parait qu'tu vis là -r.

L'adresse avait été assez facile à trouver, une jolie maison, tu te demandais même comment elle arrivait à se payer ça alors que toi tu partageais un appartement. Certes c'était confortable et le fait de ne pas vivre seul te plaisait pas mal. Tu avais adopté ça que depuis le mois de juin, te demandant parfois pourquoi tu n'avais pas pris un colocataire plus tôt avant. Quoiqu'il en soit, tu poussais le bouton de la sonnette, prenant soin de cacher le judas pour garder tout l'effet de surprise au moment où la porte s'ouvrirait. « Ciao Sorella ! » prononçais-tu en un italien presque parfait. Ça faisait un moment que tu ne pratiquais plus. Avec le temps tu avais un peu mis ton accent de côté mais pour la prononciation, ça allait encore, ce n'était pas si terrible. Son visage s'illuminait d'un grand sourire et tu l'attrapais contre toi pour la serrer dans tes bras. Elle t'avait manqué pendant ces derniers mois. Chaque fois qu'elle venait te rendre visite tu râlais parce qu'elle était un peu collante, mais c'était sa soeur et même si elle ignorait tout de la situation familial en ce qui te concernait, tu étais triste à chaque fois qu'elle repartait. Alors aujourd'hui, c'est toi qui serait le pot de colle. « T'es à Bowen et tu débarques même pas chez ton grand frère ? » Tu fronçais un peu les sourcils pour te donner un air sévère mais tu avais déjà un grand sourire qui pointait le bout de son nez tellement tu étais content de la voir. Ca faisait déjà quelques mois que tu n'avais pas donné de nouvelle. Ton frère avait déjà pris son billet il y a cinq mois de cela pour te rejoindre. Et maintenant elle. Tu avais l'impression de respirer à nouveau. La vie à Bowen c'était bien, mais tu t'étais souvent senti seul. Maintenant que le gang Baratti était là, c'était comme un renouveau. « Tu m'invites à entrer ou j'vais rester sur le perron ? » demandais-tu en rigolant. Pas que c'était gênant, mais tu avais quand même le sentiment d'être un étranger alors que c'était ta soeur et qu'elle avait sûrement des questions à te poser, comme savoir comment tu avais su son adresse. La réponse n'était pas bien compliqué non plus si on prenait le temps de se poser plus de deux secondes.

Sa réaction avait été assez parlante. Elle t'avait sauté au coup, super heureuse de te revoir. Tu aurais aimé que ça se fasse plus tôt mais le plus important dans tout ça c'était que tu te trouvais là à présent. Elle t'invitait à entrer sans plus attendre, s'excusant de ne pas être venue dès son arrivée dans la ville. Tu ne lui en voulais pas, bien au contraire, tu te doutais bien qu'elle avait eu affaire avec son emménagement et que vous n'étiez plus à quelques jours prêts maintenant.  « C'est mon petit doigt qui me l'a dit. » Tu esquissais un grand sourire. Ton petit doigt n'était autre que votre petit frère qui lui avait été tuyauté par votre mère. Pas très difficile de ne pas le savoir. Après lui t'avait rejoins il y a cinq mois de ça pour te soutenir et aussi parce qu'il s'était disputé avec le Padre Baratti. Ce qui ne t'étonnait guère au fond. Mais la venue de Bessie à Bowen était une surprise de taille. « Je suis ton second, ordonne et je m'exécute ! » déclarais-tu en te mettant au garde à vous. Tu attrapais le tablier qui traînait sur la table pour l'enfiler avant de prendre un couteau. Enfin c'est ce que tu aurais aimé faire du premier coup mais tu t'étais retrouvé à fouiller tous les placards et tiroirs de sa cuisine avant de trouver le bon. C'était bien beau de connaître son adresse, mais tu ne connaissais pas sa maison. D'ailleurs tu te demandais même si elle vivait là seule, parce que ça paraissait immense pour une personne seule. « Le travail va bien. » ajoutais-tu doucement en coupant une tomate. Tu te concentrais sur ton découpage, faisant un travail minutieux, comme lorsque tu travaillais à la boutique. Ton sens du travail bien fait, cette manie de vouloir que tout soit carré ne te quittait plus depuis plus d'un an maintenant. Mais une fois le travail achevé, tu te sentais faire de toi. « Et toi, pourquoi tu t'es installée à Bowen ? » En revenir au coeur du sujet. Sa présence à Bowen, pas que tu n'étais pas ravi, mais tu te posais des questions. S'était-elle aussi disputé avec la famille ? Parce que ça, votre frère n'en avait pas fait mention et tu espérais que ce ne soit pas le cas.

« Mais on te boude pas tu sais, c'est juste que c'est compliqué. » Tu haussais doucement les épaules sans savoir comment lui expliquer les choses. Lorsque ton frère avait débarqué en ville, tu avais comme arrêté de donner des nouvelles à Bessie et à ta mère parce qu'une partie de ta famille était là et qu'en plus elle te supportait. Tu savais ce qu'il avait dit et ce qu'il avait fait pour toi et ça te dérangeait puisque toi-même tu refoulais ce que tu étais. « Ça t'intrigue n'est-ce pas ? » Tu arquais un sourcil, laissant un microscopique sourire se dessiner sur ton visage. Il disparu aussi vite qu'il était venu. Tu n'aimais toujours pas sourire mais là c'était différent, tu étais avec Bessie, tu n'avais pas besoin de ta carapace. « Je suis le taxidermiste de la ville et figure-toi que ça marche du tonnerre ! » En particulier parce que tu avais le club des chasseurs dans la poche mais au moins ça faisait tourner ton affaire et ça c'était le plus important. Elle te donnait un coup de bassin et tu te laissais glisser pour lui donner la place de faire ce qu'elle voulait, coupant les légumes qu'elle te donnait. « Tu aurais pu aller partout ailleurs pour vivre de tes propres ailes, tu sais. » Pourtant c'était Bowen qu'elle avait choisi. Pour toi et ton frère. Parce que vous lui manquiez trop et qu'elle avait besoin de vous voir, de vous parler comme avant. Tu n'avais pas vraiment cherché à couper les ponts avec elle, mais tu avais juste voulu calmer le jeu en te passant pour mort au moins pour quelques mois. « J'aimerais vraiment éviter de mettre ce sujet sur la table. » Ce n'était pas tant la dispute avec ton père qui te gênait, elle n'était pas justifiée en soit mais ça pouvait arriver. Ce qui te gênait c'était la raison. Tu ne voulais pas à lui dire pourquoi ça en été arrivé là. Elle était sûrement plus ouverte d'esprit que votre paternel, comme l'était votre frère mais tu n'étais vraiment pas prêt à te lancer dans ce sujet, pas ce soir en tout cas. Tu savais qu'il faudrait y faire face un jour ou l'autre mais tant que tu pouvais reculer l’échéance, tu le ferais.

Tu t'approchais d'elle pour lui déposer un baiser sur la joue, tu n'aimais pas qu'elle soit en colère contre toi, contre vous. Certes, tu l'avais mis de côté parce que tu ne voulais pas qu'elle sache, tu ne voulais pas qu'elle te juge, qu'elle te condamne comme ton père l'avait fait. C'était idiot de te dire qu'elle était comme lui, mais tu ne pouvais pas te retirer cette idée de la tête. Tu ignorais déjà comment ton frère avait fait pour savoir, vous n'en aviez jamais parlé. Il était là pour toi, c'était tout. « J'avais besoin de changement. » Pas que tu n'aimais plus le droit, mais les affaires que tu avais eu à traiter pendant ta première année à Bowen avait fait que tu t'étais lassé. Tu n'avais plus la même passion pour ce métier. Peut-être que tu n'avais jamais été destiné à être avocat, quoiqu'il en soit, tu étais bien plus heureux maintenant. « C'est vrai. » Tu t'étais pincé les lèvres en l'écoutant, tu n'aimais pas la savoir aussi triste, tu n'aimais pas savoir qu'elle était autant tiraillée par toute cette histoire. Que tout ça était uniquement ta faute parce que tu te sentais incapable de lui dire la vérité, aussi simple qu'elle pouvait être. « C'était la belle époque, les seuls fois où tu pouvais me contrôler. » Tu riais doucement en y repensant. Pendant longtemps tu avais été plus petit que Bessie, jusqu'à ta poussé de croissance. Elle avait toujours eu un certain avantage sur toi quand vous étiez enfants et elle en profitait bien par moment. Mais c'était une époque joyeuse, une époque où tu ne te souciais de rien. « J'en suis incapable Bessie.. » L'entendre te dire qu'elle t'aimait et que rien ne pourrait changer ça te pinçait le coeur parce que tu la croyais, elle n'était pas du genre à dire ça en l'air. Pourtant, les mots étaient coincés dans ta gorge, tu n'étais pas capable de lui dire ce qui n'allait pas. « Je suis heureux que tu reprennes le flambeau, tu vas être au top ! » La nouvelle te faisait plaisir. Une Baratti au pouvoir, en voilà une bonne nouvelle. D'autant plus que tu l'avais déjà vu se préparer pour une affaire, elle était professionnelle, stricte et ne laissait rien passer. Elle avait l'oeil, la stratégie et la douceur qui ferait d'elle une super avocate.

Il avait fallu qu'elle fasse sa place. Ça allait encore parce qu'elle était la seconde de la fratrie, elle avait à prouver des choses parce que c'était une fille et que dans les familles italiennes, les femmes sont là pour gérer la famille et non pour avoir une carrière mais Bessie avait su tenir tête à votre père et à avoir raison. Sûrement parce qu'elle avait une tête d'ange à qui on ne pouvait rien refuser. Et pourtant, tu continuais de lui refuser la vérité. Tu lui dirais, un jour ou l'autre, tu finirais par le faire parce que ce secret allait te ronger toute ta vie mais pas maintenant. Maintenant elle venait juste de revenir dans ta vie et tu ne voulais pas parler de ça. « Et même un peu plus ! » Parce que même si elle vivait là depuis quelques mois, ça faisait plus de temps que vous ne vous étiez pas vu. Elle avait eu ses études, toi tu avais eu ton boulot, ton lancement de carrière en tant que taxidermiste et tu avais peut-être essayé de l'éviter un peu. « J'ai arrêté de vivre seul, je suis dans une colocation maintenant. » C'était une nouvelle chose pour toi, tu avais commencé l'expérience le mois dernier et tu devais avouer que ça ne te déplaisait pas. C'était différent, tu avais l'impression d'être moins solitaire. Et puis le fait de vivre avec Callie rendait les choses plus joyeuses. Il y avait une touche de gaieté dans votre appartement. « Et détail important, je vis avec un fille. Elle s'appelle Callie, elle est un peu plus jeune que moi, elle travaille comme infirmière et avant même  que tu ne poses la question, il n'y a rien entre elle et moi parce qu'elle est engagée dans une relation. » Engagée était un grand mot, elle commençait à peine à fréquenter ce Jake, mais cela faisait plusieurs fois qu'elle le voyait alors tu pouvais bien penser que ça mènerait à quelque chose de plus sérieux dans l'avenir. Et puis tu n'arrivais pas à imaginer Callie autrement que comme une amie à présent. Elle était gentille et tu t'entendais bien avec elle. Même si vous passiez peu de temps ensemble à cause de vos emplois du temps décalés. « Et côté cœur, je suis en couple avec Charley, une amie de longue date. » Tu haussais doucement les épaules, tendant ton verre pour qu'elle te serve aussi un verre de vin, tu allais en avoir besoin, surtout maintenant que tu lui avais dit pour Charley. « Et toi, as-tu craqué pour un beau surfer australien ? » Mais tu essayais tout de même de détourner la conversation sur elle. Peut-être que ça pourrait marcher.