La peur au ventre. - Cam

je baisse les yeux, alors qu'elle se lance dans sa tirade. mes yeux qui s'mouillent, j'vois tout flou, j'vois même plus mes pieds comme il faut. j'ai l'air de rien, j'ai l'air d'un abruti, comme tout à l'heure. un abruti fragile, un romantique. un amoureux. j'ai vraiment l'air con, c'est dingue. j'vais finir par me mettre à chialer avant elle. et y a mon coeur qui s'emballe comme jamais. lui aussi, il en tient une couche. je serre mes cheveux entre mes doigts. faites-la taire, j'vais faire quelque chose que je risque de regretter, encore une fois. c'en est sans doute pas une, mais mon cerveau, dans tout ça, il lit une grosse déclaration, il voit bérénice qui m'offre son coeur après avoir volé le mien. je relève la tête vers elle, quand elle éclate, finalement. je ravale mes larmes et me tourne d'un quart vers elle. j'pose une main sur son genou, l'autre essuie ses larmes comme elle peut, ses joues de toute façon déjà trop trempées. tant pis si je vais le regretter, j'arrive plus à m'en empêcher. une fraction de seconde plus tard, et la retenue n'existe plus, je plaque mes lèvres contre les siennes pour un baiser salé, sans doute trop passionné. quelques secondes seulement, mais quelques secondes de pur bonheur et de papillons dans le ventre. je colle finalement mon front contre le sien, ma main contre sa mâchoire. - t'es pas ma meilleure amie, à moi. t'es plus, tellement plus que ça.

je donne tout ce que j'ai, tout ce dont je suis capable, j'me donne tout entier, je me livre à elle, je lui avoue presque tout, dans ce baiser. tout ce que j'ai caché, et tout ce pourquoi je l'ai abandonnée le mois dernier. mais rien ne se passe jamais comme ça devrait. c'est de pire en pire. - non, béré, attends.. pars pas.. j't'en prie, fais pas ça, me laisse pas. m'abandonne pas. j'ai trop peur de te perdre, j'ai trop peur de me retrouver seul une seconde fois. c'est pour ça, c'est bien pour ça que j'avais tout caché, que j'avais fait ça. mais c'est trop tard, elle m'laisse tomber, elle s'en va en courant, comme si je l'avais insultée. j'suis tout seul sur ce canapé, le coeur brisé, un peu terrorisé. j'finis par me ressaisir, j'finis par sortir, pieds nus dans la cage d'escaliers. j'crois qu'elle est partie, jusqu'à ce que je l'entendre pleurer, en bas. moi aussi j'ai le droit de pleurer? je la rejoins, tremblant. je m'agenouille devant elle et croise mes mains. - tu comprends, maintenant?.. on ferait mieux, de juste.. t'sais.. oublie-moi. j'renifle un peu. j'vais pas pleurer, promis, j'vais pas craquer.

c'est moi, l'abruti qui continue de la faire pleurer. qui l'aime trop mais qui peut pas s'empêcher de la faire souffrir. gros con. le temps se fige alors que ses larmes continuent de couler et le silence se fait pesant dans la cage d'escaliers. c'est lourd, comme atmosphère. j't'en prie, ravale ta question béré, et rentre chez toi. je finis par laisser tomber mon cul au sol, face à elle. je cherche mes mots, je me pince les lèvres un moment. - c'est pas si simple que ça.. si ça l'était, tu crois pas que je t'aurais déjà déclaré ma flamme? - allez lève-toi et va te coucher. ça va te faire du bien. va-t'en, j'ai dit. cours. fuis. abandonné-moi au complet et ne cherche plus de réponses à ces questions qui font trop mal.

excuse-moi béré, je joue pas. j'suis juste con. y a ses yeux qui se plantent dans les miens, son regard qui m'hypnotise et j'arrive plus à m'en défaire, pourtant c'est ce que je veux, c'est même ce dont j'ai besoin, en fait. j'ai besoin de fuir son regard et d'arrêter de la trouver incroyable et jolie et craquante, d'arrêter de vouloir la serrer dans mes bras et l'avoir contre moi, pour moi. sa voix résonne, je frissonne. je veux la serrer, l'embrasser, la bercer et la consoler. je peux pas me permettre de faire ça. j'suis même pas capable de bouger. - non.. j'suis désolé.. je.. j'ai la gorge nouée et la voix qui s'étouffe, qui se brise. non, je peux pas te le dire, bérénice, j'ai trop peur que tu me dises que toi, tu ne m'aimes pas, que tu ne m'aimeras jamais, que je finirais ma vie seule de toute façon, parce que t'es sans doute la seule femme, la seule humaine que j'serais jamais capable d'aimer. je traîne mon cul jusqu'à elle et passe mes bras autour d'elle. outain ça m'avait manqué. - j'ai jamais voulu te faire pleurer béré, j'te demande pardon..

j'voudrais juste quelle arrive à me pardonner, à m'en vouloir un peu moins. et moi ensuite, je me débrouillerais tout seul avec ce que je ressens. c'est une affaire seulement entre moi et moi-même. j'me débrouillerais pour passer outre, pour ne pas y penser, pour ne pas répondre à mes envies, pour ne pas continuer de l'aimer toute ma vie, ou au pire, pour me faire à l'idée qu'on ne sera jamais heureux ensemble, jamais ensemble tout court. je peux me débrouiller seul, j'voudrais juste qu'elle me pardonne de ma bêtise. j'sais pas si elle pourra. j'sais pas, mais j'ai une lueur d'espoir quand elle me serre à son tour. je soupire, j'ai presque envie de pleurer. ça m'a tellement bouffé, chaque jour, de ne plus pouvoir l'enlacer. de ne plus pouvoir la regarder, de ne plus sentir son regard sur moi comme elle l'a actuellement. j'essuie sa joue, doucement, alors qu'elle vient fondre sur mes lèvres. non, non, j't'en prie fais pas ça, moi j'saurais pas me contrôler. non, j'peux pas. je peux juste répondre à son baiser, tendrement. j'veux plus jamais lâcher ses lèvres. aime-moi, béré. ma main glisse dans ses cheveux, pour l'intimer à rester tout près, même quand elle en aura assez. aime-moi à la folie, j't'en supplie.

elle n'arrête rien et mon coeur est tellement emballé qu'il va juste finir par s'arrêter. on pourra bientôt annoncer la date de mon décès. cameron nash, vingt-trois ans, mort dans les bras de celle qu'il aimait mais qui ne l'aimait pas. putain même mon épitaphe sera triste et misérable, autant que ma chienne de vie. le reflet de mon existence. pathétique. j'ai honte de moi, j'ai honte de ce que je suis, et de ce que je suis devenu. j'ai honte d'autant aimer ce baiser, alors qu'il n'a rien d'honnête, rien de concret, rien de respectueux, même. j'ai honte d'autant l'aimer alors qu'il va finir par s'évaporer, comme bérénice le fera d'entre mes doigts dans très peu de temps. comme elle le fera très bientôt alors que je romps tout, aussitôt qu'elle me fait ressentir sa passion. non, désolé, ça sera pas possible. je souffre trop, j'ai les yeux trempés, j'peux plus. j'supporterais pas de me faire jeter. - fais plus jamais ça, j't'en supplie.. je la lâche complètement, finalement, me retire de son étreinte et me lève. j'essuie mes yeux rapidement, d'un revers de main brouillon. - plus jamais..

- si, c'était exactement ce que tu voulais. pas me blesser, pas me briser le coeur, pas presque me faire pleurer, mais m'embrasser, ça oui, tu le voulais. assume au moins ça bérénice, putain assume. je renifle encore, continue d'essuyer mes yeux vivement, passe mes doigts dans mes cheveux, pour essayer de me calmer. j'ai besoin, j'ai terriblement besoin d'une clope, là, tout de suite, maintenant. j'en rêve et j'en crève. - pas maintenant béré, s'te plait, pas ce soir.. de toute façon, à quoi ça aurait servi de t'en parler? à rien, absolument rien. à part peut-être tout ruiner un peu plus tôt encore, et te faire souffrir toi, au passage. autant être le seul à souffrir, de nous deux. c'est un peu moins terrible. - si tu pars pas, c'est moi qui pars.. je murmure. je souffre trop pour rester face à toi, ce soir. j'voudrais juste attendre de m'en remettre pour pouvoir te regarder.