axten&noah ◊ hello again, old friend

Un soupir filant entre mes lèvres, je me redressais pour analyser le travail que je venais d'accomplir. Après mes heures au bureau, je me rendais chez mes parents afin de les aider dans l'entretien de leur maison. En ce moment, je refaisais la peinture extérieure. Ce n'était pas que la demeure en avait forcément besoin, mais mes géniteurs désiraient la rafraîchir. Et ce n'était pas comme si ça me dérangeait de le faire, après tout, ils s'étaient toujours montrés présents pour moi, je pouvais bien leur rendre la pareille en rendant ce genre de petit service. Surtout que je le réalisais de bon cœur. J'attrapais un chiffon et entreprenais la tâche de me nettoyer les mains. J'avais mis un peu de peinture sur mon vieux jean, dont les genoux avaient pris une teinte verdâtre avec l'appui que j'avais exercé sur le gazon du jardin. Je refermais le galon de peinture et rangeais le tout dans le garage. Désormais, il ne fallait qu'attendre que cela sèche, ce qui ne tarderait pas énormément, vu la brise qui avait soufflé sur Bowen depuis le début d'après-midi.

Je marchais le long de la palissade, afin de m'orienter vers ma voiture pour rentrer chez moi, lorsqu'une silhouette attira mon attention. Il s'agissait d'Axten, l'homme qui avait plus ou moins toujours fait partie de ma vie. Il résidait en face de chez mes parents, donc je l'avais connu depuis ma jeunesse. Et puis, sans lui, je ne serais certainement pas de ce monde. C'était lui qui n'avait pas hésité à sauter dans l'océan pour me sauver d'une noyade certaine lorsque d'autres se contentaient de regarder ou de s'horrifier - on a pas tous l'âme d'un sauveteur. Cette expérience m'avait littéralement traumatisé, encore aujourd'hui, je ne pouvais pas entrer dans des eaux très profondes. Cependant, depuis ce jour, j'avais porté un regard admirateur et respectueux envers Axten. Lorsque j'avais appris qu'il était gravement malade, ça m'avait bien touché, surtout qu'il était père d'une petite fille et était marié. Il constituait le genre d'individu qui ne méritait pas ça à mes yeux. Et lorsqu'il m'apprit dans la confidence qu'il partirait de Bowen quelques temps, cela ne m'avait pas prit longtemps pour comprendre ses raisons - et les respecter, comme de conserver son secret. Ça avait été sans nul doute une décision ardue pour lui à prendre, mais il l'avait fait pour protéger sa famille, pour ses proches, et pour lui-même aussi. C'était admirable, d'une certaine façon, bien qu'une majorité de personnes ne comprenait toujours pas pourquoi il avait pu mettre les voiles, le voyant plus comme un lâche que celui qui agit pour le bien des siens. Je m'orientais vers sa demeure, interpellant alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui : « Hey, Axten ! » On ne s'était pas parlé depuis son retour. Je franchissais les quelques mètres qui nous séparaient, avant de questionner doucement : « Alors, comment ça va ? »

Sortant de sa voiture qu'il avait garé sur le côté de la maison, un sourire se dessinait sur ses lèvres alors qu'Axten apercevait sa fille dans la fenêtre du salon, qui l'attendait toute souriante. Il revenait de la caserne, où il était allé remplir des formulaires et de la paperasse administrative. Axten avait reprit le boulot depuis peu, mais sa condition exigeait qu'il demeure prudent et peu utilisé, ce qui heurtait légèrement son orgueil, mais puisqu'il n'avait plus rien à perdre, il s'était remis à sa passion, son travail: sauver des vies. Le trentenaire avait toujours habité le quartier, plus jeune, la maison familiale se trouvait un peu plus loin sur la rue. C'était un quartier paisible où des nombreuses familles vivaient en harmonie, il n'aurait pas pu souhaiter mieux pour élever sa fille. Aujourd'hui, la maison se situait dans une extrémité de la rue qui n'était autrefois pas encore développée. Les gens qui y avaient emménager étaient tous de bonne compagnie, dont une partie de la famille Ruthowski. C'était une grande famille et Axten n'en connaissait pas tous les membres, à l'exception de Noah. Cela faisait des années, à présent, qu'ils se cotôyaient et malgré la décennie qui les séparait, l'homme ne cessait de l'apprécier davantage. Alors qu'il s'apprêtait à entrer, on l'interpella. Axten tourna la tête et regarda derrière lui. En parlant du loup, c'était Noah qui s'approchait tranquillement. «Hey Noah, ça fait un bail!» dit-il en lui faisant une accolade. Les deux jeunes hommes ne s'étaient pas vus depuis son retour à Bowen et pourtant, rien n'avait changé. «Alors, comment ça va ?» Axten avait prit l'habitude de répondre rapidement à cette question, qui prenait toujours un tout autre sens pour lui, mais le tout de bonne foi. «Ça va et toi? T'es tombé dans le pot de peinture dis donc?» répondit Axten en riant.

A mon appel, Axten se retournait, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Nous nous saluâmes avec une accolade, comme si cela n'avait pas fait plusieurs mois que nous ne nous étions pas revus. Ça avait toujours été comme cela, avec le lieutenant pompier. Ma réflexion était probablement enfantine, car dans ma tête, je le connais vraiment depuis que je suis un gamin, mais j'ai toujours considéré Axten comme une ancre à ma vie. Un individu solide, un étendard toujours hissé sur des valeurs, des souvenirs, des actes. Une décennie d'âge nous séparait, et j'avais toujours entretenu un respect infaillible envers ce voisin, accompagné d'une amitié sincère.

Un rire fila entre mes lèvres tandis que je l'entendis me demander si j'étais tombé dans le pot de peinture. Je jetais un coup d’œil à ma tenue. Il était vrai que travailler proprement n'était pas spécialement mon fort, surtout quand il s'agissait de peindre. « Ouais... Ouais, ça va. » Une réponse automatique, bien que mon regard en disait certainement plus long. En réalité, ça n'allait pas tant que ça. Physiquement, ma santé en avait pris un coup cette année, et mentalement, ça avait été le plus dur. Mais qui étais-je pour parler ? Face à Axten, mes propres étaient bien dérisoires. Et même, j'avais beaucoup trop d'estime envers lui pour m'étendre sur mes soucis. Surtout que par orgueil, sans doute, j'étais persuadé que je parviendrai à les résoudre moi-même, sans l'aide de personne. « Tu connais mes parents. Il faut toujours que tout soit impeccable. Je profite de mon congé pour leur faire ça. » Je lui adressais un fin sourire, mais des interrogations germaient déjà dans mon esprit. Peu avant qu'il disparaisse aux yeux de tous, Axten m'avait expliqué qu'il partirait, ainsi que ses motifs. Je lui avais promis de ne rien répéter, et j'avais respecté son choix, bien entendu. Aujourd'hui, je demeurais toujours discret, honorant mon engagement envers lui avec force, bien que le pompier était de retour à Bowen. Cependant, j'étais curieux de savoir comment il allait, comment ça s'était passé, bien que la seule question que je m'autorisais à formuler fut : « Tu es revenu depuis quand ? »

Noah échappa un rire, alors qu'il tenta de convaincre Axten, ou de se convaincre lui-même, que ça allait. Cette réponse suscita sa curiosité, à savoir ce que son ami pouvait bien vivre. En même temps, Axten ne doutait pas une seconde que Noah lui en parlerait lorsqu'il serait prêt, et s'il en ressentait le besoin surtout. C'était un jeune homme bien entouré et le pompier ne craignait rien pour lui. Il avait dû avoir une journée bien chargée, à voir la peinture sur ses vêtements. «Tu connais mes parents. Il faut toujours que tout soit impeccable. Je profite de mon congé pour leur faire ça.» Les deux jeunes hommes échangèrent des sourires, Axten se remémorant parfaitement quel genre de personnes étaient Monsieur et Madame Ruthowski. Des gens bien aimables, qui aimaient que les choses soient bien faites. Noah et lui partageaient cela, ses parents ayant aussi le souci du détail et de la qualité. Axten avait hérité de ce trait de personnalité, puisqu'à ses yeux, il valait mieux prendre son temps et bien faire les choses plutôt que de s'empresser et de devoir recommencer. Il rit doucement, avant de lui répondre: «Ça oui! Comment vont-ils d'ailleurs? Il y a longtemps que je ne les ai pas croisés au supermarché.» En même temps, il n'avait pas été très présent au cours de la dernière année et depuis qu'il était revenu, Axten avait consacré presque tout son temps à sa fille, et à Charlize. Sa vie reprenait peu à peu un semblant de normalité, puisqu'elle ne serait jamais normale et elle ne serait jamais plus que cela. Mais il était ici, à présent, bien vivant malgré tout et la vie continuait d'avancer. «Tu es revenu depuis quand ?» Axten fronça les sourcils, réfléchissant au temps qui avait passé. Il avait un peu perdu le compte, à la longue. «J'ai envie de te dire quelques mois? Je ne me souviens plus exactement, à vrai dire...» Même s'il avait repris les rênes de sa vie, il n'en demeurait pas moins que les symptômes de la maladie étaient toujours présents et les pertes de mémoire en faisaient partie. Ce qu'Axten craignait le plus c'était d'oublier des moments importants de sa vie, de sa femme ou pire, de sa fille.