cela ne la regardait absolument pas. Pourtant, elle sentait son estomac se nouer, comme si elle savait que le retour de la blonde pouvait, de nouveau, créer un chaos dans la vie de Jackson. Tahlia était peut-être surprotectrice, voire même un peu jalouse. Jalouse de la voir revenir dans la vie de son ami, comme si de rien n'était, alors que Tahlia était là depuis le début. C'était stupide d'agir de cette manière, mais n'oublions pas qu'elle avait les sentiments en vrac, ces derniers temps. La jeune policière s'éclaircit la voix, alors qu'elle tenta de rester sereine, de ne pas montrer qu'elle était à cran. "Tu l'as revue, n'est-ce pas ?" Elle essaya de masquer cette froideur qui animait sa voix. Elle ne pouvait pas faire semblant. Non. Tamsin était désormais dans la liste noire de Tahlia. Mais encore une fois, elle tentait de garder contenance. Pour lui. Elle inspira un bon coup, rompit le contact visuel avec Jackson et reprit sa marche au sein de l'atelier. "ça s'est bien passé, j'espère..." Elle sous-entendait une autre question : comment avait-il vécu ce retour ? Seulement, elle n'était pas en droit de demander cela, de but en blanc.
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Tahlia & Jackson

Les yeux bleus qu’elle disait… Jackson n’en n’était pas forcément convaincu. Même s’il affichait un air sûr de lui, en vérité il n’était pas de ceux qui aimaient séduire, il ne cherchait pas la compagnie, parfois si, parce que c’était toujours agréable de passer la soirée avec une femme, de la sentir vibrer dans ses bras et de s’endormir auprès de sa chaleur, mais il vivait très bien seul, il se satisfaisait de sa solitude même. Et bien que Tahlia aurait été trop contente qu’il trouve quelqu’un de bien pour le rendre heureux, pour l'empêcher définitivement de reprendre ses sales habitudes, lui s’en moquait parfaitement. Pour la simple et bonne raison qu’aucune demoiselle ne trouvait longtemps grace à ses yeux, il ne les trouvait pas assez intéressantes, pas assez passionnantes, pas assez mystérieuses ou solaires. Parce qu’il avait déjà trouvé son idéal et qu’aucune ne lui arrivait à la cheville. Jackson n’était pas un amoureux, pas un charmeur, il ne savait pas faire, il avait aimé une fois, suffisamment fort pour que ça lui suffise toute une vie. Et si elle était parti c’était entièrement de sa faute à lui alors il se complaisait dans son chagrin, dans ses souvenirs et dans sa foutue idée d’idéal et ça lui allait très bien. C’était plus simple au final. D’ailleurs en parlant d’idéal, le sujet vint de lui-même sur le tapis, du moins Tahlia montrait clairement qu’elle attendait quelque chose et Jax choisit de ne pas la laisser attendre durant des heures, c’était plus simple que lui aborde le sujet en premier, ça lui donnait plus l’impression de maîtriser la situation. Du moins il n’aurait pas cette sensation de se faire interroger par le flic Wates tyrannique ! La réaction de la brunette fut à la hauteur des attentes de notre homme, elle bougonnait, les bras croisé sur sa poitrine, se retenant très certainement d’aller jusqu’au bout de sa pensée. Il sourit à demi, pourtant elles s’étaient apprécié, Tahlia et Tamsin, du moins il le pensait. Elles avaient au moins fait l’effort pour lui. Mais depuis que la blonde était parti, la brune avait sorti les crocs et les griffes, elle protégeait son ami, sûrement trop, à tort même, parce qu’il était bien capable de se débrouiller tout seul, qu’il pensait. En vérité il savait exactement pourquoi elle s’inquiétait, sa descente aux enfers ces dernières années, son laché prise total était dû au départ de Tamsin, il n’avait rien trouvé de mieux, pour soulager sa peine - ou pour mieux la raviver, en bon auto-destructeur qu’il était- que de s’enfoncer dans ses ténèbres jusqu’à frôler la mort. Et de s’y plaire, dans cet abîme. Alors il comprenait que ce fut difficile voir même atroce pour Tahlia, l’amie impuissante, que de le voir se détruire de la sorte, simplement pour une fille, il comprenait qu’elle prenne peur aujourd’hui encore, qu’elle se méfie. Mais Tamsin n’était pas la méchante de l’histoire, tout était de la faute de Jackson, il l’avait poussé à partir, il s’était trouvé sa bonne excuse pour retrouver ses aiguilles et aucune d’entre elles n’aurait pu y faire quoi que ce soit, malgré leur amour.
Elles avaient vécu des retrouvailles mouvementées, certainement que Tahlia était tombée de haut lorsqu’elle avait découvert qui était la propriétaire du théâtre. Tamsin n’avait prévenu personne de son retour, du moins pas eux, de toute évidence, ils s’étaient retrouvés devant le fait accompli, que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, la blonde était de retour. Jackson lui n’avait pas résisté bien longtemps à l’envie irrépressible de la voir, comme un aimant il était attiré par sa présence, il n’y pouvait pas grand chose et toute volonté partait en fumé lorsqu’il s’agissait d’elle. Depuis il était paumé, entre l’envie de la haïr et celle de l’aimer encore plus fort à la fois. Entre ce besoin qu’il avait d’elle et la peur d’en devenir dépendant, encore une fois. Il était hésitant, pourtant au fond de lui il savait qu’il retomberait dans ses travers parce que concernant Tamsin il n’avait aucun courage assez solide, c’était le combat du coeur contre l’esprit et s’il n’était pas un romantique, pas un amoureux ou pas un séducteur, tout ça face à elle c’était de la connerie pure, du mensonge tout simplement. Tel un lion en cage Tahlia bouillait d’impatience, elle voulait savoir, elle voulait avoir quelque chose à quoi se raccrocher pour se rassurer ou bien abattre sa colère. Alors comme pour l’apaiser il lui tendit une coupe, c’était bien peu de chose mais ça lui donnait un peu de contenance. Oui je l’ai revue. Il se serait bien contenté de cette simple réponse. Mais son amie non. Il s'éclaircit alors la voix, repensant à leurs retrouvailles, à son regard qui s’était posé sur lui et qui l’avait ranimé, comme ramené à la vie une bonne fois pour toutes. Ça s’est passé… J’ai vu l’article dans le journal et je suis allé au théâtre. Je ne sais pas ce que j’espérais y trouver mais elle était là. On a discuté. Je n’sais pas quoi te dire Tahl. C’est de Tamsin dont on parle. J’peux pas te dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose qu’elle soit de retour. Il but une grande gorgée de son verre, le vidant quasiment. Puis il baissa la tête comme pour cacher un sourire amer. Elle portait une alliance. Elle s’est mariée… rien que cette idée m’a rendu fou de tristesse. Ce n’était peut-être pas grand chose, comme confession, mais ça voulait dire beaucoup sur l’état dans lequel Jax se trouvait. Même s’il savait qu’elle avait divorcé depuis, le simple fait de se dire qu’elle avait essayé de refaire sa vie, sans lui, ça le foutait en l’air.

Tamsin... Le sujet tabou. Houleux à point. Cela se voyait que Tahlia bouillonnait d'impatience à l'idée d'en savoir plus. Elle ne la jouait pas finement et ne cherchait pas à le faire, en réalité. La brune était pourtant sceptique à ce sujet-là. Elle ne portait plus la blonde dans son coeur, mais malgré cela, elle savait qu'elle resterait la seule qui pouvait assurer une vie meilleure à Jackson. Elle était son idéal. L'amour de sa vie. Une notion que Tahlia avait du mal à appréhender, elle, celle qui se complaisait désormais dans les relations courtes, sans suites. L'amour, pourtant, elle l'avait eu. Mais cela avait été destructeur, physiquement et moralement. Un amour qui avait contribué à la naissance de cette carapace de fer qui caractérisait Tahlia, si bien qu'elle rejetait tout signe d'affection, même chez les autres. Elle poussa un soupir quand il lui confirma qu'il avait revu la blonde. Ce n'était pas étonnant, il ne faisait qu'apporter une confirmation à des doutes bien présents. Elle prit la coupe qu'il lui tendit, le remerciant à demi-mots, et la porta à ses lèvres, uniquement pour avoir de quoi s'occuper. Ses yeux verts s'étaient reposés sur lui. Tahlia se faisait muette, attendant une suite éventuelle. S'il ne lui disait rien, tant pis. Elle n'irait pas lui tirer les vers du nez aujourd'hui. Elle ne le voulait pas. Mais il eut le mérite de répondre à sa question. Enfin... il faisait du Jackson. Il parlait, mais restait toujours très mystérieux. Lui-même ne devait pas savoir comment prendre le retour de Tamsin. Il devait être paumé. C'est de Tamsin dont on parle, lui disait-il . "Bah justement..." Justement, ça devait éveiller davantage chez lui. Des regrets, de la joie, une profonde tristesse, de la colère, elle n'en savait rien... Il devait y avoir des mots, des sentiments, des ressentis à mettre dessus. N'importe quoi ! Mais contre toute attente, Jackson se livra davantage. Tahlia ne put cacher la surprise sur son visage face à la déclaration qu'il venait de lui faire. Tamsin était mariée ? Et elle avait le culot de se ramener à Bowen, devant Jax ? Tahlia n'avait pas remarqué ce détail lors de leur rencontre et c'était peut-être mieux comme cela. La brune ne se serait pas empêchée de lui faire une remarque. "C'est une raison pour rester loin d'elle, non ?!" Mauvaise foi quand tu nous tiens. Tahlia se rendit compte de ses paroles et un long soupir s'échappa de ses lèvres. Elle posa la coupe à côté d'elle et secoua la tête. "De toute façon, ça ne me regarde pas. J'ai juste une requête, Jax, et je te le dirai qu'une fois. Fais attention à toi. Ne t'oublie pas dans cette histoire." Quelle mouche avait piqué Tahlia ? Elle devrait être là, à s'agiter devant lui, à râler, à lui montrer à quel point il devait éviter Tamsin. Mais elle ne fit rien de tout cela. Elle se contentait de regarder Jackson, attendant de voir s'il voulait se confier davantage. Elle serait là pour l'écouter, mais elle n'agirait plus comme avant. C'était comme si elle avait baissé les bras. Après tant d'années. Elle récupérait sa place, tout simplement.
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Tahlia & Jackson

Qu’est ce qu’elle espérait, Tahlia, qu’attendait-elle de Jackson ? Qu’il lui parle à cœur ouvert, en long et en large du retour de Tamsin ? Qu’il lui avoue qu’il avait attendu ce moment toutes ces années et que sans elle il était désemparé, qu’il aurait mieux valu qu’il ne croise jamais sa route, tout simplement parce que depuis elle hantait tous ses rêves, elle peuplait ses pensées et qu’il avait eu beau tout faire, tout essayer pour se l’enlever du crâne, rien n’avait marché ? Et puis quoi d’autre, qu’il avait cru rêver lorsqu’il avait lu l’article, que ses jambes l’avaient conduit mécaniquement à elle parce que c’était la seule personne au monde vers laquelle il puisse avancer aveuglément, qu’il en aurait pleuré comme un gosse de la voir devant lui, de la trouver si belle, si magnifiquement elle et qu’il n’avait rien oublié, ni l’odeur de son parfum ni la couleur exacte de ses yeux, ni la douceur de sa peau, que tout lui était revenu et que depuis il se sentait mieux, que depuis il respirait, comme si elle avait insufflé un nouvel air, tout bêtement. Et qu’il avait peur, oui , tellement peur, peur de se perdre à nouveau peur de trébucher, de mal s’y prendre, peur qu’elle n’en ait rien à faire de lui, qu’elle le voit toujours comme ce junkie qu’elle avait connu et qu’elle ne lui fasse pas confiance, peur de ne pas être à la hauteur parce qu’il n’avait pas le droit d’être trop présomptueux face à l’amour de sa vie. Peur de souffrir, simplement, d’avoir trop d’espoir et qu’elle le piétine, même sans chercher à mal, parce que Tamsin n’était pas méchante, mais juste de trop vouloir y croire et de tomber de haut et de chuter bien bas… Parce qu’il savait ce qu’il en était, ce qui lui pendait au nez, il n’était pas con à ce point, il savait que s’il souffrait sa seule échappatoire ça serait sa drogue, ses précieuses aiguilles, ses meilleures alliées contre le vague à l’âme. Il n’avait pas peur de se faire mal, ni même de se flinguer, ça serait certainement ce qui pourrait lui arriver de mieux d’ailleurs, non, il avait peur pour elle, pour Tahlia, pour celle qui le regardait pétrie de peur et d’angoisse pour ce mauvais ami qu’il était. Il lui faisait encore défaut, à sa béquille, il la trahissait encore, de la pire des façons et il s’en voulait malgré tout, mais le besoin de retrouver Tamsin serait plus fort au final. Tout ça il ne lui dirait pas, malgré le regard qu’elle lui lançait, malgré l’attente, malgré qu’elle soit pendue à ses lèvres, il en était incapable, jamais il ne l’avouerait, jamais. Et en même temps avait-il vraiment besoin de le dire ? Il aurait bien pu lui avouer qu’il avait besoin d’elle, qu’il aurait toujours besoin d’elle, de son amie, de sa moitié, qu’elle seule pouvait l’empêcher de se noyer totalement, comme toujours, mais qu’elle devait elle aussi comprendre qu’il avait besoin de savoir, de voir Tamsin, de la serrer dans ses bras et d’au moins essayer, parce que sans ça il continuerait à vivre toute sa vie en se posant des questions, en étant malheureux. Au lieu de ça il confia simplement qu’elle portait une alliance et qu’il en était triste. C’était bien maigre mais ça semblait suffire pour que Tahlia crache son venin. Jax arqua un sourcil en souriant à demi, ça lui ressemblait bien, même s’il l’avait connue plus virulente. Elle a divorcé, si ça peut t’apaiser. Il s’attendait à ce qu’elle réplique, il pensait devoir enfiler ses gants de boxe et se battre avec elle, pourtant elle se radoucit. Il fronça les sourcils, surpris par sa requête. C’était tout ? Il en était presque déçu, comme s’il avait l’impression de perdre son garde fou. Et en même temps, elle avait bien raison de ne pas insister, elle le connaissait tellement bien, elle savait qu’il n’en ferait qu’à sa tête, alors à quoi bon entrer en conflit, à quoi bon user sa salive pour une tête de mule. Il soupira doucement avant de terminer sa coupe et de la reposer. De toute façon elle n’est pas revenu ici pour moi, elle a sa famille à Bowen, ses amis de toujours, sa passion, moi je ne suis... Rictus mélancolique. Je n’suis qu’un drogué qu’elle a connu il y a longtemps. C’était la première fois qu’il osait parler de cette façon de lui, d’elle et même si c’était peu, c’était quelque chose.  Et comme pour éviter d’aller plus loin dans la confidence, il resservit du Champagne dans les coupes et se décida à changer soudainement de sujet. On a quelque chose à fêter Tahli. Cet endroit, l’atelier, il est à moi maintenant, pour de vrai. Il s’approcha d’elle. Et c’est un peu grâce à toi.

Dans leurs jeunes années, Jackson et Tahlia avaient toujours eu le don de se comprendre. Il suffisait d'un regard de l'un pour que l'autre comprenne le message. Pas besoin de grands discours, pas besoin de chercher la petite bête ou d'essayer de tirer les vers du nez. Mais en grandissant, il leur était plus difficile de communiquer. Même s'ils étaient toujours là, l'un près de l'autre, malgré les disputes et les coups bas, il ne fallait renier l'évidence : leur amitié avait pris de nombreux coups, qui avaient laissé quelques cicatrices impossibles à oublier. Tamsin en était l'une d'elles, à un tel point que Tahlia trouvait qu'il était plus simple de parler de drogues et addiction avec Jax, plutôt que de la jeune femme blonde qui hantait les pensées de son ami. Parce qu'elle n'était pas dupe, Tahlia. Même si elle essayait de le faire parler, elle savait très bien ce qu'il en était. Jackson serait toujours faible face à Tamsin. Elle était son évidence, son oxygène et ce, malgré les années qui avaient bien pu passer. Mais l'admettre n'était pas simple pour Tahlia. Elle préférait fuir, en se cachant derrière la mauvaise foi. En remettant la faute sur Tamsin qui, finalement, n'était pas la fautive de l'histoire. Tahlia, elle-même, savait qu'elle ne pourrait vivre avec un homme instable. Elle, elle avait eu le droit à son homme violent, et elle avait fui. Tout comme la blonde. Lui avait-on remis la faute dessus, pour autant ? Non. Mais la policière trouvait cela plus simple d'incriminer son ancienne amie, plutôt que cet homme qu'elle avait face à elle. Elle tenait trop à lui. Alors qu'il lui avait avoué que Tamsin s'était mariée, Tahlia n'avait pas cherché plus loin, elle préféra cracher son venin, comme elle aimait si bien le faire. Mais la réponse de son ami lui fit arquer un sourcil. Elle avait divorcé ? Il pensait vraiment la calmer avec cet aveu ? Un rire jaune s'échappa des lèvres de la demoiselle qui rétorqua : "C'est censé m'apaiser ?". Dans ses yeux verts brillait une lueur de colère. Elle avait envie d'exploser, de lui dire qu'il n'allait être qu'un pansement pour une femme divorcée, de lui répéter qu'il ferait mieux de rester loin d'elle. Mais Tahlia se tut, même si son corps parlait pour elle. Elle était tendue à point et son regard était noir. Pourtant, les mots qu'elle employa furent paradoxaux. Elle abdiquait. Elle put percevoir une légère déception chez Jackson. Ce qui s'avéra presque plus jouissif pour la policière. Elle aimait provoquer la surprise, s'éloigner des chemins sur lesquels on l'attendait tellement. Comme quoi, même après quinze ans d'amitié, Jackson ne connaissait pas pleinement Tahlia. Il aurait voulu qu'elle explose. Elle ne lui ferait pas ce plaisir-là. C'était sa façon de s'opposer. Seulement, Jackson avait aussi le don d'appuyer là où ça faisait mal. Il savait ce qui faisait mal à Tahlia. Et il le fit avec brio, quand il se qualifia de "drogué qu'elle a connu depuis longtemps". La brunette resta plantée face à lui, l'observant dans un silence de plomb. Elle secoua la tête et rétorqua, après de longues secondes : "Quand est-ce que tu arrêteras de te qualifier ainsi, Jax ? Je ne vais te le dire qu'une fois et tu sais à quel point cela peut me coûter de te dire ça, mais tu n'es pas qu'un simple drogué pour elle. Pas après ce que vous avez pu vivre, tous les deux." Que c'était gênant comme conversation. Il la poussait dans ses retranchements, la poussait à évoquer ses pensées les plus confidentielles. Et elle détestait cela. Elle détestait quand il lui faisait ça. Comme s'il eut vent du malaise qui s'installait peu à peu, Jackson changea de sujet. Il remplit de nouveau les coupes de champagne, lui annonçant qu'ils avaient quelque chose à fêter. Tahlia fronça les sourcils. Qu'allait-il encore lui sortir ? C'était dingue l'impact qu'il avait sur elle : elle était toujours méfiante, avant même d'être curieuse. Mais pour une fois, ce ne fut pas une mauvaise nouvelle qu'il lui annonça. Bien au contraire. L'atelier était à lui. Enfin. "Pour de bon ?" Jax commençait à se faire une renommée, en tant que peintre. Avoir son atelier était une suite logique. Mais sa dernière phrase lui fit relever les yeux vers lui, alors qu'il s'approcha d'elle. Un peu grâce à elle ? La jeune femme secoua la tête. "Ne dis pas n'importe quoi, Jax, tu sais bien que je suis simplement la mégère qui t'engueule quand il le faut." Tahlia esquissa un léger sourire, avant de reprendre. "Tu es le seul à qui l'on doit vanter les mérites. Cet atelier, c'est le fruit de ton travail et d'une bataille que tu mènes avec brio. ça finit par payer. Et j'en suis tellement heureuse pour toi." Et cela se voyait sur son visage. Elle était fière de lui. Soulagée aussi, parce qu'il avait toutes les cartes en main pour continuer sur une bonne voie. C'était un recommencement pour Jackson. Une nouvelle chance qu'il ne pouvait laisser passer. Elle leva sa coupe pour trinquer. "A ton atelier et à toutes les merveilles que tu vas faire ici. C'est le début d'une longue et belle carrière. Promets-moi juste de ne pas devenir un artiste détestable, imbu de sa personne, hein..." Il fallait bien le dernier petit mot, pour rire.
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Tahlia & Jackson

Aborder le sujet Tamsin était toujours une mauvaise idée, ces deux là le savaient bien, peut-être qu’ils avaient appris du passé, des erreurs de l’un et de l’autre, peut-être qu’ils n’avaient plus envie de se battre sur ce terrain là parce qu’il n’y aurait jamais aucun gagnant à la fin. Voilà pourquoi Tahlia abdiqua et bien que cela surprenne Jackson, il ne chercha pas à attiser davantage le brasier. Pourtant sans le vouloir, sans chercher à être celui qui s’apitoie sur son sort ni vouloir qu’on le plaigne, il s’épancha maladroitement alors que la brune lorgnait sur lui avec un regard noir, gardant un silence pesant quelques secondes de trop qui firent regretter ses mots à notre artiste écorché, il n’avait pas besoin qu’elle réponde, il ne voulait pas qu’elle lui crie dessus et encore moins qu’elle lui mette de baume au coeur, ces mots étaient sortis tous seuls, ils traduisaient sa pensée profonde tout simplement. Mais elle finit par ouvrir la bouche et même si cela lui coûtait elle chercha les mots qui faisaient du bien, comme n’importe quelle meilleure amie pourrait le faire, elle ravalait sa fierté et se mettait à sa hauteur, c’est à dire bien bas, pour lui éviter de flancher et même si cela ne fit aucun bien à Jackson, il improvisa un sourire gêné, juste pour la remercier de l’effort qu’elle venait de faire. Nouvelle preuve que tous les deux étaient mauvais dans la démonstration sentimentale. A présent il fallait qu’ils changent de sujet avant que les choses ne deviennent vraiment gênantes entre eux. Et finalement quel meilleur sujet que celui pour lequel Jackson avait fait venir Tahlia ? Parce qu’il ne lui avait pas encore annoncé la nouvelle. Peut-être qu’elle allait s’en moquer, après tout le reste, le séisme, ses parents qui avaient tout perdu, le retour de Tamsin, peut-être que ça perdait tout son sens, de fêter le nouveau grade de Jax. Parce qu’il ne devenait que le propriétaire de ce lieu miteux qui l’abritait depuis déjà tant d’années, de cet entrepôt qui ne payait pas de mine et dont ils connaissaient tous les recoins, après tout ça ne changerait pas grand chose à leurs vies, mis à part qu’il pourrait abattre quelques cloisons sans avoir à demander l’avis d’un propriétaire… Enfin ça c’était la vision cynique de la nouvelle, parce que pour notre homme, en vrai, ça avait du sens, c’était concret, c’était une vraie fierté qu’il avait à cœur de partager avec Tahlia. Parce ce lieu c’était son antre, sa tanière, son chez-lui malgré qu’il ait l’air de tomber en ruine, lui voyait en cet atelier plein de courants d’air un endroit magique, son sanctuaire. Il y avait vécu pas mal de choses horribles, il s’y était vautré pour se piquer un bon nombre de fois il y était tombé bien bas. Mais il y avait aussi créé ses meilleures toiles, ses chefs-d’oeuvre, il y avait aimé Tamsin durant un an et c’était aussi la porte de ce lieu qu’elle avait claqué en le quittant définitivement. C’était sa maison, tout simplement et il ne se voyait vivre nul part ailleurs, même si à présent il gagnait assez d’argent pour se payer mieux, il ne voulait pas mieux. Alors il se lança, avec sa désinvolture naturelle, il annonça la bonne nouvelle à Tahlia. Clairement elle sembla anxieuse avant qu’il ne lâche le morceau, comme si, une nouvelle fois, elle craignait le pire, mais pour une fois elle n’avait pas à s’inquiéter. D’ailleurs il remarqua le soulagement dans son attitude et elle eut l’air réellement contente pour lui. Ouep, pour de bon. Ajouta-t-il avec un petit sourire en lui rendant sa coupe pleine. Avant de conclure en disant que c’était un peu grâce à elle, il le pensait, ça n’était pas des paroles en l’air ou juste pour lui passer de la pommade. Sans le soutien et la rigueur sans faille de Tahlia il serait peut-être encore affalé dans son lit crasseux à s’injecter une dose, il en était conscient et savait qu’il lui devait beaucoup. Evidemment elle eut du mal à accepter l’hommage, il balaya ses mots du revers de la main et tendu sa coupe. Oh pitié, que la mégère arrête de se rabaisser et qu’elle trinque à la place, j’ai soif ! Elle y alla de son petit toast qui fit rire Jackson, en un rien de temps ils avaient retrouvé leur complicité. Je ne suis détestable qu’avec toi, pour le reste du monde je reste un homme charmant et... imbu de moi-même… bien c’est déjà trop tard, désolé. Je serai le pire des artistes et c'est comme ça que je deviendrai une super-star ! Quel beau programme, tout ce qu'il détestait... Leurs verres s’entrechoquèrent et Jackson but une bonne gorgée de sa coupe.

Parler de Tamsin était dangereux, mais ils avaient tenté le coup. Ils s'étaient disputés de nombreuses fois à ce sujet, mais aujourd'hui Tahlia n'avait pas la force d'affronter son ami. Alors, elle s'était tu. Ou presque. En entendant Jackson se dénigrer à ce point, Tahlia n'avait pu s'empêcher de dévoiler le fond de sa pensée. Il savait à quel point cela lui coûtait, mais elle l'avait fait. Pour lui. Et pour rétablir sûrement la vérité. Parce que Tahlia avait perçu la réaction de Tamsin quand elles avaient évoqué Jackson. Elle savait que c'était une histoire qui n'était pas terminée. La jeune policière était prête à en mettre sa main au feu, même si elle n'approuvait pas le tout, évidemment. S'il fallait qu'il y ait Tamsin dans le lot pour que Jackson soit enfin heureux, soit... elle l'accepterait. Dans tous les cas, Jax ne lâcha pas un mot, se contentant d'un sourire gêné. Tahlia ne lui en tint pas rigueur, elle n'attendait pas de réponse de sa part. Elle préférait même que ses paroles passent telle une lettre à la poste et se fassent vite oublier. Fort heureusement, Jackson détourna le sujet en lui annonçant la nouvelle qu'il tenait tant à lui dire. Son atelier lui appartenait désormais. Ce n'était peut-être qu'une broutille par rapport à l'horreur du séisme, mais pour Tahlia, ce fut la plus belle nouvelle qu'elle entendit de la journée. Elle connaissait l'attachement de Jackson pour cet endroit atypique. C'était son antre, son repaire, son cocon. Alors oui, Tahlia était heureuse qu'il en soit enfin le seul et unique propriétaire. Il le méritait. Même s'il voulait partager ce mérite avec elle. Pour le coup, ce fut Tahlia qui était mal-à-l'aise, parce qu'elle n'avait pas l'impression d'avoir un quelconque mérite dans cette histoire. Elle pensait tellement aux autres que cela devenait naturel. Elle ne se rendait plus vraiment compte de l'effort et de la persévérance qu'elle mettait dans ses actes. C'était les autres avant elle. Elle esquissa un sourire quand il lui demanda d'arrêter de se rabaisser, lui ordonnant presque de trinquer : "ça, en revanche, je peux le faire sans problème." Elle leva son verre avant de boire une gorgée. Un rire vint rompre le silence qui s'était installé dans l'atelier, alors qu'il répondit à son toast. "C'est un honneur de savoir que tu n'es détestable qu'avec moi. J'aime avoir l'exclusivité de ton sale caractère, mon cher." Elle lui lança un regard malicieux quand il annonça qu'il deviendra une superstar en étant un pire artiste. Il n'avait pas tord pour le coup. C'était souvent les artistes imbuvables qui étaient le plus mis en avant. "Quelle horreur ! Hors de question que tu deviennes le pire artiste du monde. Je te ferai vite redescendre, t'inquiètes." Elle rit de nouveau, même s'il y avait une part de vérité dans ses paroles. Il était hors de question qu'il prenne le melon. Malheureusement, les plaisanteries prirent fin avec la sonnerie de téléphone de Tahlia. La jeune femme décrocha. C'était le commissariat. Un collègue s'était blessé sur une intervention. Ils avaient donc besoin de la brunette pour assurer le bon fonctionnement de l'unité. La jeune femme accepta et raccrocha. "Je dois y aller, Jackson. Le boulot m'appelle. On remet ça au plus vite. Je veux que l'on fête ton nouveau statut de propriétaire en bonnes et dues formes." Elle posa sa coupe de champagne, récupéra ses affaires et salua son ami. "On s'appelle vite." ponctua-t-elle avec un sourire, avant de quitter rapidement l'atelier.
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